Cela signifie que son art reproduit quelques-unes des qualités essentielles à notre race. […] De même un grand clinicien peut quelquefois, tout en exerçant son art, se regarder l’exercer. […] « Qu’est-ce donc que l’art ? […] Étant donnée une œuvre de littérature ou d’art, à la situer d’abord dans son milieu d’origine. […] Admettons donc qu’il y a une spécificité des créations de l’art et de la littérature.
C’est à cette époque qu’il est permis de reporter les premiers essais de l’art de l’équilibriste. […] C’était une réminiscence de l’art primitif, comme le dernier et pâle reflet d’un feu qui s’éteint pour faire place à une lumière plus vive. […] L’art dramatique eut devant lui une porte nouvelle. […] Guérin de Bouscail avait compris, sans les écrire, les règles de l’art dramatique. […] Il sut choisir avec art ses sujets, mais il les traita quelquefois avec assez peu de goût.
En 1789, les diverses aristocraties possédaient, en ce qui regarde les lettres et les arts, ces habitudes, cette initiation, ce goût qui ne s’improvisent pas. […] Le Génie, qui fut un livre initiateur dans l’ordre de l’art, est, dans la suite de la religion, un livre successeur, un livre d’épigone. […] Mais elle ne voyage pas pour sentir : le sentiment de la nature et le goût des arts lui sont étrangers. […] Aux peuples romans de reprendre contact avec les vertus, l’art, la poésie, les légendes de leur moyen âge ! […] Depuis quatre ans Lamartine s’est rendu à la Chambre maître de l’art de la parole.
Nous serions étonné si de ce simple exposé il ne ressortait pas pour tous une leçon d’art et de goût. […] Aujourd’hui, pour le jugement définitif du livre et le rang qui lui est dû dans l’ordre des œuvres de l’art, cette fin de Werther nuit aux parties principales, et quand on considère le caractère si opposé de l’auteur, et ses destinées en un sens si inverse, elle a peine à ne pas nous faire l’effet d’une mystification. […] En effet, ce n’était, de la part de celui-ci, ni étourderie, ni vague exaltation : c’était un acte de conquérant et de grand-prêtre de l’art, qui prend ce qui est à sa convenance et met en avant je ne sais quel droit supérieur et sacré. […] Goethe revient en un autre endroit sur cette promesse mystérieuse qu’il n’a pas exécutée, d’inventer je ne sais quoi, je ne sais quel nouveau roman ou poème, qui, par un coup de son art, placerait les deux époux au-dessus de toutes les allusions et de tous les soupçons : « J’en ai la puissance, dit-il avec l’orgueil de celui qui est dans le secret des dieux et qui tient le sceptre de l’apothéose, mais ce n’est pas encore le temps. » — S’il ne réussit point tout à fait à entraîner avec lui Kestner dans cette marche en triomphe vers l’idéal, celui-ci, du moins, n’était pas indigne de sentir ce qu’il y avait d’élevé dans de telles paroles, et il répondait à ceux qui le questionnaient sur cet étrange et assez dangereux ami : « Vous ne vous imaginez pas comment il est. […] Puis, les années s’écoulant et la mort achevant d’épurer et de consacrer les souvenirs, le quatrième de ses douze enfants à qui elle avait transmis plus particulièrement sans doute une étincelle de son imagination et de sa douce flamme, s’aperçut qu’après tout il y avait là, mêlé à de l’affection véritable, un de ces rayons immortels de l’art que le devoir permettait ou disait de dégager, que c’était un titre de noblesse domestique, même pour son père, de l’avoir emporté sur Goethe, et que de la connaissance plus intime des personnes il allait rejaillir sur les plus modestes un reflet touchant de la meilleure gloire.
L’ancienne Académie française étant morte, ayant été détruite et supprimée comme toutes les Académies en 1793, la Convention nationale, qu’assaillirent d’abord des soins plus impérieux que ceux de la littérature et des arts de la paix, la Convention, sitôt pourtant qu’elle y vit jour, se recueillant au lendemain de la Terreur et des proscriptions, aspirant à instituer, à laisser après elle un régime républicain éclairé et durable, eut une grande pensée, digne couronnement du xviiie siècle : elle fonda l’Institut par cette parole créatrice et féconde : « Il y a pour toute la République un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences174. » Cet Institut national, dans sa simplicité première, composé de cent quarante-quatre membres résidant à Paris et d’un égal nombre d’associés répandus dans les différentes parties de la République, et pouvant aussi s’associer des savants étrangers au nombre de vingt-quatre, se divisait en trois classes : la première comprenant les Sciences physiques et mathématiques ; la seconde, les Sciences morales et politiques ; la Littérature avec les Beaux-Arts formait la troisième classe. […] Villemain, depuis, se sont développés et comme déployés de plus en plus dans des rapports toujours savants et composés avec art ; mais, en appréciant certes le mérite des pages écrites dans les dernières années, je préfère encore ce beau talent dans sa manière moyenne, dans ce tour svelte, ingénieux et neuf, qui était d’abord le sien. […] Le chirurgien-dentiste, habile dans son art, le docteur Toirac, qui faisait d’agréables contes en vers, est resté fidèle à ses goûts et a comme voulu les ennoblir et les consacrer en fondant un prix de 4,800 francs par an pour l’auteur de la meilleure comédie en vers ou en prose qui aura été jouée au Théâtre-Français dans le courant de l’année. — M. […] Il s’était précipité du pont des Arts.
Mais, du moment que les vers, ramenés à l’état de simple composition littéraire, devinrent un art plus précis, du moment que les rimes durent se coucher par écriture, et qu’il fallut, bon gré mal gré, et nonobstant toutes métaphores, noircir du papier, comme on dit, pour arriver à l’indispensable correction et à l’élégance, dès lors il fut à peu près impossible d’être à la fois roi et poëte avec bienséance. […] A de tels personnages, chefs et gardiens des États, il est aussi beau d’aimer, de favoriser les arts et la poésie, que périlleux de s’y essayer directement ; et, plus ils sont capables de grandeur, plus il y a raison de répéter pour eux la magnifique parole que le poète adressait au peuple romain lui-même : Tu regere imperio populos, Romane, memento. […] Épris de toute noble culture des arts et de l’esprit, admirateur, appréciateur d’Érasme comme de Léonard de Vinci et du Primatice, et jaloux de décorer d’eux sa nation, comme il disait, et son règne, propagateur de la langue vulgaire dans les actes de l’État, et fondateur d’un haut enseignement libre en dehors de l’Université et de la Sorbonne, il justifie, malgré bien des déviations et des écarts, le titre que la reconnaissance des contemporains lui décerna. […] Les beaux vers de Charles IX à Ronsard qui sont partout (L’art de faire des vers, dût-on s’en indigner…), où se trouvent-ils cités pour la première fois ? […] Là veis semblablement Un beau laurier accoustré noblement Par art subtil, non vulgaire ou commun, Et le rosier de maistre Jean de Meun.
Tout amoureux qu’il est de l’exhumation d’infimes personnalités, de petites médiocrités d’art provinciales, et qui condamnent cet esprit distingué et original à des travaux au-dessous de lui, Chennevières caresse toujours, à l’horizon de sa pensée, quelque petit conte normand ou vendéen : un entre autres, qui serait l’histoire d’un jeune homme prenant le fusil dans la levée d’armes en 1832, et jugé et mis au Mont Saint-Michel, et là, développant la politique qu’aurait pu faire prévaloir le parti légitimiste d’alors, la politique de la décentralisation, qui était la politique de la duchesse de Berry. […] » Et là-dessus il s’élève contre la polychromie de l’architecture et de la sculpture, affirme que Pausanias n’a dit nulle part que les Grecs peignaient leurs statues, et que l’exemple de Pompéi n’est nullement probant à cause de la décadence de l’art ; — enfin, lâchant la polychromie, le vieux Delécluze s’étend longuement sur les difficultés que les chrétiens fervents éprouvent à mourir. […] Cauchemar du gendre, la nuit, voyant des milliers de têtes dont le nez est ainsi tourmenté par des mains au bout de bras n’appartenant à personne. » Octobre Mlle *** (Renée Mauperin), la cordialité et la loyauté d’un homme alliées à des grâces de jeune fille ; la raison mûrie et le cœur frais ; un esprit enlevé, on ne sait comment, du milieu bourgeois où il a été élevé, et tout plein d’aspirations à la grandeur morale, au dévouement, au sacrifice ; un appétit des choses les plus délicates de l’intelligence et de l’art ; le mépris de ce qui est d’ordinaire la pensée et l’entretien de la femme. […] C’est notre remède, en ces mauvaises heures, de nous dénoircir l’âme en nous enchantant le regard avec l’éclair gai d’une vieille et belle chose, d’une claire porcelaine à la dorure dorée d’or mat, d’une jolie relique de la grande industrie d’art du xviiie siècle. […] … Le joli causeur à la malice amusante que ce Banville, et tout ce qu’il raconte sur le théâtre qu’on ne lit pas, avec des aperçus si philosophiquement blagueurs, et les portraits si bien mordus à l’eau-forte qu’il enlève des comédiens et des comédiennes, et le délicieux comique et le parfait acteur qu’il est pour jouer ce monde des planches, et l’art unique qu’il a, avec son ironie flûtée et poignardante, d’exposer les dessous infâmes ou ironiques des choses des coulisses… Et les paradoxes charmants, énormes, stupéfiants, les paradoxes de lettré, où au fond de l’exagération hyperbolique, existe toujours un grain infinitésimal de vérité ou de bon sens, et qui sortent de sa bouche à tout moment.
» La calme intelligence de ton regard aimé (béni soit l’art qui a pu l’immortaliser et ravir au temps le droit de l’éteindre) brille ici sur moi toujours la même. […] J’eus même la hardiesse de prendre eu main le crayon, et j’étudiai toute une année l’art du dessin. Bien des figures en sortirent, qui avaient au moins le mérite de n’avoir point leurs pareilles ni dans l’art ni dans la nature. […] Le ver, avant pris garde à son intention, le harangua ainsi très éloquemment : « Si vous admiriez ma lampe, lui dit-il, autant que moi votre art, ô ménestrel, vous auriez horreur de me faire du mal autant que moi d’attenter à votre chanson ; car c’est la même puissance divine qui nous a appris, vous à chanter et moi à briller, afin que vous avec votre musique, moi avec ma lumière, nous puissions embellir et réjouir la nuit. » Le chanteur entendit cette courte harangue, et, gazouillant son approbation, il le laissa, comme le dit mon histoire, et il alla trouver un souper quelque part ailleurs.
Balzac avait précédé Voiture dans la réputation et aussi dans l’art d’écrire ; l’invention en tout est chose si rare, si peu à la volonté de chacun, que même lorsqu’elle ne porte que sur la forme, il faut en savoir un gré infini à ceux qu’elle a une fois visités. Balzac, jeune, fut un Malherbe en prose : il put se vanter, et avec raison, « d’avoir trouvé ce que quelques-uns cherchaient, c’est-à-dire de savoir un certain petit art d’arranger des mots ensemble et de les mettre en leur juste place ». […] Il a un certain art de faire bonne chère qui n’est guère moins à estimer que sa rhéthorique, et, entre autres choses, il a inventé une sorte de potage que j’estime plus que le Panégyrique de Pline et que la plus longue harangue d’Isocrate. […] Et d’abord, il est à remarquer que, malgré les termes de bonne intelligence et les bons rapports dans lesquels avaient eu l’art de vivre à distance Balzac et Voiture, se ménageant l’un l’autre et évitant de se froisser, la force des choses l’emporta, le souffle rival de leurs deux réputations finit par s’entrechoquer et par faire un orage.
Les grands comiques, Molière, Rabelais, Aristophane, ont su, par un art suprême de composition, enfermer leur moquerie hardie et puissante dans des cadres immortels : les chansonniers, les vaudevillistes les plus aimables ont tout dépensé de leur vivant et ne laissent presque rien après eux. […] Il mit donc, comme il dit, de l’eau dans son vin, mais en ayant l’art d’y laisser tout le bouquet et tout le montant : ce fut le tour de force et le chef-d’œuvre. […] Il aimait pourtant l’art en lui-même ; il avait de la conscience dans les bagatelles, il soignait extrêmement ses « chansons et autres breloques. » Mais voilà tout ; il ne songeait qu’à vivre, à rire, à s’amuser avec ses confrères du Caveau, et il fallut que Crébillon fils et d’autres amis clairvoyants l’avertissent qu’il pouvait mieux et plus pour qu’il s’avisât de s’élever jusqu’au genre de proverbes et de petites comédies où il a excellé. […] Il convient d’observer un certain art dans l’arrangement des réputations : les grands hommes sont faits pour être connus et étudiés tout entiers ; mais, quand un homme n’a eu qu’un coin de talent, il est inutile de s’étendre sur tout ce qui n’est pas ce talent même.
Ces deux événements, ces deux succès, très-sensibles parce qu’ils ont éclaté au théâtre, et dans les circonstances les plus propres à les faire ressortir, ne sont au reste qu’une indication de ce qui se passe ailleurs et à côté dans toute l’étendue d’une certaine couche sociale : en religion, politique, arts, modes et costumes, réaction sur toute la ligne. […] Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême. […] Rendons, rendons enfin admiration et justice à ces hommes qui ont imposé leur nom à leur siècle, Périclès, Auguste, Léon X et Louis XIV ; oui, ils ont été pour beaucoup dans la grandeur et la majesté de l’âge qu’on les a trop accusés d’accaparer ; leur absence totale et prolongée est bien capable aujourd’hui de faire apprécier leur rôle : ils ont empêché les génies et les talents de s’égarer, de se dissiper, les médiocres de passer sur le corps des plus grands ; ils ont maintenu les proportions, les rangs, les vocations, la balance des arts. […] La Restauration, qui avait des traditions banales de protection des arts et des lettres, n’a presque jamais su les appliquer avec quelque discernement et quelque élévation ; elle demandait avant tout qu’on fût d’un parti, et ce parti rétrécissait tout ce qu’il touchait.
C’est pour cela que le premier talent du poëte consiste dans l’art de choisir les mots. […] Et croyez que cet art est le plus grand de tous, bien supérieur à la petite habileté qui équilibre de bonnes phrases correctes, à la rhétorique qui enferme toutes les idées dans le même moule, aux recettes littéraires qui font la période de Rousseau et de Johnson, ou le vers de Pope et de Voltaire. […] Un tact exquis peut seul y conduire ; et c’est là tout l’art de l’artiste. […] Ces mots si particuliers et si pittoresques, ces tournures si simples, ce mètre si imitatif et si varié, cette exacte imitation de la nature n’ôtent pas à son style la liaison et l’unité, qui rendent l’art supérieur à la nature.
Herbert Spencer se propose de montrer que cette loi du progrès organique est la loi de tout progrès ; que le développement de la terre, de la vie sur sa surface, de la société, du gouvernement, de l’industrie, du commerce, du langage, de la littérature, de la science et de l’art, suppose la même évolution du simple au complexe par des différenciations successives. […] L’écriture (idéographique à l’origine) se rattache à la peinture, et toutes deux avec la sculpture furent d’abord de simples appendices de l’architecture, qui elle-même était l’art hiératique ou religieux ; les palais et temples d’Assyrie, les monuments d’Egypte ou de l’Inde en témoignent. Ces arts se sont séparés dans la suite des siècles ; l’écriture s’est même transformée par l’imprimerie. « Quelque dissemblables que nous paraissent aujourd’hui le buste placé sur la console, le tableau pendu contre le mur, le numéro du Times posé sur la table ; ils sont parents de loin, non-seulement par nature, mais par origine. » La poésie, la musique et la danse formaient aussi à l’origine un groupe inséparable. […] Par le progrès, ces arts se sont séparés.
Tandis que ses compagnons étaient hors de l’imprimerie pour prendre leur repas, il y faisait vite le sien qu’il préparait frugalement de ses mains, et il lisait le reste du temps, se formant à l’arithmétique, aux premiers éléments de géométrie, lisant surtout Locke sur L’Entendement humain, et L’Art de penser de Messieurs de Port-Royal. […] Pour juger Franklin littérateur, économiste et auteur de différentes inventions utiles, il convient de se bien représenter ce jeune homme à sa date et à sa place, au milieu de ses compatriotes si rudes, si inégalement instruits et si peu faits à tous les arts de la vie. […] a remarqué un des écrivains de l’école de Franklin24, une des passions que l’homme a le moins et qu’il est le plus difficile de développer en lui, c’est la passion de son bien-être. » Franklin fit tout pour l’inoculer à ses compatriotes, pour leur faire prendre goût à ces premiers arts utiles et pour améliorer la vie. […] Il nous est difficile de ne pas sourire en voyant cet art de vertu, ainsi dressé par lui pour son usage individuel, et en l’entendant nous dire que de plus, à cette même époque, il avait conçu le plan de former, parmi les hommes de toutes les nations, un parti uni pour la vertu.
Je comprends encore que l’on proteste contre ceux qui voulaient imposer d’une manière absolue à tous les pays et à tous les temps cette conception dramatique, qui est un des plus beaux types possibles de l’art tragique, mais non pas le seul. […] Horace à la vérité a fait aussi un art poétique ; mais ce sont les rhéteurs qui l’ont baptisé ainsi : pour lui, ce n’était qu’une lettre aux Pisons, lettre familière à des jeunes gens auxquels il donne des conseils en se jouant dans le langage de la plus libre et de la plus aimable conversation. Au contraire, dans l’Art poétique de Boileau, tout est solennel, méthodique, dogmatique : c’est évidemment un code. […] Ce n’est pas qu’il faille dédaigner l’Art poétique de Boileau ; les conditions saines et solides de toute poésie y sont vivement exprimées ; mais j’ai besoin, après l’avoir lu, et pour ne pas oublier que la poésie est chose divine et légère, de relire la Lettre à l’Académie française de Fénelon.
« Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait. […] Plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race. Il a fallu la finesse, la sobriété, la gaieté, la malice gauloise, l’élégance, l’art et l’éducation du dix-septième siècle pour produire un La Fontaine. […] Choisi, le grand mot est là ; choisir est un moyen d’art ; comment choisir, si l’on ne veut absolument pas employer les moyens d’art ; choisir, c’est faire un raccourci ; et le raccourci est un des moyens d’art les plus difficiles ; comment choisir, donc, si l’on refuse absolument d’employer les moyens d’art ; comment choisir, enfin, dans l’indéfinité, dans l’infinité du détail, dans l’immensité du réel, sans quelque intuition, sans quelque aperception directe, sans quelque saisie intérieure ; aussi longtemps qu’un moderne, un historien poursuit toutes les indéfinités, toutes les infinités du détail, et la totalisation du savoir, il est fidèle à lui-même, il travaille servilement, il ne produit pas ; aussitôt qu’il produit, fût-ce un article de revue, un filet de journal, une note au bas d’une page, une table des matières, c’est qu’il est infidèle aux pures méthodes modernes, c’est qu’il choisit, c’est qu’il élimine, qu’il arrête la poursuite indéfinie du détail, qu’il fait œuvre d’artiste, et par les moyens de l’art. Nous sommes ainsi conduits au seuil du plus grand débat de toute la pensée moderne ; au cœur de la plus grande contrariété moderne ; et c’est sur ce seuil que nous nous arrêterons, pour aujourd’hui, car il est évident que ce simple avant-propos ne peut devenir ni un traité, ni même un essai de la manière d’écrire l’histoire ; c’est déjà beaucoup, peut-être, que d’avoir commencé de contribuer à la position du débat ; et nous reconnaissons ici que ce débat n’est autre que le vieux débat de la science et de l’art ; mais c’est un cas nouveau, et particulièrement éminent, de ce vieux débat général ; d’un côté ceux que nous avons nommés les historiens modernes, c’est-à-dire, exactement, ceux qui ont voulu transporter, en bloc, les méthodes scientifiques modernes dans le domaine de l’histoire et de l’humanité ; nous avons aujourd’hui recherché leurs intentions, mesuré leur présomption, non pas seulement sur des exemples éminents, sur deux exemples capitaux, mais sur les deux exemples qui commandent tout le mouvement, étant à l’origine, au commencement, au moment de la franchise enfantine, et le dominant tout ; de l’autre côté, en face des historiens modernes, et non pas contre eux sans doute, car il s’agit d’un débat, et non pas d’un combat sans doute, en face des historiens modernes tous ceux de nous qui ne transportons point en bloc les méthodes scientifiques modernes au domaine de l’histoire et de l’humanité, qui ne transmutons point servilement les méthodes scientifiques modernes en méthodes historiques ; tous ceux de nous qui croyons qu’il y a, pour le domaine de l’histoire et de l’humanité, des méthodes historiques et humaines propres ; des méthodes humainement historiques ; nous nous arrêterons, pour aujourd’hui, au seuil de ce débat ; c’est assez écrit pour un cahier, pour l’avant-propos d’un cahier ; gardons-nous quelque travail pour les veillées de cet hiver ; en outre, je parviens au point de nos recherches où il me serait presque impossible de continuer sans commencer à parler de Chad Gadya !
* * * — Voir, sentir, exprimer — tout l’art est là ! […] Ils disaient des phrases d’art comme des sentences d’argot. […] Un petit appartement décoré de médiocres objets d’art du xviiie siècle et de quelques tableaux et esquisses de son frère. […] * * * — J’ai une longue conversation avec Fromentin, un des plus grands parleurs d’art et fileurs d’esthétique, que j’aie encore entendus. […] De ces journées d’art, se lève je ne sais quoi de pareil au charme de l’atelier d’une princesse italienne de la Renaissance, qu’auraient égayé des calembours de Carle Vernet.
En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés. […] Puisque, dans les représentations scéniques qui sont plus particulièrement à l’usage du peuple, dans cette suite de tableaux compliqués et vastes où il se dépense souvent tant d’artifice et de talent, les auteurs ne visent point à cette reproduction entière et profonde de la nature, qui est le suprême de l’art, puisqu’ils font des sacrifices à l’appareil, à l’émotion, et, pour tout dire, à l’effet, il est tout simple qu’on leur demande plus ouvertement de pousser au bien plutôt qu’au mal, et à la vertu plutôt qu’au vice.
« Le seul art dont j’oserais soupçonner madame de Sévigné, dit madame Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et, par conséquent, un peu vagues, qu’elle fait rassembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes, dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice dans cette manière de madame de Sévigné, non plus que dans celle de mesdames des Ursins et de Maintenon : c’est la manière de l’époque et l’un des mérites inséparables de son style. Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et la grâce ; mais quand le siècle d’analyse a passé sur la langue et l’a travaillée à son usage, on ne peut plus qu’admirer et regretter ce charme à jamais évanoui du grand âge littéraire ; on essayerait en vain d’y revenir à force d’art ; et la critique, qui sent tout ce qu’il a d’exquis, est dans l’impuissance de le définir sans l’altérer.
Les individus illustres sont assurés de retrouver leur place dans cette prochaine association de l’art vers laquelle convergent rapidement toutes les destinées de notre avenir ; Victor Hugo y fournira une phase de plus, une période nouvelle de son génie ; Alfred de Vigny, merveilleux poète, y marchera d’un pied plus ferme sur cette terre dont il a été jusqu’ici trop dédaigneux. […] On s’étonnera, à la fin, de cette persévérance à ternir une belle réputation, dont les titres, incontestés jusqu’ici, sont l’élévation du sentiment, le culte fervent de l’art, une haute probité critique, une pureté de goût littéraire que les ménagements d’une bienveillance instinctive ne peuvent altérer, et surtout ce désintéressement, cette indépendance qui s’effarouchent, à tort selon nous, des distinctions les plus méritées* [* Voir à ce sujet, dans Souvenirs et Indiscrétions, pages 198 et 203, ce qui se rapporte à cette année même et aux années suivantes dans une Note confidentielle de M.
Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation. […] Cette démocratie française se montrera avant tout calme, intelligente, civilisatrice, souverainement ingénieuse par ses arts et par son génie ; elle pratiquera la clémence et la gloire.
Les médecins modernes n’ont presque rien inventé de plus absurde, mais ils ont inventé davantage et renouvelé à la fois leur science et l’art d’en voiler la faiblesse… » « Les médecins, dit avec sagesse M. […] « Jamais, nous a-t-il très bienveillamment affirmé lui-même, bien que toujours curieux des choses de la médecine et profondément attiré par l’intensité de leur notion. » Ou bien il use des termes techniques comme d’un véritable procédé littéraire, dont voici, chez lui, le personnel mécanisme : dans sa jalousie de prodigieux orfèvre et ouvrier d’art, il horrifie par dessus tout la banalité du mot, expulse violemment de son répertoire les clichés ressassés, les figures redites, les termes éculés.
Ce que c’est que le Romanticisme Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. […] Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer, terrifiés qu’ils sont par la réputation du grand Racine.
Il ne s’est produit aucun effort dans les arts ou dans les lettres qu’il n’ait accueilli avec sympathie. […] Les amoureux savent trouver les jolies femmes même lorsqu’elles se cachent ; les fervents d’art savent découvrir les bons poètes, si verrouillés et si triplement cadenassés soient-ils, au fond des boîtes des quais, par l’indifférence ou l’hostilité de leurs contemporains.
Célèbres, au même titre que la plupart des gens, grâce au hasard qui les fit naître assistés d’une riche écuelle, ils voisinent avec les notabilités de la science, des lettres, des arts, du barreau, de la finance, de la noblesse et des cabinets particuliers. […] Dans le petit Bottin des Lettres et des Arts (1886), la princesse Ratazzi est classée parmi « les vieilles lunes » et Léonide Leblanc se voyait décerner cet entrefilet au vinaigre : « Étoile pâlissante de l’Odéon, reçoit dans son hôtel, outre la famille d’Orléans, quelques jeunes poètes dont elle emploie la verve à autographier, avec dédicaces, des tambourins, choisis par elle, dans les grands magasins du Louvre. » Il est vrai que les poètes se dénigraient même entre eux.
Que l’État ait le devoir de patronner la science, comme l’art, c’est ce qui ne saurait être contesté. […] Il n’y aura plus de budget des cultes, il y aura budget de la science, budget des arts.
Et nous restons sans lire, les yeux charmés, sur ces vilaines lettres de journal, où votre nom semble imprimé en quelque chose qui vous caresse le regard, comme jamais le plus bel objet d’art ne le caressera. […] La grande comédienne se montre accueillante avec une voix rude, rocailleuse, une voix que nous ne reconnaissons pas, et qu’elle a l’art de transformer en une musique au théâtre.
L’humble et grave artiste doit avoir le droit d’expliquer l’art, tête nue et l’œil baissé. […] Le nombre est dans l’art comme dans la science.
Il le croyoit plus du ressort des discours académiques, plus fait pour éguiser l’esprit des jeunes gens, pour exercer leur imagination, & leur apprendre à construire leurs phrases avec art, & à symmétriser leurs expressions. […] Comment exprimer en latin les changemens arrivés par rapport à la religion, à la morale, aux coutumes, aux habillemens, aux commodités & aux besoins de la vie, aux sciences & aux arts ?
de Art. pœt. v. 39 et 40.) […] Votre tâche, moins agréable que la mienne, n’était guère moins difficile à remplir : elle exigeait une connaissance approfondie de la langue, des usages, des coutumes, des mœurs, de l’état des sciences et des arts au temps de Sénèque.
La France est donc la seule contrée où cet art se soutienne et même avec quelque éclat. […] Ce morceau lui fera honneur, et comme peintre savant dans son art, et comme homme d’esprit et de goût.
La profession d’instruire les gladiateurs étoit devenuë un art : le goût que les romains avoient pour ces combats leur avoit fait rechercher de la délicatesse et introduire des agrémens dans un spectacle que nous ne sçaurions imaginer aujourd’hui sans horreur. […] Sous le regne d’Antiochus Epiphane, roi de Syrie, les arts et les sciences qui corrigent la ferocité de l’homme, et qui même quelquefois amolissent trop son courage, fleurissoient depuis long-tems dans tous les païs habitez par les grecs.
L’art d’émouvoir les hommes et de les amener où l’on veut, consiste principalement à sçavoir faire un bon usage de ces images. […] Un poëte mediocre peut à force de consultations et de travail faire un plan regulier, et donner des moeurs décentes à ses personnages ; mais il n’y a qu’un homme doué du genie de l’art qui puisse soutenir ses vers par des fictions continuelles, et par des images renaissantes à chaque periode.
L’art qui ne sçauroit trouver de l’eau où il n’y en a point, sçait resserrer dans leurs lits les fleuves qui se débordent. […] L’art d’un gouverneur et les leçons d’un précepteur, changent un enfant en un jeune homme : elles lui donnent plus d’esprit qu’on n’en peut avoir naturellement à cet âge.
Elle n’aimait pas l’art avant tout, et voyait le fond plutôt que la forme, préférant la pensée moderne à la beauté antique. Son idée ingénieuse, et trop vraie peut-être, était même que la sensibilité ne passe si bien dans les œuvres de l’art qu’en se détournant un peu de la vie. […] Cette idée qu’elle avait de l’espèce d’illusion, ou même de mensonge, inhérent à l’art, ne l’empêchait pas, vers la fin, d’être extraordinairement émue, et au-delà du degré ou l’on en jouit, de certaines représentations ou lectures, et de n’en pouvoir supporter l’effet. […] M. de Rémusat a cité d’elle ce pathétique aveu (1821) : « L’effet des œuvres de l’art doit être tel qu’aucune idée de réalité ne s’y joigne ; car, dès qu’elle y pénètre, l’impression en est troublée et devient bientôt insupportable. […] La réalité perce pour moi tous les voiles dont l’art peut s’envelopper ; mon imagination, une fois ébranlée, y arrive du premier bond.
Instinct déclaré encore d’une âme que les seules beautés naturelles raviront, que l’art né des hommes touchera peu ou même choquera, et qui, dans Paul et Virginie (seule tache peut-être en ce chef-d’œuvre), ira jusqu’à déclamer en quatre endroits très-rapprochés contre les monuments des rois opposés à ceux de la nature ! […] Bernardin, dans ses voyages, avait toujours beaucoup écrit ; il composait des mémoires pour les bureaux, il rédigeait des journaux pour lui ; arts, morale, géographie, affaires du temps, il tenait compte de tout. […] Un endroit du Voyage touche directement à l’innovation pittoresque de l’auteur et à la conquête particulière que méditait son talent : « L’art de rendre la nature, dit-il, est si nouveau, que les termes même n’en sont pas inventés. […] Il n’y a pas une moulure qui n’ait son nom. » Bernardin triompha de cette difficulté et de cette disette en introduisant, en insinuant dans le vocabulaire pittoresque un grand nombre de mots empruntés aux sciences, aux arts, à la navigation, à la botanique, etc., etc. ; il particularisa beaucoup plus que Rousseau en fait de nuance. […] Ce qui me frappe et me confond au point de vue de l’art dans Paul et Virginie, c’est comme tout est court, simple, sans un mot de trop, tournant vite au tableau enchanteur ; c’est cette succession d’aimables et douces pensées, vêtues chacune d’une seule image comme d’un morceau de lin sans suture, hasard heureux qui sied à la beauté.
Je dois la clarté de mon esprit, en particulier une certaine habileté dans l’art de diviser (art capital, une des conditions de l’art d’écrire), aux exercices de la scolastique et surtout à la géométrie, qui est l’application par excellence de la méthode syllogistique. […] C’est là que j’ai appris l’art de peindre la nature par des traits moraux. […] » Le septième volume de l’édition de cet ouvrage, que j’ai sous les yeux, est intitulé : la Théorie du Bonheur, ou l’Art de se rendre heureux mis à la portée de tous les Hommes, faisant suite au Comte de Valmont. […] C’est un autre livre, quoi qu’en dise l’éditeur, et j’avoue n’avoir pas été séduit par cet art d’être heureux mis ainsi à la portée de tout le monde. » 17.
À Dresde, dans ce théâtre qui est comme le temple de l’art dramatique. […] Il y a un côté par où elle est et restera toujours grande en effet : c’est par l’art, et plus spécialement par l’art dramatique. […] Quel art à conduire, varier et conclure la période. […] Il l’a bégayée avec un art exquis. […] Encore Cadet y porte-t-il un certain goût d’art et une mesure relative.
L’art d’écrire, tel qu’il le comprend, n’est pas seulement l’art d’exprimer sa pensée, mais l’art non moins délicat, non moins difficile, de constater la présence de sa pensée. […] Ai-je besoin de dire que les maîtres de notre art demeurent hors de cause ? […] Il serait difficile d’imaginer un coup de théâtre plus digne de l’art primitif. […] La poésie ainsi comprise n’est plus une œuvre de l’esprit, mais un cri de l’âme ; l’art disparaît tout entier dans la spontanéité de la pensée, ou plutôt n’est-ce pas là le comble de l’art ? […] Hugo, n’est plus un art, mais un métier.
Après avoir donné à la revue qui paraissait sous le titre de La liberté de penser un morceau très-remarqué entre autres, De l’Origine du langage (1848), il signala bien tôt son entrée à la Revue des Deux Mondes (1851), et presque en même temps au Journal des Débats (1852), par une suite d’essais ou d’articles, parfaits, excellents, où se produisait sur maint sujet d’histoire, de littérature ou d’art, et sous une forme également grave et piquante, cet esprit savant, profond, délicat, fin, fier et un peu dédaigneux. […] Il y réussit jusqu’à un certain point, et donna preuve de sa science et de son art dans une quantité, d’essais ingénieux et neufs, hautement et finement pensés, sur tout sujet. […] En général, le procédé de critique qu’il applique en toute branche d’étude, et qu’il a élevé jusqu’à l’art, est celui-ci : Il s’attache à tirer la formule, l’idée, l’image abrégée de chaque pays, de chaque race, de chaque groupe historique, de chaque individu marquant, pour l’admettre à son rang, à son point, dans cette représentation idéale que porte avec elle l’élite successive de l’humanité.
L’art ne fait pas ici jouer les larmes sous toutes les couleurs du prisme : l’harmonie ne multiplie point les sanglots. […] Sans entrer dans les questions polémiques, alors commençantes, Mme Tastu se rattachait à l’école nouvelle par un grand sentiment de l’art dans l’exécution. […] Tout cela est plein de combinaison, plein d’un art ingénieux sans doute ; mais on a quelque peine à saisir l’idée, à la dégager de l’entourage qui l’enchâsse.
Le jour où ils s’intéresseront à Homère sans grimace et de bonne foi, ils auront beaucoup gagné : ils auront compris l’extrême simplicité, et qu’en art comme en morale la perfection est dans l’abnégation, dans l’entier oubli de soi-même. […] Taine sur l’art grec, que si l’on a feuilleté, extrait, appris un manuel exact et complet, où il y a tout, mais où l’on ne voit rien. […] Voilà le véritable art de la lecture.
Je suis peut-être de méchante humeur ; mais il me semble qu’il y a dans les Deux Cortèges quelque chose de cet art un peu banal, quelque chose qui sent le goût de la province et les Jeux floraux. […] Cathos eût eu plaisir à entendre appeler un grain de poussière : « l’atome ailé qu’aucun pouvoir ne tue. » Elle eût approuvé cette périphrase qui signifie que l’homme, à l’automme, devient sérieux : Comme elle (la terre), son fils l’homme a pris un maintien grave ; De ses jours de folie il fait payer le tort Au devoir qui l’étreint dans son rude ressort ; et, dans la description d’une gypsie : Un amulette où l’art imite Quelque Diane au front cornu, Des deux seins fixant la limite, Veillait aux mystères du nu. […] Soulary : il aurait fait en art ce que M.
Ils n’étaient guère sensibles au charme des arts ; ils devaient être surtout fort mal disposés pour les bouffons italiens qui s’en allaient divertir MM. les députés de la Ligue. […] Enfin la beauté des costumes, la perfection des décors et des feintes ou machines, la musique employée dans les intermèdes et parfois dans les pièces, tout cela faisait connaître à la France un art savant et raffiné qu’elle devait être encore longtemps à atteindre elle-même. […] Il instruit, par exemple, sa fille Olivette dans l’art du jardinage : « Comment, à ton âge, grande comme te voilà, et ma foi !
Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ?
Il doit indiquer l’esprit général d’un temps d’après tout ce qu’il sait d’histoire proprement dite ; l’esprit littéraire et artistique d’un temps, ce qui est déjà un peu différent, d’après tout ce qu’il sait d’histoire littéraire et de l’histoire même de l’art ; mesurer, ce qui du reste est impossible, mais c’est pour cela que c’est intéressant, les influences qui ont pu agir sur un auteur ; s’inquiéter de la formation de son esprit d’après les lectures qu’on peut savoir qu’il a faites, d’après sa correspondance, d’après les rapports que ses contemporains ont faits de lui ; s’enquérir des circonstances générales, nationales, locales, domestiques, personnelles dans lesquelles il a écrit tel de ses ouvrages et puis tel autre ; chercher, ce qui est encore une manière de le définir, l’influence que lui-même a exercée et c’est-à-dire à qui il a plu, les répulsions qu’il a excitées et c’est-à-dire à qui il a déplu. […] Est-il entré dans vos idées générales sur la littérature et sur l’art d’écrire, ou les a-t-il contrariées, et par conséquent l’avez-vous hautement approuvé ou condamné sévèrement ? […] Énergiquement, doctoralement, quelques-uns disent : « Ne jamais demander à l’enfant que sa pensée personnelle, que l’impression qu’il a reçue et dont il a dû, seulement, se rendre compte, dont il a dû, seulement, prendre possession, en lisant les Femmes savantes, Britannicus ou l’Art de conférer.
Qu’importe si, dans ce tour de souplesse du naturel dans l’originalité, l’effort est voilé par un art suprême ! […] Il la méprisa dans les arts, dans la politique, dans les lettres, dans la morale chrétienne que cet athée ne comprit pas, aveuglé qu’il était par son athéisme, le crime irrémissible de son esprit. […] L’année qui précéda celle de sa mort fut marquée par des symptômes de destruction prochaine qu’il analysa dans ses lettres à ses amis, et dont il parla comme aurait fait Broussais, — un autre homme de grand talent et de grand caractère, qui trouva dans l’immonde et fausse philosophie du xviiie siècle la borne et l’obstacle de son génie scientifique, comme Stendhal, ce grand artiste d’observation et ce grand observateur dans les arts, y trouva la borne et l’obstacle du sien.
qu’importe si, dans ce tour de souplesse du naturel dans l’originalité, l’effort est voilé par un art suprême ! […] Il la méprisa dans les arts, dans la politique, dans les lettres, dans la morale chrétienne, que cet athée ne comprit pas, aveuglé qu’il était par son athéisme, le crime irrémissible de son esprit. […] L’année qui précéda celle de sa mort fut marquée par des symptômes de destruction prochaine, qu’il analysa dans ses lettres à ses amis, et dont il parla comme aurait fait Broussais, — un autre homme de grand talent et de grand caractère, qui trouva dans l’immonde et fausse philosophie du xviiie siècle la borne et l’obstacle de son génie scientifique, comme Stendhal, ce grand artiste d’observation et ce grand observateur dans les arts, y trouva la borne et l’obstacle du sien.
Les observations qu’on est allé faire à la course, ces impressions qu’on a quémandées à des pays traversés et le plus souvent entrevus, si elles ne sont pas de vaines poussières soulevées par les pas de celui qui les rapporte au logis, qu’on les utilise et qu’on les localise dans des œuvres déterminées d’art, de poésie ou d’histoire, — rien de mieux sans doute. […] C’est le voyage enfin qui veut être un livre et qui ne peut, un livre sans plan, sans unité, sans art quelconque. […] Or, l’une de ces convictions, et même la plus forte, doit être assurément de croire qu’il possède, lui, Maxime du Camp, l’expression plastique, et la couleur, et la technique de l’auteur d’Émaux et Camées, et qu’il joue avec la puissance de son maître avec tout ce style, difficile à manier, d’un Dictionnaire des Arts et Métiers qui fait le beau !
Il en est de même de tous les noms de Sciences & d’Arts, aussi-bien que des noms des différentes parties de ces Sciences & de ces Arts. […] Art . […] Despreaux, Art. […] Mais l’orthographe est un pur effet de l’art ; tout art a sa fin & ses principes, & nous sommes tous en droit de représenter qu’on ne suit pas les principes de l’art, qu’on n’en remplit pas la fin, & qu’on ne prend point les moyens propres pour arriver à cette fin. […] Pourquoi ne pourroit-on pas faire dans l’art d’écrire ce que l’on a fait dans tous les autres arts ?
Je réponds : telle est la puissance de l’art dramatique sur le cœur humain, que quelle que soit l’absurdité des règles auxquelles les pauvres poètes sont obligés de se soumettre, cet art plaît encore. […] L’art changera de face dès qu’il sera permis de changer le lieu de la scène, et, par exemple, dans la tragédie de la mort de Henri III, d’aller de Paris à Saint-Cloud. […] Pourquoi tenter dans votre art, messieurs les poètes comiques, précisément la seule chose qui soit impossible ? […] Il ne faut imiter de Shakspeare que l’art, que la manière de peindre, et non pas les objets à peindre. […] Tout ridicule inaperçu n’existe pas dans les arts.
Dans cette très gracieuse lettre, Magnard m’offre la succession de Wolf, le gouvernement de l’art, avec toute l’indépendance, toute la liberté que je puis désirer. […] Stevens s’étonne de l’absence complète du sentiment de l’art chez la plupart des grands écrivains, affirmant qu’il n’en est pas ainsi à l’égard de la littérature chez les peintres de talent, même chez ceux qui n’ont pas fait d’humanités, déclarant qu’on ne les trouverait jamais à lire un livre d’auteur médiocre. […] Et ils existent des gens qui, dans leurs feuilletons, font des traités sur le véritable art dramatique, — eux qui admirent à la fois Molière et Scribe, les fabricateurs les plus dissemblables dans la composition d’une pièce. […] Et l’on s’avoue, que les Américains qui sont en train de se faire le goût, lorsqu’ils l’auront acquis, ne laisseront plus en vente un objet d’art à l’Europe… qu’ils achèteront tout, tout. […] Il y a des moments, où je me demande, si le grand art n’est pas inférieur à l’art industriel, quand celui-ci est arrivé à son summum de la perfection, et si, par exemple, un tableau de coloriste n’est pas inférieur à un flambé hors ligne, et si, si… mais, je ne veux pas pousser la comparaison plus loin, pour que mon ombre ne soit pas lapidée par les critiques d’art de la Revue des Deux Mondes, du xxe siècle.
On y verra que l’on peut quelquefois à peu de frais répandre la lumiere sur les élémens des Sciences & des Arts. […] C’est cette analyse qui est l’objet immédiat de la parole ; & c’est pour cela que l’art d’analyser la pensée, est le premier fondement de l’art de parler, ou en d’autres termes, qu’une saine Logique est le fondement de la Grammaire. […] Art). […] Dans l’un & dans l’autre cas, il ne faut négliger aucune des ressources que le hasard peut offrir, ou que l’art d’enseigner peut fournir. […] Les Arts n’ont pas été portés du premier coup à leur perfection ; ils n’y sont parvenus que par degrés, & après bien des changemens.
Si c’est un critique, un historien des arts ou des lettres, il trahit ses devoirs, ne sait pas son métier, et gagnerait à être plutôt politicien ou maçon. […] L’art d’assassiner M. […] Mais ceux-là ne faisaient vraiment pas de l’Art pour l’Art. […] Jean Royère ne songe qu’au grand art ; il en disserte avec une compétence et une ferveur remarquables. […] Ils croient pouvoir trancher sur les arts et les lettres pures.
Ce n’est point sur les maximes obliques d’une politique qui rapporte tout à soi que le livre fonde l’art de régner ; il en fait consister tous les secrets à maintenir la pureté de la doctrine et de la morale par les vertus naturelles, sociales, civiles et religieuses. […] L’ouvrage destiné à faciliter au peuple tout entier la connaissance de la religion, des lois, des motifs des lois, de la politique, des sciences, des arts, des métiers, de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, est divisé en quatre cent cinquante livres. […] Les arts viennent ensuite : l’histoire, l’art de la porcelaine y tient une grande place ; l’histoire naturelle y a ses Pline et ses Buffon. […] Une seule chose manque à cette civilisation par les lettres : l’art de la guerre. […] Nous avons reçu d’eux, en science, en arts, en industrie, la soie, la porcelaine, la poudre à canon, le gaz, l’imprimerie, le papier, les couleurs, la boussole, importations récentes en Europe, sans date en Chine.
Il a déterminé les conditions générales de l’art dramatique, et il en a fixé le caractère essentiel. […] Ce n’est qu’une question d’art, et surtout de mesure à garder. […] Peut-être enfin a-t-il plus de respect de son art que Calderon et que Lope. […] Ils n’ont pas toujours eu, comme lui, dans l’emploi des moyens de l’art, cette sûreté, ou plutôt cette infaillibilité de tact. […] Je n’ai pas corrigé, comme Socrate, par la force de la raison, mes complexions et n’ai aucunement troublé par art mon inclination.
Il lui restait comme à Rousseau l’amour de son art, et de plus qu’à Rousseau l’amour de sa religion. […] Il l’a fait ; l’histoire de l’art n’a point encore offert une idée aussi étrangère à l’art, ni une œuvre d’art aussi grande ; il a presque égalé l’immensité de son sujet par l’immensité de son érudition. […] C’est ainsi que la philosophie de Balzac a dirigé l’art de Balzac. […] L’art est justement cette sorte de grille ; en ôtant la terreur, il conserve l’intérêt. […] Il y a tel personnage, Néron par exemple, que cet art et ce tact du monde ont tout entier transformé.
Cet art était alors sur son déclin : et comment ce grand art, qui demande une âme libre, un esprit élevé, se soutiendrait-il chez une nation qui demande l’esclavage ? […] Mais ce grand art dont Tacite fait l’éloge au moment même où il nous apprend que l’orateur fut sifflé, quel était-il donc ? […] Ne serait-ce pas de cet art secret dont il le loue ? […] XIV, cap. xv) : ni l’âge, ni la dignité, ni la naissance, ni le sexe, ne dispensent d’apprendre et d’exercer l’art des histrions. […] LII) ; il ne fit aucun progrès dans l’art oratoire.
L’art s’alimente de mouvement. […] Il proclamait les théories de l’art pour l’art et brandissait l’oriflamme de la « rime millionnaire ». […] Il aimait l’art, il n’aimait que l’art. […] Ce sont des hommes infatigables et qui savent l’art d’agiter l’opinion publique. […] Richebourg ignore l’art de nuancer un caractère, de le pétrir de défauts et de qualités qui se complètent et s’atténuent ; ou, s’il connaît cet art, il le suppose incompatible avec l’intellect de ses lecteurs habituels.
La science militaire est composée de deux choses, de moralité et de géométrie : par l’une on apprend l’art de plier l’homme à une exacte discipline, d’exalter son âme et de lui inspirer un noble orgueil de son état ; par l’autre on combine les moyens les plus prompts d’opérer avec précision différents mouvements. […] Et si l’on s’étonnait de voir un magistrat accorder cette importance aux choses militaires, n’a-t-on pas l’exemple de Machiavel, secrétaire de Florence, qui, le premier chez les modernes, a développé les principes de l’art de la guerre ? […] Le ton, les manières, une certaine élégance qui cache le défaut de solidité, l’art des à-propos, tout cela se trouve sans effet au milieu d’hommes étrangers au grand monde et habitués à réfléchir. […] Examinant la nature des différents gouvernements et le dédain que professent les républicains pour celui d’Angleterre, le président de Longueil remarque que le gouvernement romain et celui des Anglais sont les seuls qui aient dû leurs succès et leur grandeur à leur constitution, tandis que les autres ont dû leur plus grande prospérité à ceux qui en ont tenu les rênes : Mais l’art d’attacher les hommes au régime qui les gouverne, et de le renforcer par leurs efforts, quoique souvent en sens contraire en apparence, n’a été le partage que de ces deux peuples.
MM. de Goncourt sont deux frères jeunes encore, qui ont débuté dans les lettres il y a une douzaine d’années ; qui se sont dès le premier jour jetés en pleine eau pour être plus sûrs d’apprendre à nager ; qui y ont très-bien réussi ; qui ne se sont jamais séparés, qui ont étudié, écrit, vécu ensemble ; qui ont mis tout en commun, y compris leur amour-propre d’auteur ; que cette union si étroite et qui leur semble si facile distingue et honore ; qui ont fait chaque jour de mieux en mieux ; qui, adonnés aux arts, aux curiosités, aux collections tant de livres que d’estampes, ont acquis du xviiie siècle en particulier une connaissance intime, approfondie, secrète, aussi délicate et bien sentie que détaillée. […] Ils ont recours, pour suppléer aux livres qui font souvent défaut ou qui ne s’expriment qu’en termes trop vagues et trop abstraits, à ces auxiliaires que les littérateurs proprement dits, que les illustres Villemain et leurs disciples ont trop négligés, aux arts du dessin, aux tableaux ou estampes du temps ; eux, ils y sont maîtres-amateurs et connaisseurs. […] Mais, en vieillissant, elle sut y mettre tant d’art et de mesure, tant de justesse toujours et tant d’à-propos, qu’on en passait volontiers par sa sévérité et qu’on n’y voyait qu’un jugement sans appel. […] Je crois qu’en tout elle aura été assez contente de son voyage… » On distingue bien en tout ceci l’art, le jeu, l’amabilité naturelle, la considération, et aussi cette crainte qu’on avait de ne pas réussir auprès d’elle, même d’égale à égale. — D’autres visites et voyages à Chanteloup se passent encore mieux les années suivantes : « La chatte rose est tout aussi douce et aussi aimable cette année (mai 1772) que l’année passée. » Elle s’accorde avec tous.
Il y a une littérature contemporaine et congénère de l’art de David ; elle fut très courte de durée et très mélangée : tout marchait si vite alors ! […] Nos plus libres auteurs comme Molière et La Fontaine imitent beaucoup eux-mêmes ; le principal, aux yeux de ce dernier, et tout le fin de l’art consiste à savoir rendre sien cet air d’Antiquité. […] Ce n’est point pourtant dans les Mémoires de Mme Roland que je trouverais précisément ce rapport de ressemblance entre l’art et la littérature ; ils sont trop courants, trop naturels, trop vivants ; si l’on excepte deux ou trois traits, elle s’y montre plus fille de Jean-Jacques encore que des vieux Romains. […] Je connais et j’ai présentes en ce moment à la pensée un certain nombre de femmes instruites, méritantes, éprouvées, natures vaillantes et probes, qui, sorties du peuple ou presque du peuple, ont conquis l’éducation, les lettres, les sciences, les arts même, — quelques-unes la poésie ; — qui pensent et s’expriment avec fermeté, avec nombre et non sans grâce ; qui comptent dans leur intérieur à tous les titres ; qui doublent et affermissent l’intelligence du frère ou de l’époux, le secondent dans sa carrière, l’aident modestement dans ses travaux, et, à défaut d’une certaine fleur peut-être, font goûter les fruits les plus sûrs et ce qu’il y a de meilleur dans le trésor domestique.
Le comte de Saxe, qui avait de l’imagination, a bien voulu en effet, quoi qu’on dise, essayer d’un traité sur l’Art de la Guerre par manière d’amusement, et ce sont ses jeunesses à lui, juvenilia, c’est un pêle-mêle d’ébauches, de boutades et de réflexions, tantôt hasardées, tantôt judicieuses, qu’il nous a livré dans ces feuilles volantes. Mais il est impossible que dans les dictées d’un homme de guerre d’une vocation aussi décidée il n’y ait pas de bonnes et fines remarques de détail (comme chez Montluc en son temps), des observations pratiques utiles au métier et d’autres qui touchent au moral de l’art et qui sont supérieures : Mes Rêveries en sont semées ; Napoléon, en les lisant, y a fait les deux parts10 ; et le comte Vitzthum a raison d’y signaler, à son tour, de bonnes et même de tout à fait belles pages : ainsi l’exposé de la bataille de Pultava, ainsi un curieux récit de l’affaire de Denain au point de vue du prince Eugène11 ; ainsi des réflexions sur la défaite de Malplaquet, sur la déroute de Ramillies ; de singulières anecdotes sur des paniques d’hommes et de chevaux même après la victoire gagnée, racontées à l’auteur par Villars ; mais surtout un admirable endroit sur l’idée du parfait général d’armée que le comte de Saxe avait vu à peu près réalisé en la personne du prince Eugène. […] N’en déplaise à d’Argenson, Maurice avait ce que l’ami Fabrice dans Gil Blas appelle l’outil universel, le grand outil de l’esprit : il avait la connaissance des hommes, l’art de les mener, de les manier, le tact. […] » On n’est pas philosophe à ce point, dans un art où l’on excelle, sans avoir de l’esprit de reste pour de tout autres parties, lorsqu’on voudra s’en mêler.
En ce point était l’art, la merveille suprême, et c’était un charme pour le lecteur instruit de goûter le nouveau, tout en y reconnaissant d’anciennes traces. […] Sa plus grande audace consiste dans l’art de l’imitation, et à savoir bien la placer, à ne pas l’aller mettre en lieu trop bas, trop prochain ou trop facile. […] Bien qu’il ait annoncé précédemment qu’il ne tracerait pas l’idée complète et exemplaire du poète, il va pourtant le dépeindre et le présenter dans les conditions qu’il estime les plus favorables pour entreprendre une telle œuvre, c’est-à-dire doué d’une excellente félicité de nature, instruit dès l’enfance de tous les bons arts et sciences, versé dans les meilleurs auteurs de l’Antiquité, nullement ignorant avec cela des offices et devoirs de la vie humaine et civile, pas de trop haute naissance surtout ni appelé au régime public, ni non plus de lieu abject et pauvre, afin d’être exempt des embarras et des soucis domestiques, mais tranquille et serein d’esprit par tempérament et aussi par bonne conduite : il est touchant de lui voir définir cette heureuse médiocrité de condition et de circonstances, qui permet mieux en effet toute sa franchise de vocation et tout son essor au génie. […] Horace, Art poétique, 420.
Ses opinions politiques et religieuses ont subi quelque transformation avec l’âge et la leçon des événements ; ses idées de poésie et d’art se sont de jour en jour étendues et affermies. […] Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fanatismes et des prestiges, oubliant le sang généreux, qui, sept ans trop tôt, coulait déjà des veines populaires ; — si on consent à voir dans cette année, qu’on pourrait à meilleur droit appeler néfaste, le moment éblouissant, pindarique, de la Restauration, comme les dix-huit mois de M. de Martignac en furent le moment tolérable et sensé ; on comprendra alors que des jeunes hommes, la plupart d’éducation distinguée ou d’habitudes choisies, aimant l’art, la poésie, les tableaux flatteurs, la grâce ingénieuse des loisirs, nés royalistes, chrétiens par convenance et vague sentiment, aient cru le temps propice pour se créer un petit monde heureux, abrité et recueilli. […] Qu’on ne juge point pourtant que le résultat dernier de cette période fut d’être fatale à la poésie et à l’art ; ceux qui étaient condamnés au mauvais goût en furent infectés et en périrent, voilà tout : les natures saines et fortes triomphèrent. […] Nulles poésies ne caractérisent plus brillamment le clair intervalle où elles sont nées, précisément par cet oubli où elles le laissent, par le désintéressement du fond, la fantaisie libre et courante, la curiosité du style, et ce trône merveilleux dressé à l’art pur.
Il y avait les grands auteurs d’alors, les écrivains qui cultivaient les parties nobles de l’art dramatique : M. […] Scribe me paraît consister dans la combinaison et l’agencement des scènes ; là est sa forme originale, le ressort vraiment distingué de son succès ; là il a mis de l’art, de l’étude, une habileté singulière, et son invention porte surtout là-dessus. […] S’il fallait pourtant proposer absolument ma conjecture, je dirais qu’un de ses grands arts est de prendre en tout le contre-pied juste de ce qui semble et de ce qu’on attend (le plus beau Jour de la Vie). […] Dans les proportions où son paradoxe s’est produit sur ces sujets plus graves, il a touché mainte fois à l’odieux, et, à force d’art, il a su l’esquiver.
si la main de l’art, si les doigts d’une femme Ranimaient tes concerts, Avant que pour jamais les restes de ton âme S’envolent dans les airs ! […] Il en est de la poésie amoureuse comme de Vénus quand elle se montre aux yeux d’Énée, naufragé près de Carthage et à la veille de voir Didon : elle prend les traits d’une mortelle, d’une simple chasseresse ; elle ressemble à une jeune fille de Sparte, et s’exprime sans art d’abord, avec un naturel parfait. […] Pardon, au milieu de cette période de l’école de l’art, d’avoir osé rappeler et recommander aujourd’hui quelques poésies que l’image triomphante ne couronne pas ; mais il nous a semblé que, même sous le règne des talents les plus radieux, il y avait lieu, au moins pour le souvenir, à d’humbles et doux vers comme autrefois, à des vers nés de source ; cela rafraîchit. […] Pline le Jeune, parlant d’un poëte de son temps (Lettres, I, 16), dit qu’il sait mêler avec art, dans ses élégies, à des vers doux et coulants, d’autres vers un peu durs (duriusculos quosdam), et qu’eu cela il fait comme Calvus ou comme Catulle.
Par l’autre voix secrète, il n’était pas moins excité à se marquer une place entre les jeunes et hardis investigateurs qui, dans les dix dernières années de la Restauration, allaient demander aux littératures étrangères des vues plus larges, des précédents et des points d’appui pour l’émancipation de l’art, et des termes nombreux de comparaison pour l’histoire de l’humaine pensée. […] Sera-ce du moins par une certaine forme d’art, par une certaine lumière vive et juste d’expression qu’il se fera jour et resplendira à travers l’analyse ? […] Cette intelligence secrète et sentie que n’ont pas eue tant d’estimables historiens, pourtant réputés à bon droit critiques, ce don, cet art particulier dont la sobre magie se dissimule à chaque pas, qui ne convertit pas tout en or, mais qui rend à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur, tient de très-près à l’esprit poétique, modéré et corrigé comme je l’entends. […] Dans leurs cellules rigoureuses, dans ces chambres sans feu, même l’hiver172, les doctes religieux, le front baissé, s’appliquaient sans art à une besogne excellente : se seraient-ils permis même une fleur ?
Eynard et les pièces qu’il produit, de ce besoin et aussi de ce talent inné de Mme de Krüdner, et combien elle s’entend de bonne heure à la mise en scène du sentiment : j’en suis presque effrayé à certains endroits, quand je songe à combien de choses cet art secret a pu se mêler insensiblement depuis, sans qu’elle-même s’en rendît peut-être bien compte. […] Elle n’a pas alors moins de trente-sept ans ; elle les déguise avec art sous une grâce divine que les femmes mêmes sont forcées d’admirer ; mais elle sent que le moment est venu d’appeler à son aide les succès de l’esprit et de prolonger la jeunesse par la renommée. […] « La patience, a-t-on dit196, est l’art d’espérer. L’art du bonheur dans la dévotion est de se donner une dernière illusion plus longue que la vie, et dont on ne puisse se détromper avant la mort.
François Ier est assez ignorant, léger, superficiel : il semble qu’en fait d’art il ait eu surtout le sens du décor, surtout du décor mondain et fastueux. Il a aimé les tableaux, les statues, mais plus encore les bâtiments : l’architecture est son art favori. […] Tout le monde connaît cette grâce malicieuse, cette très peu candide et très naturelle simplicité, ces jets imprévus d’imagination ou d’ironie, cet art de dire les choses en se jouant, sans appuyer, et d’enfoncer profondément le trait dont l’atteinte est si légère. […] Biographie : Mellin de Saint-Gelais (1487-1558), fils du poète Octovian de Saint-Gelais, évêque d’Angoulème, fut très bien instruit en langues, sciences, armes, arts libéraux, étudia le droit aux universités de Poitiers, Bologne, Padoue, entra dans les ordres en 1524, et devint aumônier du dauphin.
Voltaire journaliste : l’art de lancer les idées et de remuer l’opinion publique. — 2. […] Jugement d’ensemble sur Voltaire : caractère, esprit ; style ; l’ironie voltairienne ; l’art de conter. […] Il n’a pas eu le grand goût, le sens profond de l’art, de la poésie : il a eu des timidités d’écolier, des répugnances de petite-maîtresse, devant la vraie nature et devant les maîtres qui l’ont rendue. […] Si l’on voulait se représenter ce que notre vieille littérature, purement française, aurait pu donner sans la Renaissance, à quelle perfection originale elle aurait pu parvenir sans le secours et les modèles de l’art antique, je crois que le xviiie siècle peut nous le montrer, et, dans le xviiie siècle, Voltaire.