À ce point de vue, la théorie de Fourier devait apparaître aux yeux de ses contemporains, à ceux de Fourier lui-même, comme imparfaite et provisoire.
On y trouve, à l’état d’ébauche et de solutions entrevues, bon nombre d’explications que les contemporains ont données d’une manière plus claire et plus complète.
Lui-même, si peu de place qu’il tienne dans la littérature contemporaine, il a été plus d’une fois l’objet de ces méprises de la critique.
Ses contemporains en sentoient tout le prix, eux qui en avoient la clef, & qui ne perdoient rien de la finesse des applications.
Il prit le vent & l’enflure pour de la verve ; & ses contemporains se trompèrent également.
Il faudra même que l’on s’y reporte : premièrement, parce qu’on ne saurait négliger ces sources sans s’exposer à faire des découvertes qui n’en seraient pas ; et puis, parce que les jugements mêmes que les contemporains et ceux qui les ont suivis ont portés sur les œuvres de nos écrivains se sont comme incorporés à l’idée que nous nous formons d’elles.
On peut mettre en quelque façon Teniers au nombre des peintres dont je parle, quoiqu’il fût né en Brabant, parce que son génie l’a déterminé à travailler plûtôt dans le goût des peintres hollandois que dans le goût de Rubens et de Vandick ses compatriotes, et même ses contemporains.
Toutefois il est bon qu’il reste quelques expressions de toutes ces terreurs contemporaines.
Il a eu ses raisons sans doute, mais, quel qu’ait été son dessein, il a glissé sur la pente où la pensée contemporaine glisse encore et continue de s’égarer… La question de la Renaissance, — cette question qui est partout à cette heure, dans l’enseignement, dans l’art, dans la philosophie et dans les mœurs, — la question de la Renaissance est au fond de son livre ; elle y sommeille, mais elle y est.
Nulle révolution, en effet, n’est encore sortie de ces dîners, vaillamment fondés dans un but d’excitation à la révolte contre la bêtise contemporaine, et pour ressusciter, dans sa jolie gloire, ce qu’on appelait autrefois l’esprit français.
Le voltairianisme contemporain [Le Réveil, 31 juillet 1858.]
Fidèle au plan que s’est tracé l’Auteur des Œuvres et des Hommes (voir la Préface générale de l’ouvrage), il ne peut publier dans un seul volume que la première série des Romanciers contemporains, mais on y verra déjà très-clairement ce que Dieu donne pour remplacer un grand homme tombé !
Ils se désolent de ne pas voir, en place des contemporains que nous a nécessairement créés notre civilisation, soit un Turc dans son harem (rêve de Gautier), soit un grand seigneur anglais dans ses terres (rêve de Taine), soit un savant revêtu des pouvoirs et privilèges qu’eurent jadis les princes de l’Eglise (rêve de Renan).
Oύκ ἄνευ θεῶν, avait dit le poëte thébain, bien qu’il ne racontât point lui-même le reste du prodige, que croyaient ses contemporains.
La scène où Arnolphe soupire et se tord aux pieds d’Agnès a particulièrement déconcerté les contemporains. […] …) Nos contemporains n’ont presque jamais eu le courage d’en faire. […] Qu’il ait pu, sur ces deux points, faire illusion à ses contemporains et à la postérité, c’est une autre affaire. […] ) et il me paraît quelquefois prendre le théâtre pour autre chose que ce qu’il est forcément dans la vie contemporaine. […] Un des bouffons privilégiés qui n’ont qu’à se montrer pour réjouir les âmes de leurs contemporains.
Cette ère se serait même prolongée jusque dans l’époque contemporaine, feu des vestales, lampe perpétuelle des chrétiens. […] Ces objets, contemporains du silex poli, en sont une imitation servile. […] La constance de son génie inventif est figurée par cinq ou six grands faits préhistoriques, historiques et contemporains. […] Bien des écrivains, bien des artistes ont été accusés de folie par leurs contemporains, et cependant, dit M. […] Frazer, contemporain de celui de M.
Un tel esprit, contemporain de tous les siècles, concitoyen de tous les poètes et de tous les savants, n’est étranger dans aucun pays de gloire. […] Il y a un motif favori dans la littérature contemporaine, sur lequel tous les auteurs de haut ou de bas étage jouent aujourd’hui leurs variations ; et ce motif c’est la pitié. […] Pour moi il s’y mêle un peu trop de peur et trop d’affectation, à notre compassion contemporaine. […] Mais je le possède dans ses livres et dans son influence sur la société contemporaine. […] La Jeunesse contemporaine et le général Boulanger, Maurice Barrès.
L’humanité contemporaine fait des expériences qui ont une grandeur et une nouveauté de pathétique d’où devraient jaillir des chefs-d’œuvre. […] Les poètes du XVIIe siècle, qu’est-ce qu’attendaient d’eux leurs contemporains ? […] De là les grands thèmes poétiques du romantisme, et cette position, nouvelle en France, du poète parmi ses contemporains, cette extraordinaire mise en vue de sa personnalité. […] Que font-ils quand ils ont mis la main sur quelqu’une de ces vénérables perles mélodiques et qu’ils se proposent d’en donner l’enchantement à leurs contemporains ? […] Et, d’autre part, pourriez-vous trouver un lien entre cette inspiration et la sensibilité contemporaine ?
L’histoire de la littérature française pendant la Restauration offre donc un double intérêt, soit qu’on l’envisage purement et simplement comme l’expression de l’esprit français pendant cette période, soit qu’on y cherche en partie l’explication des événements contemporains. […] Cela est vrai ; nos contemporains sont doublement nos compatriotes, et de là viennent sans doute ces rapports secrets de physionomie que nous trouvons dans les portraits des hommes d’une même génération, et ce type général qu’ils conservent sous la diversité de leurs traits. […] C’est ainsi qu’elle devint, plus que dans tous les autres temps, un cours de principes littéraires, philosophiques, moraux et religieux, appliqué à une foule d’écrits anciens, modernes, contemporains, français et étrangers. […] La plupart de ces travaux étaient presque contemporains des grands travaux publiés par Joseph de Maistre, Bonald et Chateaubriand. […] Cet enseignement produisit un effet dont les contemporains ont conservé le souvenir. « On vit se réunir au pied de la chaire de M.
J’ai beau lire les témoignages des contemporains et même ceux des modernes, me répéter qu’en son temps il fut le prince des poëtes, que son Épître d’Héloïse à Abeilard fut accueillie par un cri d’enthousiasme, qu’on n’imaginait point alors une plus belle expression de la passion vraie, qu’aujourd’hui encore on l’apprend par cœur comme le récit de Théramène, que Johnson, ce grand juge littéraire, l’a rangée parmi « les plus heureuses productions de l’esprit humain », que lord Byron lui-même l’a préférée à l’ode célèbre de Sapho. […] Pope à écrit la Boucle de cheveux enlevée et la Sottisiade ; ses contemporains s’extasièrent sur la grâce de son badinage comme sur la justesse de sa moquerie, et jugèrent qu’il avait surpassé le Lutrin et les Satires de Boileau. […] Comme lui, il combattait la frivolité contemporaine et mettait en regard les anciennes républiques, « dont les désirs héroïques planaient si fort au-dessus de la petite sphère égoïste de notre vie sceptique. » Comme lui, il louait le sérieux, le patriotisme, la liberté, la vertu, s’élevait du spectacle de la nature à la contemplation de Dieu et montrait à l’homme par-delà le tombeau les perspectives de la vie immortelle. […] Young et ses contemporains disent d’avance ce que découvriront M. de Chateaubriand et M. de Lamartine.
. — Heureux si j’ai le temps d’accomplir cet austère monument spirituel sans faillir, d’autre part, au devoir d’achever l’œuvre poétique dès longtemps rêvée, promise… Le titre de la présente publication en dit l’esprit essentiel : il affirme ce sens religieux, ou idéaliste, ou mystique — ainsi qu’il vous est loisible de choisir — de l’Art à toutes ses époques de vitalité vraie : d’où vous conclurez que la poésie contemporaine a reconquis tous droits à la gloire depuis qu’elle s’est relevée jusqu’au rêve de l’infini. […] Pourtant la poésie n’est point morte : le poète, en tant qu’artiste personnel, est peut-être le contemporain du critique. […] Toutefois, entre les mythes antiques et l’élégie contemporaine, interviennent les fables humaines, les grandes rêveries de philosophie lyrique, inventées et chantées par l’esprit moderne naissant, au lendemain crépusculaire du moyen âge. […] Je connais même plus d’un excellent esprit, dans la littérature contemporaine, qui professe une admiration passionnée pour l’art de ces instants crépusculaires où les civilisations mourantes, lourdes d’œuvres mais épuisées de sève, donnent leurs derniers efforts à des pensées compliquées ou singulières, à des sentiments profonds et sans naïveté.
Avec une extrême clairvoyance raisonnée, il note les défauts de la musique contemporaine ; et la musique logique, la musique de l’avenir, lui apparaît bientôt, par la critique même des œuvres actuelles. […] Ce plan enfin est réalisé à son tour ; mais Wagner sent alors que ses contemporains, n’ayant pas comme lui réfléchi sur l’œuvre d’art, ne peuvent guère, même en son théâtre, comprendre pleinement son œuvre. […] La Revue Contemporaine (25 mars) : Camille Benoit. […] La musique de la Passion, par exemple, reflète les sentiments les plus profonds de l’âme ; n’évoque-t-elle pas en même temps des visions d’un ordre supérieur à tout ce que peut nous donner le théâtre contemporain, ce théâtre qui a pour but principal la distraction ?
Une seconde remarque à faire, c’est que les auteurs contemporains sont toujours jugés de leur temps, et que la vérité sur eux est connue et se dit, si elle ne s’écrit pas. […] Toutefois, le bon sens y est ; dès qu’un certain nombre d’hommes sont en présence, il est toujours quelque part, grâce à la diversité et à la contrariété des natures ; et si, plus tard, la postérité croit trouver la première les jugements justes et se flatte en quelque sorte de les inventer, c’est qu’elle n’a pas été informée des contradictions et protestations contemporaines : mais, après tout, les hommes qui se voient de près ne sont pas tous dupes ou enthousiastes, ils se connaissent et se jugent ou tout haut ou tout bas, mais aussi bien qu’on le fera jamais.
L’histoire, où il excellait aussi, et où il se montrait supérieur quand elle était contemporaine ou presque contemporaine, ne le conviait pas moins à devenir un auteur célèbre dans le sens le plus respectable du mot, le peintre de son siècle et du siècle précédent.
Tous les contemporains s’accordent à dire qu’elle était fort belle, et cette beauté, bien que de celles qu’on appelle délicates, se soutint longtemps. […] c’est dans ce parc que le jeune prince de Conti a tué son précepteur d’un coup de pistolet, le Père du Cerceau. » Le Père du Cerceau périt, en effet, de mort très-subite (disent les discrets et prudents contemporains), à Véretz, dans la maison du duc d’Aiguillon où il était allé en compagnie de la duchesse de Conti.
Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur. […] Y voir plus serait trop et pourrait véritablement étonner les contemporains s’ils revenaient au monde ; mais on n’y saurait voir moins sans injustice. — Le terrible moment, le moment de régner arrive ; quoique bien prévu, il la surprit, il l’étonna et la remplit presque d’épouvante.
Tous les contemporains sont d’accord pour caractériser la conversation de l’abbe Raynal : elle manquait essentiellement de charme. […] Il est mieux de passer sans transition d’un récit à l’autre ; ce sont des changements à vue, et le lecteur y reçoit presque la même impression au vif qu’un témoin et un contemporain : « Il m’écrivit de Berlin, nous dit Malouet, qu’il avait grande envie de passer du nord de l’Allemagne au midi de la France, et que probablement il viendrait à Toulon, où il arriva un mois après.
Ce qui est certain, c’est que la Correspondance de La Mennais lui-même, contemporaine des choses de sa jeunesse, n’a pas cette vivacité de teinte ; elle s’offre à nous assez terne et sans aucun charme. […] Quand je considère cette disposition toujours croissante à une mélancolie aride et sombre, l’avenir m’effraye ; de quelque côté que je tourne les yeux, je ne vois qu’un horizon menaçant ; de noires et pesantes nuées s’en détachent de temps en temps et dévastent tout sur leur passage ; il n’y a plus pour moi d’autre saison que la saison des tempêtes… » Ici se trahit le contemporain et le compatriote de René ; et quand je parle de René et d’Oberman à propos de La Mennais, ce ne sont pas des influences qui se croisent ni des reflets qui lui arrivent de droite ou de gauche : c’est une sensibilité du même ordre qui se développe sur son propre fond, mais qui hésite encore, qui se cherche et n’a pas trouvé son accent ; c’est un autre puissant malade, enfant du siècle, qui, dans la crise qu’il traverse et avant de s’en dégager, accuse quelques-uns des mêmes symptômes et rencontre, pour les rendre, quelques expressions flottantes dans l’air et qui se font écho.
Nous avons peu pratiqué Calderon ; mais nous en avons assez entrevu pour ne jamais rapprocher ce grand dramatiste catholique, presque canonisé par les Schlegel, du talent fort médiocrement spiritualiste de notre énergique et sobre contemporain. […] Mérimée, et pour mieux distinguer un talent contemporain qu’on n’a pas eu encore l’occasion d’analyser avec plus de détail, on citera ici un passage du Globe (janvier 1831) ; il y faut faire la part de la phraséologie légèrement saint-simonienne : « En relisant le Théâtre de Clara Gazul, toutes les autres productions de l’auteur me sont revenues à l’esprit, et je me suis confirmé dans l’idée que c’était l’un des artistes les plus originaux et les plus caractéristiques de cette époque souverainement individuelle.
De la nature, le jeune magistrat tenait une certaine sensualité que les mœurs contemporaines développèrent en polissonnerie intellectuelle. […] Sorel, peint la République et la Monarchie comme Molière a peint l’Avare et le Misanthrope. » Il y trouve des avantages : d’abord il utilisait ainsi l’histoire selon son goût et selon le goût de ses contemporains.
» Mais que sont ces impressions fugitives, ces brèves effusions éparses, auprès de l’enthousiasme continu et de l’immense amour qui possède l’âme entière de quelques-uns de nos contemporains C’est, dit-on, le même sentiment ; ce n’est qu’une différence de degré. […] (Les Contemporains, 1ère série.)
Oserons-nous maintenant demander si notre vie a droit à ces épithètes, alors qu’il n’y a pas d’exemple d’une conduite plus personnelle que celle de nos contemporains ? […] Lagneau, certains économistes conseillent d’insuffler quelques sangs étrangers dans nos veines appauvries, d’autres cosmopolites convaincus promettent, par la transfusion du théâtre exotique, la convalescence du nôtre : le malheur est qu’on ne veut pas comprendre les traductions, et que les adaptations ne servent à rien. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par l’individualisme contemporain se réalise aussi juste.
Il vit juste ; car il vit la solution suprême des problèmes de la politique contemporaine dans la liberté, non dans cette collision puérile où chacun invoque à son profit un principe dont il est bien décidé à ne pas faire profiter les autres, mais dans la vraie liberté, égale pour tous, fondée sur la notion de la neutralité de l’État en fait de choses spéculatives. […] Déjà, du sein de la vie individuelle, il est permis de s’associer à cet avenir, de travailler à le préparer, de devenir ainsi, par la pensée et par le cœur, membre de la société éternelle, et de trouver en cette association profonde, malgré les anarchies contemporaines et les découragements, la foi qui soutient, l’ardeur qui vivifie, et l’intime satisfaction de se confondre sciemment avec cette grande existence, satisfaction qui est le terme de la béatitude humaine. » Votre dévouement absolu à la science vous donnait le droit, Monsieur, de succéder à un tel homme et de rappeler ici cette grande et sainte mémoire.
Mais d’autres animaux, contemporains de l’homme, étaient survenus : les uns, d’une construction presque aussi massive ; les autres, cent fois plus redoutables, ne se repaissant que d’êtres vivants, au lieu de brouter l’herbe et l’algue. […] Ces Titans, contemporains de la création, aînés de la nature dont ils représentaient les forces abruptes, étaient, même avant leur combat suprême, en querelle constante avec Zeus.
Les contemporains de Mlle de Lespinasse, ses amis les plus proches et les mieux informés, n’y avaient rien compris ; Condorcet, écrivant à Turgot, lui parle souvent d’elle et de ses crises de santé, mais sans rien paraître soupçonner du fond ; ceux qui, comme Marmontel, en avaient deviné quelque chose, se sont trompés tout à côté, et ont pris le change sur la date et l’ordre des sentiments. […] Nous n’en avons pas seulement pour garant Mlle de Lespinasse, mais les moins sujets à s’engouer parmi les contemporains ; l’abbé Galiani, par exemple, qui, apprenant à Naples la mort de M. de Mora, écrivait à Mme d’Épinay (18 juin 1774) : « Je n’ose parler de Mora.
J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté : j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là… » Et il ajoute, car il nous importe dès l’abord de le bien voir : « J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. » Représentons-nous donc Diderot tel qu’il était en effet, selon le témoignage unanime de tous ses contemporains, et non tel que l’ont fait les artistes ses amis, Michel Van Loo et Greuze, qui l’ont plus ou moins manqué, à ce point que la gravure d’après ce dernier le faisait ressembler à Marmontel : « Son front large, découvert et mollement arrondi, portait, nous dit Meister, l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. » On ajoute que Lavater crut y reconnaître des traces d’un caractère timide, peu entreprenant ; et il y a lieu de remarquer en effet qu’avec l’esprit hardi, Diderot avait le ressort de conduite et d’action un peu faible. […] Celui qui n’a connu Diderot que par ses écrits, affirment tous ses contemporains, ne l’a point connu28.
À première vue, il prit la charmante enfant en aversion, l’épousa néanmoins (le 4 février 1766) ; et il faut voir de quel ton il parle d’elle dans ses Mémoires, contrairement à ce que disent tous les contemporains, qui n’ont pour cette douce femme si sacrifiée qu’un concert d’admiration et de louanges. […] … — Ôtez une comparaison recherchée et un peu d’emphase, ce portrait est délicieux, a dit un contemporain.
Il disait un jour de quelqu’un de ses proches : « Un tel n’est point menteur, mais il n’a qu’un défaut, c’est qu’il ne peut dire les choses comme elles sont. » C’est aussi ce qu’il faisait lui-même, on vient de l’entendre ; et c’est de cette façon dramatique, et à travers ce prisme trompeur, que nous sont apparus trop souvent les spectacles de cette orageuse époque, et que la vue de ceux qui n’étaient point contemporains a été surprise et abusée. Mallet n’était point ainsi : il appartenait à l’école historique et morale qui est exacte et sévère, et qui n’entre point dans ces compositions, dans ces mélanges où l’imagination et une fausse sensibilité, sous de beaux prétextes, se mettent au service des peurs, des lâchetés et des intérêts : Les contemporains et la postérité, disait-il en exposant ses principes et sa méthode de rédaction, doivent sans doute juger une Assemblée législative sur ses actes, et non sur ses discours : ils imitent en cela l’histoire et la loi, qui se borne à prononcer sur les actions des hommes.
Mme de Motteville est bien une contemporaine de Corneille, et un peu des romans de cette époque ; elle en a quelque chose dans son langage. […] Ainsi, quand je dis qu’elle était, par le goût, un peu contemporaine de Corneille, on voit dans quel sens il faut l’entendre, et qu’elle y corrigeait l’exagération.
Les premières tragédies d’Arnault, Marius, Lucrèce, Cincinnatus, sont bien les contemporaines de la réforme que David avait introduite dans le style romain, et que Talma, de son côté, transportait au théâtre ; ce genre aujourd’hui nous paraît nu, roide et abstrait ; n’oublions pas qu’il a été relativement simple, et qu’il ne nous arrive, à la lecture, que dépouillé de tout ce qui le personnifiait à la scène et qui l’animait. […] Mais ces critiques, aujourd’hui faciles, ne doivent point fermer les yeux sur les mérites auxquels les contemporains furent sensibles, et Talma, dans le rôle de Montcassin, jouant en face de Mme Vanhove qui faisait Blanche et qu’il aimait réellement lui-même versait et faisait couler de vrais pleurs : Contarini.
Ainsi s’explique la vogue de certains personnages et de certains romans qui, après avoir paru de purs chefs-d’œuvre aux contemporains, — dont ils représentaient, en les outrant peutêtre, les tendances, qualités ou défauts, — semblent par la suite froids, faux même et dépourvus de vie. […] De même, la crudité d’expression qui caractérise l’art contemporain répond à un certain état social caractérisé par l’avènement des connaissances positives où chacun est si fier de ce savoir naissant, qu’il l’étalé, veut le mot le plus tranchant et le plus violent, la définition précise en même temps que la vision brutale des objets44.
Quelques contemporains, entre autres le docteur Symon Forman, se préoccupèrent de Shakespeare au point de noter l’emploi d’une soirée passée à une représentation du Marchand de Venise. […] Il y a sur ce tombeau un petit buste, d’une ressemblance douteuse et d’un art médiocre, mais, ce qui le rend vénérable, contemporain de Shakespeare.
Voici le fait, que plusieurs contemporains ont, comme nous, présent à la mémoire. […] Tout mon souci, disait un poëte contemporain mort récemment, c’est la fumée de mon cigare.
Ces Horizons prochains étaient, comme vous venez de le voir, un recueil de nouvelles d’un ton fort rare, dans la littérature contemporaine, car ce ton était celui d’une mysticité singulièrement émue, mêlée aux réalités extérieures d’une observation très bien faite. […] La beauté humaine cède ici devant la beauté surnaturelle, et on a jugé par le contraste entre une religion qui produit des Saintes comme sainte Thérèse et celle qui ne fait d’une âme, naturellement propre à tout ce qu’il y a de plus grand, rien de plus peut-être que la femme la plus méritante du protestantisme contemporain, et certainement le cœur le plus vaillant qui y ait jamais palpité !
… Le temps a passé depuis ces « Tableaux de la Révolution » qui en peignirent si bien l’affreuse aurore, et qui allumèrent contre elle l’imagination du grand Burke, un des hommes qui l’ont le plus haïe et méprisée, et ces « Tableaux », qui n’ont pas perdu une nuance de leur horrible fraîcheur première, sont restés de l’histoire, — de la définitive, ineffaçable et incorruptible histoire, — quand tout est fini des exaltations et des passions contemporaines d’un journalisme qui n’est plus ! […] Lui qui vivait si fort dans le bouillonnement des faits contemporains, il les a racontés comme s’il avait été à soixante ans d’eux, avec la fermeté dépensée., la possession de soi et la portée de l’homme d’État… Un jour, Napoléon, de la hauteur méprisante de son esprit impérial, découvrit le journaliste dans Tacite, malgré l’immortel préjuge de sa gloire d’historien, Eh bien !
Ces demoiselles de Saint-Cyr, contemporaines de madame de Caylus, sont de vraies lorettes comme on dit ; il semble que Dumas ait détaché un chapitre du livre qu’il publie sous ce titre.
La banalité des éloges contemporains masque trop souvent ces qualifications vraies et décisives que la postérité restitue.
Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer, terrifiés qu’ils sont par la réputation du grand Racine.
Cocheris jusqu’à Mme Damala, en passant par Delobelle et par Chichinette …, vous pouvez être un honnête homme, mais vous êtes à coup sûr un individu bizarre et inquiétant, d’une originalité blessante pour vos contemporains, et sur qui le gouvernement devrait avoir l’œil.
Renan… Je pourrais ajouter que cet homme « fuyant » a eu la vie la plus harmonieuse, la plus soutenue, la plus une qu’on puisse concevoir ; que cet « épicurien » a autant travaillé que Taine ou Michelet ; que ce grand « je m’enfichiste » (car on a osé l’appeler ainsi) est, au Collège de France, l’administrateur le plus actif, le plus énergique et le plus décidé quand il s’agit des intérêts de la haute science ; que, s’il se défie, par crainte de frustrer l’humanité, des injustices où entraînent les « amitiés particulières » il rend pourtant des services, et que jamais il n’en a promis qu’il n’ait rendus ; que sa loyauté n’a jamais été prise en défaut ; que cet Anacréon de la sagesse contemporaine supporte héroïquement la souffrance physique, sans le dire, sans étaler son courage ; que ce sceptique prétendu est ferme comme un stoïcien, et qu’avec tout cela ce grand homme est, dans toute la force et la beauté du terme, un bon homme… Mais je ne sais s’il lui plairait qu’on fît ces révélations, et je m’arrête.
Les amoureux savent trouver les jolies femmes même lorsqu’elles se cachent ; les fervents d’art savent découvrir les bons poètes, si verrouillés et si triplement cadenassés soient-ils, au fond des boîtes des quais, par l’indifférence ou l’hostilité de leurs contemporains.
Contemporain d’Alphonse Allais, demeuré célèbre au quartier latin, durant trois générations d’étudiants, par ses farces funambulesques et sa manie de mystifier les gens.
Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune.
Car on sait avec quelle amertume ses Contemporains lui ont reproché d’avoir dit, avec vérité néanmoins, Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée.
La plupart des Grands, sans en excepter les Princes, semblables à ces arbres nés dans le silence, & accrus à l’ombre des forêts, vivent & meurent sans que leur existence & leur chute fassent une sensation & un vide dans le monde : il n’en est pas de même de l’homme qui a su se rendre utile par ses lumieres ou ses talens ; il est connu par-tout où ses Ouvrages pénetrent ; & plus ou moins honoré de ses Contemporains, selon qu’il s’est montré plus ou moins supérieur dans le genre qu’il a embrassé, il peut se flatter d’exister encore avec honneur dans la mémoire des générations futures.
Dans ses poèmes il mettrait les conseils au temps présent, les esquisses rêveuses de l’avenir ; le reflet, tantôt éblouissant, tantôt sinistre, des événements contemporains ; les panthéons, les tombeaux, les ruines, les souvenirs ; la charité pour les pauvres, la tendresse pour les misérables ; les saisons, le soleil, les champs, la mer, les montagnes ; les coups d’œil furtifs dans le sanctuaire de l’âme où l’on aperçoit sur un autel mystérieux, comme par la porte entr’ouverte d’une chapelle, toutes ces belles urnes d’or, la foi, l’espérance, la poésie, l’amour ; enfin il y mettrait cette profonde peinture du moi qui est peut-être l’œuvre la plus large, la plus générale et la plus universelle qu’un penseur puisse faire.
Ils sont le complément des études critiques que nous avons entreprises sur le matérialisme contemporain, et pourraient avoir leur place dans le livre que nous avons publié sous ce titre, il y a quelques années, et qui a été accueilli avec bienveillance par les esprits de bonne foi dans tous les partis.
Pour Euripide, les meilleurs poëtes dramatiques de la Grece furent ses contemporains, et ce sont leurs pieces, qui probablement ont gagné le prix contre les siennes.
Pierson, empêché par une indisposition. » Hinzelin s’est assuré, dans Vouziers, qu’aucun contemporain n’a oublié le petit garçon qui, à l’école de la ville, exerçait déjà d’une telle manière sa volonté de labeur assidu.
. ; Mlle de Meulan en parle comme l’eût fait une d’entre elles, comme une de leurs contemporaines, un peu tardive. […] Avant d’être mère, elle travaillait, elle écrivait pour soutenir sa mère, mais c’était tout ; elle pouvait douter de l’action de la vérité et de la raison parmi le monde ; elle voyait le mal, le ridicule, la sottise, et n’espérait guére : une fois mère, elle conçut le besoin de croire à l’avenir meilleur, à l’homme perfectible, aux vertus des générations contemporaines de son enfant. […] I, de l’édition de mes Portraits contemporains, 1869.
C’est ainsi que nous fûmes frappé non-seulement au cœur, nous-même, ami, collègue et voisin de campagne, presque contemporain d’années de M. de Marcellus, il y a quelques mois, en recevant le billet de faire-part qui nous convoquait inopinément à ses obsèques, mais frappé à l’esprit ; c’est ainsi qu’en nous interrogeant quelque temps après avec plus de sang-froid sur ce que la France venait de perdre en lui, nous nous répondions : « La France vient de perdre non un orateur, non un poète, non un écrivain de profession, non un savant de métier, mais plus qu’un orateur, plus qu’un poète, plus qu’un écrivain, plus qu’un érudit ; elle vient de perdre un homme de goût ! […] L’un écrivit ses Mémoires d’outre-tombe, qui ne sont que l’écho trop âpre des passions de sa vie, un Saint-Simon personnel, chargeant la postérité de ses petites vengeances ; l’autre se contenta d’amuser les loisirs de sa vie retirée par des éruditions curieuses, par des souvenirs historiques, et par des traductions d’œuvres secondaires qui méritèrent bien de ses contemporains, mais qui ne donnèrent pas à son nom toute la célébrité que ses travaux méritent. XXVIII Parmi ces livres, qu’on pourrait appeler Opuscules, Mélanges, quelques-uns cependant, quoique écrits d’un ton familier et léger, sont des fragments très diserts, très graves et très distingués d’histoire contemporaine, des documents très intéressants d’histoire du siècle.
Les disciples contemporains de Descartes ou de Leibniz, et ceux mêmes de Kant, sont tous au fond platoniciens, car ils s’accordent avec Platon pour opposer absolument le monde de la sensation à celui de la pensée. […] De là découle cette grande conséquence, si importante aux yeux de la philosophie contemporaine : relativité de toute connaissance d’objets. […] — L’antithèse de la variété et de l’unité, de la matière et de la forme, chère à Platon et à Kant, paraît de plus en plus factice à mesure que la psychologie contemporaine pénètre davantage dans l’étude des sensations et de leurs éléments organiques.
Après Les Contemplations, sans l’esprit de parti politique et la curiosité contemporaine, il le serait déjà. […] Il y a tels hommes aujourd’hui, dans la littérature contemporaine, qui s’indignent le plus des adorations prodiguées autrefois à Louis XIV et qui ont été, à leur manière, les d’Antin de M. […] … De tous les poètes contemporains qui autour de lui firent pléiade, M.
Plus austère, plus fier, plus roide que ses contemporains, un peu antique comme Tacite, on apercevait en lui, avec le défenseur de l’aristocratie brisée, l’interprète de la justice foulée, et, sous les ressentiments du passé, les menaces de l’avenir. […] Il se tenait et marchait un peu courbé, avec un faux air plus humble que modeste, et rasait toujours les murailles pour se faire faire place avec plus de bruit, et n’avançait qu’à force de révérences respectueuses, et comme honteuses, à droite et à gauche à Versailles. » Voilà une des raisons qui rendent aujourd’hui Saint-Simon si populaire ; il décrit l’extérieur, comme Walter Scott, Balzac et tous les romanciers contemporains, lesquels sont volontiers antiquaires, commissaires-priseurs et marchandes à la toilette ; son talent et notre goût se rencontrent ; les révolutions de l’esprit nous ont portés jusqu’à lui. — Il voit aussi distinctement le moral que le physique, et il le peint parce qu’il le distingue. […] Il violenta le français à faire frémir ses contemporains, s’ils l’eussent lu ; et aujourd’hui encore il effarouche la moitié des lecteurs.
Ainsi le voulut l’indulgente ironie divine. » N’oublions pas que la plupart de ces contes sont contemporains de l’excursion de Jules Lemaître dans la politique, alors qu’avec de candides artifices, il avait rêvé de faire de la Patrie française une sainte Marthe, qui, après avoir tué la Tarasque, fût devenue la patronne des Méridionaux et de nous. […] Leurs auteurs, bons connaisseurs de notre roman français, nous ont rendu la pente générale de notre roman contemporain, et ils l’ont fait avec d’autant plus de réussite qu’elle coïncide avec le sentiment musulman de l’abandon à la destinée. […] Le lancement d’un contemporain ne lui avait d’ailleurs pas réussi avec Hector Malot, et sa vieillesse considérait tous les romanciers de son temps, y compris Paul Bourget, comme des malades. […] Dans ce partage de l’empire d’Alexandre, Zola a pris pour l’appliquer à la société contemporaine le gaufrier oratoire, le mouvement épique de Salammbô, en quêtant sans grand succès son style dans les cuisines d’Hamilcar. […] Je suis loin de posséder le répertoire du théâtre contemporain ;
À part deux ou trois voix suspectes, les contemporains de Louise Labé sont d’accord pour célébrer sa beauté et les dons rares de son esprit et de son âme. […] Mais, sans doute, d’Aubigné était brave, comme beaucoup de ses contemporains, papistes ou huguenots. […] Le Sonnet est ouvrage de bonne main, d’un tour inattendu, presque unique parmi les productions contemporaines. […] Dans ses paysages, Théophile de Viau nous montre, comme d’ailleurs tous ses contemporains, un mélange de faux et de vrai qui ne laisse pas d’être curieux à noter. […] Théophile de Viau, le contemporain de Saint-Amant, jetait les images sur les images : il brillantait.
En outre, ces trois écrivains, ces trois contemporains, peuvent, d’un certain biais, être réunis dans une nature commune. […] Baudelaire a un jugement d’une finesse et d’une sûreté admirables, mais qu’il limite à ses contemporains et n’a pas l’occasion, ni peut-être le goût, de porter chez les maîtres. […] De culture classique, il a aimé en ces contemporains de nos maîtres classiques leurs correspondants en peinture. […] Le peu qu’il en dit, dans les Maîtres d’autrefois, est vague et faible : il ne manque point à la règle qui veut qu’un grand critique apprécie gauchement ses contemporains. […] Mais, des Essais de Psychologie contemporaine à son article du Centenaire, M.
Son vers, parfois un peu pénible de structure et comme gêné par le manque d’espace — la chanson n’admettant guère plus de six ou huit couplets, et ne dépassant pas le vers de dix pieds, déjà long et mal césuré pour le chant est en général plein, bien construit et bien coupé, infiniment supérieur à tous les vers contemporains jusqu’à l’avènement de la jeune école romantique qui travailla si merveilleusement le rhythme. […] Balzac, comme Gavarni, a vu ses contemporains ; et, dans l’art, la difficulté suprême c’est de peindre ce qu’on a devant les yeux ; on peut traverser son époque sans l’apercevoir, et c’est ce qu’ont fait beaucoup d’esprits éminents. […] Lorsqu’il était mêlé à ses contemporains, on l’appréciait mal, on ne le voyait que par fragments sous des aspects parfois défavorables : maintenant l’édifice qu’il a bâti s’élève à mesure qu’on s’en éloigne, comme la cathédrale d’une ville que masquaient les maisons voisines, et qui à l’horizon se dessine immense au-dessus des toits aplatis. […] Comptant sur l’avenir, et il en avait bien le droit, Philoxène Boyer, en sa candeur enfantine, voulut éblouir ses contemporains et entrer de plain-pied dans la célébrité. […] Il a fait de la sorte deux beaux volumes de vers : les Vignes folles et les Flèches d’or, dont Sainte-Beuve, dans un de ces Lundis où il se souvenait d’avoir été poëte, a rendu compte avec éloge, assignant à Glatigny la place qu’il mérite parmi les poëtes contemporains.
Faites un pas de plus, et vous verrez dans un poëme contemporain, chez Gœthe, que Méphistophélès lui-même n’est pas trop damné ; son dieu, le dieu moderne, le tolère et lui déclare qu’il n’a jamais haï ses pareils. […] Charles Lamb écrivait une tragédie d’archéologue qu’on eût pu croire contemporaine du règne d’Élisabeth. […] On en vint à comprendre que les résurrections tentées sont toujours imparfaites, que toute imitation est un pastiche, que l’accent moderne perce infailliblement dans les paroles que nous prêtons aux personnages antiques, que toute peinture de mœurs doit être indigène et contemporaine, et que la littérature archéologique est un genre faux. […] Est-ce un amateur de là vérité pure, telle qu’elle est, atroce et sale, un curieux naturaliste, indifférent à l’applaudissement de ses contemporains, uniquement attaché à constater les transformations de la nature vivante ? […] Miss Austen, miss Brontë, mistress Gaskell, mistress Eliot, Bulwer, Thackeray, Dickens et tant d’autres peignent surtout ou peignent uniquement, comme lui, la vie contemporaine, telle qu’elle est, sans embellissements, à tous les étages, souvent dans le peuple, plus souvent encore dans la classe moyenne.
Saint-Martin comprend au reste qu’il a eu des malheurs d’expression et des duretés apparentes56, des torts d’indiscrétion et de négligence dans l’exposition de ses idées, et il s’explique par là leur peu d’effet et d’action sur les contemporains. […] Je ne trouve pas qu’à cet égard ses contemporains distingués aient assez songé à profiter de lui.
Vous, mon cher ami, vous êtes onctueux et indulgent. » Cette onction de M. de Meilhan de loin nous échappe, mais les auteurs contemporains ont ainsi, pour les personnes qui les connaissent et qui les aiment, toutes sortes de vertus et de supériorités singulières qui s’évanouissent à distance. […] Le président, cette fois, a trop fait entrer en ligne de compte sa sensation de contemporain, au lieu d’oser se dire avec le comte de Maistre, que la postérité est une ingrate qui profite et qui oublie.