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1558. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Peut être compris du premier coup par n’importe qui un trait de sentiment qui parfois du reste est fort beau.

1559. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Le style, un style unique de trait, de tour et de mouvement, — le style, cette magie d’Alcine et d’Armide ! 

1560. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Enfin, pour l’achever par un dernier trait, ce bourru bienfaisant, comme on l’a nommé, avait l’impitoyabilité du grand chasseur.

1561. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

. ; tous ces traits chauffés au feu du moment, aiguisés sur la circonstance, firent de lui le grand sagittaire de l’époque, l’outlaw de ce régime bâtard du juste milieu qu’il méprisait.

1562. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

On se demande pour les besoins de quelle idée fausser ainsi son sens critique, et, après avoir méconnu le vrai, braver, par-dessus le marché, les contradictions : « S’il est un trait distinctif de l’auteur de ces Mémoires, — dit M. 

1563. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Magnier a raconté en quelques traits cette vie du Dante, dont on sait si peu de chose et dont pourtant on sait trop encore ; — car cet homme fut un égoïste énorme dont le génie peut-être était toutes les vertus.

1564. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

— Les débris d’un miroir Que l’on retrouve un jour au fond d’un vieux tiroir ; La figure y grimace, et la glace brisée Nous y montre des traits dignes de la risée… Tombez, vieux chênes morts !

1565. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Seulement il envierait le trait de la fin, qui est charmant : Le silence, cet oiseau Dont on n’entend pas les ailes !

1566. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Je ne puis m’empêcher de les citer, ces vers qui nous vengent et qui refont, en quelques traits puissants, l’éternelle hiérarchie bouleversée ; — Eh bien, non !

1567. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Que si, au contraire, ce titre d’Aventures parisiennes donné à un livre d’observation d’intérieur, de coin du feu, de sentiment raffiné, est une ironie détournée contre cette société devenue si uniformément plate à force de civilisation, et dans laquelle chacun de nous n’a plus d’autres aventures à courir que dans les deux pouces cachés de son propre cœur, elle est vraiment trop détournée, cette ironie ; c’est là une intention qui ne sera pas aperçue, et l’auteur aura manqué son trait, comme le joueur au billard manque la bille pour avoir voulu la prendre trop fin.

1568. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Il peignait les hommes de génie à larges traits, ne s’attardant pas aux disgrâces fâcheuses, aux menues difformités dont la découverte jette en des joies indécentes les potaches et les pions. […] Ceci me remet en mémoire un trait que rapportent les anecdotiers du xviiie  siècle. […] Courtisan, il le fut (courtisan honnête) et l’on n’a pas négligé de relever dans ces deux recueils de lettres et de correspondances, tous les traits qui peuvent marquer à quel point Feuillet goûta le plaisir d’être admis aux récréations de Compiègne, aux plaisirs de Saint-Cloud et aux dîners de Fontainebleau. […] Le voici, cet homme doux et pâle, déjà suffisamment reculé dans le lointain, pour que les jeunes gens d’aujourd’hui, en cherchant ses traits effacés, puissent être exempts des passions diverses que son nom souleva dans l’âme de nos pères. […] Je pourrais craindre, en rappelant ce trait, de donner à M. 

1569. (1923) Nouvelles études et autres figures

L’athéisme de Bysshe et la curiosité des sciences mystérieuses se retrouveront chez le jeune Shelley ; mais nous ne saurons jamais si les années auraient fait ressortir en lui les autres traits de son aïeul. […] Ses traits étaient irréguliers, son nez trop petit, mais sa bouche charmante, et tout son visage imberbe respirait une intelligence de feu. […] « Elle se trahissait dans ses traits ; ses yeux étaient rouges et enflammés ; sa chevelure et ses habits en désordre. […] Pour citer des exemples, la Décadence romaine n’a pas un trait qui ne soit rigoureusement exact. » Pas un trait qui ne soit… ! […] Il supprime des traits d’un réalisme pittoresque.

1570. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Un être n’est lui-même qu’à la condition de ne pas être un autre ; il ne peut donc pas ne pas avoir des traits caractéristiques. […] Les traits de la beauté sont épars et divisés. […] Toute figure est composée de traits individuels qui la distinguent de toutes les autres et font sa physionomie propre, et en même temps elle a des traits généraux qui constituent ce qu’on appelle la figure humaine. […] Sur ces traits recueillis et pénétrés, dans ces yeux levés vers le ciel, respire l’âme de ce grand serviteur de Dieu, mort à l’autel comme un guerrier au champ d’honneur. […] L’affection même ne détermine pas l’admiration ; tandis qu’un trait héroïque, partant d’un ennemi même, nous l’arrache malgré nous.

1571. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Il n’est que le hasard pour avoir de ces traits. […] Ce sont les deux traits essentiels de l’enfant de caste, bien né pour en faire partie. […] Il est possible ; mais voici venir quelqu’un qui prendra cette démonstration toute faite, et la fera aboutir à une autre conclusion, et sur la foi de de Maistre, nous montrera le christianisme ressemblant trait pour trait au paganisme. […] Mais, du premier coup, les grandes lignes ont été saisies et marquées d’un trait vigoureux. […] il n’a pas voulu sacrifier ce trait-là, et il l’a mis, et il y a insisté, et il en a tiré parti ; et ce trait était en désaccord avec le reste, et il n’a point expliqué ce désaccord.

1572. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Mais, si produire est amer, admirer est doux, et cette douceur Flaubert l’a goûtée pleinement ; il l’a bue à longs traits. […] La première a trait à l’article Avaray (comte d’). […] Le trait est de Rollin. […] Ce dernier trait, le trait essentiel, a été admirablement marqué par M.  […] À ce trait on reconnaît un ingénieur des mines prompt à descendre dans les bennes et jaloux de payer de sa personne.

1573. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Au couple d’idées abstraites associées dans notre esprit correspond, trait pour trait, un couple de caractères abstraits associés dans la nature ; désormais, à chaque cas nouveau que nous observons, notre proposition reçoit une justification nouvelle, et la loi énoncée ne rencontre plus d’exceptions. — Au bout d’un temps fort long, après beaucoup de correspondances ainsi vérifiées, les hommes de certaines races et de certaines civilisations, les Européens modernes par exemple, ont fini par croire qu’il en est ainsi dans tous les cas, que telle est la constitution des choses, que toute la nature est régie par des lois, que tout son cours est uniforme, qu’en tout temps et en tout lieu, dans le monde moral et dans le monde physique, tout caractère donné a des conditions dont la présence entraîne sa présence. […] II Tels sont les traits distinctifs des propositions générales dans lesquelles les idées composantes, formées par extraction et graduellement ajustées aux caractères généraux des choses réelles, sont tenues de correspondre à leur objet. — Tout autres sont les traits distinctifs des propositions générales dont les idées composantes, formées par construction, ne sont pas assujetties à une obligation semblable. […] Retranchez aux deux grandeurs leurs traits distinctifs, aux deux grandeurs artificielles égales la propriété d’appartenir à deux collections distinctes, aux deux grandeurs naturelles égales la propriété d’avoir des emplacements distincts ; elles deviennent la même grandeur.

1574. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Nous avons déjà remarqué [§ 8] que le souvenir, même immédiat et sans intervalle d’oubli, est en raison directe de l’intensité de l’état dont on se souvient ; pour des états très faibles, le souvenir est impossible ; les traits spécifiques d’une idée, présents un court instant à la conscience, peuvent être alors suffisamment distincts pour satisfaire l’esprit et lui permettre de passer sans remords à une autre idée, sans pourtant l’être assez pour que, l’instant suivant, l’attention, s’attachant à l’idée qui vient de fuir, les retrouve et les reconnaisse296. […] Mais, dira-t-on, au moment où l’idée est remémorée, elle n’est pas, comme le souvenir d’une sensation, l’écho affaibli d’un état fort, puisque déjà auparavant elle était un état faible ; son intensité est, au contraire, renforcée, puisque, cette fois, nous lui donnons notre attention ; or ne disions-nous pas, il y a peu d’instants, qu’une remémoration attentive fait revivre les anciennes images particulières dont la répétition avait affaibli les traits distinctifs ? […] Nous étions donc en droit de dire que les traits spécifiques des idées, qui n’échappent pas à la conscience, échappent au souvenir, et même à la remémoration réfléchie et analytique ; en effet, fussent-ils renforcés et bien distincts lorsqu’ils reparaissent dans le cours de la remémoration, ils ne sont pas des souvenirs, du moment que l’esprit qui se répète ignore qu’il se répète ; le second fait est l’image du premier, image complète et, de plus, ravivée ; mais l’esprit ne retrouve même pas dans le second tout le premier, et ainsi le souvenir embrasse moins que ne faisait la conscience. […] C’est un trait commun à toutes les habitudes et à un grand nombre de successions non habituelles, que la vertu suscitante du suscitant est indépendante de la force du suscitant comme état de conscience, et qu’elle reste égale à elle-même ou s’augmente alors que le suscitant lui-même s’affaiblit300. […] Le néologisme a trois procédés : 1° construire des mots nouveaux avec les radicaux et d’après les lois de la langue que l’on veut enrichir ou renouveler ; 2° emprunter des radicaux à des langues étrangères, et les particulariser au moyen des affixes de la langue maternelle ; 3° emprunter aux langues étrangères des mots tout formés, avec la nuance particulière de leur signification ; demandant un effort de souvenir pour être compris, ces mots font trait dans la phrase et disent bien ce qu’on veut leur faire dire ; mais, ensuite, ils entrent difficilement dans la langue commune ; ils n’ont guère d’autre valeur que celle d’un expédient momentané, précieux seulement pour tourner une difficulté ; par suite, après les épistolaires, qui n’écrivent pas pour tout le monde, ce procédé n’est guère employé que par les humoristes, qui cherchent l’expression saisissante et la nuance exacte, et qui, eux aussi, n’écrivent pas pour le grand public ; et, chez les uns et les autres, ou peut dire que les mots étrangers sont des néologismes à l’état naissant, mais mort-nés pour la plupart. — Cette utilité des langues non-usuelles pour rajeunir la pensée a été bien exprimée par Benjamin Constant dans un passage d’Adolphe : « Elle parlait plusieurs langues imparfaitement ; mais ses idées semblaient se faire jour à travers les obstacles et sortir de cette lutte plus agréables, plus naïves et plus neuves : car les idiomes étrangers rajeunissent les pensées et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées. » [Le passage d’Adolphe cité par Egger se trouve au début du chapitre II, lors de la rencontre d’Elléonore (B.

1575. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Enfin, un dernier trait les distingue et les sépare. […] Sa foi est dans tout ce qu’il écrit, et ce seul trait prouve, selon nous, que Buffon ne fui ni son maître ni son modèle. […] Le trait caractéristique de leur génie, c’est que Jean-Jacques s’isole, et rapporte toutes ses spéculations à un seul homme, qui est souvent lui-même, tandis que Bernardin de Saint-Pierre étend les siennes à la nature et au genre humain. […] Amant de la gloire de loin, comme des choses qui brûlent en éblouissant, sa figure portait le témoignage de son caractère ; il était grand, fort, élancé ; ses traits, pris séparément, n’étaient pas délicatement irréprochables, mais vus de distance ils étaient imposants, doux et fiers ; ses membres souples, sa démarche libre et noble.

1576. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Quelques lâches à relever çà et là dans le volume que je lis, quelques négligences qui se ressentent de la dictée et qui se corrigeraient d’un trait de plume, des hélas !

1577. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Vous toutes qui savez tout ce dont se composent les mille et un secret d’une toilette éblouissante et réparatrice, écoutez : Art sublime d’un nœud, d’une tresse ou d’un pli, Corsages à la fois voluptueux et chastes, Toilettes d’un matin à défier l’oubli, Étoffes dont le goût assortit les contrastes Où tempère l’éclat, à dessein affaibli ; Adorables chiffons, terribles bagatelles, D’inévitables traits arsenal chatoyant, Gazes, crêpe, rubans, guipures et dentelles.

1578. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

. — « Tu ne subis point la vieillesse », — dit à la cigale le poëte de Téos, — « frêle enfant de la terre, toi qui aimes les chansons. » Et dans un autre feuilleton encore : « Les rides, si jamais elles viennent, iront à sa petite figure spirituelle et impertinente comme les craquelures à la porcelaine. » Ces charmants hasards de plume valent pour moi de plus grands traits, et je ne veux pas que le feuilleton, sous prétexte qu’il devient livre et qu’il se fait plus grave, me les ôte et me les supprime.

1579. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Si en effet quelques traits de style et de pinceau, aux endroits particulièrement descriptifs et littéraires, dénotent plus de fermeté et d’habitude qu’il n’est naturel d’en accorder à une femme toute seule, dans un premier essai d’aussi longue haleine, une foule d’observations fines et profondes, de nuances intérieures, de sensations progressives ; l’analyse du cœur d’Indiana, de ses flétrissants ennuis, de son attente morne, fiévreuse et désespérée, pauvre esclave !

1580. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Les peintures que faisaient à ce sujet les prédicateurs saint-simoniens étaient sans doute excessives et ne tenaient nul compte de beaucoup des adoucissements de la réalité ; mais sur certains points, le trait n’était que juste, et bien des cœurs jusque-là muets et contenus y répondirent avec tressaillement.

1581. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

On a retrouvé de prime saut l’auteur de Henri III, d’Antony, même d’Angèle : de la rapidité, du trait, du mouvement, un entrain animé, impétueux, habile, qui laisse peu de trêve aux objections, qui amuse avant tout et enlève, qui touche quelquefois.

1582. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Sa destinée, ni son caractère ne le préparant point à s’exposer aux coups du sort, il semblait que son âme devait succomber au premier trait du malheur.

1583. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Mais cet avantage que Goethe perd un moment, il le retrouve le moment d’après, quand, par exemple, la lecture d’un chœur de Sophocle ou d’une ode de Pindare fait couler à longs traits dans tous ses sens et dans son âme une émotion, une félicité, que jamais ne goûta madame de Staël.

1584. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Depuis Cicéron et Sénèque, depuis Épictète et Sénèque on n’avait jamais écrit sur l’homme avec autant d’ampleur et de précision : ce que l’esprit français enrichi par l’éducation classique fera excellemment, la description des traits généraux de l’homme moral, je le trouve dans Calvin, qui se place ainsi aux sources mêmes du génie classique.

1585. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Il a trop demandé aux choses ; il a voulu d’un trait, âprement et avidement, savourer toute la vie : il ne l’a point cueillie, il ne l’a point goûtée ; il l’a arrachée comme une grappe et pressée, et froissée, et tordue ; et il est resté les mains salies, aussi altéré que devant.

1586. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

J’ai vu partout, ses traits multipliés, À l’eau, à l’huile, à la cire, à la colle.

1587. (1890) L’avenir de la science « I »

La sanctification de la vie inférieure par des pratiques et des cérémonies extérieures est un trait commun à toutes les religions.

1588. (1890) L’avenir de la science « IX »

Le monde n’est-il pas le premier objet qui excite la curiosité de l’esprit humain, n’aiguise-t-il pas tout d’abord cet appétit de savoir, qui est le trait distinctif de notre nature raisonnable, et qui fait de nous des êtres capables de philosopher ?

1589. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Mais les traits des [Greek : Logia] de Matthieu sont suffisamment significatifs.

1590. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Minces détails, si l’on veut, qui sont pourtant des traits de caractère, des indices révélateurs d’un ensemble d’opinions et qui peuvent en certains cas devenir le point de départ de conjectures intéressantes  !

1591. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Il seroit également injuste de se récrier contre certains traits de critique, où la plaisanterie nous échappe comme d’elle-même, à la vue du ridicule : si nous savions d’autres moyens plus propres à le faire sentir, nous les aurions employés.

1592. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Et la femme retirée, toute sanglotante après avoir jeté un regard d’ineffable tendresse sur l’apparent dormeur, — Kuranosuké se lève, sans aucune trace d’ivresse dans les manières et avec des traits exprimant la plus vive émotion.

1593. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

On y ridiculise l’affectation à courir après les mots nouveaux, les pensées énigmatiques, les tours recherchés, les petites sentences coupées, ces finesses, ces expressions, ces traits saillans, ces gaités, ces familiarités ingénieuses, tous ces jeux d’une imagination déréglée, qui sont l’esprit des sots.

1594. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Où les grands traits sont-ils plutôt remarqués & sentis, & les défauts avec les ridicules plus justement relevés ?

1595. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Toutes ses Pièces n’ont pas d’égales beautés, mais on peut dire que dans ses moindres il y a des traits qui n’ont pu partir que de la main d’un grand maître, et que celles qu’on estime les meilleures, comme Le Misanthrope, Le Tartuffe, Les Femmes savantes, etc. sont des chef-d’œuvres qu’on ne saurait assez admirer.

1596. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Ce trait, pour parler le langage de Montaigne, me semble bas de poil, pour une âme de votre trempe.

1597. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Pour montrer à quelles proportions étranges et rapides cette haine est, d’un seul trait, montée, ne parlait-on pas, récemment, de l’empoisonnement en masse de tout le thé que, chaque année, les Chinois vendent aux Européens ?

1598. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

IV C’est là le trait important à noter !

1599. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

III Car il est religieux, Hérodote, et c’est par ce trait qu’il est bon de finir la médaille que j’en risque aujourd’hui d’un burin si peu appuyé et si rapide.

1600. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Une main qui n’est pas espagnole, mais allemande a entrepris de resculpter cette vieille statue, aux traits diminués par le temps et couverts de la poussière des siècles, et de demander à la génération présente un peu d’admiration pour cette grandeur.

1601. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Cette « probité d’honnête homme » dans une malhonnête femme ne lui a pas paru si sublime, et le trait du dépôt rendu, dont on nous rabat les oreilles, valoir la peine que toute une époque en parlât comme du Qu’il mourût des Horaces.

1602. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Dernièrement un journal, en rendant compte des Mémoires nouveaux qu’on publie, a raconté vingt traits de courage de Vaublanc qui ne voulait pas mourir, à une époque où l’héroïsme était de se laisser égorger comme des moutons et de se coucher sous la guillotine ; mais il a oublié le bon sens qui, chez Vaublanc, doublait le courage, et en l’oubliant il a, à son tour, mutilé l’homme de ces intéressants mémoires, mutilés !

1603. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

… Mais Prescott, dédaigneux de ces moyens d’effet, éparpille les traits de ses figures, au lieu de les concentrer.

1604. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Sa vie eût été différente, et sa gloire, dans la mémoire des hommes, serait mieux que ce trait de feu qui l’a traversée, mais qui a passé, et que le but de cette Correspondance est de raviver.

1605. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

C’est cette vaste réorganisation qu’il a décrite dans sa brochure, à grands traits pressés, mais vivants.

1606. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Toutes ces choses, il faut les voir dans ce poème incroyable, que Raphaël essaierait peut-être de peindre, s’il revenait au monde, et où les traits pareils a ceux-ci tombent à travers des magnificences d’expressions radieuses, comme de blanches larmes divines : Puisque vous êtes beau, vous êtes bon sans doute !

1607. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

À ce compte-là, plus la civilisation se compliquerait et tordrait sa spirale, moins on serait capable de poésie épique, ce qui mettrait, du reste, la vanité des nations hors de cause et raierait d’un trait le fameux anathème physiologique : « les modernes (et particulièrement les Français) n’ont pas la tête épique », nul poème ne pouvant désormais étreindre le détail énorme de nos colossales civilisations.

1608. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

C’est une suite de bouffonneries charivariques assez drôles, dans lesquelles on rencontre de temps à autre un trait touchant, comme perle quelquefois une larme intelligente dans les yeux avinés d’un ivrogne, mais c’est là tout !

1609. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

C’est un sentimental et un sentimental discret, et si discret qu’il oublie de mettre son nom à son épitaphe, car c’est son épitaphe que celle-ci, qui n’est celle de personne dans son recueil, et dans laquelle on rencontre de ces traits, révélation d’une muette destinée : Arrête-toi, passant.

1610. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Il naîtra sur un lit de chaume, Et celle qui l’aura porté, Ce roi du céleste royaume, Gardera sa virginité ; Car à travers sa chaste mère Passera l’enfant radieux, Trait raphaëlesque !

1611. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Je ferai comme ces peintres qui ne pouvant transporter avec eux un antique pour le faire admirer, en crayonnent rapidement les contours et les principaux traits : presque tout le mérite de la figure échappe, mais on connaît du moins les mouvements et l’attitude.

1612. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Les deux traits principaux qui caractérisent les aristocraties sont la garde des limites, et la conservation et distinction des ordres politiques.

1613. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Grimm, cet autre frondeur de nos usages & de nos goûts, il repoussa les principaux traits sous lesquels l’académicien croyoit l’avoir accablé. […] Pour les faire cesser, il se proposa de crier plus haut que personne, & se fit un bouclier impénétrable à tous les traits en répétant toujours ces deux grands mots : vertu, vérité ! […] Les traits lancés par l’abbé Raguenet, contre le père de la musique Françoise, révoltèrent ses amateurs. […] Cette nation aimable & bisarre, timide & fière, douce & violente, humaine & injuste, constante & volage, étoit représentée avec tous les traits distinctifs de son caractère. […] Les uns & les autres, au rapport de l’historien de la guerre séraphique, dont j’emprunte & j’adoucis toujours les traits, avoient déjà disputé d’humilité par ostentation ; & cette fois ils disputèrent de désintéressement par avidité.

1614. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

J’aurais aimé à trouver dans son Introduction d’Hippocrate quelque page vivante, animée, se détachant aisément, flottante et immortelle, une page décidément de grand écrivain et à la Buffon, comme il était certes capable de l’écrire, où fut restauré, sans un trait faux, mais éclairé de toutes les lumières probables, ce personnage d’Hippocrate, du vieillard divin, dans sa ligne idéale, tenant en main le sceptre de son art, ce sceptre enroulé du mystérieux serpent d’Épidaure ; un Hippocrate environné de disciples, au lit du malade, le front grave, au tact divinateur, au pronostic sûr et presque infaillible ; juge unique de l’ensemble des phénomènes, en saisissant le lien, embrassant d’un coup d’œil la marche du mal, l’équilibre instable de la vie, prédisant les crises ; maître dans tous les dehors de l’observation médicale, qu’il possédait comme pas un ne l’a fait depuis. […] Comment de ce mélange si confus, de ce broiement en tous sens, de cet amalgame d’apparence si incohérente, était-il sorti en ces divers lieux, et avec des différences tranchées, des produits congénères pourtant et marqués de certains traits de commune ressemblance ? […] Littré, qu’il y a eu, dans cette transformation confuse de l’ancien latin et dans son passage aux idiomes romans modernes, des traits singuliers de ressemblance jusque dans la diversité, de conformité jusque dans les différences : Facies non omnibus una, Nec diversa tamen ; qualem decet esse sororum.

1615. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Je vais donc repasser sur quelques-uns des mêmes traits en appuyant davantage, en insistant et en complétant partout où je le pourrai. […] Le public, qui avait d’abord applaudi à d’heureux traits, avait fini par être impatienté, excédé, et, pour tout dire, irrité. […] Il nous donnait par là tout loisir de l’observer, et souvent un peu plus qu’on ne l’aurait désiré ; j’ai retenu plus d’un trait qui achèverait de le peindre, en amenant sur les lèvres le sourire ; mais un sentiment supérieur l’emporte sur cette vérité de détail qui ne s’adresse qu’à des défauts ou des faiblesses désormais évanouies, et, puisque nous avons été reportés par ce dernier recueil aux sommets mêmes de son esprit, aux meilleures et aux plus durables parties de son talent, je m’en tiendrai, en finissant, à la réflexion la plus naturelle qui s’offre à son sujet et qui devient aussi la plus juste et la plus digne des conclusions.

1616. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il l’a médité longtemps dès sa tendre jeunesse, il doit le placer au premier rang de ses pères intellectuels ; il le reproduit par quelques traits intimes de ressemblance, par un spiritualisme, un déisme ardent et sincère, par la passion de la nature et de la campagne, par l’enthousiasme et l’ivresse du cœur dans les courses pédestres solitaires. […] Amitié rare, née de la poésie et qui lui revient fidèlement, si ce n’était descendre trop près de nous, que ne dirait-on pas de ces délicates affections de femme, de ces grâces ingénieuses et souriantes qui consolaient Alfred de Musset sous les traits d’une marraine, et qui ne manquèrent pas au chevet de douleur et de mort d’un Henri Heine lui-même ! […] Les traits malins et les épigrammes partent chez elle avec tant de simplicité, qu’il faut une attention continuelle, et pour moi très fatigante, pour sentir quand on est persiflé.

1617. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

. —  Et tout le linceul était de drap d’or — ramené jusqu’à la ceinture ; elle-même tout en blanc, —  excepté son visage, et ce visage aux traits si purs — était aimable, car elle ne semblait point morte, —  mais profondement endormie, et reposait en souriant1538. » Elle arrive ainsi dans un grand silence, et le roi Arthur lit la lettre devant tous les chevaliers et toutes les dames qui pleurent : « Très-noble seigneur, sir Lancelot du Lac, —  moi qu’on appelait quelquefois la vierge d’Astolat, —  je viens ici, car vous m’avez quittée sans prendre congé de moi ; —  je viens ici afin de prendre pour la dernière fois congé de vous. —  Je vous aimais, et mon amour n’a point eu de retour. —  C’est pourquoi mon fidèle amour a été ma mort. —  C’est pourquoi, devant notre dame Ginèvre — et devant toutes les autres dames, je fais ma plainte. —  Priez pour mon âme et accordez-moi la sépulture. —  Prie pour mon âme, toi aussi, sir Lancelot, —  car tu es un chevalier sans égal1539. » Rien de plus ; elle finit sur ce dernier mot, plein d’un regret si triste et d’une admiration si tendre : on aurait peine à trouver quelque chose de plus simple et de plus délicat. […] Comment rassembler en quelques mots tous les traits de ce talent si multiple ? […] Il a trop demandé aux choses ; il a voulu d’un trait, âprement et avidement, savourer toute la vie ; il ne l’a point cueillie, il ne l’a point goûtée ; il l’a arrachée comme une grappe, et pressée, et froissée, et tordue ; et il est resté les mains salies, aussi altéré que devant1545.

1618. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

« Moi qui étais plus sauvage que les cerfs des forêts », écrit-il ; et ailleurs : « Les traits qui m’avaient été lancés jusqu’alors n’avaient fait qu’effleurer mon cœur, quand l’amour appela à son aide une dame toute-puissante contre laquelle ni le génie, ni la force, ni les supplications ne purent jamais rien. » C’est dans ces dispositions de l’indifférence que le lundi de la semaine sainte, 6 avril 1327, à six heures du matin, dans l’église des religieuses de Sainte-Claire, où Pétrarque était allé faire ses prières, ses regards furent éblouis par une dame de la plus tendre jeunesse et d’une incomparable beauté. […] Ce costume, dans lequel elle resta pour jamais dans sa mémoire, ainsi que tous les traits de son visage et tous les détails de sa figure, recomposent çà et là le portrait de cette personne dans les odes et dans les sonnets de son poète. […] Le cinquante-septième sonnet laisse entrevoir l’orgueilleuse tristesse de son amant, en voyant sur les traits de Laure ces signes involontaires d’affection.

1619. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

… Ce qui m’a surtout charmé dans ce prodigieux ouvrage, c’est que l’Arioste, toujours au-dessus de sa matière, la traite en badinant ; il dit les choses les plus sublimes sans effort, et il les conclut souvent par un trait de plaisanterie, qui n’est ni déplacé ni recherché. […] Moi-même j’ai essayé vingt fois dans ma vie, à tête reposée, de décrire sur une page en vers ou en prose cette indescriptible figure avec tous les détails des traits, des yeux, de la bouche, des cheveux, de l’attitude, sans avoir jamais pu y réussir. […] Ce n’était cependant ni sa taille, plutôt harmonieuse qu’élancée, ni ses cheveux blonds, dorés comme les régimes de mais suspendus aux toits des chaumières de ses collines, ni ses yeux bleus, plus foncés que les eaux de sa mer Adriatique, ni sa bouche souriante, ni ses dents de nacre, ni sa tête ondoyante sur son cou de marbre un peu long, comme la tête légère de la jument arabe sur son encolure, ni sa démarche un peu traînante et un peu serpentante, comme celle de la femme turque accoutumée au divan, et qui traîne ses pieds nus dans ses babouches au bord de ses fontaines ; ce n’était pas même le timbre enchanteur de sa voix, où tintait un rire sonore et léger sur une basse de mélancolie douce et tendre ; non, ce n’était rien de tout cela qui pouvait donner le trait dominant à ce portrait d’Italienne du Nord.

1620. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Là se marquent les premiers traits du caractère de Rousseau, l’amour des arbres, de la campagne, de la nature. […] Les préjugés dont il n’était pas subjugué, les passions factices dont il n’était pas la proie n’offusquaient point à ses yeux, comme à ceux des autres, ces premiers traits si généralement oubliés ou méconnus… En un mot il fallait qu’un homme se fût peint lui-même, pour nous montrer ainsi l’homme primitif, et, si l’auteur n’eût été tout aussi singulier que ses livres, jamais il ne les eût écrits… Si vous ne m’eussiez dépeint votre Jean-Jacques, j’aurais cru que l’homme naturel n’existait plus. […] Il a vu lever le soleil au Monte en face de Turin, en 1728 ; et l’abbé Gaime qui l’y a mené, lui a fourni, avec l’abbé Gàtier, le professeur du séminaire d’Annecy, les traits du Vicaire savoyard ; de sa passion profonde pour Mme d’Houdeto est sortie la Nouvelle Héloïse : les amours de Julie et de Saint Preux, ce sont les leurs, brutalement tranchés dans la réalité, délicieusement achevés par le rêve ardent de son désir ; les paysages où s’encadrent ces amours, ce sont les bords du lac de Genève, de son lac ; et les sensations de ses personnages dans cette charmante nature, ce sont les siennes, ses profondes émotions d’enfance.

1621. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

La première moitié de la phrase allemande, dans laquelle il est question de Walhall et de ses « splendeurs », est appuyée par des accords soutenus dans l’orchestre ; la seconde moitié, l’exclamation impatiente « ne me parle plus », est scandée d’un seul bref trait. […] Avant de pénétrer dans le détail de l’analyse des motifs, il n’est pas inutile d’examiner rapidement les grands traits et les teintes fondamentales d’où ressort l’architecture mélodique, caractéristique de chaque scène. […] Dans l’imagerie wagnérienne, Parsifal prend souvent les traits du Christ, comme dans les gravures de Franz Stassen par exemple ou dans certaines mises en scène de Bayreuth du début du siècle passé.

1622. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Vois comme elle lance toujours ses traits sur les hautes demeures et sur les grands arbres. […] Sa soif tarissait les fleuves comme des citernes ; elle but d’un trait, au passage, le Scamandre, l’Onochone, l’Échidose, l’Issus, le Mélas : la sécheresse sortait de ce tourbillon altéré, comme une haleine de simoun. […] L’opprobre aurait déprimé leurs traits marqués des stigmates de l’asservissement.

1623. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il nous peint, avec des traits de peintre et de romancier, le chef de la police qui, un jour, grisé par lui de champagne, lui dit, en lui touchant le coude, et élevant son verre en l’air : « À Robespierre. » Puis il s’arrête un moment, perdu dans ses réflexions, et reprend : « Si j’avais l’orgueil de ces choses, je demanderais qu’on gravât seulement sur mon tombeau ce que mon livre a fait pour l’émancipation des serfs. […] Elle était charmante, toute blanche, avec un trait dans l’œil, ce qui est assez commun chez nous. […] Au milieu des tambours, des parfums, de l’allegro des voix et des instruments, de pieuses nuques de femmes aux cheveux jaunes, torsadés sous la calotte de drap qui les coiffe, des profils d’hommes roux, aux traits barbares et mystiques, aux poils frisés des saint Jean-Baptiste de la vieille peinture, me donnent chez ces populations vivant de miel et de lait, à la façon des anciens apôtres, le spectacle du vieux catholicisme, célébré par une jeune humanité.

1624. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Ma physionomie en fut modifiée ; la légèreté un peu évaporée de l’enfance y fit place à une gravité tendre et douce, à cette concentration méditative du regard et des traits qui donne l’unité et le sens moral au visage. […] “Démodocus”, dit le poète de Chio en se peignant sous les traits du chantre des Phéaciens, “était le favori de la muse ; mais elle avait mêlé pour lui le bien et le mal, et l’avait rendu aveugle en lui donnant la douceur des chants.” » XXIII Une exclamation d’enthousiasme éclata dans tout le jeune auditoire ; le père Béquet, qui s’était attendri, reprit sa voix virile en poursuivant la page. […] Il y but à longs traits, en relevant sa manche.

1625. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Nous les connaissons soudain par une description rapide qui saisit les traits principaux du visage, l’aspect sain ou maladif des individus, et qui est la commentaire d’un diagnostic. […] Beaucoup de mélancolie, une sensibilité douloureuse, des traits à la Flaubert, un pessimisme attendri caractérisaient ce jeune homme. […] Erlande a-t-il pu, par un trait de singulière audace, intéresser son lecteur et, plaisamment, le divertir avec le spectacle de cette intrigue qui se noue et se dénoue, élégante comme le fil de fumée grise d’une cigarette ?

1626. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Comme certains peintres plastiques qui flattent en peignant exactement tous les traits, il peint en beau Luther, Charles-Quint, Léon X ; Léon X surtout, pour lequel il témoigne une incroyable tendresse. […] Dans cette vie de sa pensée que nous écrivons à larges traits, parce qu’il n’eut presque pas d’autre vie que celle de l’esprit, de la méditation, de l’étude assise ou voyageuse, nous n’avons pas à entrer dans l’examen détaillé et minutieux de ses ouvrages ; mais nous pouvons dire sous la forme la plus générale que, quand il a failli, ce fut par le fait de la double bonté de son imagination et de son cœur. […] Ces premiers traits, jetés sur un papier que le vent du désert a tourné, et qui furent écrits sur le pommeau de la selle ou sur la pierre de quelque chemin écarté, ressemblent à ces quadri d’André Chénier, base de prose d’où sa poésie s’envolait, trépieds préparés afin que le feu du ciel pût y descendre.

1627. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Je citerais sans relâche, car c’est là le vrai beau chez ce peuple grotesque et romantique, de lancer des traits à propos de tout et à propos de rien. Ces traits vous voyez qu’ils frappent fort… dans le vide. […] Évidemment la poésie n’a pas absolument besoin d’être mise en vers ; cependant, n’est-il pas certain, au point de vue de la forme seulement, qu’elle y gagne l’harmonie, l’éclat, la grâce, la rapidité et l’énergie du trait ? […] Je citerais sans relâche, car c’est là le vrai beau chez ce peuple grotesque et romantique, de lancer des traits à propos de tout et à propos de rien. Ces traits, vous voyez qu’ils frappent fort… dans le vide.

1628. (1893) Alfred de Musset

La page qu’on va lire est donc un souvenir personnel, et elle nous montré aussi un enfant trop impressionnable ; « Pour vous le faire mieux connaître, il faut vous dire un trait de son enfance. […] En fera-t-on un vers meilleur dans un poème, un trait meilleur dans un tableau ? […] Toutes ces chastes héroïnes ont deux traits en commun. […] Quand l’amoureux n’est pas Musset en chair et en os, il est rare qu’il n’ait pas du moins avec lui quelque trait, quelque aventure en commun. […] La 1re a trait à la séparation de Venise.

1629. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Elle croyait, en effet, sentir, ainsi qu’une vague démangeaison, la marche lente des rides sur son front, l’affaissement du tissu des joues et de la gorge, et la multiplication de ces innombrables petits traits qui fripent la peau fatiguée. […] Francis Poictevin est, parmi ceux qu’on gratifie du nom de décadents, l’écrivain qui pourrait servir de trait l’union entre des poètes et des prosateurs la plupart du temps volontairement incompréhensibles, et les lecteurs français qui aiment la clarté dans la langue et dans les idées. […] Il y avait dans cette précaution du malheureux artiste quelque chose de si poignant, que Pierrepont se détourna pour cacher l’agitation presque convulsive de ses traits. […] Les traits fatigués de cette femme ne permettaient pas de deviner son âge. […] Puis, comme le peintre, il saisit chaque trait et le fixe, non sur la toile, mais sur lui-même : il adapte à son deux chaque élément de cette personnalité. — Il voit à Tartuffe ce costume, il l’endosse ; il lui voit cette allure, il la copie ; il lui voit ce visage, il le prend.

1630. (1924) Critiques et romanciers

Les traits, mesquins ; les yeux, petits ; le front petit. […] Il y a, pour la comparaison d’Orphée et du romantisme, encore un trait dont Banville est touché. […] Sans doute, et séduisante cependant, par quelques traits de sa physionomie farouche et fière, et cocasse. […] Et puis, quelle idée de représenter le peuple barbare sous les traits d’une femme ! […] Sa tête nationale ne se distingue pas d’une autre fête populaire ; il ne l’a point marquée de traits singuliers.

1631. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

On a pris des habitudes, des façons d’être, de parler, même des traits l’un de l’autre. […] je ne savais, car je ne distinguais aucun insigne de grade sur le sombre uniforme… Les traits, d’abord indécis, s’accentuèrent. […] Cette clarté fluide, qui venait faussement, par reflet, donnait une grande vigueur aux traits arrêtés de Mlle Monach. […] Ma mère avait coutume de dire qu’à les détailler les traits de madame Gance n’avaient rien d’extraordinaire. […] C’est qu’il faisait sans doute comme moi, cet excellent père : il ne détaillait pas les traits de Mme Gance.

1632. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

J’y explique ce que ce titre même : L’Évolution des Genres dans l’Histoire de la Littérature, a sans doute d’un peu obscur ; et j’y indique à grands traits le contenu des trois volumes qui suivront celui-ci. […] En effet, ce n’est plus assez qu’un portrait soit ressemblant, ou vivant ; on veut qu’il agisse, pour ainsi dire ; et qu’avec les traits de l’original il en rappelle les occupations, les habitudes, les entours, — la page héroïque ou mémorable de sa biographie. […] On essaye de les déterminer, et chacun de ces éléments, une fois reconnu, vient former un trait de la définition que l’on donne du genre. […] Il a pris les devants ; et, de peur que l’on ne s’y méprît, il s’est plus d’une fois représenté lui-même dans l’attitude et sous les traits dont il voulait qu’on le peignît. […] Renan l’art de « rendre une voix aux races qui ne sont plus » ; et, jusque dans l’étude particulière des individus, c’est à peine eux qu’il a cherchés, mais bien plutôt les traits de la race dont ils furent les représentants.

1633. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Puisque j’en suis à M. de Balzac, je veux vous conter une anecdote que j’ai apprise dans la même soirée, et qui, m’a-t-on assuré, révèle un des traits distinctifs de son caractère. […] Ce trait au fond duquel on ne voit qu’une folle vanterie est un trait de l’homme. […] Sue trouve. une médaille d’argent dorée, sur laquelle il lit : à m. eugène sue, La marine française reconnaissante Et plus bas, une petite ligne imperceptible, qui semblait à première vue un trait de guillochage, et qui cependant portait cette petite conclusion à l’affaire : De ce qu’il ne fait pas l’histoire de la marine. […] Frémy crut se venger de Mme Gay en les représentant sous les traits de deux muses de salon, obsédantes et parasites. […] On voit à ce dernier trait qu’il n’a en bonne conscience aucun droit d’appeler bêtes et méchants les comédiens parmi lesquels il a failli s’enrôler.

1634. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

» Même après le trait de pinceau de cette imagination merveilleuse, même après le Poète mourant de Lamartine, où la similitude du cygne est le motif dominant, le sonnet de Du Bellay peut se relire. […] Et en effet, dans les vers latins tout remplis des réminiscences et des locutions d’Horace et de Virgile, il n’y a pas, il ne peut y avoir ces traits fins et caractéristiques, la cheminée de mon petit village , le clos de ma pauvre maison , l’ardoise fine, qui est la couleur locale des toits en Anjou, et ce je ne sais quoi de douceur angevine opposé à l’air marin et salé des rivages de l’Ouest.

1635. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Mais si l’on perdait quelque accent de mystère à ne pas l’entendre, on le voyait davantage ; on suivait sur ses vastes traits les reflets de la lecture comme l’ombre voyageuse des nuages aux cimes d’une forêt. […] Chacun reconnaîtra dans ces tableaux quelques traits de sa propre enfance.

1636. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois   Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens  Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour. […] Il n’est pas vrai de dire, comme les nobles d’après Montesquieu, que la constitution existe, que ses grands traits ne doivent point être altérés, qu’il s’agit seulement de réformer les abus, que les États Généraux n’ont qu’un pouvoir limité, qu’ils sont incompétents pour substituer à la monarchie un autre régime.

1637. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Ceux qui, comme Heyne et Wolf, ont borné le rôle du philo-logue à reproduire dans sa science, comme en une bibliothèque vivante, tous les traits du monde ancien 70, ne me semblent pas en avoir compris toute la portée. […] Il n’est pas d’étude, quelque mince que paraisse son objet, qui n’apporte son trait de lumière à la science du tout, à la vraie philosophie des réalités.

1638. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Il doutait de tout, lui dont le trait essentiel fut la foi, lui qui jamais ne dévia, qui ne se laissa détourner de sa voie toute d’affirmation et de divin espoir, ni par la critique, ni par la misère, — ni par le succès ; et il nous dit à propos de Lohengrîn : « Moi aussi, je me sentis invinciblement poussé à demander, d’où viens-tu, et pourquoi ? […] Houston Stewart Chamberlain Le système harmonique de Richard Wagner63 Si l’on ouvre pour la première fois l’une ou l’autre de ces volumineuses partitions qui s’appellent Tristan, les Maîtres chanteurs, l’Anneau du Nibelung ou Parsifal, on considère d’abord avec étonnement, avec effroi même, ces pages noires de notes, ces portées où grimace la silhouette inédite de traits compliqués et bizarres, ce fouillis où s’entassent dièses, bémols, points, syncopes, tous les signes enfin propres à traduire sur le papier la pensée du compositeur, signes d’autant plus nombreux que la pensée est plus raffinée.

1639. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * L’expression de son visage, sous sa couleur dorée et enfumée, prend avec les minutes, de plus en plus l’expression d’une tête du Vinci ; et dans les traits de sa figure, je retrouve le mystère des yeux et l’énigme de la bouche de ce jeune homme, qui se trouve, dans je ne sais quel vieux et quel noir tableau d’un musée d’Italie. […] * * * Plus je le regarde, plus j’étudie ses traits, plus je trouve sur cette figure un air de souffrance morale, que je n’ai vu persister sur aucune physionomie dans la mort, plus je suis frappé de sa navrante tristesse.

1640. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Bien souvent on caractérise avec un seul trait. […] … Il est vrai qu’il a des traits charmants, ce diable de cardinal : « Si le prieur des chartreux lui eût plu », dit-il, « elle eût été solitaire de bonne foi. — Son dévouement à la passion qu’on pouvait dire éternelle, quoiqu’elle changeât continuellement d’objets, n’empêchait pas qu’une mouche ne lui donnât des distractions ! 

1641. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Le signalement social, dans un groupe absolument homogène est, par définition trop chargé pour que la combinaison des traits de toute sorte qui le constitue ait quelque chance de se retrouver en d’autres groupes. […] Responsabilités collectives, propriétés communes, autorité sociale despotique, activités individuelles altruistes, tous ces traits, par lesquels se ressemblent les sociétés fortement homogènes, nous prouvent assez que l’individu n’y est nullement, comme le voudrait l’égalitarisme, tenu pour une cause par soi ni pour une fin en soi.

1642. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

On ne trouvera pas que ce soit trop d’en rassembler encore une fois les traits si regrettables et plus que jamais présents à tous, en ce moment de mystère et de deuil où le moule se brise, où la forme visible s’évanouit.

1643. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Hugo se garde surtout de l’excès de sa force ; qu’à l’heure de la méditation, il sache attendre à loisir ses propres rêves, les laissant venir à lui et s’y abandonnant plutôt que de s’y précipiter ; qu’à l’heure de produire, il se reparte sans cesse aux impressions naïves qu’il veut rendre, les contemple longuement avant de les retracer, et plus d’une fois s’interrompe en les retraçant pour les contempler encore ; que, n’épuisant pas à chaque trait ses couleurs, il approche par degrés de son idéal, et consente, s’il le faut, à rester au-dessous plutôt que de le dépasser, ce qui est la pire manière de ne pas l’atteindre.

1644. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

« Car je n’ignore pas, dit-il, quelle est l’influence exercée par la nature du pays et les faits antécédents sur les constitutions politiques, et je regarderais comme un grand malheur pour le genre humain que la liberté dût en tous lieux se produire sous les mêmes traits. » Un de ses premiers chapitres porte sur ce qu’il appelle le point de départ, sur l’origine même des divers États américains et l’esprit infusé en eux dès le commencement.

1645. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Vous en donneriez des indications et traits qui permissent d’en déterminer l’âge.

1646. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Pour nous en rendre compte, il faut nous remettre sous les yeux les traits généraux de l’une et l’autre époque464.

1647. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Il me suffira de rappeler ici les traits d’incrédulité hardie dont Œdipe même était semé, l’esprit de libéralisme politique qui animait certaines parties de Brutus, la fameuse sentence de Mérope, où le droit divin est nié.

1648. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Telles quelles, dans leur hâte assez distinguée, ces chroniques se laissaient parcourir, au chocolat, et parfois, une fois par colonne, un trait d’observation piquante — c’est-à-dire une invention heureuse, car observe-t-on ? 

1649. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Elle comporte d’autres facteurs que ceux qui ont trait à la richesse.

1650. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

» Plusieurs traits viennent à la suite de ceux-là, qui n’ont pas été dédaignés par Montesquieu, lorsqu’il a composé ses Causes de la grandeur et de la décadence des Romains.

1651. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées.

1652. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Je l’ai dit déjà, mais il faut y revenir, les hommes, pour se venger sans doute de ce qu’elle pouvait être sublime et rester femme, l’appelèrent hommasse, croyant ainsi la rapprocher d’eux ; mais elle ne l’était pas, même physiquement, quoiqu’on l’ait dit et qu’elle tînt de son père, le Suisse emphatique, ces gros traits que Gérard n’a pas craint de peindre, sentant bien que la femme, la femme idéale qui transforme et divinise tout, se retrouverait toujours en ces yeux astres, dans lesquels on ne savait ce qui brillait le plus du feu ou des larmes, et dans cette bouche si éloquemment entr’ouverte, et dans cette poitrine de Niobé, et dans ces bras d’une rondeur toute-puissante, robustes seulement pour s’attacher.

1653. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Mme Swetchine, qui n’est pas auteur, — qui en a un jour couru le danger, mais qui y a échappé par cette conversion qui la jeta dans le grand sérieux de la vie et qu’elle n’a jamais racontée (trait caractéristique de la discrétion sur elle-même de cette sympathique femme du monde), Mme Swetchine, ne peut avoir eu que deux buts en écrivant sa pensée : — ou la fixer mieux en la parlant, pour la connaître et lui donner sa forme, pour qu’elle cessât d’être une rêverie et fût bien une pensée, — ou entrer par là dans la pratique morale, dans le conseil, dans le soulagement.

1654. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Mais je n’avais pas trouvé l’esprit, la repartie, le brio, le trait, qu’ont les femmes spirituelles, sans écrire, et qu’elles ont partout, au pied levé, dans un tour de main, dans un tour de valse, sous l’éventail, sous la cheminée, et même sous les rideaux !

1655. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Mais tous ces principicules allemands, qui jouaient au Louis XIV avec la rage de leur petitesse et de leur insignifiance, dans des Versailles de paravent, taillés sur le modèle du vrai Versailles, ne forçaient, eux, que le trait des mauvaises mœurs, et ne trouvaient pas dans une conscience en proie à l’orgueil et à la négation protestante une seule raison pour enrayer sur cette pente-là.

1656. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

si l’on peut dire œuvres de ces traits marqués en quelques mots, et par cela même plus durables, d’autant plus fixes dans le souvenir qu’ils sont plus brefs, comme ces insectes lumineux qui restent mieux immobiles sur leurs courtes ailes.

1657. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

L’impartialité dans l’enthousiasme, qui correspond pour l’esprit à ce qu’est la justice dans l’amour pour le caractère, tel est le trait saillant, particulier, impossible à oublier, de cette belle physionomie intellectuelle, — son fer à cheval de Redgauntlet, à ce noble front !

1658. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Il se jouait de Dieu et des hommes dans une éloquence pleine d’eux qui allait au cœur… Tête vertigineuse, mobile et tenace, trait juste que Léouzon-Leduc a rencontré, je ne sais comment, suffisant sans scrupule, élégamment cynique, on le vit donner des spectacles presque comiques dans leur abaissement.

1659. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Ses lettres si étincelantes de traits, d’anecdotes et de plaisanteries, en restent flétries comme des roses mordues de quelque insecte caché dans leur cœur rougissant.

1660. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Eh bien, où madame Beecher-Stowe a vu le mal et l’a peint en forçant le trait d’une main convulsive, Mgr Salvado a donné tranquillement le remède, et nous ne croyons pas que, depuis les Prisons de Silvio Pellico, appelées si heureusement : « la Marseillaise de la miséricorde », le catholicisme, qui ne dilate pas l’orgueil, qui ne crée pas la haine et la colère, même la généreuse colère !

1661. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

De cet illuminisme qui domine la tête de Soulouque, et de la vanité du nègre (la vanité du nègre est quelque chose de sans nom) blessée par les classes éclairées, qui se moquèrent de son fétichisme dès les premiers moments de son avènement, l’historien fait sortir le Soulouque méchant enté sur le bon nègre, l’espèce de Tibère cafre qui, tout omnipotent qu’il soit, et féroce, sacrifie au préjugé des procédés judiciaires, et, trait de caractère, se sert un jour, pour condamner à la mort qu’il a résolue, de commissions militaires qu’il pourrait ne pas invoquer dans l’état absolu de sa puissance, mais qu’il invoque, nous dit d’Alaux avec une profondeur spirituelle, « pour ne pas être volé d’une seule de ses prérogatives ».

1662. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Alors il crut que l’Histoire, aux âpres enseignements, lui donnerait, de vigueur et de mordant, ce qu’il n’avait pas, et tonifierait du même coup et sa pensée et son langage ; et il choisit, de toutes les histoires, l’histoire d’Angleterre, ce carquois où des mains ennemies viennent prendre les traits qu’elles décochent au gouvernement de la patrie.

1663. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Je ne crois pas que depuis que la sagesse d’un temps profondément matérialiste, et qui, par-dessus le marché, se donne les grands airs d’être athée, a supprimé d’un trait cette capucinade de l’enfer chrétien qui fut la terreur de tout le Moyen Âge, il y ait dans la conscience humaine une idée plus féconde en terreur, une idée pareille à celle d’être enterré vivant !

1664. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

On a beau être un artiste redoutable, au point de vue le plus arrêté, à la volonté la plus soutenue, et s’être juré d’être athée comme Shelley, forcené comme Leopardi, impersonnel comme Shakespeare, indifférent à tout, excepté à la beauté comme Gœthe, on va quelque temps ainsi, — misérable et superbe, — comédien à l’aise dans le masque réussi de ses traits grimés ; — mais il arrive que, tout à coup, au bas d’une de ses poésies le plus amèrement calmes ou le plus cruellement sauvages, on se retrouve chrétien dans une demi-teinte inattendue, dans un dernier mot qui détonne, — mais qui détonne pour nous délicieusement dans le cœur : Ah !

1665. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Il partagea l’ivresse d’un temps qui avait goûté et qui but à longs traits à la double source des littératures retrouvées et des mythologies de l’Antiquité, et littérairement, oui !

1666. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Chef-d’œuvre de suavité en ses peintures rapides, sillonnées par des traits qui rappellent la double présence de l’idéalité qu’on admire et qui plane toujours sur le naturel qu’on adore !

1667. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il peut lui ressembler en bien des points, et j’ai souvent constaté cette ressemblance, mais enfin il diffère par d’autres traits.

1668. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Ils forment un attelage littéraire où l’esprit de trait va du même pas que l’esprit de brancard, et qui verse avec beaucoup d’ensemble et d’harmonie dans l’exagération de tout, — un envasement prodigieux !

1669. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Au milieu de cette occupation, pourtant, il sauve de la mort d’abord, et ensuite du déshonneur, un camarade de séminaire, curé du voisinage, gaillard râblé qui, pour cette raison probablement, avait séduit la fille de son maire, une jeune fille dont, par parenthèse, l’abbé Trois-Étoiles, ce grand peintre en un trait, ne dit mot, sinon qu’elle avait un parapluie rouge.

1670. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

C’était le trait de Scipion, qui, vainqueur de Carthage, voulut être simple lieutenant en Asie.

1671. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

S’il n’eût été maigre jusqu’au point d’avoir l’air maladif et de faire de la peine, on eût remarqué des traits remplis de finesse. […] On n’y trouve ni l’air de tête, ni l’expression, ni même les traits du modèle. […] Renan, elle est un trait de caractère. […] Elle était recouverte par une figure de baudruche qui figurait l’Athéisme sous les traits d’un monstre hideux. […] Huysmans quelques traits empruntés aux imaginations du comte Robert de Montesquiou.

1672. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Paul Bourget a notées en des traits si justes et si pénétrants ? […] Enfin, pour achever, par un trait qui leur semble capital, leur ressemblance avec le décevant modèle qu’ils ont choisi, ils font le ferme propos de ne jamais conclure. […] On était péniblement frappé d’un brusque changement, survenu dans ses traits, dans sa conversation, dans son humeur. […] « Les flûtes et les voix s’accordent parmi les fins traits des violons qui, capricieusement, y entrelacent leurs broderies. […] On ne peut fixer les traits de ce flâneur studieux, de ce pessimiste couronné de roses, de ce sceptique attendri.

1673. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Le public populaire, sauf quand il va au café-concert pour satisfaire le besoin de propos salés qui est un des traits de la race, va au théâtre pour s’intéresser à quelqu’un et non jamais pour autre chose. […] Molière insiste sur tous ces traits. […] que ce trait est joli ! […] Toutes les passions que j’exprimais se gravaient alternativement sur ses traits émus et attendris. […] J’en ai été tenté moi-même… Mais le secret de son art est d’entremêler tout cela de traits lumineux qui n’en brillent que plus… » Autrement dit, elle déblayait.

1674. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Essayer de fixer quelques traits de cette personnalité qui fut un monde, et dont chacun exigerait des volumes et des poèmes, n’est-ce point une tentative folle ? […] Peut-être encore plus que dans ses vers, ce trait caractéristique est marqué dans sa prose, où le lyrisme de la description découle de la propre intensité de son intuition impitoyable et mystérieuse. […] Parfois ce n’est qu’un trait, un contour, ou bien un enveloppement de la ligne, ou bien un jet de lumière vive sur une plaque d’ombre, et voilà un homme déshabillé des pieds à la tête. […] Caro ; jamais je ne l’ai entendu, ni rencontré dans un salon ; à peine si je puis me rappeler ses traits entrevus, une seconde, de loin, dans une foule. […] Longuement, en phrases prolixes et cent fois redites, il me cita des traits admirables de l’existence campagnarde de M. 

1675. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Évidemment, il n’y a pas là de grandes révélations historiques, mais ce sont des traits qui viennent compléter la ressemblance d’un portrait. […] Lavisse d’accentuer plus fortement les traits du père, légèrement indiqués d’abord. […] Les traits de bonté et de férocité, de clairvoyance et d’aveuglement coléreux y abondent. […] Chaptal rappelle de lui des traits de mémoire prodigieuse et cite cette féroce réponse à un ministre russe qui lui parlait des ressources de son pays pour recruter l’armée. […] Ces traits sont de ceux que rien ne change, ni les chagrins, ni les années.

1676. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Au contraire, d’après Weber et Volkmann, sur la tache jaune qui est le point le plus sensible de la rétine, deux traits brillants séparés par un intervalle compris entre 1/500 et 1/1000 de ligne peuvent être distingués. — La rétine est donc, à cet égard, mille ou deux mille fois plus sensible que l’organe du toucher le plus sensible. — Joignez à cet avantage les indices donnés par la couleur. […] Nous le concevons comme un au-delà ; sur ce premier trait, les autres s’appliquent. — Ma main promenée dans l’obscurité rencontre sur une table un obstacle inconnu ; à propos de cette sensation, je conçois et j’affirme au-delà de ma main un au-delà qui provoque en moi une sensation continue et étendue de résistance, et qui, pouvant, à ce que je suppose, la provoquer tout à l’heure et plus tard, en d’autres comme en moi-même, possède ainsi la propriété permanente et générale d’être résistant et étendu. […] À ce fantôme intérieur et passager qui apparaît comme chose permanente et indépendante correspondent ordinairement, trait pour trait, une Possibilité et une Nécessité permanentes et indépendantes, la possibilité de telles sensations sous telles conditions, la nécessité des mêmes sensations sous les mêmes conditions plus une condition complémentaire.

1677. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Toutes les voix qui comptent parmi ses contemporains ont été unanimes à la louer comme il faut et à la définir des mêmes traits.

1678. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Je me bornerai à extraire ici, d’un cahier où je notais alors mes impressions au jour le jour, quelques traits qui le concernent au lendemain du 24 février 1848.

1679. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Je n’ai pas dit de ses Poésies tout ce qu’elles suggéreraient dans les détails ; il y en a de charmants, ou qui le seraient si quelque trait à côté n’y faisait tache, ou s’ils n’étaient en général compromis et comme enveloppés par le reflet, une fois reconnu, de l’ensemble.

1680. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Malgré les recherches les plus soigneuses, la Commission n’avait découvert aucun trait qui prouvât la connivence secrète des accusés avec les factieux.

1681. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Le démolisseur humoriste doit savoir danser sur la tête au milieu des ruines qu’il entasse ; il doit savoir rêver eu pleine veille, tournoyer à jeun comme s’il était ivre, paraître toujours pris de vertige, écrire en tenant sa plume à l’envers, effacer à mesure chaque trait de son dessin sous l’enchevêtrement des arabesques, jeter la préface au milieu, les réflexions dans le drame, les bêtises dans les réflexions, et l’épilogue avant le titre ; il doit unir Héraclite et Démocrite, et faire le Solon eu démence, pour pouvoir dire au monde la vérité qui rebute, quand elle est servie seule, mais qui s’avale avec le reste dans une olla-putrida 149.

1682. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

Nulle part cette inégalité, contre laquelle l’opinion publique se révolte, n’éclate en traits si forts : d’un côté, pour le petit nombre, l’autorité, les honneurs, l’argent, le loisir, la bonne chère, les plaisirs du monde, les comédies de société ; de l’autre, pour le grand nombre, l’assujettissement, l’abjection, la fatigue, l’enrôlement par contrainte ou surprise, nul espoir d’avancement, six sous par jour781, un lit étroit pour deux, du pain de chien, et, depuis quelques années, des coups comme à un chien782 ; d’un côté est la plus haute noblesse, de l’autre est la dernière populace.

1683. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Mais s’il ne se flattait pas d’arrêter la langue, il prétendait la régler : et s’il prétendait la fixer, ce n’était pas dans la multiplicité de ses formes, c’était dans la loi de son évolution et dans ses traits généraux.

1684. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Mais il ne rend que le mouvement extérieur avec des développements trop suivis et trop longs, des strophes tout en gestes, pour ainsi dire, où sont loin de paraître les jolies sentimentalités et les traits mystérieux du lyrisme rustique.

1685. (1890) L’avenir de la science « VI »

Et s’y l’on m’y force, je suis contraint, assez ineptement, d’en tirer quelque matière de propos universels, sur quoy j’examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant incognue, comme à moi la leur. » Il a bien soin pourtant de montrer qu’il s’y entend aussi bien qu’un autre, et de relever les traits d’érudition qui peuvent faire honneur à son savoir ; pourvu qu’il soit bien entendu qu’il n’en fait aucun cas, et qu’il est au-dessus de ces pédanteries.

1686. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

On a rempli le Journal helvétique de la répétition des mêmes traits diffamans.

1687. (1757) Réflexions sur le goût

L’amour-propre est le sentiment auquel nous tenons le plus, et que nous sommes le plus empressés à satisfaire ; le plaisir qu’il nous fait éprouver n’est pas, comme beaucoup d’autres, l’effet d’une impression subite et violente, mais il est plus continu, plus uniforme et plus durable, et se laisse goûter à plus longs traits.

1688. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

S’il nous dit que l’habitat ne modifie pas les traits généraux d’une race (p. 119), c’est donc qu’une race possède des caractères généraux, suffisamment persistants, et qui s’héritent.

1689. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Ces deux grands réformateurs, qui procèdent au rebours l’un de l’autre, ont, en effet, plus d’un trait de caractère pareil.

1690. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela.

1691. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Il a, en effet, patiné pendant quatre-vingts ans sur cette glace fragile de l’admiration des hommes, qui, pour lui, ne s’est jamais rompue, et, sans accident et sans arrêt, il a glissé et est entré, d’un seul trait continu, dans sa tranquille immortalité.

1692. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

C’est le trait que ce peintre de l’aristocratie devait avoir et qui l’achève !

1693. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

L’Histoire y est aussi esquissée en traits rapides, mais il y a peu de passé encore dans cette vie d’un peuple, et l’expérience qu’il fait est si nouvelle, que l’avenir, bien plus que le passé, y prend le regard de l’historien.

1694. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

» III Un tel mot, dit à dix-huit ans, annonçait Carrel et le peint d’un trait.

1695. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Comme de certains portraits dont on dit : « Pas un trait vrai, et cependant cela ressemble », les portraits en pied de Pelletan semblent ressemblants sans avoir l’exactitude de la vérité, et, selon moi, ils sont par là pires que des mensonges.

1696. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson ; Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !

1697. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne.

1698. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Dieu, qui se joue de tout et qui veut nous montrer combien toute apparence est vaine, n’avait-il pas mis le cœur de son meilleur ami derrière les traits de son ennemi le plus implacable ?

1699. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

L’abbé Maynard n’a pas manqué de nous rappeler mille traits charmants de saint Vincent, de ce pauvre paysan des Landes, qui avait été berger dans son enfance, et que tout semblait avoir prédestiné à l’humilité la plus complète qu’on ait vue jamais parmi les hommes.

1700. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Poète naturaliste (pictura poesis), qui traverse la description pour aller heurter obstinément sa rêverie contre l’obstacle, éblouissant ou sombre, de la Nature, qui cache invinciblement son secret sous les formes incompréhensibles de la vie, il procède toujours par larges échappées de paysages, par prolongement d’horizons, ou par ces traits qui, tout déliés qu’ils soient, se fondent dans la transparence qui est l’infini au regard : Elle (sa Muse) me conterait sans pause Toutes les merveilles des mers, Et le mystère qui se passe En ce point vague de l’espace Où le ciel et les flots amers S’entre-baisent dans les jours clairs.

1701. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Le trait final, cette pointe d’acier qui fait la flèche et où se mire l’éclair, s’émousse et s’évanouit dans la nue du commun, et l’imprécision de l’image.

1702. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Le peintre est devenu l’homme foule de ce peuple qu’il ramène sous une poussée de traits pressants et de coups de pinceaux acharnés, dans l’orbe visuel de la Postérité.

1703. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

À mon fils avant le collège, où je trouve ce beau trait défiant, désespéré et jaloux : Candeur de mon enfant, on va bien vous détruire !

1704. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Chacun reçoit des deux, chacun donne de soi ; Dans ce trait d’union Dieu lui-même se glisse !

1705. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Cet orgueil aux yeux baissés, cette orgueil jeune fille est superbe et n’avait jamais été exprimé d’un trait plus profond et plus vrai… Certainement, rien n’a jamais valu ni pour elle, ni pour personne, ni au point de vue de la galerie et du succès, ni au point de vue de son émotion intérieure, ce moment unique… ce premier coup d’archet de l’ouverture d’une existence qui ressembla, hélas !

1706. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Il se précipita de son zénith sans discussion, sans cabrement devant l’abîme, et il sombra nettement, d’un trait, la tête en bas, tombant à pic dans ses Chants patriotiques et religieux, — et je ne dirai point à plat ; car il sembla trouer la place où il tomba pour mieux s’y ensevelir et y disparaître.

1707. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Je le trouve tout entier dans ce trait : Il avait, je ne sais où, une forêt, le seul débris qui lui restât d’une grande, fortune aristocratique, et les coupes annuelles de cette forêt auraient pu être pour lui un revenu considérable.

1708. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson, Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !

1709. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Ames mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbéciles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.

1710. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Il a une âme qui est un psaume. »‌ La vie familiale des pasteurs, en se mêlant à leur vie sacerdotale, a fourni au cours de ces deux années de beaux traits que les fidèles recueillent comme des leçons et des exemples, pour supporter vaillamment les angoisses de la guerre.‌

1711. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Il ne reste alors que ces traits distinctifs, que la renommée saisit quand il y en a ; quand il n’y en a point, il ne reste plus rien ; et que deviennent alors les panégyriques ?

1712. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Tous ces traits — et d’autres encore que je ne puis énumérer — sont fixés en touches vigoureuses dans l’admirable tableau de David. […] Le peintre Gervex nous l’a montrée, au Salon des Champs-Élysées, en tête à tête avec Bonaparte, sous les traits d’une grisette qui lutine un soldat. […] Que nous voici loin de la figure sculpturale, impassible, intangible, où Taine avait voulu fixer les traits de l’Empereur ! […] Sa petite bibliothèque de voyage contenait les Traits caractéristiques des Chinois, de M.  […] Bard continue sa description par des traits qui montrent le degré d’abandon où peut descendre l’incurie orientale.

1713. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Cela est vrai ; nos contemporains sont doublement nos compatriotes, et de là viennent sans doute ces rapports secrets de physionomie que nous trouvons dans les portraits des hommes d’une même génération, et ce type général qu’ils conservent sous la diversité de leurs traits. […] À la fin de l’empire, les semences que Chateaubriand, Joseph de Maistre et Bonald avaient jetées dans les esprits ont germé : un moissonneur sacré se présente pour récolter les épis mûrs ; en face de la chaire universitaire où le rationalisme spiritualiste s’assoit sous les traits de M.  […] En 1808, parurent les Réflexions sur l’état de l’Église ; c’était comme le prélude d’un ouvrage plus célèbre : l’indifférence et la philosophie matérialiste y sont rudement traitées dans un style d’une âpre éloquence qui a des traits de parenté avec celui de Joseph de Maistre. […] Ce n’était pas tel on tel trait particulier de l’Allemagne ; c’était l’Allemagne tout entière avec sa physionomie extérieure, ses sites, ses traditions, ses mœurs, ses institutions, ses idées, sa littérature, ses hommes d’État, ses poëtes, ses philosophes, ses historiens, ses artistes, qui apparaissait tout à coup devant la France, en se couronnant de cette auréole que le talent des grands peintres fait rayonner sur les personnages de leurs tableaux. […] Il faut, pour bien comprendre cette influence de lord Byron, rappeler quelques traits de sa physionomie morale et littéraire.

1714. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Ce sage n’aimait pas qu’on lui fît des affaires ; et c’est un trait de sa prudence que Bossuet a noté quelque part. […] C’est là que les impies se retranchent comme dans leur forteresse imprenable ; c’est de là qu’ils jettent hardiment des traits contre la sagesse qui régit le monde, se persuadant faussement que le désordre apparent des choses humaines rend témoignage contre elle. […] C’est qu’aussi bien — et ce trait achèvera de le caractériser — il a su réserver et préserver en lui, de toutes les libertés la plus précieuse peut-être, qui est celle de ne pas se faire le complaisant de soi-même, et l’esclave de sa propre pensée. […] Non certainement ; et tous les traits que je viens d’assembler suffiraient à m’en empêcher si j’en avais pu concevoir le dessein. […] Polémiste habile, vigoureux et retors, son ironie n’enfonce donc pas comme celle de Voltaire, dont l’irritabilité se fait une affaire personnelle de toutes celles qu’il entreprend, et le trait n’en demeure pas planté ou, comme on dit, fiché dans les mémoires.

1715. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Sans Sénèque et Martial, combien de mots, de traits historiques, d’anecdotes, d’usages, nous aurions ignorés ! […] Je tiendrai parole : je me contenterai d’indiquer quelquesuns des beaux traits qu’on y lit. […] Ce n’est qu’à un tigre qu’on dit : Ne soyez point un tigre.On trouvera, au chapitre XXIV, des traits qui justifieront ma pensée. […] Reconnaît-on à ces traits l’homme qui se fera couper les veines plutôt que de dire un mot flatteur à son élève ? […] Avec quels grands traits, quelle éloquence la terrible catastrophe est peinte !

1716. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais, de cette multiplicité de sens que lui ont donnée tour à tour les Hugo et les Dumas, les Vigny et les Musset, les Sainte-Beuve et les George Sand, — pour ne rien dire des moindres, — et de cette diversité de traits qui le caractérise, si nous essayons d’en dégager, d’en isoler, et d’en préciser un, dans la dépendance duquel se rangent aisément tous les autres, il semble bien qu’il ne puisse y avoir de longue hésitation ; et le romantisme, c’est avant tout, en littérature et en art, le triomphe de l’individualisme, ou l’émancipation entière et absolue du Moi. […] 2º Le Poète. — Son origine bourgeoise et ses prétentions aristocratiques ; — son éducation voltairienne [Cf. dans la Confession ce qu’il dit lui-même de ses premières lectures] ; — et le premier trait de son caractère, qui est l’impatience ou l’avidité de jouir. — Ses premières Poésies ; — et comment elles seraient gâtées par une perpétuelle affectation de « dandysme » [Cf.  […] Le Contrat de mariage ; La Recherche de l’absolu ; Les Paysans ; Le Cousin Pons] ; et quelquefois presque aucune place. — Comme d’ailleurs il n’est pas d’embarras d’argent qu’il n’ait lui-même connus ; — la réalité de son expérience personnelle s’est ajoutée à ce qui s’insinue d’inévitable réalisme au théâtre et dans le roman par l’intermédiaire de la question d’argent ; — et il est le romancier de la question d’argent, comme Musset est le poète de l’amour. — C’est qu’il a compris les exigences qu’imposait au roman la seule intention d’y traiter la question d’argent ; — et non seulement l’espèce d’activité, d’intelligence, d’esprit nécessaire à l’acquisition de la fortune ; — ce que Scribe, au contraire, n’a jamais compris ; — mais de plus il a vu qu’il lui fallait mettre en scène toute une sorte d’hommes oubliés jusqu’alors par les romanciers : — des banquiers et des notaires, des huissiers et des avoués, des usuriers et des prêteurs à la petite semaine ; — c’est-à-dire toute une population dont la peinture ou la représentation ne peut être que réalité ; — puisqu’elle ne vit elle-même que de la plus concrète et, dans nos civilisations modernes, de la plus universelle des réalités. — Mais, à leur tour, et à la suite des hommes d’affaires, sont entrées dans le roman toutes les « conditions » ; — l’infinie diversité des professions et des métiers ; — qu’il a fallu caractériser par les traits qui sont effectivement les leurs ; — par les déformations intellectuelles, psychologiques, ou morales qui en sont la conséquence ; — militaires et magistrats, artistes et gens de lettres, fonctionnaires et commerçants, diplomates et hommes politiques, médecins et rentiers ; — dont il a fallu connaître, décrire, expliquer les occupations ; — et, pour les décrire, user des termes qui sont ceux de leur vocabulaire ou de leur argot ; — n’y ayant pas deux mots pour désigner un « protêt » — ni de périphrase littéraire pour nommer une pâte épilatoire. — Et, après cela, quand il a eu conçu l’idée de relier tous ses romans ensemble ; — et d’en faire, non pas une succession d’épisodes continués l’un par l’autre ; — mais un tableau de la société de son temps ; — s’il avait oublié quelque trait, il a fallu qu’il s’en aperçût ; — et c’est alors que le caractère réaliste lui en est à lui-même apparu nettement ; — comme aussi ce qu’on en pourrait appeler le caractère scientifique. […] 2º L’Homme et le Poète ; — et de quelques points de comparaison intéressants à relever entre Voltaire et Victor Hugo ; — dont le moins remarquable n’est pas l’habileté supérieure et le sens pratique, — avec lequel ils ont su gouverner leur fortune et leur vie. — Leur longévité ; — leur fécondité ; — leur universalité, — sont encore trois raisons pour lesquelles ils ont tous deux été le plus grand « littérateur » de leur siècle ; — quoique non pas le plus original. — Et ils ont enfin entre eux deux autres traits au moins de communs, — qui sont d’avoir su l’un et l’autre admirablement se plier aux exigences de l’opinion de leur temps ; — ce qui est le principe de leurs variations ; — et d’y avoir réussi grâce au même don de « virtuosité », — qui leur a permis de s’approprier les inventions ou les idées de leurs contemporains ; — pour les transformer, et les revêtir, l’un en prose et l’autre en vers, d’une expression définitive. — Que cette faculté d’appropriation est peut-être l’une des formes du génie même ; — et qu’en tout cas il semble qu’elle constitue la définition propre du talent. […] Cependant les événements de 1870-71 éclatent ; — et ils sont pour Taine un trait de lumière. — Il publie ses Notes sur l’Angleterre, 1872 ; — et il conçoit le plan du grand ouvrage — dont le premier volume ; L’Ancien Régime, 1875, — est peut-être son chef-d’œuvre. — Les études qu’il entreprend sur la Révolution — lui font connaître alors une espèce d’hommes qu’il avait peu pratiquée jusqu’alors. — Il se demande, avec une angoisse qui l’honore, — s’il est bien vrai « qu’un palais soit beau même quand il brûle, ou surtout quand il brûle » ; — et quand nous rencontrons un « crocodile » parmi nous, — si nous n’avons qu’à le décrire et qu’à l’admirer ?

1717. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Si on la regarde simplement comme un poème, elle offre de nobles et durables traits de beauté, de mélodie et de force ; mais elle ne nous fait guère comprendre comment l’Énéide est l’épopée littéraire d’un siècle littéraire. […] Il survit encore un peu d’ornement ancien, çà et là, sur les rosettes de laiton des chevaux de trait, dans les seaux à lait à Anvers, dans les cruches à eau d’Italie. […] L’un de ses traits caractéristiques est une admirable passion pour la nature, et pour la beauté des objets de la nature. […] Tous les traits caractéristiques d’une antique et splendide civilisation se reflètent dans ce merveilleux poème, et l’admirable traduction de M.  […] Froude, les autres sont entièrement dramatiques, introduits pour marquer les traits caractéristiques.

1718. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On les compare aux visages modernes, où les traits fins et complexes semblent frissonner sous le contact changeant de sensations ébauchées et d’idées innombrables. […] Au bout d’une réfutation, son adversaire concluait par ce trait d’esprit théologique : « Voyez, mon frère, vous avez pêché toute la nuit sans rien prendre. » Et Milton réplique glorieusement : « Si, en pêchant avec Simon l’apôtre, nous ne pouvons rien prendre, regardez ce que vous prenez, vous, avec Simon le magicien, car il vous a légué tous ses hameçons et tous ses instruments de pêche. » Un gros rire sauvage éclatait. […] La dialectique empêtrée, l’esprit pesant et maladroit, la rusticité fanatique et féroce, la grandeur épique des images soutenues et surabondantes, le souffle et les témérités de la passion implacable et toute-puissante, la sublimité de l’exaltation religieuse et lyrique : on ne reconnaît point à ces traits un homme né pour expliquer, persuader et prouver. […] Cet héroïsme sombre, cette dure obstination, cette poignante ironie, ces bras orgueilleux et roidis qui serrent la douleur comme une maîtresse, cette concentration du courage invaincu qui, replié en lui-même, trouve tout en lui-même, cette puissance de passion et cet empire sur la passion530 sont des traits propres du caractère anglais comme de la littérature anglaise, et vous les retrouverez plus tard dans le Lara et dans le Conrad de lord Byron. […] Le trait désagréable et marquant de ce paradis, c’est que le moteur universel y est l’obéissance, tandis que chez Dante c’est l’amour.

1719. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Mais, même dans cette espèce d’absorption en Dieu, qui est le trait des contemplatifs, il veut que la raison surnage, et qu’on la sente jusque dans le sacrifice qu’elle fait d’elle-même ; il se tient en deçà des rêveries dont se repaissait l’imagination tendre et subtile de Fénelon. […] Tandis que d’autres écrivains de la chaire, par des traits trop timides ou des couleurs trop sombres, ont l’air de n’oser nous les montrer, ou de vouloir nous en faire des peurs d’enfant, Bossuet ne craint pas de se servir contre nos passions de l’intérêt même que nous prenons à les voir représentées au vrai. […] Il est donné à peu d’esprits d’avoir cette force de regard qui saisit au passage, et sans se troubler, les grands traits de tant d’événements et de tant d’hommes. […] Chacun y est peint sous ses traits caractéristiques. […] Encore un trait du sens propre : c’est d’adoucir le refus de ce qu’on nous demande en offrant mille fois davantage.

1720. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Mais supposons que le corps organisé ait pour trait distinctif de croître et de se modifier sans cesse, comme en témoigne d’ailleurs l’observation la plus superficielle, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’il fût un d’abord et plusieurs ensuite. […] Mais, dans le temps ainsi conçu, comment se représenter une évolution, c’est-à-dire le trait caractéristique de la vie ? L’évolution, elle, implique une continuation réelle du passé par le présent, une durée qui est un trait d’union. […] Un organisme tel que celui d’un Vertébré supérieur est le plus individué de tous les organismes : pourtant, si l’on remarque qu’il n’est que le développement d’un ovule qui faisait partie du corps de sa mère et d’un spermatozoïde qui appartenait au corps de son père, que l’œuf (c’est-à-dire l’ovule fécondé) est un véritable trait d’union entre les deux progéniteurs puisqu’il est commun à leurs deux substances, on s’aperçoit que tout organisme individuel, fût-ce celui d’un homme, est un simple bourgeon qui a poussé sur le corps combiné de ses deux parents. […] L’élan vital Nous revenons ainsi, par un long détour, à l’idée d’où nous étions partis, celle d’un élan originel de la vie, passant d’une génération de germes à la génération suivante de germes par l’intermédiaire des organismes développés qui forment entre les germes le trait d’union.

1721. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Waterhouse ayant trait à la loi que j’énonce ici. […] Mon fils a examiné avec soin et même dessiné un Cheval de trait belge, gris-brun, qui avait une double raie sur chaque épaule et des raies sur les jambes. […] Cette théorie ne saurait me satisfaire, et je répugnerais à l’appliquer à des races aussi distinctes que le pesant Cheval de trait belge, le Poney gallois, le Cob, la race élancée de Kattywar, etc., habitant des contrées aussi distantes.

1722. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Il tomba par ce défaut, et quelquefois en public, dans les absurdités les plus grossières. » Si je cite ce trait, c’est pour établir que Louis XIV fut à son insu, une proie offerte aux plus bruyants ou aux plus astucieux, et que sa volonté fut sans cesse à la merci de son entourage, de ses maîtresses et du clergé. […]  » Quand bien même il ne subsisterait du crime monstrueux de celui que nous venons de voir présider, à l’exemple presque universel du clergé de France, aux pires violences et à la Révocation, quand il ne subsisterait, dis-je, que ce témoignage écrit de sa main, que ces quelques lignes révélatrices éclairant en traits de flammes sa nature intime, elles suffiraient, je pense, pour couvrir d’un éternel ridicule les biographes effrontés qui s’efforcent de transformer le Chef-Inquisiteur en un modèle de tendresse et de justice.‌ […] Le grand trait des mœurs de ce temps, la dévotion galante et la pénitence amoureuse, l’universalité de l’adultère, distinguaient, séparaient fortement les deux sociétés.

1723. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il serait curieux d’en rassembler les divers traits épars qui se rapportent sans aucun doute à la figure et au caractère du modèle. […] Sainte-Beuve affectionnait ce genre de traits anecdotiques, qui peint l’homme au vif : il en a recueilli toutes les fois qu’il en a trouvé l’occasion et sur des hommes en vue, au nom populaire, qui y avaient considérablement prêté.

1724. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

XI Longtemps réunis à l’Allemagne sous la maison d’Autriche, gouvernés par les vice-rois espagnols de Charles-Quint et de Philippe II, le régime et le caractère espagnols y sont restés fortement empreints dans des mœurs et dans des familles castillanes ; la gravité catholique et la loyauté chevaleresque sont des traits du visage comme du caractère franc-comtois. […] Il jeta un voile sur sa vie : il se consacra exclusivement au beau métaphysique, à cette divinité de la beauté morale, artistique et virginale, qui n’apparaît que dans la spéculation de ses adorateurs, et dont la réalité toujours incomplète, agitée, décevante, ne dérange jamais ni un trait de visage, ni un pli de la robe sur la statue idéale de l’idéale beauté.

1725. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« L’homme que l’on peut appeler le fondateur du nouveau système du monde, car à lui appartiennent incontestablement les parties essentielles de ce système et les traits les plus grandioses du tableau de l’univers, commande moins encore peut-être l’admiration par sa science que par son courage et sa confiance. […] Le premier trait distinctif de la forêt vierge étant donc d’être impénétrable, le second de ne point convenir au développement de la race humaine, le troisième est l’énergie sauvage et pour ainsi dire forcenée de la végétation.

1726. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

C’est un des traits saillants de l’époque en même temps qu’un fait gros de conséquences. […] Si nous considérons, au contraire, une époque où la première place appartient aux sciences concrètes, à la zoologie, à la botanique, aux sciences naturelles et médicales, nous pouvons deviner ce que seront dans leurs traits essentiels la philosophie et la littérature du temps.

1727. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Le segment cérébral possède les organes de la parole et les traits du visage, par lesquels il peut communiquer ses sensations aux autres ; tandis que le segment spinal n’a aucun moyen semblable de communiquer ses sensations. […] Notre expérience de l’hérédité est si constante, que rien ne nous paraîtrait plus incroyable que des parents nègres donnant naissance à un enfant ayant les traits d’un Européen, ou que deux moutons produisant une chèvre.

1728. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Feydeau est écrit comme il est pensé, avec une ardeur qui n’empêche ni la correction, ni la finesse du trait, ni la solidité. […] Après avoir, comme Childe-Harold et comme René, promené ça et là sa noire misanthropie, Daniel (c’est Daniel sans autre nom, Daniel, toujours comme René et comme Childe-Harold) rencontre au bord des mers une jeune fille qu’il décrit pendant tout le roman et qu’il ne nous montre pas une seule fois avec ce trait qui grave une image dans notre âme ; et, cette jeune fille, il se met à l’aimer dès la première vue avec la passion de l’épigraphe du livre, une de ces passions qui font deux êtres l’un à l’autre de par la nature et de droit divin, plus légitimes par conséquent que les lois et les conventions !

1729. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

C’est parce que cette psychologie se retrouve, en traits épars et sous des formes poétiques ou théologiques, chez les peuples de race sémitique, que l’ethnographie est bien plus riche en documents sur cette race que sur les précédentes. […] Étant donné tel esprit, tel caractère, tel instinct, telle passion, telle idée fixe, on peut prédire le genre de vie de l’homme ainsi fait, sinon dans les plus menus détails, du moins dans les principaux traits qui la caractérisent.

1730. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Que son trait, par un autre à l’instant remplacé, Ne laisse aucune empreinte au cœur qu’il a blessé !

1731. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Tant qu’on reste en effet sur le terrain moyen des aventures humaines dans la zone mélangée des malheurs et des passions d’ici-bas, comme l’ont fait Le Sage et Fielding, on peut garder une neutralité insouciante ou moqueuse, et corriger les larmes qui voudraient naître par un trait mordant et un sourire ; mais dès qu’on gravit d’effort en effort, d’agonie en agonie, aux extrémités funèbres des plus poétiques destinées, le manque d’espérance au sommet accable, ce rien est trop, ce ciel d’airain brise le front et le brûle.

1732. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Dans ses descriptions de la nature, le poëte a souvent de l’éclat, des traits vifs et nouveaux : mais parfois, pour vouloir trop rajeunir la peinture éternelle, il tombe dans une manière étrange.

1733. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Un critique éclairé du Journal des Débats, séduit par quelques traits de vague ressemblance, et cédant aussi à cette influence secrète qu’exerce le paradoxe sur les meilleurs esprits, estime que La Fontaine doit beaucoup « et à nos contes, et à nos poëmes, et à nos proverbes, depuis le Roman de Renart, dont on ne me persuadera jamais qu’il n’ait pas eu connaissance, jusqu’aux farces de ce Tabarin qu’il cite si plaisamment dans une de ses fables. » Quant aux farces de Tabarin, quant à nos contes, à nos poëmes imprimés, je pourrais tomber d’accord avec le savant critique ; mais le Roman de Renart, alors manuscrit et inconnu, où le bonhomme l’eût-il été déterrer ?

1734. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

De la légèreté, de la précipitation, de l’ignorance, de la mauvaise foi, un reste de vieille rancune, pas un trait de talent, un ton et un goût détestables, en voilà le sincère et triste résumé.

1735. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Ce fut là, si j’ose dire, le trait principal, l’acte essentiel et souverainement méritoire de la vie publique de Jefferson.

1736. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Car après les trois jours, durant deux années, le saint-simonisme a été en grande partie cela. à ce sujet, on nous, permettra de citer ici quelques vers laissés par un jeune saint-simonien mort, Bucheille ; le sentiment qu’il éprouve en approchant du groupe qu’il considère comme sacré, ce détachement des autres amitiés et des liens antérieurs, cette illusion d’un essor plus vaste et d’un rajeunissement moral, tous ces symptômes, que beaucoup ont partagés, y sont assez naïvement réfléchis : nous n’avons supprimé qu’un bout d’amourette vers la fin ; et c’était là encore un trait qui d’ordinaire ne faisait pas faute.

1737. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Ne goûtent-ils pas un charme plus puissant encore que celui de la beauté, ou dans les sentiments, ou dans les traits animés par ces sentiments mêmes ?

1738. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Un trait de Rutebeuf que j’ai déjà signalé, c’est qu’il aime les idées générales : ce sont lieux communs aujourd’hui, ce ne l’étaient pas alors.

1739. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Il a le don de saisir avec prestesse les traits fugitifs de la comédie contemporaine, de s’en amuser et d’en amuser les autres : pas l’ombre de prétention, une bienveillance très philosophique, au fond une indifférence absolue.

1740. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Le mysticisme, trait d’union entre le paganisme et le christianisme.

1741. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Andreini fit paraître à Venise, en 1607, un recueil des traits les plus comiques de son rôle : Le Bravure del capitano Spavento, divise in molti ragionamenti in forma di dialogo.

1742. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Le premier trait caractéristique de la littérature française, après cette disgrâce des deux antiquités, c’est un retour au précieux.

1743. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Cette morale n’en présente pas moins, chez ses divers représentants, quelques traits communs ; elle est, chez tous, individualiste.

1744. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Elle fut comme le trait d’union de toutes ces feuilles d’avant-garde dispersées.

1745. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

» sont les traits communs des réformateurs.

1746. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Voilà un trait de ma sincérité naturelle. » Madame de Maintenon, non seulement parle moins de sa retraite, mais elle ne veut pas surtout qu’on en répande le bruit.

1747. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

On racontait que Pallas avait inventé la flûte, mais qu’après les premiers sons la déesse l’avait dédaigneusement rejetée, s’apercevant qu’elle gonflait ses joues et tourmentait ses traits purs.

1748. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Le segment cérébral, ajoute avec raison Lewes, possède les organes de la parole et les traits du visage par lesquels il peut communiquer à autrui ses sensations, le segment spinal n’a aucun moyen semblable, mais ceux qu’il a, il les emploie.

1749. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Tous les traits de ses tableaux servent à faire connoître les hommes & à développer les replis du cœur humain.

1750. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Mais comme nous disons quelquefois absolument le mouvement pour dire la mesure et le mouvement, les grecs disoient aussi quelquefois le rithme tout court, pour dire le rithme et le metre : c’est en prenant le mot de rithme dans cette acception qu’Aristote a dit dans sa poetique, que la musique fait ses imitations avec le chant, l’harmonie et le rithme ; ainsi que la peinture fait les siennes avec les traits et avec les couleurs.

1751. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

. — Vous reconnaissez à ce trait l’homme droit jusqu’à la brutalité que je vous ai présenté en commençant.

1752. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

On rapporte souvent des traits de probité qui surprennent peu les honnêtes gens ; celui que je viens de citer n’est pas de ce nombre.

1753. (1760) Réflexions sur la poésie

Celui qui le premier a peint l’amour sous les traits d’un enfant, avec des ailes, un bandeau, et des flèches, a montré beaucoup d’esprit : il n’y en a point à le répéter.

1754. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Les contemporains de Mme de Staël qui n’entendaient pas grand’chose à la physiologie et qui avaient dans la tête le type de beauté dont Pauline Borghèse et Mme Récamier étaient l’idéal, n’ont rien compris à ces traits un peu gros, à ce large nez de lionne, à ces lèvres roulées plus amoureuses encore qu’éloquentes, aux orbes solaires de ces yeux, sincèrement ouverts jusqu’à l’âme, qui ont trempé tant de fois leurs feux dans les larmes, comme le soleil trempe les siens dans les mers !

1755. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Ses traits — c’était un sagittaire — portaient, sans dévier, où il les ajustait ; mais il ne mettait pas toujours son nom sur sa flèche.

1756. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

En Grèce, dans les diverses républiques que nous voyons se mouvoir sous les faces multiples de leur vie intérieure, plusieurs se sont vaincues alternativement les unes les autres ; mais le trait commun est que, pour elles, la victoire n’est jamais le commencement du gouvernement.

1757. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Quoique, dans le premier volume de son ouvrage, Macaulay ébauche en traits rapides une histoire générale de l’Angleterre, depuis la Bretagne sous les Romains jusqu’à l’avènement de Jacques II, qui est pour lui le grand événement, l’événement décisif dans l’histoire d’Angleterre ; quoique sa préoccupation de whig soit telle qu’il ne veuille pas reconnaître comme monarchie anglaise la monarchie normande de Guillaume le Conquérant, et qu’il place l’origine de la vraie monarchie d’Angleterre à la fière extorsion de la Grande Charte, pour lui, cette histoire si confuse et si indistincte ne doit apparaître nettement, sans luttes, sans tiraillements, régulière et devenue enfin ce qu’elle doit être, qu’à la chute du dernier Stuart et à l’écroulement de cette monarchie de droit divin qui ne fut pas uniquement, comme il voudrait nous le faire croire, une chimère ou une réalité incessamment repoussée.

1758. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Ce n’est point ce qu’on peut appeler un grand homme, mais c’est une belle et noble figure féodale, à laquelle Lecoy de la Marche a essayé de restituer des traits légèrement et cruellement méconnus.

1759. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

D’ailleurs, ce grand faucheur, qui avait pris au sérieux la méthode de Tarquin, n’abattit point de fleurs innocentes ; toutes, plus ou moins, étaient empoisonnées, et si « les successeurs de Richelieu — nous dit Renée dans un dernier trait — n’eurent pas besoin de cette politique de sang pour réussir », c’est que la besogne avait été bien faite.

1760. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Mais la chose importante, qui va à fond, le trait à emporter, c’est la dissertation historique qui établit, ou qui tente d’établir, un point de fait qu’on croit déshonorant pour l’Église romaine, et avec lequel il s’agit de la déshonorer.

1761. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

un faux air de Talleyrand jusque dans la pensée, voilà le trait caractéristique de cette physionomie de Gœthe, lequel a eu plus de bonheur par ses défauts que par ses qualités, comme il arrive toujours, du reste.

1762. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Qu’il se regarde, s’il veut, et se reconnaisse dans les traits de son père, moulés par ce féroce leveur de masque qui n’a rien négligé pour que la hideuse ressemblance fût complète !

1763. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

L’Histoire se dessinait, à larges traits, sous sa main.

1764. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

On ferait un piquant recueil des traits et des mots qui fourmillent dans ces lettres de Lamennais.

1765. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il avait le portrait et le trait.

1766. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Elle lui donna pour dernier conseil de laisser là la couronne qu’une femme lui avait mise sur la tête, et une femme (on sent le trait jaloux) qui n’était pas elle !

1767. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Âmes mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbécilles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.

1768. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Donoso Cortès a bien parfois l’aperçu de Joseph de Maistre, mais cet aperçu n’arrive pas chez lui comme chez de Maistre, pareil à un trait de lumière qui part du fond de la pensée, au rayon visuel qui jaillit du centre de l’œil.

1769. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Funck Brentano l’a écrite, cette histoire, à grand traits, peut-être trop rapides (il fallait s’appesantir) dans le commencement de son livre, et il a déterminé avec beaucoup de pénétration et de relief les caractères de cette sophistique… Eh bien, disons-le-lui !

1770. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Et non seulement cela l’est pour les traits généraux de sa physionomie de poète, mais cela l’est tout autant pour les détails spéciaux et particuliers de son poëme.

1771. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Seulement, par les traits qui en sont sortis, par les quelques flèches que nous pouvons juger, puisqu’elles brûlent, à force de talent, d’un feu inextinguible et immortel, nous pouvons induire quel poète il aurait été s’il eût vécu un jour de plus.

1772. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

À part les satiriques de notre littérature, qui sont tous issus, plus ou moins, depuis Régnier jusqu’à Barbier et Barthélemy (de la Némésis), de l’auteur des Tragiques, de ce premier et terrible fulminateur contre les vices monstrueux d’une époque si exceptionnellement dépravée, il serait certainement possible de retrouver, à deux cents ans de distance, d’autres ressemblances et d’autres traits de famille entre d’Aubigné, ce précurseur de plus grands que lui, et d’autres poètes qui ne sont pas seulement séparés de lui par deux siècles.

1773. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

A propos du Maçon, retouché par cet esprit que la religion a retouché aussi jusque dans le fond et le tréfond de son être, il est peut-être curieux et piquant d’esquisser à traits pressés une vie singulière, que les Mémoires du dix-neuvième siècle ne donneront pas, et qu’en bonne conscience l’Histoire littéraire de cette époque ne pourrait décemment oublier.

1774. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Doué de facultés très-dramatiques, sachant s’effacer, cette chose difficile, car l’esprit est égoïste comme le cœur, et ne procédant nullement à la manière des romanciers contemporains, qui entassent les descriptions, les paysages et les portraits, dans une ivresse de plastique qui est une maladie littéraire du temps, M. de La Madelène ne fait guères de portraits qu’en quelques traits, quand il en fait, et chez lui, c’est l’action et le dialogue qui peignent le personnage, le dialogue surtout, que M. de La Madelène a élevé à un rare degré de perfection.

1775. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

L’éloge funèbre de la princesse Palatine, quoique bien moins intéressant, nous offre aussi quelques grands traits, mais d’un autre genre.

1776. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.

1777. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

On fait encore cette remarque, que ces petits hommes sont, en général, fort sensuels, que nos mousmés leur plaisent infiniment, et que beaucoup s’en retournent à moitié crevés dans le pays des kakémonos et des maisons en papier ; mais cela n’est pas non plus un trait caractéristique d’une race. […] Voltaire, en 1766, débarrasse la scène des bancs latéraux qui l’encombraient… et l’ancien système dramatique, dans ses traits essentiels, survit cinquante ans à ce débarras. […] Je vous la donne presque tout entière pour vous faire plaisir, mais en vous avertissant que la dernière partie seule a trait à mon sujet, — et que c’est, d’ailleurs, une causerie rapide et libre, non une dissertation méditée. […] Qu’il soit entendu que je me contente de noter ici (en l’exagérant un peu) un trait caractéristique d’un charmant esprit, mais queje ne critique ni ne raille… Que dis-je ? […] Les femmes ont, dans leurs traits, dans le pli de leur sourire, dans l’animation de leurs yeux, dans la complaisance de leur enjouement, quelque chose de professionnel.

1778. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Revenons donc sur quelques-uns des traits saillants de la vie, et marquons le caractère nettement empirique de la conception d’un « élan vital ». […] Que d’ailleurs l’espèce humaine soit sortie ou non d’une souche unique, qu’il y ait un ou plusieurs spécimens irréductibles d’humanité, peu importe : l’homme présente toujours deux traits essentiels, l’intelligence et la sociabilité. […] Lévy-Bruhl qu’on peut la considérer comme donnant un des caractères essentiels de la mentalité primitive. — Mais, dirons-nous à l’éminent philosophe, en reprochant au primitif de ne pas croire au hasard, ou tout au moins en constatant, comme un trait caractéristique de sa mentalité, qu’il n’y croit pas, n’admettez-vous pas, vous, qu’il y a du hasard ? […] Je me laissais donc simplement aller à ne pas penser, et l’idée que je devais me faire du dentiste se dessinait alors d’elle-même dans mon esprit en traits lumineux. […] Les traits individuels d’un animal ne frappant pas l’attention, l’animal est perçu, disions-nous, comme un genre.

1779. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Je ne me hasarderai pas à donner les traits qui définissent le mieux le génie natif de cette, race lyonnaise dont nous avons connu des représentants diversement distingués ; mais assurément un même caractère provincial leur demeure attaché à tous : ce caractère porte avec lui un certain fonds de croyances, de sentiments, d’habitudes morales, de patriotisme local, de religiosité et d’affectuosité (si je puis dire), qui se maintient au milieu de l’effacement ou du dessèchement trop général des âmes. […] Une petite lettre de Mme Récamier à Mme de Staël, et qui se trouve je ne sais comment mêlée aux papiers de Camille, se rapporte juste à ce moment et a trait à une démarche qui fut faite par Junot auprès du premier consul : « Au moment où je recevais le billet qui m’annonce votre départ, on m’en a remis un de Junot qui m’écrit : « J’ai vu « ce matin le consul ; il m’a dit qu’il consentait à ce qu’elle « ne quittât pas la France ; il veut bien qu’elle réside même à « Dijon, si cela lui est agréable ; il m’a même dit tout bas « que s’il n’y a rien de nouveau par la suite… — J’espère « que sa sagesse et nos vives sollicitations feront achever la « phrase. » — Vous savez sans doute tout cela. […] Tenons-nous-en donc à la lettre suivante de Mme de Staël, écrite sous le coup même de l’émotion, et qui n’est pas sans ajouter quelques traits bien caractéristiques à ce qu’elle a écrit ailleurs et à ce qu’on savait déjà : « Ce 1er novembre (1810), Coppet. […] L’autre lettre, datée de Rome, nous offre des traits assez fins sur les personnes, et n’est pas exempte, par endroits, d’une douce malice : « Rome, 21 avril (1813).

1780. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

En tout, il est ainsi : une prompte intelligence le guide, et chaque trait porte où il faut. […] Ampère observait peu directement : il n’était pas organisé par la nature pour regarder à fond et pour exprimer puissamment ce qu’il avait devant les yeux ; c’était un lettré en voyage : il lui fallait de l’accessoire tiré des livres ; un souvenir, un rapprochement, une allusion, lui étaient nécessaires et venaient bien à propos se joindre à ce qu’il voyait pour le compléter et l’orner ; quand il avait trouvé son trait, il était content. […] Le goût de l’Antiquité pure et le génie du passé n’étaient pas tout dans son inspiration : en approchant de l’époque impériale et en la traversant dans ses principaux règnes, il avait un stimulant puissant et un motif de zèle dans sa haine contre le régime impérial ancien ou moderne, à toutes les dates : il commença déjà à lui faire la guerre et à lui décocher des traits bien avant César et de derrière le tombeau des Scipions. […] Pourtant il ne se privait pas de traits fins et piquants au passage, et qui, dans leur sobriété, eussent mérité d’être retenus.

1781. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Je ne lui dirai plus une parole avant qu’il ne m’ait demandé pardon950. » Il traita l’art comme les hommes, écrivant d’un trait, dédaignant « la dégoûtante besogne de se relire », ne signant aucun de ses livres, laissant chaque écrit faire son chemin seul, sans le secours des autres, sans le patronage de son nom, sans la recommandation de personne. […] Il présente tous leurs traits grossiers, et ne présente que leurs traits grossiers. […] Je suis forcé de supprimer plusieurs traits.

1782. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Il n’avait pas de Sterne, cet enchanteur, le risqué charmant du trait, qui effleure l’indécence sans jamais y entrer, tandis que lui, Diderot, y entra toujours, et même avec de grosses bottes, pour y enfoncer davantage. […] Là il introduit jusqu’au drame, jusqu’au dialogue (voir les pages sur le tableau de Greuze : la Jeune fille qui pleure son oiseau mort), jusqu’à l’anecdote, et même l’anecdote osée, pour faire entrer davantage dans l’esprit le trait aigu de sa critique. […] Je l’ai dit, mais il faut insister, il a cette magnifique critique inventive qui fait faire, en quelques traits resplendissants, le tableau ou le groupe manqués. […]   » Cruel revers de main dont Villemain n’a peut-être pas vu la portée, car il supprime, d’un trait, tout le critique, en l’affirmant.

1783. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Et encore : « Il s’adonnait souvent à la chasse pour éviter l’oisiveté. » Cela paraît être un des plus beaux traits de sa vie. […] On n’avait osé donner ce rôle à aucun autre écolier, « crainte de mécontenter les parents » (le trait n’est-il pas amusant ?) […] C’est là un de ces petits traits qui vous renseignent sur un caractère aussi bien que de grandes actions. […] Il ne faut donc pas la percher si haut, sur un corps inutile, qu’on n’en puisse plus du tout distinguer les traits dans la noirceur du bronze. […] Le cheval noir suffit-il à compenser tant de traits fâcheux ?

1784. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

La sécurité de Manon, après chacune de ses fautes, est, à nos yeux, un des traits les plus remarquables de son caractère. […] Sandeau a trouvé, pour peindre cette révolte invisible de chaque jour, des traits pleins de finesse et que ne désavoueraient pas des écrivains consommés. […] Tous les traits de ce tableau sont d’une irréprochable vérité. […] Sandeau plusieurs traits d’une véritable éloquence. […] Ainsi d’un trait de plume M. 

1785. (1891) Esquisses contemporaines

Cette inquiétude en devint bientôt le trait dominant. […] L’arrière-fond de l’homme se dévoile alors et les crises qu’il subit l’émeuvent jusque dans la racine de sa force… » « Elle appartenait sans doute, par l’hérédité, se trouvant la fille d’un homme d’État, à la grande race des êtres d’action dont le trait dominant est la faculté distributive, si l’on peut dire. […] Qu’on lise la Gazette des Tribunaux ou les romans en vogue, on verra qu’il existe entre ces criminels et ces héros de livres un trait commun : ils sont dominés par les événements, livrés aux circonstances ; ils n’agissent pas, ils « sont agis » (s’il m’est permis de renverser la syntaxe pour suivre ce renversement de conduite) par l’impulsion fatale de l’hérédité, l’influence du milieu et la convoitise du moment. […] Son trait distinctif — je parle du système théologique ressuscité par le Réveil, non du Réveil lui-même — était l’intellectualisme, et c’est là peut-être qu’il faut chercher le seul prolongement du rationalisme philosophique auquel il succédait. […] Reconnaissez à ce trait le doctrinaire inconverti, l’ancien et incorrigible théopneuste, qui a bien renié l’orthodoxie, mais qui n’a pas cessé d’employer sa méthode.

1786. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Et pourtant lorsque Nisard en avait, ici, aux poètes romantiques, nous croyons qu’il se trompait et que ses traits érudits, barbelés de latin, tombaient à côté du but. […] « Il aurait voulu que tout se vît sans offusquer la vue, sans blesser le goût ; que le trait fût vif, sans insistance de main ; que le coloris fût léger plutôt qu’épais ; souvent que l’émotion tînt lieu de l’image. […] Mais la dernière phrase ne pourrait absolument pas être de Flaubert, qui termine toujours un paragraphe descriptif par un trait net et pittoresque, une saillie, au lieu que Fromentin l’achève par cette ligne égale ou déclinante où se plaisait le dix-septième siècle. […] Comme Taine, il a mis admirablement en lumière le côté oratoire de Rubens, cet « ondoiement » et cette « flamme » dont Sainte-Beuve fait sur un registre symétrique le trait d’un Molière et d’un Bossuet. […] Quelque chose comme un trait d’éloquence en fait monter le style.

1787. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Boileau-Despréaux dessine au trait. […] ces deux hommes avaient — outre leur génie — des traits de ressemblance. […] C’est sous ses traits, avec sa voix, que les Athéniens rêveront, longtemps encore, Iphigénie, fille du roi des rois. […] Cette jeune fille, née à Sparte, a les traits de ces idoles primitives tirées il n’y a pas longtemps du sol hellénique. […] Le Diable immobilisait les traits de cet homme !

1788. (1925) Comment on devient écrivain

A en croire Veuillot, qui raconte le trait dans Çà et là, quelqu’un ayant demandé à l’auteur du Père Goriot quel but il se proposait en écrivant tant de volumes, le grand romancier répondit : « Mon but est tout simplement de me faire 50 000 francs de rente. » Le mot est-il exact ? […] Pas une idée, pas une réflexion, pas un seul de ces traits incisifs, concis, qui doivent distinguer l’écrivain français entre les écrivains, ne relève cette prose molle et lâche. […] La beauté naît encore de ce que les traits, tous copiés sur la réalité, sont cependant choisis, sinon modifiés… La beauté est encore dans les forces naturelles et fatales que le roman réaliste est toujours amené à peindre. […] Balzac était évidemment avant tout un créateur et un intuitif ; mais le fond de son intuition consistait surtout à incarner dans un type les traits observés chez d’autres. […] Gil Blas et Clarisse n’eussent peut-être pas eu le même succès, si on avait dû les lire d’un trait, comme nous les lisons aujourd’hui.

1789. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

C’était une Portugaise plutôt, aux yeux bleus, aux cheveux d’or ou de lin43 Ses sœurs et frères étaient bruns et de traits fortement accentués. […] Félix, souviens-toi bien : il est impossible que cette bonne grand’mère, et papa, et mon oncle Constant (le peintre,) ne descendent pas de cette ligne dont les traits sont si différents de la race vraie flandre.

1790. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Ils boivent à longs traits les eaux d’iniquité, et ils disent : Comment Dieu le saura-t-il ? […] XX Et comme chaque trait des mœurs pastorales ou sacerdotales lui fournit une image ou simple, ou neuve, ou douce, ou forte, ou inattendue !

1791. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

On vit même une joie secrète luire sur ses traits à travers la gravité et la tristesse du moment. […] Tous les traits divergeaient comme la pensée.

1792. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

” » IV « Tels sont donc, en résumé, les grands traits, les caractères de la forêt vierge par excellence : elle est impénétrable, impropre à la demeure de l’homme ; la végétation est en guerre contre elle-même ; les plantes et les animaux grimpent ; il y a peu d’insectes et point de moustiques ; les bas-fonds marécageux contrastent avec les terrains boisés du haut pays ; des arbres d’une taille colossale s’appuient sur des racines arc-boutées et supportent des plantes pendantes aériennes, comme une seconde forêt par-dessus la première ; pêle-mêle de taillis et de lianes parasites ; absence de fleurs ; retour invariable des mêmes phénomènes dans leur cycle annuel, mensuel et diurne ; ombrages silencieux troublés par des bruits mystérieux et inexplicables ; enfin, source inépuisable d’intérêt, qui provient de la beauté et de la variété, de la richesse, de l’exubérance et de l’intensité de la vie chez tous les êtres organiques. […] La machine flottante est si vaste et les membres de bois sont si solidement encastrés les uns dans les autres par leurs extrémités et par leurs flancs, que le roulement des canons sur ses ponts y est insensible et qu’il ne sent pas plus le poids d’une foule d’hommes que le cheval de trait dans les rues de Londres ne sent le poids des mouches qui se posent sur sa crinière.

1793. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Puis, prenant au fond du coffre la zampogne qui dormait silencieuse depuis sept hivers, dégonflée et vide, auprès des habits de son maître, j’en passai la courroie autour de mon cou et je la pressai du coude sous mon bras gauche, de manière à ressembler trait pour trait à un jeune pifferaro des Abruzzes, qu’on écoute au pied des croix et des niches des villages, et à qui on ne demande pas d’où il vient.

1794. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Comme eux, elle croit qu’un destin implacable la poursuit, qu’elle est une créature fatale et qui porte avec elle le malheur partout où elle va : Le ciel s’est fait sans doute une joie inhumaine A rassembler sur moi tous les traits de sa haine, etc. […] La tragédie (comme l’art en général) ne fait qu’accentuer les traits ; elle ne fait qu’exagérer parfois la distance entre ces deux hommes qui sont en nous.

1795. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Mais il ne passe pour tel que parce qu’il est un barbare, un sauvage, un enfant… Seulement cet enfant a une musique dans l’âme, et, à certains jours, il entend des voix que nul avant lui n’avait entendues… IV Les traits que je viens de rassembler par caprice et pour mon plaisir, je ne prétends pas du tout qu’ils s’appliquent à la personne de M.  […] … Jadis, quand on traduisait un état moral par une image empruntée au monde extérieur, chacun des traits de cette image avait sa signification, et le poète aurait pu rendre compte de tous les détails de sa métaphore, de son allégorie, de son symbole.

1796. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Cela éclate, dans cette correspondance, en traits bien significatifs. […] Hippolyte Valmore ; et « c’est un beau trait de caractère, qui achève d’ennoblir une belle figure. » Soit ; mais, si Valmore savait tout, j’ai beaucoup de peine à m’expliquer les faux-fuyants par lesquels Marceline répondait à ses accès de jalousie.

1797. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Tel autre, dessinant à grands traits impérieux l’histoire des idées ou l’histoire des formes littéraires, semble toujours écrire contre quelqu’un ou quelque chose et, même avant d’être moraliste, est invinciblement orateur et « dialecticien. » Faguet est un « logicien », et de quelle puissance ! […] Mais, dès ce temps-là, j’avais confiance dans la netteté des traits de son visage ; dans sa mâchoire, qui est robuste ; dans le timbre si franc de son rire, et enfin, dans un certain regard, qui n’était pas d’un faible ou d’un efféminé.

1798. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

L’infini est dans toutes nos facultés et constitue, à vrai dire, le trait distinctif de l’humanité, la catégorie unique de la raison pure qui distingue l’homme de l’animal. […] Voilà le seul trait vraiment universel, le fond identique sur lequel les instincts divers ont brodé des variétés infinies, depuis les forces multiples des sauvages jusqu’à Jéhovah, depuis Jéhovah jusqu’à l’Oum indien.

1799. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Après les premières strophes, les instruments à vent reprennent, très doucement et d’un mouvement très ralenti, quelques traits de la vraie chanson du cordonnier, comme si l’homme détournait son regard de la besogne manuelle vers en haut, et se perdait en de douces gracieuses rêveries. […] En me restreignant à l’étude de leur système musical, en laissant de côté les systèmes de la mimique, de la poésie, de la décoration, de la mise en scène, je veux à grands traits disséquer l’organe qui met en circulation la vie particulière à l’œuvre dramatique.

1800. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Le dessin pour être précieux au Japon, doit être fait sans aucune reprise du trait, sans aucun repentir. […] Et c’était charmant de voir notre Japonais travailler, tenant deux pinceaux dans la même main, l’un tout fin et chargé d’une couleur intense et filant le trait, l’autre plus gros et tout aqueux, élargissant la linéature et l’estompant : tout cela avec des prestesses d’escamoteur, debout devant sa petite table aux gobelets.

1801. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Résumons-nous : la physionomie littéraire de la France actuelle est caractérisée par trois grands traits : l’histoire, la philosophie, la haute poésie ; les premiers talents de prose et de vers de l’époque sont renfermés dans cette triple et large barrière ; et ces trois objets occupent presqu’exclusivement l’intérêt et la curiosité d’une jeunesse avide d’instruction et d’émotions. […] C’est le mode de versification que suit l’école actuelle qui a repris aussi à nos anciens poètes cette richesse élégante de rimes, trop négligée dans le dernier siècle ; car la rime est le trait caractéristique de notre poésie, il faut qu’elle soit une parure, pour n’avoir pas l’air d’une chaîne, et des vers rimés à peu près, sont comme des vers qui auraient presque la mesure.

1802. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

La question que nous venons de traiter est donc étroitement connexe de celle qui a trait à la constitution des types sociaux. […] Mais on voit que ces cas sont dus à des accidents individuels et, par suite, ne sauraient affecter les traits constitutifs de l’espèce sociale qui, seule, est objet de science.

1803. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il y a une histoire de lieutenante générale de Château-Thierry, il y en a une autre d’une certaine abbesse, il y en a d’autres encore sur les châtelaines du voisinage, il y a La Fontaine — premier trait de distraction — sortant, au milieu de la nuit, en bottes blanches et une lanterne allumée par un clair de lune magnifique, pour aller à un rendez-vous nocturne. […] On ne donne pas de date, puisque les sociétés de ce genre se dénouent plutôt qu’elles ne se brisent, peu à peu, et par trait de temps.

1804. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Alors ils auraient pu, avec toute leur science, trouver la raison de la filiation des langues et des transformations des mots lorsqu’ils passent d’une langue dans une autre ; ils auraient pu, après avoir remarqué que le son de la voix est un trait physiognomonique très important dans l’homme, peut-être le plus important de tous ; ils auraient pu, dis-je, remarquer combien est caractéristique aussi l’accent qui signale les peuples divers et qui anime leurs langues ; ils auraient pu remarquer qu’il y a des familles et des nations distinguées par l’analogie des sons de la voix comme par celle des lignes de la figure, ou des couleurs de la peau et par les habitudes des cheveux. […] Remarquons ici en passant, à l’occasion des accents qui donnent la vie aux langues et qui sont un trait caractéristique de la physionomie des différents peuples, remarquons, dis-je, que la langue française, dépouillée d’accents plus qu’aucune autre langue, en est plus propre à remplir les fonctions de langue universelle, dont Dieu lui a imprimé le caractère.

1805. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Il y a, par exemple, contre Saint-Just et contre Marat, quelques traits qui sont des portraits en quelques traits ; mais ce n’est que dans la dernière page de ce livre robuste que nous retrouvons pleinement l’écrivain qui s’était si fièrement comprimé et étouffé jusque-là.

1806. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Les stances adressées À la jeunesse de l’avenir : Vous en qui je salue une nouvelle aurore… sont d’un beau souffle, avec quelques longueurs et des traits un peu forcés dans le détail ; mais la tendresse y éclate noblement en fierté, et l’élégie embouche le clairon de la victoire.

1807. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Une bonne part des lettres de la mère Agnès a trait aux susceptibilités, aux soupçons, aux frayeurs de Mme de Sablé, à son inquiétude de n’avoir point le soleil levant et à ses mille autres inquiétudes, à ses rhumes surtout et aux accidents qui surviennent à son odorat.

1808. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Il y rend justice aux qualités réelles et apparentes de ce monarque, mais il indique avec raison un trait de caractère en lui, essentiel, invétéré et bien nuisible, contraire à la dignité des hommes comme au sérieux des choses, le besoin d’un favori, c’est-à-dire ce qui devait compromettre, même aux meilleurs moments, la politique de ce roi.

1809. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Je voudrais bien établir et déterminer en traits précis cette figure sympathique du jeune général, sans lui faire tort et sans la surfaire.

1810. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Quelque jeune ami, — et il en avait de cet âge, et un particulièrement bien digne de lui134, — devrait se donner pour tâche pieuse de recueillir dans ses divers écrits, et aussi dans les lettres pleines d’effusion et nourries de détails qu’il adressait à ses amis de France durant ses voyages d’Allemagne et d’Italie, des extraits, des pensées, des jugements, de quoi rappeler et fixer dans la mémoire quelques traits au moins de la physionomie de cet homme excellent dont les qualités morales et la candeur égalaient la haute intelligence.

1811. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

. … s’en rapprochent plus ou moins par quelques traits.

1812. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

l’intensité de l’expansion du moi ; et par là, cet immoral courtisan se trouve apte à saisir, à fixer les traits d’un L’Hôpital ou d’un don Juan d’Autriche.

1813. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il servit de trait d’union entre l’Académie des Inscriptions et celle de Peinture et Sculpture.

1814. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Lettrés, chauvins, famille, partis, tout le monde nous pousse à défigurer, affadir, embellir les traits de nos écrivains immortels, et nous harcèle, si nous y résistons.

1815. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Les masses ouvrières ont tous les traits de l’âme grégaire.

1816. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Ce fin Rémois nous égaya par son esprit endiablé, sa conversation étincelante, pleine de traits, de paradoxes et d’incisives boutades.

1817. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Si, en effet, on a reconnu dans les écrits d’un homme un style éclatant, riche en comparaisons et en métaphores, une grande fertilité de combinaisons dramatiques, une habileté remarquable à dresser en pied un être vivant ou à brosser un paysage à grands traits, déclarer après cela que cet homme est doué d’une forte imagination, c’est au fond répéter la même chose en d’autres termes.

1818. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

2° Faire l’opération inverse, c’est-à-dire étudier les divers types de la nature humaine ; les analyser, noter les circonstances dans lesquelles ces types dominent, et expliquer les traits caractéristiques du type par les particularités des circonstances.

1819. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

A quels traits a-t-il été permis de reconnoître cette malignité qu’on nous impute ?

1820. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Cette presse y gagne en esprit et en trait.

1821. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Je voudrais parler ici de M. de Montalembert orateur, au point de vue du talent, pour le caractériser et le saisir dans les principaux traits de son éloquence.

1822. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

L’atome trait d’union, l’atome universel, l’atome lieun des mondes, existe-t-il ?

1823. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Sa tête n’est pas mal, en comparaison du reste, c’est celle d’un joli petit ange ou d’un petit amour, tant les traits en sont formés.

1824. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Comme sonorités, le mot rocher, sec et dur, où l’on voit l’aigle comme cramponné ; le mot perçant rappelé par le mot yeux qui dessine si fortement, surtout pour les contemporains de Condé, le trait essentiel de la figure du prince ; le mot attaque, brusque et éclatant ; le mot inévitables qui donne l’impression d’un grand filet où le général enveloppe l’ennemi.

1825. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Et celle-ci n’a pas été plus heureuse que les autres… La mobilité dans la profondeur qui est la caractéristique, géniale et humaine, de Byron, et qui pourrait, d’un seul trait, nous éclairer toute sa vie, n’a pas été saisie par la femme qui nous a donné ce Byron jugé… et qui ne l’est pas !

1826. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

La lâcheté, en effet, la lâcheté qui opprime le faible et s’aplatit devant le fort, est le premier trait et certainement le plus profond de la moralité ou plutôt de l’immoralité chinoise.

1827. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

À force de fouiller dans ces êtres indécis indiqués par Goethe en quelques traits parfois puissants, mais toujours rares, Saint-Victor a fini par les accoucher de la passion et de la vie.

1828. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

En détaillant, sous son analyse, l’individualité de Saint-Martin, il a compris que cette plante étrange avait pourtant sa racine dans le terrain de son siècle, et, pour qu’on ne pût s’y méprendre, il nous a retourné le siècle en quelques traits justes et profonds, et nous en a ainsi montré le fond et la superficie.

1829. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Ne voulant être dispensée de rien, marchant sur son titre de princesse, voulant qu’on oubliât la princesse, ayant honte d’être princesse — dit la carmélite inconnue, qui a de ces traits, — comme on a honte d’être fille des champs.

1830. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Il n’a pas, il est vrai, cette spontanéité de malice du premier, qui faisait dire à un grand critique étranger : « Le trait frappe avant qu’on ait pu même soupçonner que l’arc a été tendu », ni la causticité mordante et l’ampleur d’événements du second.

1831. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Il dit aussi, pour sortir de Saint-Lazare : « Rompre mes fers. » — « Elle m’assura — fait-il dire à Desgrieux encore — que son cœur était à moi et qu’il ne recevrait jamais d’autres traits que les miens… » Voilà les siens, à l’abbé Prévost !

1832. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

(trait adorable de mépris !)

1833. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Dans la démocratie qui s’organise autour de nous, et dont nous n’apercevons que les principaux traits, il y aura, de plus en plus, entre la littérature et les mœurs, des rapports étroits. […] Et comme elle court bravement sur le papier, sans chercher l’« effet », le « trait » ni la « pointe », sans quêter l’applaudissement des cuistres ni des pédants, droit au but, droit au cœur ! […] il y a une petite Adèle Raffraye qui ressemble, trait pour trait, à la défunte sœur de Francis Nayrac… Qu’importe, dit la sagesse des gens du monde, est-ce que cette enfant n’a pas une situation légale, des parents reconnus, une maison confortable et un avenir assuré ? […] Il avait sans doute gardé quelque chose des traits de son enfance. […] Un type manque à cette série de portraits un peu grossement ébauchés par un peintre qui n’a pas le loisir de préciser et d’affiner les traits.

1834. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Son esprit réfléchi répugne aux frivolités de l’improvisation, sa conversation est paresseuse et manque de traits. […] Noriac d’avoir importé dans le roman ses qualités de petit journaliste : la netteté, la rapidité, le trait, toutes choses qui font bonne figure dans un livre, quel qu’il soit, mais surtout dans un ouvrage satirique. […] Du reste, bien que placée à mille lieues au-delà de la vérité et de la vraisemblance, les traits comiques, — d’un comique énorme, — abondent dans cette hyperbolique physionomie. […] Il ne s’agit plus que de savoir si Thésée épousera Dircé, après lui avoir galamment traversé le cœur de mille traits madrigalesques. […] Les uns n’en donnent pas, ils se contentent d’affirmer solennellement que le vers est impossible dans un sujet bourgeois, effaçant ainsi d’un trait de plume Molière et Regnard.

1835. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Pendant longtemps on y a lu, entre autres sottises : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; voilà ma place au soleil… » et l’on s’extasiait devant un trait si hardi. « Ce chien !  […] Ceci est un trait de génie. […] Cette vanité rappelle un trait du caractère de Lamartine, assez petit, mais bien humain […] En France, pendant que nous voyons surtout ce qui nous différencie, le voyageur venu de loin n’aperçoit d’abord que les traits communs à toute la nation. […] Voici les premiers traits de ce tableau, qui durera plus qu’aucun de ceux du Titien : Ô toi !

1836. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Les tragédies mêmes qui ont pour sujet des traits de nos propres annales, sont exposées à beaucoup d’obscurité. […] Il dit entre autres : « Entre un Français et un Allemand sympathiquement entraînés l’un vers l’autre le génie de Heine est le naturel trait d’union. […] Chateaubriand avait tracé l’historique à grands traits. […] Ses œuvres abondent en traits extraordinaires de ce genre, que nous pourrions appeler des tours de force, si nous ne savions pas qu’ils lui sont essentiellement naturels. » M.  […] Son amour pour la nature comme son respect pour la vieillesse, son culte de la famille comme le charme avec lequel il parle des enfants, sont des traits tout germaniques qui le distinguent de la plupart des autres poètes français.

1837. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Ce soir-là, ce grand soir à jamais mémorable d’Hernani, elle applaudissait, comme un simple rapin entré avant deux heures avec un billet rouge, les beautés choquantes, les traits de génie révoltants… Mars-août 1872. […] On retrouve les traits principaux de ce caractère dans la plupart des pièces du temps. […] Dans son œuvre, Delacroix a toujours cherché le signe caractéristique, le trait de passion, le geste significatif, la note étrange et rare. […] Leurs faces débonnaires, aux traits presque humains, ressemblent à des masques de pères nobles dans la vieille comédie ; leur corps flasque, arrondi, sans os, sans nerf et comme bourré de son, n’a ni souplesse ni vigueur, et leur patte soulevée s’appuie sur une boule : geste peu léonin, il faut l’avouer. […] Puisque son nom reparaît sur l’affiche, nous en avons profité pour dessiner quelques traits d’une physionomie originale qu’on a trop tôt oubliée et qui avait bien sa valeur.

1838. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Elle avait, du même trait, biffé les mots : Beauté, Vérité, Joie, Humanité. […] Stendhal, Vigny, Sénancour, Gérard de Nerval… On pourrait me demander quel trait commun assemble ces Poëtes. […] voilà peut-être le plus significatif trait d’E.  […] Taine : “La forme semble s’anéantir et disparaître ; j’ose dire que c’est le grand trait de la poésie moderne.” […] C’est ici le plus curieux trait de leur, attitude : ces revues — le compte en est bientôt fait ! 

1839. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Il les montre, les premiers des martyrs, ouvrant la porte à tous ceux qui sont venus depuis, et accueillis là-haut, dès leur entrée, par toute la cour du Paradis qui leur fait honneur et fête : Que d’applaudissement, de rumeur et de presse, Que de feux, que de jeux, que de traits de caresse Quand là-haut, en ce point, on les vit arriver ! […] Malherbe, cependant, est un poëte grammairien s’il en fut : on sait de lui, à cet égard, des traits qui font sourire. […] Corneille, vieil et amoureux, — amoureux de tête plus que d’autre chose ; il les a faits pour une certaine marquise qu’on assure n’avoir été qu’une marquise de théâtre (peu importe), et qui faisait mine de le dédaigner ; il y a mis une vigueur, une fierté, une gronderie, une braverie, une conscience de ce qu’il était, un orgueil légitime à la fois et qui fait légèrement sourirai Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.

1840. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« Romains, dans le temps où j’ai fait le sacrifice de ma vie et de mes biens pour votre sûreté, pour votre repos et le maintien de la concorde, je me suis adressé au souverain des dieux et à toutes les autres divinités ; je leur ai demandé que, si jamais j’avais préféré mon intérêt à votre salut, ils me fissent éternellement subir la peine due à des calculs coupables ; que si, au contraire, dans tout ce que j’avais fait jusqu’alors, je m’étais uniquement proposé la conservation de la république, et si je me résignais à ce funeste départ dans la seule vue de vous sauver, en épuisant sur moi seul tous les traits de cette haine que depuis longtemps des hommes audacieux et pervers nourrissaient dans leur cœur contre la patrie et tous les bons citoyens, le peuple, le sénat et toute l’Italie daignassent un jour se rappeler mon souvenir et donner quelques regrets à mon absence. […] Il est vrai que, averti par l’ancien proverbe, je pense toujours aux vivants ; mais, quand je voudrais oublier Épicure, comment le pourrais-je, lui dont nos amis ont le portrait, non seulement reproduit à grands traits par la peinture, mais encore gravé sur leurs coupes et sur leurs bagues ? […] Il me semble que je le vois (car ses traits me sont bien connus) ; il me semble même que sa chaire, demeurée pour ainsi dire veuve d’un si grand génie, regrette à toute heure de ne plus l’entendre.

1841. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Hermant le signifie avec trop de violence, et par des traits d’une convention par trop folle. […] Une autre femme pourrait pardonner : moi, je ne puis pas ; car on me soupçonnerait toujours d’avoir voulu rester duchesse et millionnaire. » À quoi il n’y a rien à répondre. — Ce seul trait excepté, l’aventure des deux derniers actes pourrait servir de suite à n’importe quel autre mariage aussi convenablement qu’à celui du jeune duc indépendant et de la sage institutrice. […] Vous sentez la convention, d’autant plus déconcertante ici que ces manifestations invraisemblables de vraisemblables pensées sont mêlées çà et là de traits de vérité comique.

1842. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Alors nous voyons un peu de sa figure, bonne, douce, calme, les couleurs éteintes, mais les traits encore délicatement dessinés dans un teint pâli et pacifié, dans un teint couleur d’ambre. Il y a au fond une ténuité et une fine ciselure dans ses traits, que ne rendent pas ses portraits, qui ont grossi et épaissi son visage. […] Ce monde aux yeux renfoncés, est dur, concentré, avec un tas de choses amassées sous l’ensevelissement des traits.

1843. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

L’exorde est tout plein de jolies gamineries, d’amusantes pasquinades, d’aimables traits d’esprit, puis vient le morceau sérieux, le morceau historique, où le récipiendaire déclare, grâce à sa faculté de lire entre les lignes de l’imprimé, avoir fait la découverte que Richelieu n’a jamais été jaloux des vers de Corneille, qu’il lui en a seulement voulu un moment, pour avoir retardé, avec sa création du Cid, l’unité française. […] La péroraison prononcée, tous les traits de tous les visages se sont allongés, en les courbes tombantes d’un fer à cheval, et une noire tristesse s’est amoncelée sur tous les fronts. […] C’est un homme, à la fois vieux et jeune, aux petits yeux, aux petites moustaches, aux petits traits ratatinés, au petit front bombé, semblable à un ivoire japonais représentant le Dieu de la longévité.

1844. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Pourtant le style sublime n’est souvent qu’une forme du style simple : rien de plus simple que le « qu’il mourût » ; rien de plus simple que la plupart des traits sublimes de la Bible et de l’Evangile. […] C’est la vision du rêve, où ne subsistent que quelques traits en reliefs qui, à eux seuls, évoquent tout le reste. […]                  Elle oscilla longtemps Dans un balancement qui donnait à ses traits         Une grâce vague de fantôme.

1845. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Après avoir été dans l’Apologie un biographe exact et précis, il n’a pas craint, malgré son pieux respect pour la mémoire de Socrate, de commencer cette légende dans le Banquet, dans le Théétète, et ailleurs ; son imitateur, l’auteur du Théagès, y a ajouté quelques traits ; puis sont venus les auteurs inconnus184 auxquels Cicéron, Diogène Laërce et Plutarque ont emprunté des anecdotes aussi puériles que merveilleuses ; bientôt l’interprétation prend des allures alexandrines, et tout esprit critique a disparu des intelligences avant que le merveilleux socratique ait été l’objet d’une exégèse scientifique185. […] Et chacun se dit à cette occasion que souvent il se laisse aller, lui aussi, à penser tout haut, mais sans imprudence, toutes portes closes, dans le silence et la solitude ; ceci n’est, plus un ridicule, mais un trait de la nature humaine, commun à tous ; le monologue se développe alors, selon le tempérament individuel, en phrases plus ou moins vives, plus ou moins pressées, plus ou moins périodiques. […] Il y a sans doute des circonstances où la transition est plus brusque ; il y a aussi des caractères psychiques dont la discontinuité est le trait dominant : tel, en tirant un cordon de sonnette, pense à toute autre chose qu’à ce qu’il va dire, et, une fois en présence de la personne demandée, passe sans hésitation ni trouble au sujet de sa visite, le traitant avec autant de présence d’esprit que s’il venait de préparer son discours.

1846. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

… Je me rappelle tout ce que nous nous disions l’un à l’autre, nos caresses, ses traits ; je n’avais plus de repos, je ne pouvais dormir… Mon angoisse, mon amour étaient si violents, que parfois je me demande si j’ai eu depuis un autre attachement véritable… Quand plus tard j’appris son mariage, ce fut comme un coup de foudre, j’étouffais, je tombai presque en convulsions1240. » Pareillement lorsqu’à douze ans il aima sa cousine Marguerite Parker, il en perdit le sommeil, il ne mangeait plus. « J’avais sujet de croire qu’elle m’aimait, et pourtant la grande affaire de ma vie était de penser au temps qui s’écoulerait jusqu’à notre prochaine rencontre. […] Sa copie est poussée au noir, mais c’est une copie. « Je ne puis écrire sur quoi que ce soit, dit-il, sans quelque expérience personnelle et sans un fondement vrai1260. » Vous trouverez dans ses lettres et dans son livre de notes, presque trait pour trait, ses descriptions les plus frappantes. […] Tout au plus ils déduisent, c’est-à-dire qu’ayant deviné, sur deux ou trois traits, le fond de l’homme qui est en eux et des hommes qui sont autour d’eux, ils en tirent, par un raisonnement subit dont ils n’ont point conscience, l’écheveau nuancé des actions et des sentiments.

1847. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Mardi 2 janvier Dans le chemin de fer, en face de moi, un monsieur au teint de papier mâché, aux traits nerveusement tiraillés, aux yeux doucement ironiques, et qui, d’après ses paroles, semble un compositeur de musique. […] Et ces bustes de femmes, où dans la force et la puissance de l’exécution — ce qui n’arrive jamais chez les sculpteurs, qui font joli — il y a la délicatesse de construction, la finesse des arêtes, la mignonnesse des traits, et pour ainsi dire, la spiritualité matérielle de la créature féminine. […] D…, qui a beaucoup approché Thiers, pendant la Commune, nous entretient du petit homme, dont il cite deux ou trois traits d’impolitesse et de manque d’éducation. […] Sur la paroi de droite, sont trois eaux-fortes de mon frère : le portrait de Raynal, d’après le La Tour de la collection Eudoxe Marcille, une de ces eaux-fortes que mon frère griffait en deux heures, et qui, un moment, lui avaient donné l’idée de graver toutes les préparations de Saint-Quentin ; — La Lecture de Fragonard, d’après le bistre du Musée du Louvre ; — une tête d’homme de Gavarni, d’après un croquis, dessiné avec un cure-dent, où le trait avachi du dessin est rendu par des pâtés d’un noir sans éclatements.

1848. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Pour ceux-là, certes, ce serait une duperie assez grande de leur prodiguer les grâces du style ; et le tribun qui attaque, et le rhéteur qui s’abandonne à sa violence éloquente, et l’esprit calme en ses raisonnements irrésistibles, et l’ironie aux pieds légers, et la colère en ses déclamations furibondes, et la satire à l’accent aigu, et le pamphlet, — ce capharnaüm de toutes les bonnes et de toutes les mauvaises puissances de la parole ; et la phrase élégante, incisive, indiquant d’un trait la malice ingénieuse, accorte, avenante ; ou bien, d’un trait vif et acéré, immolant sans pitié la renommée honteuse de ce bandit, la gloire usurpée de ce voleur autant de grâces, autant de violences, autant de tonnerres et d’éclairs qui échappent à la vue obtuse, à l’oreille fermée, à l’esprit bouché, à la tête inintelligente, au lecteur ébloui de ces vives et soudaines lumières pour lesquelles il n’est pas fait. […] Voilà donc la bouffonnerie qui devient un sermon. — Molière, tout au rebours : il a été grave, sérieux, austère pendant tout le cours de la pièce ; il a oublié bien souvent qu’il nous avait promis une comédie, et maintenant que justice est faite, que le scélérat est englouti, Molière se souvient qu’il a voulu en effet écrire une comédie, et qu’il doit, tout au moins, nous laisser sur un trait plaisant ; hé bien, ce trait plaisant, au milieu du souffre qui brûle encore, il le tire du trembleur Sganarelle. […] son balai à la main, disait des choses… — Il y avait le crilleur de sorts, représenté par mademoiselle de Morfontaine, et une Égyptienne sous les beaux traits de mademoiselle de Lorge.

1849. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

L’homme est là, gourmande, invective ou loue, dit sur tout son mot, qui est souvent un trait de feu. […] Mais que de traits de ressemblance avec le premier ! […] Même ce combat éternel de l’enfer contre le ciel, cet Hiéroclès qui a des traits de Fouché, tout cela parlait singulièrement à ce public noble, qui avait laissé tant de parents aux échafauds, pour lequel écrivait Chateaubriand, et qui soutint comme il le put les Martyrs contre la critique. […] Lord Nelvil figure l’aristocratie libérale d’Angleterre sous les traits idéaux qu’elle prenait facilement pour une Genevoise. […] Tout son passé le portait en effet à devenir l’un des hommes représentatifs du futur Empire : l’amour sincère du peuple, la philanthropie autoritaire, la politique mondiale d’utopiste et de rêveur, étaient autant de traits communs au vicomte Hugo et au Prince-Président.

1850. (1940) Quatre études pp. -154

* * * Un trait de notre tempérament est si connu, qu’il suffit de le rappeler pour que chacun tombe d’accord sur son existence et sur ses attributs : notre besoin d’ordre et de clarté. […] La terre ne fut plus qu’un nuage de poussière — à travers ce nuage, je vis les traits illuminés de la Bien-Aimée. […] Un trait est particulièrement remarquable ici : c’est l’influence du vers qu’ils ont employé dans leurs productions théâtrales, dans Cromwell et dans Hernani, sur le vers épique ou lyrique. […] Le Moïse de Vigny, descendant du Mont Sinaï où il a pris contact avec Dieu, s’applique à définir son propre caractère, et à marquer les traits dominants de la psychologie. […] D’où vient cette douce rosée qu’il répand sur sa route, tandis que des traits de feu l’entrouvrent de toutes parts ?

1851. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Pinto célèbre juif, le chapelain de la chapelle réformée de l’ambassadeur batave, le secrétaire de M. le prince Galitzin du rite grec, un capitaine suisse calviniste », réunis autour de la même table, échangeaient, pendant quatre heures, leurs anecdotes, leurs traits d’esprit, leurs remarques et leurs jugements « sur tous les objets de curiosité, de science et de goût ». […] À proprement parler, c’est la bête noire ; quiconque lui lance un trait est le bien venu. — Autre chaîne, la morale des sexes.

1852. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Mais il s’honorait de ses blessures comme un intrépide soldat de cette double cause, et il faisait de ces traits de la haine de parti ce que les Romains faisaient des flèches des Parthes, des trophées dans le temple de la Gloire, disant à Dieu et au roi : Voilà les armes que j’ai bravées pour vous ! […] « Je ne sais comment j’ai pu plaire aux Bédouins et me faire parmi eux des amis : quelques traits de fermeté et d’énergie y ont peut-être contribué.

1853. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

L’opinion générale du temps est que le Tasse avait célébré la beauté et l’amour de Léonora d’Este sous les traits et sous le nom de Sophronie. […] Tout porte à croire aussi qu’il ne fut point poursuivi dans sa fuite, car la beauté de ses traits, l’égarement de sa physionomie, l’élégance de son costume, ne pouvaient manquer de signaler son passage et de révéler ses traces aux poursuites du duc de Ferrare.

1854. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Ce trait de générosité touchait vivement le peuple peu réfléchi de ces campagnes, qui croyait que la force était le droit, et que c’était un crime que d’avoir un autre roi que le vainqueur. […] On y voyait de longues écuries, pleines autrefois de quatorze chevaux de trait, et maintenant vides ; il n’y avait qu’un vieux cheval de selle irlandais qui vous a servi de cheval de guerre et de triomphe dans les jours sinistres de la guerre civile ; vous lui avez donné les invalides dans un pré voisin, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de rappeler son âme dans les pâturages ossianiques de la verte Érin, le paradis des braves quadrupèdes.

1855. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Seulement à l’affliction grave et agitée de ses traits, il semblait que toute cette série d’épreuves épuisées successivement par elle lui réapparaissait en masse dans l’avenir, à elle plus avancée dans la vie et d’une santé déjà languissante, et on eût dit en même temps, à l’effort de courage qui dominait sa tristesse, qu’elle se résignait à être frappée à mort par le triomphe de ce qu’elle avait le plus haï, le plus redouté, mais qu’elle en attendait, avec plus d’indignation encore que d’effroi personnel, bien d’autres maux pour le monde, pour la France et pour la grande cause qu’elle avait tant aimée. […] Sa rare beauté, la mélancolie de ses traits, la sombre et courte perspective de sa destinée avaient attendri sur lui le cœur de madame de Staël.

1856. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Le plus beau trait du caractère de M.  […] Je ne sais pourquoi il cessa de professer le cours de notre année ; il fut remplacé par un directeur, très occupé d’ailleurs, qui se contenta de nous lire d’anciens cahiers, auxquels il mêlait des traits de livres modernes.

1857. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Lesage les représentait dans son Turcaret sous des traits si peu flatteurs que les financiers du temps firent tous leurs efforts pour empêcher la représentation de la pièce. […] Tandis que Desportes mange douillettement les revenus d’une quantité de grasses abbayes, son neveu, Régnier, esquisse en traits inoubliables le portrait des poètes crottés.

1858. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

« L’orchestre accentue de traits nerveux ces scènes hautement admirables. » « La phrase s’élucide, le frissonnement s’approfondit, a Ces diables de wagnériens, il n’y a pas leur pareil pour l’instrumentation naturaliste. « Les cuivres lancent une phrase saccadée dont chaque secousse  » (schoking !) […] La suite de l’œuvre est pour le moins égale à ce qui précède, et le troisième acte, en particulier, rempli tout entier par les plaintes et les élans de Tristan qui va mourir, est d’une conception tellement puissante, si riche en traits de génie, en combinaisons merveilleuses, qu’il en perd toute monotonie et vous étreint d’une angoisse inexprimable.

1859. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Les cornes symboliques, qu’il ceignait et déposait comme une couronne d’apparat, s’implantent dans son front ; son beau visage obscurci prend les traits du bouc de ses sacrifices. […] Ils s’accroupissent tristement à terre, leurs traits mobiles redeviennent sérieux et pensifs, une lueur de raison éclaire la vague folie de leurs yeux.

1860. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Quand il a réussi à encadrer dans quelques rimes riches et insignifiantes un beau vers, un trait d’imagination ou de sentiment sur lequel s’arrêtera l’attention du lecteur, l’artiste est content, ou plutôt il est à bout. […] Vous vous êtes, pour un instant, identifié avec la pensée du savant, soit qu’il fût alors agité par une conception nouvelle et sur la trace d’un des mystères de la nature, soit qu’il fût encore animé de la joie d’une découverte récente, ou bien qu’il ait résumé devant vous l’état de la science contemporaine dont il est en partie le créateur, l’éclairant par des traits imprévus d’une grandeur saisissante.

1861. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

En somme, on peut dire que les courants philosophiques qui prédominent aujourd’hui, courants qui s’attachent uniquement à poser des problèmes, révèlent par cela même non seulement un trait de folie, mais un trait de folie de suicide.

1862. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

L’origine du mouvement littéraire remonte à l’apparition des Poètes maudits de Paul Verlaine (fév. 84) où il est dit dans la préface : À bien y regarder pourtant, de même que les vers de ces chers Maudits sont très posément écrits, de même leurs traits sont calmes, comme de bronze un peu de décadence, mais qu’est-ce que décadence veut bien dire au fond ? […] — Croquis au trait.

1863. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

» C’est le trait final. […] Qui a répondu à cette question, en présence de cette Faustin telle qu’elle est ici, sans trait distinctif, sans personnalité reconnaissable, sans que rien n’agrafe le souvenir et nous rappelle nettement quelqu’un ?

1864. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Tout m’attire à la fois et d’un attrait pareil : Le vrai par ses lueurs, l’inconnu par ses voiles ; Un trait d’or frémissant joint mon cœur au soleil, Et de longs fils soyeux l’unissent aux étoiles.

1865. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume.

1866. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Un des traits du caractère et du talent de Mme Tastu, et qui la distingue entre les femmes-poëtes d’aujourd’hui, c’est cette justesse de sens, une vue constamment nette et non troublée.

1867. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Quant à une religion nouvelle, il ne la croit impossible toutefois que par deux motifs : 1° parce que, selon lui, les diverses religions du passé se sont produites à l’origine sous une forme populaire, naïve et accessible à tous, ce qui lui paraît antipathique à notre époque raisonneuse ; 2° parce que les révélations directes de Dieu à l’homme, trait essentiel qui distingue, selon lui, les religions d’avec les philosophies, lui semblent perdues sans retour, en supposant qu’elles aient jamais eu lieu.

1868. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

On confondait ensemble les héros et les dieux, parce qu’on en attendait les mêmes secours ; et les hauts faits de la guerre s’offraient avec des traits gigantesques à l’esprit épouvanté.

1869. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Jetez les yeux sur une foule nombreuse ; combien de fois ne vous arrive-t-il pas de rencontrer des traits dont l’expression amie, dont la douceur, dont la bonté vous présagent une âme encore ignorée, qui entendrait la vôtre, et céderait à vos sentiments !

1870. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

En ce temps de guerre permanente, un seul régime est bon, celui d’une compagnie devant l’ennemi, et tel est le régime féodal ; par ce seul trait, jugez des périls auxquels il pare et du service auquel il astreint. « En ce temps-là, dit la chronique générale d’Espagne, les rois, comtes, nobles et tous les chevaliers, afin d’être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux dans la salle où ils couchaient avec leurs femmes. » Le vicomte dans la tour qui défend l’entrée de la vallée ou le passage du gué, le marquis jeté en enfant perdu sur la frontière brûlée, sommeille la main sur son arme, comme le lieutenant américain dans un blockhaus du Far-West, au milieu des Sioux.

1871. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Descendez en vous-même après votre lecture : interrogez votre propre sentiment sur les traits qu’a marqués le poète ; éclairez votre instinct obscur à la lumière de cette poésie si nette.

1872. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Ce qui lui échappe, et à tous encore, c’est le trait d’union de l’antiquité et de la vérité, le principe qui concilie, réunit l’imitation et l’originalité : ce sera la grande trouvaille du xviie  siècle, et de Boileau, de fonder en raison le culte des anciens.

1873. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Ainsi l’œuvre d’art vaut plus ou moins, selon qu’elle exprime des traits superficiels ou profonds, passagers ou permanents, du modèle naturel : ce qui revient à dire, en fin de compte, selon sa plus ou moins grande généralité.

1874. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

S’est-il contenté d’achever, de pousser à leur maximum d’expression les traits naturels de sa personne physique et morale ?

1875. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Un des traits les plus plaisants de ce rôle qui nous reviennent à la mémoire est celui de ce capitan à qui l’on reprochait d’avoir laissé enlever sa maîtresse par les corsaires barbaresques, et qui répondait : « Debout sur la proue de mon vaisseau, j’étais dans une telle fureur que le souffle impétueux qui sortait de ma bouche frappant les voiles du navire ennemi lui imprima une impulsion si rapide qu’il fut impossible de l’atteindre7. » C’était là le ton ordinaire de ce personnage qui fut si longtemps applaudi sur tous les théâtres de l’Europe, et dont nous ne comprendrions bien le succès que si le règne des traîneurs de sabre recommençait parmi nous.

1876. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Voici un trait de lui qui n’est que plaisant et spirituel : il appartient à la période de 1683 à 1697, où Mezzetin jouait à Paris ; il est ainsi raconté dans l’Histoire de l’ancien Théâtre italien : « Mezzetin avait dédié une pièce à M. le duc de Saint-Aignan, qui payait généreusement les dédicaces.

1877. (1842) Essai sur Adolphe

Comme il n’y a pas dans ce tableau mystérieux un seul trait dessiné au hasard ; comme tous les mouvements, toutes les attitudes des deux figures qui se partagent la toile sont étudiés avec une sévérité scrupuleuse et inflexible, d’année en année nous découvrons dans cette composition un sens nouveau et plus profond, un sens multiple et variable malgré son évidente unité, qui ne se révèle pas au premier regard, mais qui s’épanouit et s’éclaire à mesure que notre front se dépouille et que notre sang s’attiédit.

1878. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Il y a des trouées dans cet horizon, par lesquelles l’œil perce l’infini ; il y a des vues qui vont comme un trait au-delà du but.

1879. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Le Christ surhumain des absides byzantines, assis en juge du monde, au milieu des apôtres, analogues à lui et supérieurs aux anges qui ne font qu’assister et servir, est la très exacte représentation figurée de cette conception du « Fils de l’homme », dont nous trouvons les premiers traits déjà si fortement indiqués dans le Livre de Daniel.

1880. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Chaque disciple y rapporta ses plus chers souvenirs, et une foule de traits touchants que chacun gardait du maître furent accumulés sur ce repas, qui devint la pierre angulaire de la piété chrétienne et le point de départ des plus fécondes institutions.

1881. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Enfin, on peut dire qu’il y a une loi générale d’harmonie dans tout le système musculaire qui fait que quand nous regardons ou écoutons attentivement, le corps s’arrête, les traits du visage restent fixes, la bouche est ouverte, notre élocution s’accorde avec nos gestes ; une marche rapide avive la pensée, etc.

1882. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le Fils naturel Quelques lignes suffiront à résumer la donnée et à retracer les traits essentiels du Fils naturel.

1883. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

On comprendra qu’étant de cette humeur, elle ne devait pas manquer sur ses pas de téméraires et d’indiscrets ; on le comprendra mieux encore, quand on aura su d’elle-même quelle était sa beauté ; et il ne paraît pas qu’elle l’ait exagérée en aucun trait.

1884. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il a un milieu à tenir, pour contenter à la fois les spectateurs ou les lecteurs qui n’aiment point à voir heurter les idées reçues, & les poëtes eux-mêmes, auxquels il faut laisser ces grands traits, ces coups de force & de lumière, cette heureuse hardiesse, par laquelle seule il passe à la postérité.

1885. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Telle est, dans ses traits essentiels, la, pensée fondamentale de M. 

1886. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Tout ce qui peut intéresser la curiosité s’y trouve rassemblé ; mœurs anciennes & modernes, monumens, coutumes, religions, gouvernemens, commerce, histoire, physique ; tout cela est embéli par des traits historiques assez agréables, par de petites aventures romanesques, par des réfléxions & par des peintures singulieres.

1887. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Comme fond et sauf quelques traits, quelques observations de détail, que ce sera le devoir du professeur de guetter, d’aviser et de relever avec soin pour en féliciter l’écolier, un devoir scolaire sera toujours un reflet.

1888. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Et dans la Vie de Jésus, Jean le précurseur et Simon-Pierre, et Madeleine, et Hérode, et Hérodiade et Salomé, et Judas, un chef-d’œuvre que ce Judas qui s’enfonce dans l’horreur qu’il inspire, et Marie la silencieuse, cette sœur de Madeleine et de Marthe, et pour qui l’histoire devait s’appeler comme elle, et tant d’autres partout, plus tirés au jour par un seul trait ou par cent, car elle n’est pas sobre, la fille de l’Extase, — tant d’autres sur lesquels on trouve ce qui distingue la manière de voir de cette Voyante implacable, la particularité du détail !

1889. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Dans la biographie intellectuelle servant d’introduction à la Correspondance, un trait rapporté par P. 

1890. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

», qui n’est, après tout, qu’un mot gai, il n’y a pas un seul trait qu’on puisse retenir, et pourtant cette haute société, dont l’âme peut être usée, se venge à vivre sur la plaisanterie et sur la finesse d’aperçu.

1891. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Dans la biographie intellectuelle servant d’introduction à la Correspondance, un trait rapporté par M. 

1892. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs.

1893. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Elle été sentie pourtant à la Vie Parisienne ; mais elle l’a été précisément pour ce qui manque à l’Orpheline, — la gaîté du trait et son risque heureux.

1894. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Presque à chaque page on rencontre des traits de la mythologie ancienne, et souvent son style même tient plus du coloris du poète que de l’orateur.

1895. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Voici quelques traits de cet éloge ; on y trouvera cette teinte de poésie qui convient au genre, et encore plus à un peuple à peine civilisé, où le génie même doit avoir plus de sensations que d’idées : « Supposez, dit l’orateur, un Moscovite sorti de sa patrie avant les entreprises de Pierre-le-Grand ; supposez qu’il ait habité au-delà des mers, dans des climats où le nom et les projets du czar n’aient pas pénétré.

1896. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

On eut dit qu’ils se défendaient dans leurs écoles, comme plus tard Bélisaire dans Rome, en mutilant, pour lancer quelques traits de plus, les frises des temples et les statues des dieux.

1897. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il est vrai que la tragédie n’était pas faite, second trait de ressemblance avec les illustres poètes dramatiques de ce temps-ci. — Hélas ! […] C’est ainsi que notre habile critique revient à sa dissertation de l’autre jour, quand il nous parlait de la beauté antique, de cette douleur de l’âme qui ne défigure pas les traits de l’homme. […] Villemain, cherchez bien, vous ne trouverez pas cette bataille de Waterloo avec laquelle on a écrit des volumes… Cherchez bien, vous y trouverez en quelques traits, et mis en un vif relief, cet abominable Fouché, non loin du fameux prince de Talleyrand ! […] maladroits surnuméraires, maladroits et sans pitié, qui brisez d’un trait de plume une sainte espérance ! […] Il aimait mieux être parmi les dupes que de tenir sa place parmi ces arbitres chanceux de la royauté, qui d’un trait de plume l’ont perdue.

1898. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Des traits rudes, des yeux perçants, une bouche serrée, une épaisse tignasse en désordre, un large collier de barbe blanche, l’air d’un vieux matelot scandinave. […] Ce dernier trait me fait sentir ce que tu vaux. […] Ils ont une même façon large, simplifiée, à grands traits, de peindre les hommes. […] C’était cela, absolument cela, — avec une très légère pointe d’exagération, où l’on sentait ce vif discernement des traits les plus caractéristiques de l’objet imité, qui peut élever la parodie la plus folle jusqu’à la dignité de l’art. […] » Mon cher camarade Faguet fait, à ce propos, quelques réflexions circonspectes : « On s’est, dit-il, récrié sur ce dernier trait.

1899. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Je lui avais exposé, dès lors, mon principe de Philosophie évolutive qui ne parut qu’en l’édition du TRAITS de 88, et les détails et la portée et poétique, philosophique et sociocratique de mon Œuvre. […] Sarcey, de la bonhomie plein les traits, enfle sa voix en tonnerre et profère comiquement, le bras étendu : — Comment ! […] Walch, le passage qui a trait à cette seconde série des « Ecrits » : « Mallarmé, cultivé ensuite avec ferveur, et René Ghil, révélèrent sa voie à M.  […] L’on peut dire cependant, que, soit acquis, soit naturel à l’esprit de Mallarmé, le soin de donner pour substratum aux plus pures et lointaines nuances analogiques de l’Idée, quelques traits de réalité nettement extériorisés, demeure en presque toute son œuvre  là même où les quelques traits réels sont, hors de leur transposition illusoire, voulûment à deviner. Je crois donc à une pré-disposition innée de Mallarmé à assurer sa méditation sur du spectacle tangible, sur des traits quelconques de Nature, à quoi son Moi se réservera, devenu philosophique, d’attribuer valeurs idéales à son gré.

1900. (1890) Nouvelles questions de critique

Un dernier trait n’est pas moins caractéristique du génie de Buffon : c’en est la souplesse, ou peut-être et plutôt la perfectibilité. […] Tel reproduit en soi quelques traits de Diderot, qui ne l’a jamais lu. […] Et, tout en convenant volontiers que, si l’on se donnait la peine de débrouiller ce portrait confus, on y trouverait quelques indications justes, oserons-nous dire que le trait essentiel y manque ? […] On ne peut pas la violer sans faire autre chose que du drame, et nous donner ce qu’Hugo nous donne, en effet : lui, toujours lui, lui partout, sous les traits de Barberousse ou de Gennaro. […] On peut donc affirmer que, s’il y eut en Flaubert quelques traits d’un romantique, — et nous n’en disconvenons pas, — le principal ou l’essentiel y manqua.

1901. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Indépendance, individualisme, souci de laisser à la personne humaine l’espace nécessaire à la pousse de ses facultés, voilà le trait essentiel de l’éducation anglaise. […] La fougue, la passion, l’incapacité de subir une règle, en sont les traits permanents. […] Une noble mélancolie répandait sur ses traits une douceur pareille à cette lumière pâle dont se voile, en automne, le crépuscule des journées d’orage. […] Je n’ai eu qu’à rassembler quelques traits empruntés aux jeunes hommes de ma génération. […] Son caractère, comme son histoire, comme ses institutions politiques, comme ses bâtisses, est une collection de traits juxtaposés, de « rajoutis » qui s’accordent comme ils peuvent.

1902. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

… « Autoritaire et tendu, il était faible au fond et dissimulait les passions qui le dévoraient… » Trait d’énergie, d’ailleurs. […] L’impartialité de ces deux critiques ne fait aucun doute ; or, parmi leurs nombreuses découvertes, il n’y a pas un trait qui endommage la figure, la légende même de Flaubert : on le constate avec joie. […] Alfred Capus les raconte très vite ; et, en quelques traits, il a tout indiqué. […] Plutôt que des musiciens, ne seraient-ils pas des peintres et, mieux encore, de vigoureux dessinateurs qui, avec peu de traits, campent une attitude ? […] Est-ce un trait de notre vieille corruption, de notre perversité ?

1903. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Il n’est pas une seule propriété de la vie végétale qui ne se soit retrouvée, à quelque degré, chez certains animaux, pas un seul trait caractéristique de l’animal qu’on n’ait pu observer chez certaines espèces, ou à certains moments, dans le monde végétal. […] Et notre plus ardent enthousiasme, quand il s’extériorise en action, se fige parfois si naturellement en froid calcul d’intérêt ou de vanité, l’un adopte si aisément la forme de l’autre, que nous pourrions les confondre ensemble, douter de notre propre sincérité, nier la bonté et l’amour, si nous ne savions que le mort garde encore quelque temps les traits du vivant. […] Nous avons énuméré quelques-uns des traits essentiels de l’intelligence humaine. […] Notre œil aperçoit les traits de l’être vivant, mais juxtaposés les uns aux autres et non pas organisés entre eux.

1904. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Il faut donc certains rapports, certains traits communs entre l’animal et l’homme pour que nous jugions beau l’animal. […] Le voici (portrait de Rigaud) avec sa jolie figure déjà noble, ses traits réguliers et fins, ses yeux brillants et doux, son geste aisé, gracieux et aristocratique. […] George Sand n’avait rien de caché pour ses confidents ; et c’est même, de quelque nom que la sévérité ou l’indulgence veuille l’appeler, un trait tout à fait curieux de son caractère ; mais Sainte-Beuve fut plus que son confident ; il fut pour elle une sorte de directeur de conscience. […] Je ne veux ici m’arrêter que sur la partie de cet ouvrage qui a trait aux manuscrits de Victor Hugo. […] Il y a des choléras, des guerres, la vieille Europe s’entredévore, et Boche : « Il n’y a rien dans les journaux. » Ce dernier trait est bien vrai, un peu cruel.

1905. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Je ne veux ici m’arrêter que sur la partie de cet ouvrage qui a trait aux manuscrits de Victor Hugo. […] Comme dans tous les livres de ce genre, à côté de la figure centrale, on voit passer un certain nombre de silhouettes intéressantes que l’on connaissait, mais à qui telle anecdote, tel incident, ajoutent un trait de plus. […]  » Il y a des traits que l’on trouve faux, au premier regard, sur lesquels on réfléchit et qui vous effrayent quand on songe que c’est peut-être la vérité même. […] La figure de Michelet prend quelques traits un peu nouveaux dans ce volume, qui, sans que, peut-être, Mme Quinet s’en soit rendue compte, n’a pas été écrit absolument en faveur de Michelet. […] L’auteur a, d’abord, tracé à grands traits la biographie, d’une si belle simplicité, d’Octave Gréard.

1906. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

. — Il a bien d’autres traits de caractère, mais il faut se borner à l’essentiel pour voir clair et pour ne pas risquer de ne plus rien démêler à force de vouloir tout voir. […] Malgré son orgueil et son humeur batailleuse, — et j’ai prévenu que les traits principaux du caractère de Nietzsche n’étaient pas tout son caractère, — il connut la tristesse de l’homme qui se sépare de son pays, ou de son parti, ou de son cénacle, tristesse que tout homme qui a quelque personnalité a connue à un moment de sa vie. […] Et au double besoin de ceux-ci répond tout romantisme en art et en philosophie, et aussi tant Schopenhauer que Wagner, pour nommer ces deux romantismes les plus célèbres et les plus expressifs parmi ceux que j’interprétais mal alors, d’ailleurs, on en conviendra, nullement à leur désavantage7. » Il est certain qu’on peut s’y tromper et que les surabondants et les dégénérés demandant absolument la même chose, il est difficile de savoir, à ce qu’ils demandent, à ce qu’on leur donne et à ce qu’ils acceptent, s’ils sont dégénérés ou surabondants, et si la tragédie grecque est signe de surabondance chez ceux qui l’acclament et si le drame de Wagner, qui lui ressemble trait pour trait, est signe de dégénérescence chez ceux qui l’applaudissent ; et donc l’erreur de Nietzsche était très facile. […] De la vis inertiæ il fait une foi. — Et c’était un trait de génie que d’avoir eu cette idée si simple. […] « Au cours d’une excursion entreprise à travers les morales délicates ou grossières qui ont régné dans le monde ou qui y règnent encore, j’ai trouvé certains traits se représentant régulièrement en même temps et liés les uns aux autres ; tant qu’à la fin j’ai deviné deux types fondamentaux et une distinction fondamentale.

1907. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

J’en voudrais indiquer brièvement les traits essentiels ; certains traits du moins, issus directement des vertus que j’ai notées chez M.  […] Ce ne fut pas un de ces esprits exceptionnels que fabrique de temps en temps la nature, et dont les traits essentiels ne sont des copies de rien. […] Ainsi le trait dominant de la philosophie de M.  […] Schwob de mettre plus clairement en valeur ces traits divers de son originalité. […] Mais encore fallait-il observer ces traits, les comprendre, leur garder dans la peinture leurs vraies proportions.

1908. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Un vague sourire de bienvenue passa sur ses traits vieillis lorsqu’il nous vit arriver. […] Et cette dureté des traits se fondait dans les brouillards d’une mine distraite qui regarde l’espace sans rien voir. […] À quel trait de caractère correspond telle ou telle forme de chapeau ? […] Les traits essentiels de notre caractère ethnique nous apparaissent avec un relief qui s’impose désormais à notre mémoire. […] Hanotaux, avant de commencer le portrait, en pied du cardinal, crayonna deux esquisses, où apparaissaient, en lignes déjà précises, les traits, de son héros.

1909. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Le trait suffit. […] Il disait à Georges Docquois  : « Pour tout ce qui a trait à mon enfance, c’est en provençal que je suis toujours tenté d’écrire ». […] J’emportai de ma visite ce beau trait de mœurs parisiennes.‌ […] Heredia nous citait de lui des traits que n’eût pas dédaignés Molière pour son Harpagon ou Balzac pour son père Grandet. […] Je t’ai donné… un nom. »‌ Incapable de faire de la peine à quelqu’un, Mariéton sacrifiait tout à un trait d’esprit.

1910. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

L’hallucination peut être doublée par un prisme ou un miroir, amplifiée par une lentille ; tracez un trait sur une carte blanche et dites ait sujet que c’est la photographie de Victor Hugo, il apercevra la photographie. […] Dinet explique ces faits par le « point de repère » que fournit le petit trait noir tracé sur la carte, et qui est devenu le noyau de l’hallucination » Ces phénomènes hypnotiques prouvent que des images toutes cérébrales peuvent être projetées sous forme d’objets réels. […] Gurney pense que le mourant, ayant lui-même dans son esprit, à l’état conscient ou subconscient, sa propre image, a pu en envoyer quelques traits et comme une esquisse, en même temps que l’idée de lui-même et que l’impression de sa souffrance.

1911. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Un homme qui a dans le visage quelques traits de don Quichotte, a quelque chose de sa noblesse d’âme. […] … L’autre encore plus vieille, avec un bonnet de nourrice tout rond sur la tête, jamais de corset, et jurant comme un diable. » Elle vous jette ça, la princesse, une boutade, un trait à la Saint-Simon, un souvenir peint et frappé, en marchant en avant de vous, et se retournant, et gesticulant, et réunissant par des appels incessants la meute de ses petits chiens. […] Il y a près d’elle un gros homme en frac, gilet, pantalon noirs, les mains gantées de blanc, trois mèches rameneuses collées et plaquées sur une énorme loupe, de gros yeux bleus de faïence, deux lippes pour lèvres, une respiration de soufflet, des favoris buissonneux, des traits stupides et béats.

1912. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Il reprend appuyant sur le trait : « Ce n’est pas le fruit, c’est la fleur !  […] Là-dessous le Thabor, une colline ronde comme un dessus de pâté, où sont aplatis, et comme désossés, trois apôtres-marionnettes, de vraies caricatures de l’ahurissement ; puis en bas une incompréhensible mêlée d’académies, de têtes d’expression à copier dans les collèges, de bras aux brandissements tels qu’on les voit dans les tragédies de Saint-Charlemagne, d’yeux, où un professeur bien appliqué semble avoir mis le trait de force dans le point visuel. […] On cite du mort des traits de bonté divine, comme d’avoir reconnu un ami dans la dèche, et s’il n’a fait toute sa vie que des cascades, c’est qu’il avait la pudeur des hautes aspirations à la littérature, si ridicules dans ce siècle, sans grands talents.

1913. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Pour peu qu’elles soient importantes, & qu’elles aient trait à l’administration publique, chacun est en l’air, & s’escrime à dessein de soutenir son opinion. […] Nous touchons plus aux Français qu’aux Romains ; & combien de magnifiques traits ne lit-on pas dans les Annales de la France. […] La vertu la plus pure est en butte à ses traits. […] Ces traits sont trop significatifs pour les oublier. […] Il y auroit de quoi faire des volumes entiers, si l’on s’appliquoit à recueillir tous les traits singuliers qui formerent le tissu de sa vie.

1914. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

D’ailleurs une mode n’est-elle pas un document toujours précieux sur une époque, et n’est-ce pas un trait bien significatif de la psychologie de notre temps qui se révèle ici ? […] Le chirurgien nous dessine « son admirable et pur visage, ses grands yeux noirs, doux et confiants, ses traits charmants, pâlis par la souffrance ». […] Quand on essaie de dégager le trait commun de tous ces serfs de la poudre folle, on trouve que leur premier geste, celui qui leur a fait respirer la première pincée de drogue, a le plus souvent été un geste de dilettantisme. […] Si vous étudiez les biographies de ces grands thérapeutes, vous retrouverez chez tous les quelques traits communs qui les rangent réellement dans une espèce. […] Parce que l’un peine de ses bras et l’autre non. — Nous atteignons ici un troisième élément, le trait, signalétique par excellence, de la condition bourgeoise, et indiscutable, cette fois : c’est l’exemption du travail manuel.

1915. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Que feroit-il aujourd’hui à un rhéteur qui lui liroit l’iliade de Mr De La M . heureusement quand je recitai un de mes livres à Me D elle ne se souvint pas de ce trait. […] Me D fait encore valoir comme un grand trait de divinité, que Jupiter avoit autrefois chassé la discorde du ciel, en jurant qu’on ne l’y reverroit jamais. […] Elle consiste dans les actions et dans les sentimens des personnages qu’on donne pour modelles, dans les jugemens que le poëte paroît en porter, dans les couleurs odieuses dont il peint le vice, et dans les traits respectables qu’il donne à la vertu. […] J’ai perdu dès long-temps ceux dont je tiens la vie ; dans Thebes, à mon pere Achille l’a ravie : en vain lui rendit-il les funebres honneurs ; sa superbe pitié n’essuya point mes pleurs, mes sept freres sont morts de ses traits sanguinaires ; et ma mere a servi l’assassin de mes freres. […] Ce tour conserve la douleur d’Andromaque dans toute sa force ; sentiment essentiel à ce discours, au lieu que le tour d’Homere l’affoiblit. à l’égard du dernier trait, je me flatte d’en avoir conservé la beauté, si je ne l’ai même embelli.

1916. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Ces deux hommes se ressemblaient étonnamment de figure et de caractère ; tous les deux portaient sur une taille haute et mince une tête noble, pâle, gracieuse, pensive, loyale et fine, beaucoup plus grecque de contours et de traits que romaine ou vénitienne ; ils étaient du même âge à l’œil, de cet âge heureux pour les hommes d’État et pour les artistes, où le soleil de la vie n’éclaire plus que le sommet (le front) comme à cette heure de la soirée où le soleil du jour n’éclaire plus que les cimes. […] Le Dieu infini et invisible, qui remplit le sanctuaire de sa présence, n’a pas besoin d’apparaître sous des traits mortels.

1917. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Ce n’est qu’un trait : voulez-vous le tableau ? […] Des « mots de tous les jours » notent délicatement d’originales émotions ; au hasard de la causerie sortent spontanément des profondeurs de l’âme toutes sortes d’images des choses, fraîches et comme encore parfumées de réalité : une physionomie d’homme, une scène de la vie, un aspect de la nature, mille formes apparaissent ainsi, en pleine lumière, sobrement indiquées, d’un trait à la fois large et précis.

1918. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Tout cela peut se dire exactement des deux frères, et le dernier trait n’est pas moins vrai que le reste. […] Qu’on juge de la précision de cette chasse par quelques détails : «… La mélancolique métamorphose se faisait, changeant sur les toiles l’azur matinal des paysages en pâleurs émeraudées du soir… Au-dessus de la copie de Saint-Marc, du noir était entré dans la gueule ouverte du lion… Le parquet perdait le reflet des châssis de bois blanc qui se miraient dans son luisant… » Et voici le trait final : « Une paillette, sur le côté des cadres, monta, se rapetissa, disparut à l’angle d’en haut ; et il ne resta plus dans l’atelier qu’une lueur d’un blanc vague sur un œuf d’autruche pendu au plafond et dont on ne voyait déjà plus ni la corde ni la houppe de soie rouge. » Qu’on lise tout le morceau, on y sentira, parmi l’amusement des détails, la mélancolie légère de cette décroissance et de cet insensible effacement du jour dans un fouillis d’objets élégants et brillants qui se noient l’un après l’autre, doucement et silencieusement, dans la nuit.

1919. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La psychologie ordinaire ressemble trop à cette littérature qui, à force de représenter l’humanité dans ses traits généraux et de repousser la couleur locale et individuelle, expira faute de vie propre et d’originalité. […] J’espère pourtant faire sortir de cette insignifiante étude quelques traits curieux pour l’histoire de l’esprit humain ; on y verra en présence deux esprits profondément divers et incapables de se pénétrer l’un l’autre, une éducation superficielle et sans résultats durables, qui fera comprendre par contraste le fait immense de l’éducation hellénique des peuples occidentaux ; de singuliers malentendus, d’étranges contre-sens décèleront des lacunes, dont la connaissance servira à dresser plus exactement la carte de l’esprit sémitique et de l’esprit indo-germanique.

1920. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

On a dit aussi, — non sans justesse, — que Walter, trait d’union de la poésie noble et de l’invention populaire, offre un parfait symbole de l’idéal wagnérien. […] Wagner adopte ces personnages, en modifiant un ou deux prénoms, et d’un trait de plume, il donne à chacun une silhouette caractéristique.

1921. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Jeudi 17 août Je déjeune, ce matin, avec un individu, ayant le teint d’un homme, qui ne met jamais d’eau dans son vin, ayant l’œil de braise allumée d’un chien de berger, et le plus bel ensemble de traits finauds et madrés, qu’il se puisse voir sur un facies de paysan. […] Lundi 21 août En chemin de fer, j’ai en face de moi une nourrice alsacienne ; au long front étroit, aux yeux toujours abaissés et lobés de rondes paupières, à la bouche infiniment petite avec de grosses lèvres, à la mignonnesse excessive des traits, dans des largeurs et un carré de visage rudimentaire.

1922. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Nous ne comprendrons pas dans la fausse reconnaissance certaines illusions qui ont tel ou tel trait commun avec elle, mais qui en diffèrent par leur aspect général. […] À la réflexion, nous trouvions que nous avions eu autrefois une perception analogue, qui présentait quelques traits communs avec l’expérience actuelle.

1923. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Peu soucieuse d’ailleurs de l’observation psychologique directe et intime, n’ayant guère pour toute science du moral que les seules notions que la psychologie animale peut donner, elle s’en tient aux grands traits, pour ne pas dire aux gros traits de la nature humaine, c’est-à-dire à ceux qui lui sont communs avec l’animalité.

1924. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

À l’arrivée dans l’Hellespont et devant le Bosphore, il a pourtant des accents et quelques traits qui peignent bien l’impression de grandeur et d’éblouissement qu’il reçoit.

1925. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il fait en cette occasion un retour sur lui-même et sur cette prétention, qui est la sienne, d’avoir toujours été un des plus heureux et des plus fortunés hommes entre tous ceux qui aient porté les armes, ce qui est bien aussi une manière de vanité : « Et si (et pourtant), dit-il, n’ai-je pas été exempt de grandes blessures et de grandes maladies ; car j’en ai autant eu qu’homme du monde saurait avoir sans mourir, m’ayant Dieu toujours voulu donner une bride pour me faire connaître que le bien et le mal dépend de lui, quand il lui plaît ; mais encore, ce nonobstant, ce méchant naturel, âpre, fâcheux et colère, qui sent un peu et par trop le terroir de Gascogne, m’a toujours fait faire quelque trait des miens, dont je ne suis pas à me repentir.

1926. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Il est de ceux qui aiment à croire à un grand avenir, à une ère décidément nouvelle, et qui mettent l’âge d’or en avant : s’il y a quelque système en ceci et quelque illusion (et il en paraît convenir vers la fin), il anime ses tableaux du moins par un enthousiasme sincère et par des traits d’une imagination grandiose ; mais ce qui est mieux, il y met des tons de cordialité franche et de mâles effusions de tendresse.

1927. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il avait mis d’ailleurs dans tout son jour et en pleine lumière le côté tendre, affectueux, de Vauvenargues, ce côté le plus connu, la beauté de sa nature morale, et avait parfaitement marqué le trait dominant de son caractère, la sérénité dans la douleur ; et il concluait en disant que l’espèce de gloire réservée à Vauvenargues était celle qui peut sembler le plus désirable aux natures d’élite, l’amitié des bons esprits et des bons cœurs.

1928. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Qu’il y ait eu un peu de faiblesse physique, de la mauvaise santé dans cette disposition à se méfier de soi-même, je le crois ; mais il y a autre chose encore ; on est obligé d’y voir un trait essentiel de son caractère qui reparaîtra en toute occasion décisive de sa vie, et que Saint-Cyr nous a révélée s’accusant et redoublant avec une persistance étrange dans la nuit de perplexité qui précéda la glorieuse mort du jeune général.

1929. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Quelques-uns ont dû être accommodés, par quelque trait final qui n’est pas toujours sans aigreur, au goût de la Revue catholique et royaliste sous couleur libérale, le Correspondant, qui les a insérés.

1930. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Mais dans la première partie de ce roman, où le sermon prendra trop tôt sa revanche, que de jolis chapitres pourtant, gais et fins, bien enlevés et dignes d’un Charles de Bernard, avec le trait plus accusé !

1931. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Une autre question qui ne porte plus tant sur l’écrivain que sur la femme elle-même, est celle-ci : Aucun des traits du caractère et de la physionomie de Mme de Sévigné est-il sensiblement modifié par l’impression générale que laisse la nouvelle lecture ?

1932. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Cela ne vaudrait-il pas mieux surtout que d’être exposé, dans ces guerres sans danger, à dépenser plus d’ardeur qu’il ne faut, à être soi-même injuste en se piquant de trop de justice sur de minces sujets, à offenser quand on ne voulait que se défendre, à laisser échapper des traits d’une vivacité disproportionnée, et qu’ensuite on regrette, contre tel de ses confrères distingués10 dont on a toujours goûté infiniment l’esprit et dont la raillerie elle-même est agréable ?

1933. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Plus tard, d’ans l’admirable sermon pour le jour de sainte Madeleine, prêché par Massillon, ce maître des cœurs, il y aura quelques traits, quelques intentions qui, de loin, rappelleront ce même motif : c’est quand la pécheresse qui chez Massillon est aussi une femme de qualité, après avoir entendu Jésus une première fois, déjà touchée et à demi pénitente, se dit en elle-même : « Ses regards tendres et divins m’ont mille fois démêlée dans la foule… Il a eu sur moi des attentions particulières ; il n’a, ce me semble, parlé que pour moi seule… » Et la voilà déjà à demi gagnée ; sa coquetterie même sert à sa conversion.

1934. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

C’est une figure qui mérite qu’on l’étudie et qu’on en marque les traits avec précision.

1935. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Napoléon s’y suppose en idée maître et roi durant dix ans, et il en ressuscite toutes les merveilles, étendues, agrandies, multipliées, selon les données incomparables du génie moderne ; je ne me refuserai pas à rappeler les principaux traits du tableau : « Mais à quel degré de prospérité, s’écrie tout à coup l’historien conquérant, pourrait arriver ce beau pays, s’il était assez heureux pour jouir, pendant dix ans de paix, des bienfaits de l’administration française !

1936. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Tout certainement n’est pas faux dans ce portrait à demi satirique, et il y a des traits qui doivent avoir été observés au naturel : le contre-sens est dans l’intention générale et dans l’ensemble.

1937. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

J’emprunte tous ces traits au duc de Lévis son peintre.

1938. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Un organe pur, encore vibrant et à la fois attendri, un naturel, une beauté continue de diction, une décence tout antique de pose, de gestes, de draperies, ce goût suprême et discret qui ne cesse d’accompagner certains fronts vraiment nés pour le diadème, ce sont là les traits charmants sous lesquels Bérénice nous est apparue ; et lorsqu’au dernier acte, pendant le grand discours de Titus, elle reste appuyée sur le bras du fauteuil, la tête comme abîmée de douleur, puis lorsqu’à la fin elle se relève lentement, au débat des deux princes, et prend, elle aussi, sa résolution magnanime, la majesté tragique se retrouve alors, se déclare autant qu’il sied et comme l’a entendu le poëte ; l’idéal de la situation est devant nous. — Beauvallet, on lui doit cette justice, a fort bien rendu le rôle de Titus ; de son organe accentué, trop accentué, on le sait, il a du moins marqué le coin essentiel du rôle, et maintenu le côté toujours présent de la dignité impériale.

1939. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Né sous le ciel des tropiques, au sein d’une nature à part, dont il ne cessa de se ressouvenir avec amour, il ne semble jamais avoir songé à ce que le hasard heureux de cette condition pouvait lui procurer de traits singuliers et nouveaux dans la peinture de ses paysages, dans la décoration de ses scènes champêtres.

1940. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.

1941. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Mais ces empreintes de la personnalité sont bien légères, et cessent vite : et, au contraire, le trait le plus sensible de notre lyrisme savant, c’est combien du premier au dernier jour il n’a été que fade convention, monotone recommencement et méthodique exploitation de thèmes communs.

1942. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

A cette question difficile, on peut répondre, en regardant le trait apparent et commun des œuvres romantiques : le romantisme est une littérature où domine le lyrisme.

1943. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

J’en veux indiquer un seul trait : c’est le caractère supérieurement simple, précis et prépondérant des mots à la rime.

1944. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Montrez-nous l’abbaye en deux grands traits, et passez outre comme vous fîtes alors.

1945. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Alfred de Musset, et pour apprécier, non plus en détail, mais dans son ensemble et dans ses traits généraux, le caractère de son talent, le rang qu’il tient dans notre poésie, et l’influence qu’il y a exercée.

1946. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ce n’était pas une beauté, à prendre chaque trait en détail : les yeux, bien qu’expressifs, n’étaient pas très beaux ; son nez aquilin semblait trop prononcé : « Je ne suis pas bien sûr que son nez fût celui de son visage », a dit un témoin spirituel.

1947. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Cette première édition ne contint pas tout ce qu’il avait laissé ; on n’y donna que les principaux morceaux, et, dans ce qu’on donna, des scrupules de diverse nature, soit de doctrine, soit même de grammaire, firent corriger, adoucir, expliquer certains endroits où la vivacité et l’impatience de l’auteur s’étaient marquées en traits trop brusques ou trop concis, et d’une façon décisive qui, en telle matière, pouvait être compromettante.

1948. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.

1949. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Macrobe rapporte encore dans le même endroit d’autres traits de ce fameux instituteur des pantomimes.

1950. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Le solitaire de la vallée aura-t-il été doué d’intelligence pour saisir les traits principaux du siècle où nous vivons ?

1951. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Humouriste à teintes adoucies et pures, dans une contrée où l’humour a des tons criards et je ne sais quelle hagarde ivresse, il ne doit la transparence de son sourire et la limpidité de ses larmes qu’à la chasteté du sentiment chrétien qui ne l’abandonne jamais, et, sur les limites de la passion où parfois il glisse, se rappelle encore à lui par une rougeur… Ascète adorable, qui donnerait des charmes inattendus à l’Austérité et qui s’est peint en trois traits, lui et son talent, quand il a dit : « Que faut-il à « un homme pour être heureux ?

1952. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Nous venons de le dire : s’il est impossible de déterminer à présent l’ensemble de la conception moderne, qui n’est encore qu’ébauchée, il est toutefois permis d’en noter les traits principaux.

1953. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

— À la voir dans l’ensemble, cette histoire est une tragédie, et c’est de ce point de vue que je la résume ici en quelques traits essentiels.

1954. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

On peut le conclure de la vraisemblance et de quelques traits épars qui nous restent.

1955. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Si cette prédestination ne tenait qu’à un accident de l’hérédité individuelle, il n’y aurait pas lieu d’y insister dans un ouvrage où l’on cherche les traits d’une époque. […] Vainement l’auteur s’est-il ressouvenu tout le long du récit, de plaquer sur le personnage d’Atala des traits d’« innocente » et de « primitive ». […] Ce caractère ou plutôt ce personnage de René, le siècle qu’il a séduit l’a vu, a voulu le voir, non dans ses traits réels, mais à travers un mythe de fatalité. […] Voilà un étonnant chaos de traits. […] L’ordre d’inventions morales que nous n’indiquons ici qu’à gros traits, il nous le fera connaître dans ses ressources, ses nuances et ses artifices infinis.

1956. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Cette diversité des rapports auxquels le génitif peut avoir trait, a fait donner à ce cas différentes dénominations, selon que les uns ont fixé plus que les autres l’attention des Grammairiens. […] Aret ager : vitio moriens sitit aëris herba ; car les deux mots vitio, par exemple, & aëris qui sont corrélatifs, sont séparés par deux autres mots qui n’ont aucun trait à cette corrélation, moriens sitit ; le mot aëris à son tour n’en a pas davantage à la corrélation des mots sitit & herba entre lesquels il est placé : l’ordre étoit, herba moriens (proe) vitio aëris sitit.

1957. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Cette passion de règlement est un des traits essentiels de Fourier. […] Ce trait, sans être saillant encore, se distingue très bien dès le temps de sa première manière. […] Il dut réfléchir souvent au portrait qu’il avait jadis tracé de Nicole, et qui, par une ironie de la destinée, se trouvait trait pour trait devenu celui de Lamennais : « Personne n’a jamais mieux que M.  […] Je voudrais en fixer ici les principaux traits. […] Mais il en avait pourtant quelques traits.

1958. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

En résumé, ajoute le traducteur, le trait essentiel par lequel M.  […] L’évolution est peut-être le trait le plus remarquable des êtres vivants et par conséquent de la vie. […] J’ajouterai seulement ce dernier trait. […] Pour le moment il suffira de rappeler les grands traits de la question. […] Un autre trait commun est encore la grandeur de l’effet comparée à la masse très faible du ferment.

1959. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Croient-ils donc avoir atteint à un pathétique bien élevé ; pour avoir accumulé une infinité de traits ténus, et avoir figuré de beaux mouvements d’âme, ils n’ont pas créé de héros vivants. […] Ici ce n’est plus l’homme qui se mire dans l’univers et se plaît amoureusement à lui attribuer ses traits délicats et blancs, à l’agrémenter de sa fine stature. […] Dans cette intention, on accumulait les traits minutieux et particuliers, on nous le montrait dans des aventures caractéristiques.

1960. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

C’est maintenant la grande floraison ; il est superflu de détailler les titres, les cycles ; l’épopée nationale, une des gloires de la littérature française, est suffisamment connue dans ses traits essentiels. […] — « Je vois, je crois, je sais, je suis désabusée » ; les traits de ce genre abondent chez Corneille ; ils suppriment toute lutte intime ; le conflit naît de l’intrigue et l’intrigue est romanesque ; de là le grand embarras de Corneille devant les trois unités, trop étroites pour son action compliquée. […] Deux traits dominants, difficiles à concilier bien que conciliables, semblent se disputer la priorité dans la littérature française : le goût de l’analyse psychologique et le goût des idées générales, propagandistes.

1961. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il la décrit dès son arrivée en traits simples, pittoresques. […] Tout ce pays est décrit par Saint-Arnaud en quelques traits qui donnent bien la vue cavalière des lieux, de l’échiquier parcouru.

1962. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Sainte-Beuve n’a pas laissé de Mémoires, il n’avait pas le temps d’en faire, mais les traits répandus à profusion dans ses Écrits, et qui touchent à sa physionomie de près, formeraient un Recueil qui deviendrait aisément un volume de Mémoires. […] — Et il y aurait bien d’autres traits encore à relever sur les marges de ce Recueil qui n’eut que sept numéros, et qui s’achève par la lettre que Camille écrivit de la prison du Luxembourg à sa femme.

1963. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Quant au personnage même de l’héroïne, quelques circonstances précieuses et consolantes dans la vie du poëte avaient rehaussé encore et achevé de perfectionner les traits. […] Ainsi Hébal, décrivant en deux traits la guerre du Péloponèse, montre Sparte essayant de stéréotyper la civilisation héroïque.

1964. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Je ne vous en dirai qu’un seul trait qui doit suffire. […] Son âme s’échappe tout entière par ses yeux et se répand comme une atmosphère de flamme autour des traits de cette charmante apparition.

1965. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Faisons comme lui, et suivons-le jusqu’à son dernier trait de plume et à son dernier soupir, dans ses méditations. […] Quoi qu’il en soit, l’Africain m’apparut sous les traits que je connaissais, moins pour l’avoir vu lui-même que pour avoir contemplé ses images.

1966. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Les traits de son visage rond, jadis frais et rose, avaient été grossis par une petite vérole assez clémente pour n’y point laisser de traces, mais qui avait détruit le velouté de la peau, néanmoins si douce et si fine encore que le pur baiser de sa mère y traçait passagèrement une marque rouge. […] Ses traits, les contours de sa tête, que l’expression du plaisir n’avait jamais ni altérés ni fatigués, ressemblaient aux lignes d’horizon si doucement tranchées dans le lointain des lacs tranquilles.

1967. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Une main m’en repoussa, parce que je me figurais en ce moment la nature sous je ne sais quel aspect de physique, et je ne me réconciliai qu’en me disant bien que tout cela n’était qu’un trait saisi dans l’infini, une vapeur sur un ciel pur, une strie sur un vaste rideau. […] Soit, par exemple, l’admirable introduction de G. de Humboldt à son essai sur le kawi, où se trouvent réunies les plus fines vues de l’Allemagne sur la science des langues, cet essai serait traduit en français qu’il n’aurait aucun sens et paraîtrait d’une insigne platitude : et c’est là ce qui en fait l’éloge ; cela prouve la délicatesse du trait.

1968. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Les traits cruels qui tomberaient sur sa rivale, Mme de Montespan, sous le nom de Vasthi, ne pouvaient que réjouir secrètement sa jalousie de faveur : c’est ici la lâche complaisance du poète : il convertissait, dans le sanctuaire même, l’encens qu’il faisait respirer à l’une en poison pour l’autre ; il employait l’esprit saint du poète à flatter la haine d’une femme. […] La Vasthi avait ses applications, Aman des traits de ressemblance ; et, indépendamment de ces idées, l’histoire d’Esther convenait parfaitement à Saint-Cyr.

1969. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Tels sont, en quelques mots, les traits généraux du nouveau système que Kant a donné à l’Allemagne et l’Allemagne à l’Europe. […] L’introduction expose clairement les principaux traits de cette grande entreprise.

1970. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Cela nous rappelle l’admiration d’un littérateur républicain qui félicitait sincèrement le grand Rubens d’avoir, dans un de ses tableaux officiels de la galerie Médicis, débraillé l’une des bottes et le bas de Henri IV, trait de satire indépendante, coup de griffe libéral contre la débauche royale. […] Le plus beau de tous est sans contredit le dernier — le Samson aux grosses épaules, le Samson invincible est condamné à tourner une meule — sa chevelure, ou plutôt sa crinière n’est plus — ses yeux sont crevés — le héros est courbé au labeur comme un animal de trait — la ruse et la trahison ont dompté cette force terrible qui aurait pu déranger les lois de la nature. — A la bonne heure — voilà du Decamps, du vrai et du meilleur — nous retrouvons donc enfin cette ironie, ce fantastique, j’allais presque dire ce comique que nous regrettions tant à l’aspect des premiers. — Samson tire la machine comme un cheval ; il marche pesamment et voûté avec une naïveté grossière — une naïveté de lion dépossédé ; la tristesse résignée et presque l’abrutissement du roi des forêts, à qui l’on ferait traîner une charrette de vidanges ou du mou pour les chats.

1971. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

De l’Unité sort la Triade, et de la Triade l’Unité ; non pas de la même manière que la source, le ruisseau, le fleuve, ne forment qu’une seule onde chassée en trois jets différents sur la terre ; non pas comme la flamme du bûcher s’en détache et revient s’y réunir ; non pas comme la parole s’élance de l’esprit, et pourtant y demeure ; non pas comme des eaux frappées par les traits du soleil jaillit une splendeur réfléchie sur les murailles, çà et là mobile, qui fuit au moment d’approcher, et se rapproche à l’instant où elle va fuir. […] Moins théologien, moins éloquent que saint Grégoire, Synésius a pourtant de grands traits de similitude avec lui, la même science et le même amour des lettres profanes, le même goût de l’élégance et de l’harmonie, et, ce qui vaut mieux, la même élévation de cœur, la même fierté sensible et délicate, à travers tout l’effort de l’humilité chrétienne.

1972. (1739) Vie de Molière

Un autre trait mérite plus d’être rapporté. […] Mais on ose dire que Plaute n’a point assez profité de cette situation, il ne l’a inventée que pour la manquer ; que l’on en juge par ce trait seul : l’amant de la fille ne paraît que dans cette scène ; il vient sans être annoncé ni préparé, et la fille elle-même n’y paraît point du tout.

1973. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est l’âge des illusions ; c’est le temps où la nature puissante grave des traits profonds, mais où en même temps elle peint avec des couleurs si douces et si chères.

1974. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Morvonnais) devait écrire quelques pages sur Maurice3, elle le suppliait de ne pas omettre ce trait final essentiel, mais absent des écrits, et sur lequel la notice de la Revue des deux mondes n’avait pu que se taire : « Mais vous tous, ses amis, qui l’avez connu, faites mieux, et écartez, s’il vous plaît, de cette figure chrétienne, tout nuage philosophique et irréligieux. » Sollicitude touchante, et qui tenait aux plus profondes racines de l’âme !

1975. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Braves chevaliers, prodiguant leur vie sur les champs de bataille, il semble pourtant qu’un caractère de douceur et de modération ait été le trait distinctif de la famille : selon la remarque de M. 

1976. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Ce livre dégage et illumine un sens que nous avons tous, mais voilé, vague et privé presque de toute activité, le sens qui recueille les beautés physiques et les livre à l’âme. » Et il insiste sur ce second travail de réflexion qui spiritualise, qui fond et harmonise dans un ensemble et sous un même sentiment les traits réels une fois recueillis.

1977. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Et, ici encore, je n’ai point de parti pris, je ne suis qu’un observateur et un littérateur jugeant d’un livre d’histoire moderne, d’histoire contemporaine, et complétant mon idée des personnages par les traits mêmes qu’on me fournit.

1978. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

 » — Non, mon cher Auguste Le Prevost (car c’était lui), non, l’histoire en personne sous les traits de M. 

1979. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

» C’est une imitation, une inspiration élégante d’après Jean-Jacques ou Bernardin de Saint-Pierre ; mais la nature particulière de l’Espagne, le caractère du paysage ne s’y peint par aucun de ces traits tout à fait distincts, et qu’on ne peut plus oublier.

1980. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous montre à l’œuvre et en ardeur de piocher, hiver comme été, le bon bêcheur à son compte ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mezenc (montagne du pays) qui, au labour, craignent peu de rivaux, et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice.

1981. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Pour les rendre plus piquants, l’auteur a outré dans quelques-uns les traits, ce qui est, dit-il, le droit du satirique : il a, dans d’autres, altéré la vérité, ce qui n’est le droit de personne.

1982. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Je vais justifier et développer ces divers traits avec les propres récits que cet homme estimable vient de publier en dernier lieu et qu’il avait commencé à nous donner déjà dans son livre sur le peintre David et son École18.

1983. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Grenier, qui nous fournit tous ces traits d’un parfait signalement, nous a tracé, d’après ses souvenirs de 1847, la rencontre qu’il fit d’un brigand ou du moins d’un berger très suspect et sans moutons ; c’est un très-joli croquis à détacher d’entre ses pages politiques, c’est une eau-forte : « Je chassais, dit-il, aux abords du golfe d’Éleusis, à gauche de la grand’route de Daphni.

1984. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve écrivit pour la première fois dans Le Temps un article qui avait trait directement à la politique : ce fut sa lettre à M. 

1985. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Trois morceaux me semblent, entre autres, très-beaux dans ce poëme, où il serait aisé de relever un grand nombre de traits éclatants et de noter aussi des défauts de bien des sortes.

1986. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Son style a de la gravité, quelque noblesse, mais peu d’images, peu de consistance, nulle originalité ; il y a de beaux traits, mais ils sont pris.

1987. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Il se peut qu’il existe encore d’autres exceptions peu connues des étrangers ; mais pour dessiner les traits principaux qui caractérisent une littérature, il est absolument nécessaire de mettre de côté quelques détails.

1988. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

C’est de mon père enfin, c’est de l’homme de ce temps qui a recueilli le plus de gloire, et qui en retrouvera le plus dans la justice impartiale des siècles, que je craignais surtout d’approcher, en décrivant toutes les périodes du cours éclatant de la gloire ; mais ce n’est pas à l’homme qui a montré, pour le premier objet de ses affections, une sensibilité aussi rare que son génie ; ce n’est pas à lui que peut convenir aucun des traits dont j’ai composé ce tableau ; et si je m’aidais des souvenirs que je lui dois, ce serait pour montrer combien l’amour de la vertu peut apporter de changement dans la nature, et les malheurs de la passion de la gloire.

1989. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je reconnus le beau mousquetaire de la revue de 1814, aux traits charmants du duc de Rohan.

1990. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

La comédie des Chinois, de Dufresny et Regnard, jouée par les Italiens le 13 décembre 1692, contient plus d’un trait qui témoigne de la rivalité des deux théâtres, depuis que leur domaine était devenu à peu près le même.

1991. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il ne peut s’agir que de traits superficiels.

1992. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

, 85, 88, 100) vient du désir de voir réalisé en lui un trait prétendu messianique (Is.., LIII, 2).

1993. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Bien avant Boileau, même avant Racine, ne sont-ils pas aujourd’hui unanimement reconnus les plus féconds et les plus riches pour les traits d’une morale universelle ?

1994. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Pour les traits de son visage, on n’en voit pas de si achevés ; elle avait les yeux vifs sans être rudes, la bouche admirable, le nez parfait, chose rare !

1995. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Tous les traits sont à remarquer dans ce vif et véridique tableau, notamment celui-ci qui est pris sur nature, lorsque d’Argenson se reproche de n’avoir pas assez fait pour Marmontel, quand il était puissant.

1996. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Quelques passages des Mémoires d’outre-tombe mettent en scène cette prétention de l’écrivain avec des traits qui font sourire.

1997. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Les âmes de Flaubert et de Leconte de l’Isle nous sont connues ; le pessimisme ironique de l’un, hautain de l’autre, leur amour d’une sorte de beauté opulente, barbare et dure, leur fuite vers les époques lointaines qui la réalisent et leur mépris tacite ou haineusement exprimé pour les temps modernes qui la nient, sont autant de traits aisément discernables de leur physionomie morale, que leur œuvre cache mais moule.

1998. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Ces doctrines ont pour trait général de vouloir expliquer, légitimer tout l’existant, et de conclure ainsi à une sorte d’optimisme résigné.

1999. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Est-ce que ce n’est pas une belle chose qu’une paysanne à grands traits et grandes mamelles ?

2000. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Ces traits d’esprit révèlent une belle passion pour les lettres, et il faut avoir de soi une bien haute estime pour traiter les autres sur ce ton.

2001. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Outre le génie de l’écrivain, elle avait l’idée, l’aperçu, le trait, l’étincelle.

2002. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Dans ses fables, le paysage n’est presque jamais absent, mais le trait en est léger autant que précis ; il accompagne les personnages sans nuire à leurs mouvements, discret comme les lointains de la Toscane ou de l’Ombrie qu’on aperçoit dans les tableaux des primitifs italiens, derrière les auréoles.

2003. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

, saint Cosme avec royaume, traits avec le mot près.

2004. (1887) La banqueroute du naturalisme

Je crois seulement que, si le paysan, comme l’ouvrier, par exemple, comme le bourgeois, ou comme le militaire, ont quelques traits qui ne soient qu’à eux, ils ne laissent pas, tous tant qu’ils sont, d’en avoir aussi quelques-uns qui leur sont communs entre eux, et avec moi.

2005. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

D’autres traits, quoique singuliers, font plaisir ; toute passion vraie est aimable.

2006. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Nul doute cependant sur la grande étude que l’un avait faite de l’autre, et sur quelques traits d’affinité qui les rapprochent.

2007. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

… Débarrassez le sanctuaire, ou gare au serpent d’argent, au trait ailé de mon arc d’or ! […] Des lamentations comme celle-ci : « Le bonheur, une ombre suffit à le détruire ; le malheur, un coup d’éponge humide, comme d’un trait, en efface le souvenir : amer oubli, plus amer que le malheur même » ; et des chants d’espérance et de joie comme ceux qui terminent les Euménides. […] Même les traits par lesquels se manifeste sa dévotion, fausse ou vraie (par exemple : « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » ), et la confession qu’il fait D’avoir pris une puce en faisant sa prière, Et de l’avoir tuée avec trop de colère ; ces traits ont une sorte de naïveté presque imbécile et ne nous le présentent que comme un grotesque de la dévotion, immonde à considérer, mais probablement assez inoffensif. […] Quelques traits bien choisis, du genre de celui que cite mon maître, eussent amplement suffi à nous faire admettre le bras de la duchesse serré par le gant de fer du duc et ce qui s’en suit. […] Ce sera un beau trait de vertu révolutionnaire et qu’applaudiront vos amis, de dénoncer ces deux mains qui vous ont nourri ! 

2008. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Notez que quelques-uns des traits qui ont fait le plus rire ne sont que des façons très exactes et très vivantes de traduire le texte, des transpositions et non des parodies. […] Ce trait signifie sans doute que « l’étranger » aimé d’Ellida est supérieur aux codes et aux lois humaines. […] Il rapproche Vulcain et Joseph, « inutiles témoins »… C’est là un trait que Henri Heine n’eût point dédaigné, j’imagine. […] Peut-être que vous vous en rendrez mieux compte, si je vous la rappelle dans ses traits essentiels. […] A côté de Cécile, une autre silhouette de jeune fille, à peine esquissée, mais d’un trait si juste !

2009. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Cet étrange refus opposé à son geste d’accueil, le silence que je gardai pendant les premières minutes, la contraction de mes traits sans doute et mes yeux menaçants achevèrent de l’éclairer sur la disposition d’esprit dans laquelle je venais à lui. […] Qu’on n’y cherche cependant pas le portrait de l’auteur ; les dessinateurs, peut-être sur la demande de Loti, n’ont voulu montrer qu’un officier de marine sans préciser les traits de l’écrivain, et le livre pourra s’étaler chez les libraires de Nagasaki sans que la pauvre Chrysanthème y reconnaisse son oublieux époux ! […] Suzanne de Moraines est, à ce point de vue, une des études les plus merveilleusement réussies que je connaisse et les traits de caractère qui la précisent sont magistralement dessinés. […] Comme eux il a le trait, comme eux il est Français, éloquent, homme d’esprit, patriote et poète. […] nous eûmes beau, l’un et l’autre, étudier de très près une multitude de pancartes chargées d’épures et de notices, il nous fut impossible d’y découvrir un trait, un mot, la moindre trace de l’état civil et de l’extrait mortuaire de l’obscur à la fois et lumineux trépassé.

2010. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

— On épelait le dialogue, on retenait avidement le couplet ; on le chantait tout haut, et pas un trait n’était perdu. […] Même quand il s’enivre de son propre bruit, son ivresse est belle, et ne ressemble pas à la fausse ivresse des cabarets et des tavernes où se boit à grands traits, le vin frelaté. […] Ainsi, vous le voyez, toutes ces tentatives hardies, ces audaces littéraires, ces grandes promesses « je vais changer d’un trait de plume la face du théâtre et du monde !  […] Comment souffrir que l’insulte, en présence de la multitude avide, vienne salir vos traits, votre honneur, votre famille et vos amis livrés en pâture, aux calomniateurs ? […] Toujours est-il qu’à ces traits vulgaires, à cette profusion insensée de billets mal séants, à ce persiflage de mauvais ton, je ne reconnais là qu’un méchant bâtard de Lovelace ou de M. de Richelieu.

2011. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Le poète a pour l’humour un penchant qu’il veut satisfaire même hors de propos et voici, après un livre sentimental (vieilles estampes en demi-teinte), toute une bizarre mythologie, Orphée, Silène, Hercule, restaurée avec quelque hardiesse, puis l’extraordinaire Louis XI, curieux homme, et Coxcomb, plus étrange encore, puis des ballades étranges encore et encore, ― et pas une où il n’y ait quelque trait d’originalité, de poésie ou d’esprit. […] Ainsi, que Lalande mangeât des araignées, ou qu’Aristote collectionnât toutes sortes de vases de terre, cela ne caractérise ni un grand astronome ni un grand philosophe, mais il faut compter ces traits parmi ceux qui serviront à différencier Lalande de lui-même et Aristote de lui-même. […] Comme Paolo Uccello dont il a analysé le génie géométrique, il envoie ses lignes vers la périphérie puis les ramène au centre ; la figure de Frate Dolcino, hérétique, semble dessinée d’une seule spirale comme le Christ de Claude Mellan, mais le bout du trait est enfin relié à son point de départ par une courbe brusque. […] Et le Pauvre continue, faisant du Christ des misérables un portrait qui, trait pour trait, s’applique à lui, le Pauvre.

2012. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il a peint par des traits forts, tout ce que nous voyons de déréglé et de ridicule. […] Mais quoiqu’on doive marquer chaque passion par un plus fort degré et par les traits les plus vifs, pour en mieux montrer l’excès et la difformité, on n’a pas besoin de forcer la nature et d’abandonner le vraisemblable. […] « Si les nudités causent naturellement ce qu’elles expriment, combien plus sera-t-on touché des expressions du théâtre, où tout paraît effectif, où ce ne sont point des traits morts et des couleurs sèches qui existent, mais des personnages vivants, de vrais yeux, ou ardents, ou tendres, ou plongés dans la passion ; de grandes larmes dans les acteurs, qui en attirent d’autres dans ceux qui regardent, et puis de vrais mouvements qui a mettent en feu le parterre et toutes les loges !  […] Si vous savez un trait plus vif que celui de Célimène, coupable, prise sur le fait, pressée de s’excuser, et relevant fièrement la tête en répondant : —  Il ne me plaît pas, moi ! […] Elle était tour à tour, au gré de son génie, au gré de notre cœur, Célimène, Henriette, Elmire, et comme elle les jouait ces grands rôles dont elle avait les traits, la conscience et l’accent !

2013. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Posthumianus, qui a visité les moines de la Thébaïde dans leurs solitudes, fait d’abord un récit de tout ce qu’il y a vu ; après quoi, s’adressant à Sulpice, il le prie de lui raconter les traits de la vie de saint Martin, qu’il avait omis dans sa biographie de ce saint ; mais Sulpice, écartant de lui cette tâche, la rejette sur Gallus, comme particulièrement apte à la remplir eu sa qualité de disciple du saint évêque. […] Le mot est de Caton l’ancien, qui dit « Pleraque Gallia duas res industriosissime consequitur, rem militarem et argute loqui. » Nation belliqueuse et bien parleuse ; c’est à nous de juger (en tant qu’on peut se juger soit même) si le double trait s’est bien conservé à travers les siècle.

2014. (1929) Dialogues critiques

Pierre Il y a de beaux traits de grande amoureuse dans celles de Mme Staël qui ont par hasard échappé. […] Il y a sur lui un trait de Forain… Un jour on lui demanda : « Et Huret ? 

2015. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

L’image lui paraît « extérieure », placée devant lui, « dans la direction du rayon visuel… Elle a la grandeur et les attributs du modèle ; je distingue ses traits, la coupe de ses cheveux, l’expression de son regard, son costume et tous les détails de sa personne. […] Quand j’écrivais l’empoisonnement d’Emma Bovary, j’avais si bien le goût d’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même, que je me suis donné deux indigestions coup sur coup, deux indigestions très réelles, car j’ai vomi tout mon dîner. » Un peintre anglais21, dont la célérité était merveilleuse, expliquait de même son procédé : « Lorsqu’un modèle se présentait, je le regardais attentivement pendant une demi-heure, esquissant de temps en temps ses traits sur la toile.

2016. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Sa précocité d’esprit, la beauté de ses traits, son aptitude oratoire et poétique le font discerner par l’archevêque. […] Les mœurs étranges de Venise sont peintes, dans ce récit de d’Aponte, en traits de Molière et de Pétrone.

2017. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Que de traits encore il faudrait ajouter pour crayonner en entier la belle doctrine du Chou-king ! […] « De tous les traits de l’histoire que j’ai insérés dans mes ouvrages, il n’en est aucun que je n’aie lu moi-même et que je n’aie écrit de ma propre main.

2018. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Ses traits étaient doux et mous comme ceux d’une blonde ; pourtant elle avait des cheveux bruns, mais des yeux bleus abrités par de longs cils. […] C’est ce qui fait que le Laocoon expire avec beauté sous les nœuds et sous les morsures du serpent ; que Niobé meurt belle sur les cadavres de ses enfants percés par les traits du dieu de l’arc ; que le Christ de Michel-Ange rayonne sur la croix d’une divinité morale pendant que les clous transpercent ses mains et ses pieds ; son sang ruisselle de ses blessures, mais son âme ne sent que la sainte beauté de son sacrifice.

2019. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

La prière et la méditation, auxquelles il consacrait ses matinées, répandaient une ombre de recueillement et de concentration d’esprit sur ses traits ; mais le sérieux et l’enjouement étaient fondus à doses si égales dans sa nature que l’on voyait toujours le rire éclatant prêt à trahir la gravité sur ses lèvres. […] Depuis plus d’une année je n’allais plus dans cette maison, et j’ai su qu’on m’en a loué comme d’un trait de politique, parce qu’on a cru que je m’étais retiré pour n’avoir pas l’air d’intriguer et de m’attacher à cette ancre pour me tenir ferme.

2020. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Ses traits étaient sévères, nobles, purs, élégants, éclairés par l’intelligence intérieure qui les avait, pour ainsi dire, façonnés à son image ; le front, élevé, et poli comme une table de marbre destinée à recevoir et à effacer les mille impressions qui le traversaient ; le nez, aquilin, très resserré entre les yeux ; le regard, à la fois recueilli en lui-même, ferme et assuré sans provocation quand il s’ouvrait et se répandait sur la foule ; la bouche, fine, bien fendue des lèvres, sonore, passant aisément de la mélancolie des grandes préoccupations à la grâce détendue du sourire ; les joues, creuses, pâles, amaigries par les contentions de l’étude et par les fatigues de la tribune aux harangues. […] Il s’honorait d’être leur disciple, et il s’étudiait, en rentrant chez lui, à reproduire de mémoire sous sa plume les traits de leurs harangues qui avaient ému la multitude ou charmé son esprit.

2021. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Quant à moi, comme au milieu de ces divers travestissements de sa pensée, je ne rencontrais que peu de traits de son propre génie, je m’en étais fait une image idéale plus près du ciel que de la terre, et cette image s’est mêlée à toutes les jouissances ou aux illusions de mes pérégrinations orientales ; enfin, quand je m’asseyais sur les décombres d’Éleusis et sous les colonnes du Parthénon, où vous avez médité vous-même, il me semblait toujours voir planer, au-dessus des monuments écroulés ou debout encore du culte ou des arts, la grande figure d’Orphée, le premier en date des bienfaiteurs de l’humanité. » XI Une traduction des poésies d’Eschyle, cette élégie nationale des vaincus de Salamine, écrite et chantée sur le théâtre d’Athènes pour grandir les vainqueurs, termine cette belle étude sur la poésie des Grecs. […] C’est la joyeuse ironie lyrique d’un grand poète qui s’adresse aux heureux sycophantes de son pays et de son temps ; qui leur peint en traits de Tacite et de Juvénal les angoisses d’un poète agonisant, qui s’épuise de travail, et qui, ne se trouvant pas assez de sang dans les veines pour désaltérer ses créanciers, entreprend de vendre ses vers pour un peu d’argent, et ne trouve pas assez d’acheteurs pour payer sa vie et pour racheter son honneur avant de mourir.

2022. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Un trait de caractère, un indice de sensibilité, disent quelque chose ; une saleté ne dit rien que l’orgueil de celui qui s’en vante. […] Ayant lu dans cet historien la mort de Virginie et les discours enflammés d’Icilius, j’en fus si transporté qu’aussitôt l’idée me vint d’en faire une tragédie ; et je l’aurais écrite d’un trait, si ne m’avait troublé l’attente continuelle de cette maudite felouque dont l’arrivée serait venue m’interrompre dans le feu de la composition.

2023. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

« En traçant à grands traits cette rapide esquisse de la science morale, je ne me dissimule pas que ces traits ne m’appartiennent point, et que je les ai empruntés, pour la plupart du moins, à des études qui ont précédé et facilité les miennes.

2024. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mais le trait dominant du visage, plus même que l’intelligence, était la bonté communicative. […] « Un ciseau immortel a laissé ses traits à la postérité.

2025. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Théophile Gautier, face lourde, les traits tombés dans l’empâtement des lignes, une lassitude de la face, un sommeil de la physionomie, avec comme les intermittences de compréhension d’un sourd, et des hallucinations de l’ouïe qui lui font écouter par derrière, quand on lui parle en face. […] Quel est, demandai-je, ce portrait au-dessus de la porte, ce vieillard aux traits finauds, en jabot, en habit brun aux boutons d’acier, en perruque ?

2026. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Quelques âmes en peine, représentées sous des traits de femmes avec des mains suppliantes et de grosses larmes sous les paupières, se dégagent à demi des langues de flammes qui lèchent la muraille. […] — Tu quitteras tout ce que tu aimes le plus tendrement, et ceci est le trait que l’arc de la proscription décoche le premier !

2027. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Il y a en nous, dès le moment de la naissance, tout un faisceau de tendances confuses, formant les traits les plus généraux de notre caractère, qui ne nous portent vers aucune action spéciale et déterminée, mais sont susceptibles d’être pliées dans les sens les plus divers le jour où la réflexion et la liberté prendront en main le gouvernement intérieur. […] Perrier, dans un récent et remarquable ouvrage, lui trouve plus d’un trait de ressemblance avec la théorie de l’emboîtement des germes, avec l’hypothèse des molécules vivantes de Buffon, celle de l’attraction du soi pour soi de Geoffroy Saint-Hilaire, même avec la fameuse théorie de la panspermie de Darwin.

2028. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Au contraire, dès qu’on fixe son attention sur les traits particuliers des objets ou des individus, on peut bien en faire l’énumération, mais non plus la somme. […] La durée prend ainsi la forme illusoire d’un milieu homogène, et le trait d’union entre ces deux termes, espace et durée, est la simultanéité, qu’on pourrait définir l’intersection du temps avec l’espace.

2029. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Aussi faible d’esprit qu’il était robuste de corps, sa force étant telle que d’un coup de massue il abattait le cheval et le cavalier, et rompait la plus forte lance sur son genou… Du reste, il n’avait point de vices d’homme privé, mais était vaste et sans mesure en toutes choses… Je ne fais que toucher les principaux traits, j’en supprime d’énergiques et de familiers, mais qui font bien en leur lieu.

2030. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Il y a là une preuve de plus de cette tranquillité d’esprit et de cette faculté de travail uniforme, deux traits distinctifs de la forte nature que nous étudions.

2031. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Le chanoine Maucroix, l’ami et le camarade de La Fontaine, n’était pas autre chose, et il avait quelques-uns des traits délicats du maître.

2032. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Je n’en citerai que les traits principaux.

2033. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

. — C’est le cas de rappeler ce mot, qui nous a été transmis par Plutarque, du roi de Sparte Archidame : la première fois qu’il vit un de ces énormes traits à lancer de loin par des balistes et des catapultes, qu’on avait nouvellement apportés de Sicile et qui étaient déjà l’arquebuserie ou l’artillerie des anciens, il s’écria : « Par Hercule !

2034. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Nous n’avons pas à entrer ici dans les détails de cette polémique ; il nous suffira de marquer en traits généraux les caractères de la controverse et du christianisme de Charron.

2035. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il accorde beaucoup à la piété, à la véritable, qu’il distingue soigneusement et en traits vigoureux d’avec la superstition ; puis il ajoute un avis nécessaire, dit-il, à celui qui prétend à la sagesse, qui est, d’une part, de ne point séparer la piété de la vraie prud’homie, et d’autre part, et encore moins, de ne les confondre et mêler ensemble : « Ce sont deux choses bien distinctes et qui ont leurs ressorts divers, que la piété et la probité, la religion et la prud’homie, la dévotion et la conscience : je les veux toutes deux jointes en celui que j’instruis ici… mais non pas confuses. » Le père Buffier, d’ailleurs très équitable envers Charron, a relevé ce passage en disant : « Une probité sans religion serait une probité sans rapport à la divinité et indépendante de la loi de Dieu.

2036. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

La première surtout rappelle quelques traits de la lettre de Henri, qui certes n’y pensait guère, et dont les lectures n’étaient jamais allées jusque-là.

2037. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

comme cette lèvre fermée sourit déjà du trait qu’elle va lancer !

2038. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Le père de Santeul a une veine pure, aisée ; il n’appartient guère à un homme comme moi d’en juger, je veux dire à un homme destiné à la retraite et à des lectures toutes sérieuses ; cependant on ne laisse pas d’en remarquer les traits.

2039. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Ronsard a le souffle généreux et une certaine force inhérente à son talent : c’en est un trait distinctif ; mais cette force insuffisante, et qui le trahit dans les grands sujets, réussit mieux et le sert quand il se rabat aux moindres.

2040. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

La langue est saine d’ailleurs, rarement éclairée de grands traits, mais pleine de sens, de gravité, et telle qu’il sied à un homme d’affaires qui va au fait et ne s’amuse point à l’accessoire.

2041. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Encore une fois, il convient de douter et de s’abstenir, et ma seule conclusion sera qu’un des traits du caractère de Rohan est la circonspection jusque dans le courage, c’est-à-dire une disposition qui n’est pas très française.

2042. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

En lisant son Journal, on ne saurait lui accorder que des qualités solides, du sens, de la droiture, du jugement, une parfaite sincérité ; mais il a l’esprit peu éclairé (accessible aux superstitions, aux dires populaires), il a peu d’esprit dans l’acception vive du mot ; jamais un trait ne lui échappe, jamais une étincelle ; et de plus son goût, quoique sain et sobre en soi, ne l’empêche pas de trouver merveilleux les amphigouris métaphoriques de M. 

2043. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« Vous peignez admirablement (il s’adresse à M. de Coriolis) cette caricature de société a laquelle chaque jour ajoute quelque trait hideux ou comique.

2044. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre.

2045. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Ce n’est pas l’histoire politique de l’Espagne, c’est sa chronique intime, le journal de sa décadence, qu’il a voulu raconter ; et, en portant la splendeur habituelle de son expression sur ces rapetissements et ces misères, l’écrivain de talent les a éclairés et fixés dans la mémoire en traits ineffaçables.

2046. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Dans une page déchirée des Mémoires d’Outre-Tombe que le vent m’apporte par ma fenêtre entr’ouverte, je trouve un aveu, un refus presque pareil, bien que sur un tout autre ton, une confession où se peint, une fois de plus, cette passionnée et délirante nature de René ; j’y supprime seulement, çà et là, quelques traits, quelques notes trop ardentes et qui ne seraient à leur place que dans le Cantique des Cantiques : « Vois-tu, s’écrie le vieillard poëte s’adressant à la jeune fille qui s’est jetée à sa tête, comme on dit, et qui lui offre son cœur, vois-tu, quand je me laisserais aller à une folie, je ne serais pas sûr de t’aimer demain.

2047. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Ce qui frappe, au milieu du rôle politique assumé par Mme de Staël et de tous les généreux sacrifices qu’elle a faits à ses sentiments et à ses convictions, c’est qu’elle reste femme, bien femme, ce qui n’est pas un trait désagréable, mais plutôt une expression intéressante de physionomie.

2048. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

La traduction de son Faust par l’aimable et gentil Gérard de Nerval lui avait fait un vrai plaisir, et il la louait comme très bien réussie : « En allemand, disait-il, je ne peux plus lire le Faust, mais dans cette traduction française, chaque trait me frappe comme s’il était tout nouveau pour moi. » Il vérifiait ainsi ce qu’il avait dit autrefois dans une poésie charmante : Emblème.

2049. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

grandeur ou flamme du sentiment, éclat de l’expression et, s’il se peut, harmonie de composition et d’ensemble (et s’il n’y A pas de composition proprement dite dans Homère, il y a une flamme perpétuelle, un feu et un torrent de poésie qui rachète tout), — ce sont là quelques-uns des traits et des conditions de cette beauté plus aisée à sentir qu’à définir.

2050. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Quant à la peinture même des visages, c’est la physionomie qu’il convient de rendre d’un mot et d’un éclair, bien plus que le détail des traits dont l’énumération ne doit pas revenir sans cesse.

2051. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

. — Puisque j’y suis, j’achève de rassembler les traits qui le peignent.

2052. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Voltaire en a semé ses écrits, et de ces traits légers qu’il lançait à poignées, plus d’un, certes, atteignit le but ou plutôt le traversa en le dépassant.

2053. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

pourtant il ne faudrait pas trop dire de mal des maniérés : ce sont des gens de beaucoup de talent et d’invention, qui ont eu le tort de venir lorsque tous les magnifiques lieux communs, fonds du bon sens humain, avaient été exploités par les maîtres d’une façon supérieure : ne voulant pas être copistes, ils ont tâché de renouveler la face de l’art par la grâce, la délicatesse, le trait les mille coquetteries du style ; le riche filon était épuisé, ils ont poursuivi la fibre dans ses ramifications les plus imperceptibles.

2054. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Il riposte et lui rend dédain pour dédain, en se redressant dans sa fierté et dans sa gloire : « Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.

2055. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Toutes ses facultés, y compris son imagination grandiose, y trouvaient leur magnifique emploi ; un rêve superbe, une vision charlemanesque le saisit ; il entra tout d’un trait dans une phase nouvelle ; et lorsqu’en 1807, ayant reconnu qu’il n’y avait que la Russie qui pouvait ne pas être irréconciliable, il put se flatter de l’avoir gagnée dans la personne de son jeune empereur, il dut se croire en mesure de tout oser, de tout exécuter dans l’Occident.

2056. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Singulière énergie, révolution indiviiluelle à jamais étonnante, que celle qui raye d’un trait de plume et renvoie comme à néant tout le passé d’une telle vie, et qui fait qu’à plus de cinquante-trois ans on en recommence une nouvelle, — à beaucoup d’égards une contraire, — avec toute la ferveur de la jeunesse, avec tout le dégagé et tout l’absolu d’une première entreprise !

2057. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Conçoit-on que, dans une pièce de vers inspirée par un tableau de la Charité, la femme soit décrite avec des traits et des mots qui semblent réservés aux alcôves de nos romans modernes ?

2058. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

— puis, revenu à terre et rentré dans la vie réelle, qu’il eût buriné en traits d’une empreinte ineffaçable ces grands qui l’écrasaient et croyaient l’honorer de leurs insolentes faveurs ; et, cela fait, l’heure de sortir arrivée, qu’il eût fini par son coup d’œil d’espoir vers l’avenir, et son forsan et hæc olim ?

2059. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

et n’est-ce pas un trait à ajouter au caractère des Romains, que cette espèce d’orgueil qu’ils attachaient à ne pas corriger les pièces qu’ils composaient ?

2060. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Une radicale impuissance d’imaginer, qui avait concouru à faire prendre en gré le réalisme des classiques, la sécheresse de sentiment où glissent facilement les natures trop intellectuelles, l’impuissance de penser en dehors de certaines conditions générales, l’anéantissement de la spontanéité et le culte de la forme convenue, trois conséquences d’une vie enfermée dans les bienséances du monde, qui défendent à l’homme de se faire remarquer sous peine de ridicule et de mauvais ton, voilà les traits de cette société qui fera la littérature à son image.

2061. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Une chose qu’il faut louer presque sans réserve chez Lesage, c’est le style, naturel jusqu’à la négligence, et pourtant plus travaillé qu’il ne semble d’abord, léger et fort tout à la fois, piquant, imprévu, abondant en traits, ayant le relief et le mordant du style dramatique.

2062. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Il était remonté jusqu’à Scarron, et il avait recueilli de Molière à Sedaiue une foule de traits, de mots, d’effets appartenant à ce thème excellent et banal.

2063. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

« Il était laid, nous dit un contemporain628 : sa taille ne présentait qu’un ensemble de contours massifs ; quand la vue s’attachait sur son visage, elle ne supportait qu’avec répugnance le teint gravé, olivâtre, les joues sillonnées de coutures ; l’œil s’enfonçant sous un haut sourcil, … la bouche irrégulièrement fendue ; enfin toute cette tête disproportionnée que portait une large poitrine… Sa voix n’était pas moins âpre que ses traits, et le reste d’une accentuation méridionale l’affectait encore ; mais il élevait cette voix, d’abord traînante et entrecoupée, peu à peu soutenue par les inflexions de l’esprit et du savoir, et tout à coup montait avec une souple mobilité au ton plein, varié, majestueux des pensées que développait son zèle. » Et Lemercier nous montre « les gestes prononcés et rares, le port altier » de Mirabeau, « le feu de ses regards, le tressaillement des muscles de son front, de sa face émue et pantelante ».

2064. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Cette histoire dégagée de toute philosophie a priori comme de toute fantaisie subjective, j’en trouve les premiers traits dans les excellents travaux de Mignet937, non pas sa Révolution française, œuvre de jeunesse et trop voisine de 1830, mais son Charles-Quint, sa Succession d’Espagne, où malheureusement l’impersonnalité scientifique de la forme tourne en insignifiance littéraire : puis dans les exactes et sévères études de M. 

2065. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Un grand nombre des phénomènes de la nature semblent appeler la comparaison avec l’acte par lequel se perpétue la race humaine ; je ne sais guère de plus beaux vers que ceux où Virgile symbolise le Printemps par l’accouplement de Jupiter et de la Terre, et certes les traits du tableau ne sont point timides.

2066. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Il avait d’ailleurs puisé aux mêmes sources de l’idéalisme anglais et il offre avec Baudelaire deux traits communs : la précocité et le sentiment de son impuissance : Et dans mon être à qui le sang morne préside L’impuissance s’étire en un long bâillement.

2067. (1890) L’avenir de la science « V »

Le trait général des œuvres religieuses est d’être particulières, c’est-à-dire d’avoir besoin, pour être comprises, d’un sens spécial que tout le monde n’a pas : croyances à part, sentiments à part, style à part, figures à part.

2068. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Cette loi de diffusion fait que l’émotion se transmet par ondulations au cœur, à l’estomac, aux viscères, et se manifeste par les traits de la physionomie, par la contenance, etc., etc.

2069. (1886) De la littérature comparée

De vagues légendes circulent seules sur certains mythes antiques, les déforment, leur empruntent parfois des traits pour les prêter aux héros du christianisme.

2070. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Chaque mot marque, chaque trait déchire ; il semble qu’on entende frémir un fer rouge et siffler un fouet.

2071. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

N’omettons pas un trait qui peint Commynes autant que Louis XI.

2072. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Ces traits sont essentiels pour indiquer les premiers caractères d’un talent qui, dans ses écrits les plus divers, portera l’inspiration de la piété et de la félicité domestique.

2073. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Patru acquérait de plus en plus d’autorité en vieillissant, et l’on cite de lui de ces mots qui sont des traits de caractère et d’indépendance.

2074. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.

2075. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Il a une propriété de termes exacte et forte, et qui enfonce ; mais il reste rarement, quand on l’a lu, des traits marquants, isolés et comme des fragments de javelot, dans la mémoire.

2076. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

La Providence, qui fait aux nations des origines et des destinées diverses, ouvre aussi à la justice et à la liberté plus d’une voie pour entrer dans les gouvernements ; et ce serait réduire follement leurs chances de succès, que les condamner à se produire toujours sous les mêmes traits et par les mêmes moyens.

2077. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Un roc sert de portique à la funèbre voûte :                    Sur ce fronton, Un artiste martyr dont les Anges, sans doute,                    Savent le nom, Peignit les traits du Christ, sa chevelure blonde,                    Et ses grands yeux, D’où s’échappe un rayon d’une douceur profonde                    Comme les cieux !

2078. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La sympathie pour les misères humaines et pour tout ce qui touche l’humanité, la curiosité et la compassion pour les races lointaines opprimées, persécutées, l’horreur pour tout ce qui fait souffrir inutilement les hommes, le scrupule dans le choix et la mesure des peines, tels sont les traits les plus nobles et les plus relevés des sociétés démocratiques.

2079. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il est vrai que Banville possédait une façon féerique et charmante de dire les choses, qui enlève de la rigueur à ses axiomes, surtout quand il les formule si nets et si courts ; quand il est certain d’avoir enclos une loi scientifique dans la brièveté d’un verset de décalogue, c’est le plus souvent un trait heureux qu’il nous a donné.

2080. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

En ces romans de Μ. de Vielcastel, qui avaient la prétention d’être des livres de caste et des satires de cette caste, ce qui devait affiler le trait et exaspérer la couleur, on parlait identiquement la même langue mondaine que le roman de Feuillet, et on y rencontrait les mêmes inanités que dans la chronique de Bachaumont.

2081. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Ces guerriers de vaste stature, mais intérieurement vaincus, ces femmes aux lèvres charnues, mais à tout jamais stériles, sont rongés par la lèpre du mysticisme, du pessimisme et du catholicisme, triple et unique maladie qui ternit leurs yeux, dissout leurs muscles et décolore leur chair, Burne-Jones déforme et viole la réalité à chaque trait, à chaque touche.

2082. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Une dernière remarque : je donne ici, non pas une histoire de la littérature, mais une esquisse en traits sommaires ; avec pourtant la discussion de quelques cas particuliers qu’il était impossible de passer sous silence.

2083. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Paul a cinquante ans environ ; il est un peu courbé, maladif et maigre ; ses traits sont amincis, et tirés par l’habitude de la réflexion, et ses beaux yeux noirs, pleins de pénétration et d’ardeur, semblent ordinairement voir autre chose que ce qu’il regarde.

2084. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

On l’a employée à de tels usages qu’elle n’avait plus un aspect fort honnête ; puis elle a disparu, trait de pudeur. […] J’ai peine à le croire ; et, même si les traits avaient quelque analogie, la physionomie n’était certainement pas la même : — ou bien alors, que serait-ce donc que la physionomie ? […] Il rédigea son mémoire définitif, « d’un trait et sans aucune peine ». […] Elle abonde en traits ravissants ; elle est tragique ; elle implique la grâce et la fureur. […] S’il enregistre les inexactitudes, c’est afin de les utiliser comme les preuves des passions ou des rancunes, comme les traits marquants des individualités, comme les grimaces des physionomies qu’il peindra.

2085. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Il a même dissimulé bien des traits que Sainte-Beuve utilise, et qui donnent de Chateaubriand une idée peu avantageuse. […] Celle de Flaubert doit par surcroît instruire le lecteur, lui faire connaître Carthage, lui faire découvrir par les traits les plus expressifs le caractère de la ville étrange, tassée sur son petit espace. […] Dans le théâtre français, le caractère qui rappellerait peut-être le mieux les pères de Ménandre est le Géronte du Menteur, et Corneille en a peut-être pris certains traits à Térence. […] C’est un et de mouvement qui, dans une phrase descriptive assez longue, lève comme au bout d’un bras un trait caractéristique, un détail saillant, destiné à rester comme un point brillant dans la mémoire quand le reste se sera affaissé dans l’ombre. […] Bertillon avait trouvé que le bordereau n’était pas de l’écriture de Dreyfus, mais qu’il n’en était que davantage écrit par Dreyfus, lequel en avait calculé tous les traits au moyen de ce fameux Kutsch, qui n’avait pu être découvert que par le génie du célèbre anthropomètre.

2086. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je n’ai encore écrit que deux lettres ; mais, comme j’écris sans style, sans manière, sans mesure et sans travail, j’écris à trait de plume… »   « À dix-huit milles de Patterdale, Ambleside, le 31. […] Il y a des traits distinctifs qu’elles ne manquent jamais D’avoir : mépris pour l’endroit qu’elles habitent, plainte sur le manque de société, sur les étudiants qu’il faut voir, sur la sphère étroite ou monotone où elles se trouvent, prétention et teinte plus ou moins foncée de romanesquerie, voilà l’uniforme de leur esprit, et Mlle Heyne, prévenue de ma visite, avait eu soin de se mettre en uniforme. […] On peut dire de l’Ellénore de Benjamin Constant comme de cette Vénus de l’antiquité, qu’elle est encore moins un portrait particulier qu’un composé de bien des traits, un abrégé de bien des portraits dont chacun a contribué pour sa part. […] Dans cette même lettre, si pleine d’aveux, Benjamin Constant en fait un autre encore que nous ne pouvons manquer d’enregistrer au passage, bien qu’il n’ait pas trait à la politique.

2087. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Mais nous pouvons nous affranchir de ces conditions : il suffit que, par un effort d’abstraction, nous évoquions la représentation de l’objet A tout seul, que nous convenions d’abord de le considérer comme existant, et qu’ensuite, par un trait de plume intellectuel, nous biffions cette clause. […] Il ne faut pas croire que notre trait de plume se suffise à lui-même et qu’il soit, lui, isolable du reste des choses. […] Mais cette cause n’en est pas moins présente à l’esprit ; elle y est à l’état implicite, ce qui expulse étant inséparable de l’expulsion comme la main qui pousse la plume est inséparable du trait de plume qui biffe. […] Nous sentons bien alors que la ligne parcourue entre deux arrêts se décrit d’un seul trait indivisible, et qu’on chercherait vainement à pratiquer dans le mouvement qui la trace des divisions correspondant, chacune à chacune, aux divisions arbitrairement choisies de la ligne une fois tracée.

2088. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Mais ils avaient un trait commun, à savoir une certaine indifférence, plus ou moins avouée, au sujet du juste et de l’injuste. […] Après avoir été trop patriote et comme enivré de volonté de puissance, il semble n’être plus patriote le moins du monde, et c’est bien un trait et une marque de sa versatilité naturelle. […] Comme il a ordonné le monde les yeux fixés intérieurement sur elles, de même nous ordonnons quelques parcelles de l’univers suivant un plan dont il nous a permis d’apercevoir et de saisir quelques traits. […]   Et tels sont les traits principaux de la métaphysique de Platon. […] Il désire être immortel par reproduction charnelle de ses traits, de son tempérament, de sa complexion, et c’est de là que naît l’amour proprement dit.

2089. (1903) La pensée et le mouvant

Le romancier pourra multiplier les traits de caractère, faire parler et agir son héros autant qu’il lui plaira : tout cela ne vaudra pas le sentiment simple et indivisible que j’éprouverais si je coïncidais un instant avec le personnage lui-même. […] Tous les traits qui me la décrivent, et qui ne peuvent me la faire connaître que par autant de comparaisons avec des personnes ou des choses que je connais déjà, sont des signes par lesquels on l’exprime plus ou moins symboliquement. […] C’est pourquoi, si je connais le poème, je mets aussitôt chacune des lettres à la place qui lui revient et je les relie sans difficulté par un trait continu, tandis que l’opération inverse est impossible. […] C’est en développant une vision mentale simple, concentrée en ce point, qu’il a retrouvé, trait pour trait, le modèle qu’il avait sous les yeux, reproduisant à sa manière l’effort générateur de la nature. L’art du peintre ne consiste donc pas, pour Léonard de Vinci, à prendre par le menu chacun des traits du modèle pour les reporter sur la toile et en reproduire, portion par portion, la matérialité.

2090. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Rosny, en plus d’une action et en plus d’une conversation, laissait voir ainsi le trait d’esprit gaulois, et, quand il se déridait, il avait de la vieille plaisanterie de nos pères.

2091. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il ne travaille pas assez pour arriver à écrire des mémoires un peu longs et complets ; la plume lui tombe des mains avant la fin, et c’est dommage ; il était si capable de bien juger et de donner sur les hommes qu’il a connus de ces traits qui restent et qui fixent en peu de mots la vérité du personnage !

2092. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Je ne fais qu’indiquer un portrait du général ministre Grumbkow, persécuteur odieux de Frédéric et de sa sœur : dans son duel avec le prince d’Anhalt, elle le montre effaré et tremblant, et rappelle toutes les autres preuves qu’il avait données de la même disposition, soit à la bataille de Malplaquet, où il était resté dans un fossé pendant tout le temps de l'action, soit au siège de Stralsund, où il s’était démis fort à propos une jambe dès le commencement de la campagne, ce qui le dispensa d’aller à la tranchée : « Il avait, conclut-elle, le même malheur qu’eut un certain roi de France, qui ne pouvait voir une épée nue sans tomber en faiblesse61 ; mais, excepté tout cela, c’était un très brave général. » Et ailleurs, montrant le roi son père qui ne s’accommodait pas des manières polies et réservées du prince héréditaire de Bareith, tout en le lui donnant pour mari : « Il voulait un gendre, dit-elle, qui n’aimât que le militaire, le vin et l’économie. » Certes, dans une société idéale où l’on se figure réunis les Caylus, les Hamilton, les Grammont, les Sévigné, les Coulanges, les Saint-Simon, les Staal de Launay, les Du Deffand, la margrave n’eut pas été hors de sa place ni dans l’embarras ; elle eût trouvé bien vite à payer son écho par maint trait d’esprit et de raillerie bien assénée, qui eût été applaudi de tous et de toutes, de même que son frère, en causant, n’était en reste de mots excellents ni avec Voltaire, ni avec personne ; mais à la lecture, et eu égard au genre et à la nature des tableaux, elle garde sa couleur étrange et son accent exotique.

2093. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Louis XIV, rentré dans son cabinet, l’appela et lui dit : « Mon neveu, quand je dis ces choses-làat, je vous prie de ne pas rire. » Besenval, qui raconte le trait, n’en paraît sentir qu’à demi la portée.

2094. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

… je lui donnerai à souper, je le mettrai dans mon lit, je lui dirai : Voilà un bon souper ; ce lit est le meilleur de la maison ; faites-moi le plaisir d’accepter l’un et l’autre, et d’être heureux chez moi. » Ce trait, ajoute Grimm, m’a fait un sensible plaisir : il peint M. de Voltaire mieux qu’il ne l’a jamais été ; il fait en deux lignes l’histoire de toute sa vie.

2095. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Mme de Choiseul a été saisie et crayonnée par Horace Walpole en quelques traits qui sont bien d’un peintre compatriote de Spencer et de Shakespeare : Ma dernière nouvelle passion, et aussi, je pense, la plus forte, écrivait-il pendant un séjour à Paris (janvier 1766), est la duchesse de Choiseul.

2096. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Notre conversation alla, pour ainsi dire, tout d’un trait de La Chênaie à Saint-Malo, et, nos six lieues faites, j’aurais voulu voir encore devant nous une longue ligne de chemin ; car vraiment la causerie est une de ces douces choses qu’on voudrait allonger toujours. » Il nous donne une idée de ces entretiens qui embrassaient le monde du cœur et celui de la nature, et qui couraient à travers la poésie, les tendres souvenirs, les espérances et toutes les aimables curiosités de la jeunesse.

2097. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Sur ce dernier, on n’a plus à attendre de découvertes proprement dites ; on en est depuis longtemps aux infiniment petits détails : il n’en est aucun pourtant qui soit indifférent, aucun qui n’ait son intérêt, s’il ajoute un seul trait à la physionomie et à l’exacte ressemblance de celui qui a voulu se montrer à nous dans la familiarité la plus intime.

2098. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Certes je prise et goûte fort le joli récit traduit par Courier : il est net, proportionné, piquant, épigrammatique ; mais les additions d’Apulée ne me déplaisent pas tant ; elles m’apprennent bien des choses sur les mœurs tant publiques que privées, sur la police des villes dans les provinces, sur les travers éternels et les maladies de l’esprit humain : « Ce sont des tableaux de pure imagination, où néanmoins chaque trait est d’après nature, des fables vraies dans les détails, qui non seulement divertissent par la grâce de l’invention et la naïveté du langage, mais instruisent en même temps par les remarques qu’on y fait et les réflexions qui en naissent. » Tout cet éloge (sauf le point de la naïveté du langage), que Courier donne à son Lucius, je l’accorde à plus forte raison et je l’étends à notre Lucius latin, à notre Apulée, pour ses additions nombreuses ; lu à côté, le premier Lucius me paraît, je l’avoue, un peu sec.

2099. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

mais on a parlé de classique dernièrement à propos des écrits d’une dame russe fort vantée, et j’ai protesté contre cette manière d’éloge : Mme Swetchine, avec tout son esprit, ne saurait, en effet, être appareillée aux véritables classiques, même en matière de spiritualité ; celle qui mériterait véritablement ce nom par la grâce du tour, la correction du trait, le naturel et la propriété des images, la simplicité (au moins relative) des pensées, ce serait Mlle Eugénie de Guérin, si elle avait fait un livre.

2100. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un dernier trait dans ce sombre tableau.

2101. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

» — « L’homme. » Gavarni se plaît à faire assister son Vireloque et à le faire applaudir aux jeux cruels des enfants, aux traits précoces de la méchanceté humaine.

2102. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

L’idée générale, suggérée très sensément par Louis XIV et sur laquelle il revient plus d’une fois, ne devint donc un trait de génie militaire et une heureuse pensée stratégique que moyennant transformation.

2103. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

tous sans distinction, les plus belles toiles comme les plus médiocres, doivent disparaître dans un temps donné ; la gravure perpétuera la composition et les traits, non les couleurs.

2104. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

« De tous les mots et de toutes les façons de parler, dit-il, qui sont aujourd’hui en usage, les meilleures sont celles qui l’étaient déjà du temps d’Amyot, comme étant de la vieille et de la nouvelle marque tout ensemble. » Amyot, c’est là son trait d’union avec la vieille langue, c’est le nœud par où il s’y rattache.

2105. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Louvois savait en détail tous ces faits et ces traits significatifs par ses espions à la Cour de Turin.

2106. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Ce trait de Montesquieu m’en rappelle un autre qui est également tout à l’honneur de Don Quichotte.

2107. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs : « La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond.

2108. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Le roi est pour moi d’une attention de mère… » C’est d’elle, c’est de cet enfant son premier-né, que quelques années après, Marie-Antoinette, dont on a déjà vu la justesse de coup d’œil en ce genre d’observations familières, écrivait (25 décembre 1784) : « Ma fille qui a six ans fait beaucoup de progrès ; elle a le caractère un peu difficile et d’une fierté excessive ; elle sent trop qu’elle a du sang de Marie-Thérèse et de Louis le Grand dans les veines ; il faut qu’elle s’en souvienne pour être digne de son sang, mais la douceur est une qualité aussi nécessaire et aussi puissante que la dignité, et une nature orgueilleuse éloigne les affections… » On sent dans ce peu de lignes le trait de nature et la ligne primitive qui fera de la plus vertueuse et de la plus respectable des princesses une personne moins aimable qu’on n’aurait voulu.

2109. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La nuit du 4 août racontée par elle est d’une vivacité pittoresque ; quelques jours après, elle écrit ; « Samedi au soir, il a été décidé que l’on porterait au roi l’arrêté du 4 août, pour qu’il y campât sa sanction. » Les journées des 5 et 6 octobre sous sa plume se dessinent en traits d’une exacte et parlante réalité : ce qu’elles ont d’atroce y est montré, mais sans rien de chargé ; ce qu’il y a eu de bien s’y entremêle ; tout se succède et court.

2110. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

À Paris, on ne put obtenir du plus éclairé d’entre eux, le cheik Othman, qu’il se dévoilât devant le miroir d’un appareil pour livrer ses traits à la photographie.

2111. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Les traits biographiques se distribuent, se combinent très heureusement sous sa plume, et il nous guide avec intérêt, sans un instant d’effort ou d’ennui, à travers ces grandes et méditatives existences.

2112. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

À chaque pas, en toute occasion, ce trait essentiel du caractère de Louis XV se trahit et reparaît.

2113. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Un poëte a dit : La Charité fervente est une mère pure (Raphaël quelque part sous ses traits la figure) ; Son œil regarde au loin, et les enfants venus Contre elle de tous points se serrent froids et nus.

2114. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Un des traits les plus marquants de la poésie de Jasmin, et qu’il partage avec la famille de poëtes à laquelle il appartient, c’est cette gaieté native, cette gentillesse de pinceau, cette allégresse de tour qui s’accommode si bien d’un patois accentué et pittoresque.

2115. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Casimir Delavigne resta et voulut rester homme de lettres : c’est une singularité piquante en ce temps-ci, un trait de caractère bien digne d’être étudié.

2116. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

» L’absence de prétention était son trait le plus distinctif.

2117. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Mais à d’autres fois aussi, et quand tu te sers, ô Clémente, de tes plus douces flèches, tu ne fais qu’affaiblir, diminuer insensiblement le souffle, en conseil vaut aux traits leur harmonie et au front son pur contour ; et quand tu y imprimes ton baiser glacé, il semble que ce soit une dernière couronne. — O Mort, que tu as de formes diverses !

2118. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Les peuples mûrs et touchant à la décadence veulent des portraits peints en traits de sang, des retours vers la vertu antique, des larmes amères sur la corruption présente, des sentences brèves, mais succulentes, jaillissant de l’événement comme le cri des choses, enfin une philosophie à la fois plaintive et amère, qui consterne et qui relève l’âme par l’honnête et douloureux contraste entre l’image de la vertu antique et le désespoir de la liberté perdue !

2119. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Que vous servira d’avoir tant écrit dans ce livre, d’en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque, enfin, une seule rature doit tout effacer : encore une rature laisserait-elle quelque trace, du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait tout notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant… Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ?

2120. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Leconte de Lisle, après ses deux admirables recueils, fut le maître incontesté de la poésie française ; autour de lui se groupèrent un certain nombre de jeunes poètes, qui prirent le nom de Parnassiens, lorsque l’éditeur Lemerre publia leurs vers dans le recueil du Parnasse contemporain Chacun y apporta son tempérament original, sa force de sentiment ou de pensée : le trait commun de l’école fut le respect de l’art, l’amour des formes pleines, expressives, belles.

2121. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Il est très vieux, très pâle, très blanc, avec de grands traits austères : un archevêque de vitrail.

2122. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

C’est là le premier trait qui distingue M. 

2123. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Nous savons donc sous quels traits M. 

2124. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

On arrive par l’échafaud à l’apothéose ; les caractères ont des traits accusés, qui les gravent comme des types éternels dans la mémoire des hommes.

2125. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Pour mieux dégoûter du suicide, l’ami ne craint pas de nous montrer l’impression d’horreur que cause même aux indifférents la vue d’un homme jeune et beau, d’une noble créature qui a ainsi attenté contre elle-même, et qui a tout fait pour dégrader et dévaster son image (jusque dans les traits qu’une mort ordinaire et naturelle sait respecter.

2126. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Je suis d’acier contre les injustices, et mon cœur s’amollit, mes yeux fondent en eau sur le moindre trait de bonté.

2127. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

On n’a jamais mieux fait le portrait d’un esprit, ni rendu aussi sensiblement des choses qui semblent inexprimables : lumière, suavité, netteté, vigueur, discernement et dextérité céleste, ordonnance et économie des vertus dans une âme, tout s’y représente et s’y peint d’un trait ferme et définitif.

2128. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Son teint d’une blancheur à peine rosée, sa bouche découpée, comme une bouche de primitif, sur l’ivoire de larges dents, ses traits purs, et comme sommeillants, ses grands yeux, où des cils d’animal, des cils durs et semblables à de petites épingles noires, n’adoucissent pas d’une pénombre le regard, donnent à la léthargique créature l’indéfinissable et le mystérieux d’une femme-sphinx, d’une chair, d’une matière, dans laquelle il n’y aurait pas de nerfs modernes.

2129. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Il est vrai que Banville possédait une façon féerique et charmante de dire les choses, qui enlève de la rigueur à ses axiomes, surtout quand il les formule si net et si court ; quand il est certain d’avoir enclos une loi scientifique dans la brièveté d’un verset de décalogue, c’est le plus souvent un trait heureux qu’il nous a donné.

2130. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Claretie avait envoyée à Mme Augier : « La Maison de Molière, qui était et qui est encore la maison d’Émile Augier, envoie l’expression de son respect et de ses douloureuses condoléances à Mme Augier. » Chacun citait des traits de la large et bienveillante affabilité du maître.

2131. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Mais observez la physionomie de l’opérateur : un frissonnement vient de rompre le calme de ses traits.

2132. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Les êtres surnaturels se distinguent par les traits, le caractère, les mœurs, l’apparence physique que leur prête l’imagination des conteurs ; les hommes d’après leurs professions, certaines de celles-ci étant plus souvent mises en scène que les autres66.

2133. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Le livre de Saint-Bonnet, que j’oserais critiquer dans l’architecture de sa composition s’il n’était pas bien moins un livre écrit pour le public que les Élévations solitaires d’un admirable penseur devant Dieu, ce livre de près de six cents pages étincelle de beautés de toute espèce, de rencontres heureuses, de détails charmants et de traits de génie, qui, comme des éclairs, vous entrouvrent un monde, où il n’y avait qu’un horizon !

2134. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

On a beau être un artiste redoutable, au point de vue le plus arrêté, à la volonté la plus soutenue ; et s’être juré d’être athée comme Shelley, forcené comme Leopardi, impersonnel comme Shakespeare, indifférent à tout excepté à la beauté comme Gœthe, on va quelque temps ainsi, misérable et superbe, comédien à l’aise dans le masque réussi de ces traits grimés ; mais il arrive que tout à coup, au bas d’une de ses poésies le plus amèrement calmes ou le plus cruellement sauvages, on se retrouve chrétien dans une demi-teinte inattendue, dans un dernier mot qui détonne, — mais qui détonne pour nous délicieusement dans le cœur : Ah !

2135. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Mais s’ils l’avaient exprimée, cette poésie de la Pauvreté, ce n’avait guères été qu’en passant, par traits détachés, par éclairs, en quelques groupes ou en quelques têtes flambant de génie, dans un coin de livre ou de tableau… Qui les avait vues, ces têtes, les avait contemplées ; qui les avait contemplées ne pouvait plus les oublier.

2136. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Cette morale de nos romanciers, n’est-ce pas trait pour trait la morale sensualiste ; morale qui a joui en France, à la fin du siècle dernier, d’une si triste popularité, qu’avait fondée Helvétius, que réduisirent en maximes et mirent en catéchisme Saint-Lambert et Volney ? […] Qu’est-ce, je vous prie, dans le drame de Ruy-Blas, que Don César de Bazan, sinon une sorte de Robert Macaire habillé à l’espagnole ; — gracioso crapuleux et digne du gibet ; grand seigneur qui détrousse les passants au sortir de l’orgie, et s’en vante comme d’un trait d’esprit ; truand de bonne maison qui se pavane dans sa honte et se drape dans son insolence ? […] Le Vautrin que M. de Balzac a mis au théâtre, a beaucoup des traits de Robert Macaire. […] Bornons-nous à ajouter ici à la thèse générale que nous venons d’exposer, quelques traits particuliers qui la précisent. […] Un drame qui parut quelques années plus tard, remit à la scène ce personnage sous des traits encore plus sombres, avec une physionomie plus violente et plus basse.

2137. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Les flèches de guerre ont un dard fixe très-acéré, formé par des os d’animaux ou par du bois très-dur ; quelquefois le dard est garni d’épines disposées en sens inverse, de manière à empêcher le trait de sortir de la blessure. […] Dans l’empoisonnement par le curare, la sensibilité ainsi que la volonté du mouvement existent, la contractilité et par conséquent la possibilité d’exécution du mouvement existent ; mais par cela seul que l’élément nerveux moteur qui forme le trait d’union de la sensibilité au mouvement est détruit par le poison, tout nous semble anéanti. […] L’arrêt du cœur qui produit la perte de connaissance en privant le cerveau du sang amène aussi la pâleur des traits et une foule d’autres effets accessoires dont il ne peut être question ici. […] Le sentiment commence à se manifester après un léger arrêt du cœur, imperceptible pour tout le monde, excepté pour le physiologiste ; le cœur, aiguillonné par l’impression nerveuse, réagit par des palpitations qui le font bondir et battre plus fortement dans la poitrine, en même temps qu’il envoie plus de sang au cerveau, d’où résultent la rougeur du visage et une expression particulière des traits correspondant au sentiment de bien-être éprouvé. […] Telle est, dans ses grands traits et avec ses conséquences, la doctrine des propriétés vitales, qui a longtemps dominé dans l’école malgré les justes critiques dont elle est passible.

2138. (1932) Les idées politiques de la France

Et nous le faisons d’autant plus volontiers que le trait le plus remarquable de la famille traditionaliste, c’est son importance dans le monde qui écrit et sa faiblesse dans le monde politique. […] Du haut en bas de la société, partout, aujourd’hui, le principe héréditaire, l’avantage héréditaire, l’économie héréditaire, s’affaiblissent : assaut de l’État par le prélèvement sur les fortunes et par la liquidation des fortunes, assaut de l’économie socialiste par la ruine et le discrédit de l’épargne qui en revient à la thésaurisation comme le commerce tend à revenir au troc, assaut de la politique par l’École Unique, triomphe du boursier, on pourrait même dire du bursisme intégral : le malheureux lapin héritier, fils de Simon et petit-fils de Pierre, dont la peau est employée par les partis politiques à des comparaisons insultantes, et qui a, comme on sait, commencé, se voit sur toute la ligne sacrifié à dame Belette (dont les caricaturistes donnent les traits à Léon Blum), la discoureuse, qui, un beau matin (et la journée n’est pas finie), s’est logée dans son terrier. […] La condamnation du maurrassisme a été le coup de cloche à la césure, le trait de feu qui marque le temps d’un vers aux oreilles les plus prévenues. […] L’idéologie radicale, soit la France considérée comme la France de la Révolution, la Révolution tenue pour la mystique et la religion de la France, va prendre corps pendant la monarchie de Juillet, jusqu’aux Histoires de Lamartine et de Michelet, et à l’explosion triomphale et passagère de 1848. — Le socialisme français enfin a puisé dans le saint-simonisme l’élan qui lui donne, sous Louis-Philippe et avec la République de 1848, les traits d’un romantisme de la politique, auquel le matérialisme marxiste succédera, à la manière du réalisme en littérature, du réalisme de 1857. […] Il est normal et il est probable qu’entre ces problèmes et ces partis une endosmose se produira, par la gauche du parti radical, soit par ce qui vient après le trait d’union de radical-socialiste.

2139. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Le désordre, l’action violente et brusque, les crudités, l’horreur, la profondeur, la vérité, l’imitation exacte du réel et l’élan effréné des passions folles, tous les traits de Shakspeare se conviennent. L’ordre, la mesure, l’éloquence, la finesse aristocratique, la politesse mondaine, la peinture exquise de la délicatesse et de la vertu, tous les traits de Racine se conviennent. […] Mais d’autres traits non moins anglais le soutiennent.

2140. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Le mieux que j’aie à faire c’est de raconter de notre longue conversation ce qui a spécialement trait à mon enquête. […] M. de Régnier est grand et mince ; il a vingt-sept ans ; les traits fins de sa physionomie, son œil gris-bleu, sa moustache cendrée, sa voix douce et musicale, les gestes aisés de sa main très longue donnent rapidement l’impression d’une délicatesse extrême, d’une réserve, presque d’une timidité maladive. […] Parler de lui le moins possible, fuir, pour ainsi dire, l’approche d’un éloge, par peur qu’il ne soit brutal ; amollir, par le ton et par le sourire, la fine ironie qui pointe parfois, ce sont les traits caractéristiques de la conversation de M. de Régnier. […] Agé de vingt-sept ans, assez grand, les épaules carrées, la moustache blonde coupée presque à ras, Mæterlinck, avec ses traits réguliers, le rose juvénile de ses joues et ses yeux clairs, réalise exactement le type flamand. […] …   Et, les traits comme allumés d’une concupiscence compliquée de dégoût, M. 

2141. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Naudé y ajoutait des traits de plume à la Mlle Gournay, même des fleurettes parfois à la Camus pour le joli des citations. […] Il avait de longue main, dans ses Rose-Croix, compté sur la badauderie des Français ; dans ses Coups d’État, s’il nous en souvient (chap. iv), il avait peint la populace en traits énergiques et méprisants, que l’émeute présente semblait faite exprès pour vérifier.

2142. (1813) Réflexions sur le suicide

L’un d’eux a pu défigurer les traits dans lesquels il avait lu de généreuses pensées, l’autre a souhaité de ne plus entendre la voix qui les avait excitées dans son âme ? […] mes yeux contempleront-ils vos traits vénérables ?

2143. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Avec une haute intelligence il a fait comprendre la fierté de Chatterton dans sa lutte perpétuelle, opposée à la candeur juvénile de son caractère ; la profondeur de ses douleurs et de ses travaux, en contraste avec la douceur paisible de ses penchants ; son accablement, chaque fois que le rocher qu’il roule retombe sur lui pour l’écraser ; sa dernière indignation et sa résolution subite de mourir, et par-dessus tous ces traits, exprimés avec un talent souple, fort et plein d’avenir, l’élévation de sa joie lorsque enfin il a délivré son âme et la sent libre de retourner dans sa véritable patrie. […] Ce qui me frappa beaucoup, c’est que le soleil, qui glissait par la claire-voie, éclairait le verre de la pendule et faisait paraître le grand cachet rouge, et les autres petits, comme les traits d’un visage au milieu du feu.

2144. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Dans le livre, ce sont des traits sensationnels qui poignent le cœur et rendent les yeux humides. […] Un tel est chargé du scénario ; tel autre confectionnera les portraits du traître ou du meurtrier ; un tel encore aura pour tâche spéciale de coudre les pièces détachées, traits, situations, incidents.

2145. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Soudain, dans ce site musical, dans ce fluide et fantastique site, l’orchestre éclate, peignant en quelques traits décisif, enlevant de pied en cap, avec le dessin d’une héraldique mélodie, Tannhaeuser qui s’avance ; — et les ténèbres s’irradient de lueurs, les volutes des nuées prennent des formes tourmentées de hanches et palpitent avec d’élastiques gonflements de gorges ; les bleues avalanches du ciel se peuplent de nudités ; des cris de désirs incontenus, des appels de stridentes lubricités, des élans d’au-delà charnel, jaillissent de l’orchestre et, au-dessus de l’onduleux espalier des nymphes qui défaillent et se pâment, Vénus se lève, mais non plus la Vénus antique, la vieille Aphrodite, dont les impeccables contours firent hennir pendant les séculaires concupiscences du Paganisme, les dieux et les hommes, mais une Vénus plus profonde et plus terrible, une Vénus chrétienne, si le péché contre nature de cet accouplement de mots était possible ! […] Il croit que Wagner attendait plus d’une France ennemie de l’Allemagne que d’une Allemagne dont le génie germanique est affaibli. — Il découvre le second motif dans le trait essentiel du caractère allemand, lequel est le penchant prononcé pour la critiqué, tandis que l’amour de l’action est plus marqué dans les races latines. « En règle générale, c’est l’Allemagne qui pense, et la France qui réalise la pensée allemande. » — Enfin, M. de Letamendiau a la conviction que chaque race humaine produit des grands hommes de deux catégories opposées : les uns sont la quintessence de leur race, les autres en sont la contradiction absolue.

2146. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Ils en sont toujours blâmés par ce public même, qui dans son oisiveté maligne, prend quelquefois plaisir aux traits qu’on lance contre eux. […] Mais on ne pense pas que cette distance qui affaiblit les traits de la satire, refroidit encore bien plus l’amitié que la haine, et qu’à l’égard des liaisons qui ont commencé dans l’éloignement, elles ne sont que trop souvent détruites par la présence.

2147. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Le voilà, avec ses traits hardis, bizarrement fouillés, sa joue longue, creuse et blême, hachée de rides dont chacune trahit un sarcasme guéri, une colère apaisée, une plainte réduite au silence. […] Et ce n’est là que quelques traits que je détache de ce portrait, qui est moins un portrait que la vie, la voix, le geste et l’âme d’un homme, gravés ineffaçablement sur la toile palpitante et vivante du cœur d’un autre homme.

2148. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Dans ce premier volume, l’historien exposait et développait avec le plus grand détail l’état et la constitution de l’Empire sous les Antonins ; il remontait dans ses explications jusqu’à la politique d’Auguste ; il caractérisait en traits généraux les règnes et l’esprit des cinq empereurs à qui le genre humain dut le dernier beau siècle, le plus beau et le plus heureux peut-être de tous ceux qu’a enregistrés l’histoire ; et, à partir de Commode, il entrait dans la narration continue.

2149. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il commence cette petite guerre qu’il fera au caractère de notre nation, chez qui il veut voir toujours la vanité comme ressort principal et comme trait dominant : « La nature, dit-il, a fait le Français vain et vif plutôt que gai. » Et il ajoute : « La France produit les meilleurs grenadiers du monde pour prendre des redoutes à la baïonnette, et les gens les plus amusants.

2150. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Costar, si bien connu aujourd’hui depuis la publication de Tallemant des Réaux, était de ces hommes comme il s’en rencontre dans les âges d’extrême civilisation littéraire, nourri sur les limites du beau monde et du collège, et n’ayant jamais pu être qu’entre les deux ; pédant chez les galants, et galant chez les pédants ; tout d’affectation et composé, tout d’artifice et de calcul ; bel esprit plus que savant, ne lisant que pour trier des fleurs, de jolis mots, des traits d’ornement et qui feraient merveille en citation.

2151. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Du Bois Reymond me fait l’honneur de m’écrire à ce sujet, dans une lettre du 11 avril 1868 : « Je crois que les travaux scientifiques auxquels Voltaire s’est livré avec tant d’ardeur pendant son séjour à Cirey, ont fait plus que lui fournir seulement le sujet de quelques beaux vers ; qu’ils ont eu sur son esprit une influence marquée et que c’est à eux, ou, si l’on aime mieux, à la tournure d’esprit qui seule l’en rendait capable, mais que par contre-coup ils tendaient à développer, qu’on doit rapporter ce positivisme qui forme le trait caractérislique de Voltaire.

2152. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Eugène seul et Villars restèrent en présence, et, comme l’a dit le vieux Crébillon en des vers dont ce trait rachète l’incorrection, Villars montra qu’avec un foudre de moins Eugène pouvait être vaincu.

2153. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Je me lève le plus matin qu’il m’est possible, et me couche le plus tard que je puis ; cependant la journée me semble trop courte, et plus je m’occupe, plus le temps semble fuir comme un trait d’arbalète ou un vol d’oiseau. » N’est-ce pas ainsi que le vieux Venceslas disait de ses insomnies volontaires : Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours.

2154. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il a des barbarismes tout gratuits ; parlant d’une femme (la duchesse de Gontaut) : « Elle intrigue, elle prétend déplacer les ministres, et avec cela elle s’est hypocrisée en quittant le rouge… » Mais ce même homme, au style hérissé et sauvage, a de soudaines expressions qui lui sortent du cœur, et qui d’un trait peignent un homme ou expriment des vérités politiques profondes.

2155. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

L’auteur de la Vie a esquissé à grands traits et d’un crayon vigoureux le portrait de ce célèbre montagnard, qui lui servit de tuteur, et envers qui il avait à payer une dette de reconnaissance ; il y a joint toute une plaidoirie pour sa défense et au plus grand honneur de sa mémoire.

2156. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Cette aggravation de représailles, où perçait l’esprit de vengeance, l’affligea ; elle s’en ouvrit franchement à Hume en terminant sa réponse (25 juillet) : « Après ce trait de passion, après tout ce que vous avez dit et écrit, les réflexions que je vous communiquerais, les conseils que je pourrais vous donner, seraient inutiles.

2157. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

» 35 Le dernier tableau de cette existence mondaine de Mme de Boufflers, nous l’emprunterons encore à Mme du Deffand, malgré la teinte de malveillance qui se mêle toujours à ce qu’elle dit de l’Idole, mais enfin les traits finissent par se radoucir, et ce qu’elle est forcée de lui accorder à son corps défendant a d’autant plus de prix :    « J’avais toujours oublié, écrit-elle à Walpole (4 avril 1780), de parler à l’Idole de la maladie de Beauclerk, et la première fois que je lui en ai parlé fut vendredi dernier que je lui ai appris sa mort ; elle en a été peu touchée, quoiqu’elle ait eu pour lui une petite flamme.

2158. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Le triomphe si bien ménagé de M. de Harlay en cette circonstance achève de nous le montrer dans tout son beau, j’allais dire dans tout son plein ; et, après tant de témoignages déjà produits, je ne saurais mieux le définir encore qu’avec les excellentes paroles de d’Olivet, qui cette fois (chose unique dans sa vie de grammairien et d’écrivain correct) a eu un ou deux traits de pinceau : « Personne ne reçut de la nature un plus merveilleux talent pour l’éloquence.

2159. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

On pourrait pousser longtemps cette suite de remarques ; mais, en réunissant des traits que je crois vrais de toute vérité, je ne prétends pas former un tableau.

2160. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Rien de rembranesque comme l’aspect de ce lieu qui servait aussi de grange et de pressoir : des bœufs qui ruminaient leur pitance, des ânes qui secouaient l’oreille, des agneaux qui tétaient leur mère, des chèvres qui traînaient la mamelle, des pâtres qui retournaient la litière à la fourche ; et, quand un trait de lumière enfilait l’ombre des piliers et des voûtes, on apercevait confusément des fenils bourrés de fourrage, des chariots chargés de « gerbes, des cuves regorgeant de raisins, et une lanterne éteinte pendant à une corde.

2161. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

En 1751, d’Argenson écrivait sur son journal : « Rien ne les pique aujourd’hui des nouvelles de la cour ; ils ignorent le règne… La distance devient chaque jour plus grande de la capitale à la province… On ignore ici les événements les plus marqués qui nous ont le plus frappés à Paris… Les habitants de la campagne ne sont plus que de pauvres esclaves, des bêtes de trait attachées à un joug, qui marchent comme on les fouette, qui ne se soucient et ne s’embarrassent de rien, pourvu qu’ils mangent et dorment à leurs heures733. » Ils ne se plaignent pas, « ils ne songent pas même à se plaindre734 » ; leurs maux leur semblent une chose de nature, comme l’hiver ou la grêle.

2162. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Résultats généraux du xvie  siècle Dans ce défilé rapide des écrivains du temps de Henri IV, on n’a pas eu de peine sans doute à saisir au passage quelques traits communs de ces physionomies si différentes.

2163. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Les traits sont exacts, les épithètes sont justes : l’impression d’ensemble fait défaut.

2164. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il semble à première vue que, plus un critique a d’étendue d’esprit et de puissance de sympathie, moins il doit présenter, à qui veut le définir et le peindre, de traits individuels.

2165. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Duruy n’était pas sympathique à ces deux hommes, sans doute par quelques-uns des traits que nous goûtons le plus en lui.

2166. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

De même quelques portraitistes — leur maître est aujourd’hui Whistler — synthétisent les traits caractéristiques d’une figure et, comme une auréole impalpable, font rayonner de cette image le songe de toute une existence humaine.

2167. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Ceci est un trait notable du caractère parisien curieux, gouailleur et naïf ; c’est peut-être quelque reste atavique d’une inclination, jadis normale, aux temps de vie plus chatoyante ; c’est surtout badauderie.

2168. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Ceci est un trait notable du caractère parisien curieux, gouailleur et naïf ; c’est peut-être quelque reste atavique d’une inclination, jadis normale, aux temps de vie plus chatoyante ; c’est surtout badauderie.

2169. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Ce furent ses renseignements qui fournirent à Colerus les traits de cette Vie admirable qui, bien plus que l’Éthique démontrée géométriquement, a fait de Spinoza un des saints de l’âge moderne.

2170. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Barbey d’Aurevilly, prend hautement le parti de ceux qu’il appelle les Prophètes du passé, et nous retrace, à côté de la grande figure de Joseph de Maistre, la figure ingénieuse et forte de Bonald, pour dire mon mot sur ce dernier, et pour assigner les principaux traits de sa manière.

2171. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Long, maigre, décharné même, il a le front sévère et beau, l’arc et la voûte du sourcil faits pour être le siège d’une pensée, le nez long, fin et mince, la lèvre mince également, et qui semble n’attendre que l’instant de décocher le trait cruel.

2172. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

L’analyse de ces sentiments compliqués et divers qui sont aux prises au sujet de cet enfant mystérieux, ces trois situations de la mère, du fils et du père, sont démêlées avec une rare finesse et indiquées avec une sûreté de trait un peu sèche, mais curieuse et bien sentie.

2173. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

J’aimais déjà la magnificence ; j’achetai une jolie chaise de poste, un bel équipage de cheval, de très bonnes cartes… » On aura remarqué ce trait de caractère : J’aimais déjà la magnificence .

2174. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Les traits de raillerie échappaient d’eux-mêmes de ses lèvres comme par un ressort irrésistible, mais il n’était content que quand il les avait polis à loisir et serrés les uns contre les autres en faisceau.

2175. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

En les lisant, je m’imagine qu’elles s’adressent à d’autres qu’à moi, et je ne me reconnais du tout point aux traits sous lesquels vous me dépeignez.

2176. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

(NdE)] paraît vouloir démontrer mathématiquement que nos sensations élémentaires, la constitution même de notre gamme, du spectre, notre préférence pour certains termes, dépendent rigoureusement d’un trait fondamental de l’organisation physique des êtres animés.

2177. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

C’est un trait de nature que Saurin a bien saisi dans sa pièce du joueur, et je lui en fais compliment.

2178. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

… Vous faites des coups d’État a la Richelieu, et vous voulez, comme lui, vous montrer évêque par des pièces qui, en ce genre, seraient enviées des maîtres… C’est un trait, que la manière dont vous parlez à votre troupeau de votre absence ; mais, il faut vous le dire, vous savez trop, à la fin, et vous ajoutez à la brutalité de l’étonnement !

2179. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Aucune peine ne l’affligeant, son visage était simple et uni, et le rire qui agite maintenant les nations ne déformait point les traits de sa face.

2180. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Un personnage attaché au système S, apercevant S′ et fixant son attention sur une seconde d’horloge de S′ au moment précis du dédoublement, verrait la seconde de S s’allonger sur S′ comme un fil élastique qu’on tire, comme un trait qu’on regarde à la loupe.

2181. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Dans cette vie si calme, dans cette belle vie de citoyen, dans cette communauté si pure, dans ce doux hospice, me fit naître Marie invoquée à grands cris ; et, sur votre antique baptistère, je reçus à la fois les noms de chrétien et de Cacciaguida », À ces traits naïfs, trop altérés dans toute traduction, à ce langage d’une si maligne et si poétique candeur, on peut comparer les regrets et la verve moqueuse d’Horace, ses louanges des vieux Romains et de leurs chastes épouses, son âpre censure des mœurs dégénérées et de la danse ionienne.

2182. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Dupret me proposa d’en éditer les derniers chapitres (nous raisonnions sur plan) ceux qui auraient trait à l’époque que nous traversions, c’eût été une petite grammaire et rythmique symboliste. […] Quant à l’œuvre, il n’est nullement trop tôt pour la caractériser et en fixer les traits principaux, Verlaine étant déjà dans la gloire, d’un consentement, diversement motivé, mais unanime, de tous les poètes. […] Il bâtit son paysage de quelques traits principaux, accusés et même forcés d’importance : « sur le sable rose et orange qu’a lavé le ciel vineux ». […] Un trait commun relie encore ces artistes, que Verlaine groupait dans son livre des Poètes maudits : ils ont tous des parties de génie, tous sont contrecarrés dans le développement de ce génie par quelque côté de leur esprit. […] Sa correspondance ne contient pas un mot qui ait trait à la littérature ; il ne fut en rapport avec aucun écrivain.

2183. (1774) Correspondance générale

Votre syndicat sera marqué par un trait qui, s’il n’est pas beau, est du moins unique. […] Je supplie Votre Excellence déjuger à ce trait mon ami. […] Jeune élève de Praxitèle, hâtez-vous de rendre les traits de mon auguste bienfaitrice. […] Ce « petit logogriphe », comme l’appelle avec raison Diderot, a trait à sa passion momentanée pour Mme de Prunevaux. […] Pour faire comprendre ce dernier trait, il suffit de rappeler que Desessarts avait été procureur avant d’être comédien.

2184. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Le développement complet de toutes les facultés et de toutes les convoitises humaines, la destruction complète de tous les freins et de toutes les pudeurs humaines, voilà les deux traits marquants de cette culture grandiose et perverse. […] Le petit Latimer étudia âprement, prit ses grades, et resta longtemps bon catholique, ou, comme il disait, « dans les ténèbres et l’ombre de la mort. » Vers trente ans, ayant fréquenté Bilney le martyr, et surtout ayant connu le monde et pensé par lui-même, il commença « à flairer la parole de Dieu et à abandonner les docteurs d’école et les sottises de ce genre », bientôt à prêcher, et tout de suite à passer « pour un séditieux grandement incommode aux gens en place qui étaient injustes. » Car ce fut là d’abord le trait saillant de son éloquence ; il parlait aux gens de leurs devoirs, et en termes précis. […] Car c’est le trait marquant des hommes de cet âge et de cette école, de n’avoir point l’esprit nettoyé, aplani, cadastré, muni d’allées rectilignes, comme les écrivains de notre dix-septième siècle et comme les jardins de Versailles, mais plein et comblé de faits circonstanciés, de scènes complètes et dramatiques, de petits tableaux colorés, tous pêle-mêle et mal époussetés, en sorte que, perdu dans l’encombrement et la poussière, le spectateur moderne crie à la pédanterie et à la grossièreté. […] En sorte que lorsqu’il se leva, il prit un bâton pesant de pommier sauvage, et descendit vers eux dans le cachot, et là se mit d’abord à les injurier comme s’ils étaient des chiens, quoiqu’ils ne lui eussent jamais dit un mot déplaisant ; puis il tombe sur eux et il les bat terriblement, de façon qu’ils n’avaient plus la force de s’assister ni de se retourner par terre424. » Ce bâton choisi avec l’expérience d’un forestier, cet instinct d’injurier d’abord et de tempêter pour se mettre en train d’assommer, voilà des traits de mœurs qui attestent la sincérité du conteur et font la persuasion du lecteur.

2185. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ce trait particulier est la libre et complète expansion de la nature. […] Les infinies myriades de circonstances qui accompagnent et nuancent chaque événement accourent avec cet événement dans leur tête, et non pas simplement les extérieures, c’est-à-dire les traits sensibles et pittoresques, les particularités de coloris et de costumes, mais aussi et surtout les intérieures, je veux dire les mouvements de colère et de joie, le tumulte secret de l’âme, le flux et reflux des idées et des passions qui griment les physionomies, qui enflent les veines, qui font grincer les dents, serrer les poings, qui lancent ou retiennent l’homme. […] VII En face de cette bande tragique aux traits grimaçants, aux fronts d’airain, aux attitudes militantes, est un chœur de figures suaves et timides, tendres par excellence, les plus gracieuses et les plus dignes d’amour qu’il ait été donné à l’homme d’imaginer ; vous les retrouverez, chez Shakspeare, dans Miranda, Juliette, Desdémone, Virginia, Ophélia, Cordélia, Imogène ; mais, elles abondent aussi chez les autres, et c’est le propre de cette race de les avoir fournies, comme c’est le propre de ce théâtre de les avoir représentées.

2186. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

La traduction ressemble alors à un portrait qui rendrait grossièrement les traits sans rendre la physionomie, ou en la rendant autre qu’elle n’est, ce qui est encore pis : par exemple, une traduction de Tacite dont le style ne serait point vif et serré, quoique bien écrite d’ailleurs, serait en quelque manière un contresens perpétuel ; et ainsi des autres. […] L’éloquence ne consiste proprement que dans des traits vifs et rapides ; son effet est d’émouvoir vivement, et toute émotion s’affaiblit par la durée. […] Tous les peuples ont une musique ; le plaisir qui naît de la mélodie du chant a donc son fondement dans la nature : et il y a d’ailleurs des traits de mélodie et d’harmonie qui plaisent indistinctement et du premier coup à toutes les nations ; il y a donc du réel dans le plaisir musical : mais il y a d’autres plaisirs plus détournés et un style musical particulier à chaque peuple, qui demandent que l’oreille y soit plus ou moins accoutumée ; il entre donc dans ce plaisir de l’habitude.

2187. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Comme cette confusion a créé les principales difficultés du problème de la connaissance, il ne sera pas inutile d’appuyer encore une fois sur les traits par où les deux ordres se distinguent. […] Dans la composition d’une oeuvre géniale comme dans une simple décision libre, nous avons beau tendre au plus haut point le ressort de notre activité et créer ainsi ce qu’aucun assemblage pur et simple de matériaux n’aurait pu donner (quelle juxtaposition de courbes connues équivaudra jamais au trait de crayon d’un grand artiste ?) […] Enfin, voici que le sens où marche cette réalité nous suggère maintenant l’idée d’une chose qui se défait ; là est, sans aucun doute, un des traits essentiels de la matérialité.

2188. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Gui Patin s’y dessine déjà à nous par quelques-uns de ses traits.

2189. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Ce sont ses mémoires à bâtons rompus, ses confessions : Je ne me suis laissé aller, dit-il, à composer de pièces et d’idées détachées ce recueil historique, moral et philosophique, que pour ne pas perdre les petits traits épars de mon existence ; ils n’auraient pas mérité la peine d’en faire un ouvrage en règle, et je ne donne à ce petit travail que des minutes très rares et très passagères, croyant devoir mon temps à des occupations plus importantes.

2190. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Garat avait l’air de souhaiter que je me fisse connaître davantage et que j’entrasse plus amplement en matière, mais je ne m’y sentis nullement poussé, et je me contentai d’avoir lancé mon trait… Ce n’était qu’une première escarmouche.

2191. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Je n’ai certes pas la prétention de le suivre dans toutes ses campagnes ; mais il importait de relever dans le cours d’une carrière si pleine les traits de caractère qui définissent cette humeur et ce génie.

2192. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Un trait admirable est celui-ci.

2193. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

De plus, tout en étant facile et clair, il a trop peu de ces traits vifs qui réveillent.

2194. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Elle soutient très bien la comparaison : « Et en tous ces actes, disait l’éloquent Mercure, quels traits trouvez-vous que de Folie ?

2195. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Elle connaît la route du n° 5817, où nous nous embrasserons comme des pauvres. » À Malte, qu’il croque en deux traits et qu’il définit « un rocher imprenable gâté par des fortifications qui demandent quarante mille hommes pour les défendre », ou encore « une belle maison encombrée de meubles dans laquelle on ne peut pas entier », — à Malte, Horace a un crève-cœur : « Les Anglais font la pluie et le beau temps, et exercent de ce point une influence effroyable.

2196. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

La raillerie y a aussi sa part, mais une part restreinte, tandis que, dans les épigrammes-modernes, elle est presque tout et que c’est toujours le trait et la pointe finale à quoi l’on vise.

2197. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

… Corneille, je l’ai déjà remarqué, commence toujours par le trait le plus saillant : il entame et présente la situation par l’arête vive.

2198. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance.

2199. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Valeur et bon ordre jusqu’en pleine action, c’est le trait qui distingue cette journée : Catinat avait obtenu ce résultat et imprimé son caractère et ses propres qualités à sa victoire.

2200. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

C’est ce qui ressort avec énergie de ce passage, qui rend l’amère et dernière réalité dans ses traits les plus cuisants : « (À Mme Duchambge, le 27 décembre 1855)… J’ai revu ton Breton ferré qui est venu s’asseoir cordialement avec nous, il ne sentait plus la lavande.

2201. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Je ferai observer à mon tour qu’il ne faut prendre de ces conversations redites et répétées à loisir, même quand elles sont le plus sincèrement reproduites, que le trait saillant et la physionomie : pour le détail, les inexactitudes et les à peu près s’y mêlent toujours plus ou moins, et la mémoire aussi est une arrangeuse.

2202. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

La haute source de l’admiration était là, perpétuelle et vive, et nulle part ailleurs ; et cependant l’inspiration moderne, quand elle naissait, trouvait moyen de se créer une forme à elle, une variété d’imitation qui avait son caractère et son originalité, mais qui, malgré tout, par quelque côté, devait aller se rejoindre à la grande tradition et offrir en soi des traits de ressemblance avec l’antique famille.

2203. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Mon Esprit des Journaux me rendait sur Buffon197 des dépositions originales qui ajouteraient un ou deux traits, je pense, aux complètes leçons de M.

2204. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Des traits charmants, ramenés chaque jour par les misères qui les multiplient en se multipliant, font bénir le nom de Fénelon et surtout sa présence.

2205. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Là est le trait original, et capital, de la psychologie de Corneille, toujours d’accord, je le répète, avec Descartes, et toujours conforme aussi à la réalité contemporaine.

2206. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Et les diatribes de Jean-Baptiste Rousseau et celles de Gilbert l’encontre de leurs confrères, et, plus haut encore, les traits de Virgile à l’endroit de Bavies et de Mœvius ; mais il faudrait reprendre toute l’histoire littéraire.

2207. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

André Chénier, avant de mourir par eux, décoche un trait envenimé « aux juges tigres, nos seigneurs ».

2208. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Un dévot est celui qui, sous un roi alliée, serait alliée143. » Cependant La Bruyère ajoute plus loin quelques traits plus gais à la peinture du dévot.

2209. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

. — L’abbé est inépuisable de mots et de traits plaisants, ajoute Diderot ; c’est un trésor dans les jours pluvieux.

2210. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Si on laisse de côté certains traits lancés à satiété et sans bonne grâce contre les gens qu’elle a pris en déplaisance (contre une certaine dame des sept petites chaises, par exemple, qui revenait sans cesse comme souffre-douleur et comme victime), le feuilleton créé par Mme de Girardin, en 1836, sous le titre de Courrier de Paris, était piquant, léger, gai, paradoxal et pas toujours faux.

2211. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Il y a là un chapitre bien délicat à écrire, et dont Cosnac fournirait les principaux traits.

2212. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

. — Après avoir constaté l’introduction des idées philosophiques et sociales dans le roman, Guyau nous la montre dans la poésie de notre époque, dont elle devient un trait caractéristique.

2213. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Bien avant Boileau, même avant Racine, ne sont-ils pas aujourd’hui unanimement reconnus les plus féconds et les plus riches pour les traits d’une morale universelle ? 

2214. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

On y trouve de la bonne & de la fine plaisanterie dans le goût du Lucien, mais des traits assurément trop piquans.

2215. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Si l’on ne s’en tenait point à des actions communes, (et j’appelle actions communes toutes celles où un homme en menace ou en tue un autre) mais qu’on imaginât quelque trait de générosité, quelque sacrifice de la vie à la conservation d’un autre, on élèverait mon âme, on la serrerait, peut-être même m’arracherait-on des larmes.

2216. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

En effet, un site, ainsi que chaque homme en particulier, est marqué d’un trait distinctif, porte un ensemble que l’on pourrait appeler physiognomonique, et qui le signale entre tous.

2217. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Mais il se noie dans son abondance ; mais son élégance manque de tournure, et le trait chez lui, — quand la pensée est le mieux tendue, — est toujours plus ingénieux que pénétrant.

2218. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

» Trait profond et final, flèche de Parthe — car la mort est une fuite et même la fuite des fuites — décochée, en décampant, à ces coquins d’éditeurs, ce qui, je dois l’avouer, me gâte un peu mon Chasles d’autrefois, qui se moquait trop des éditeurs pour s’en défier, comme un grand seigneur qui se soucie bien d’être volé par ses fermiers plus ou moins fripons ; et cela me gâte aussi et son discours, et sa recommandation solaire, et le soleil lui-même devant lequel il parle de ces boutiqueries, et sa nièce, enfin, qui rapporte tout cela comme une belle chose et m’annonce ainsi, avant que j’aie ouvert le livre, ce que, hélas !

2219. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

La notion de l’enfer, telle que le Moyen Age l’admettait, dans sa simplicité terrifiante, n’a donc eu pour poètes que quelques mystiques chrétiens comme sainte Brigitte et sainte Thérèse, lesquelles nous ont donné, en peu de traits, des enfers bien autrement épouvantables que celui du Dante : mais, comme il ne s’agit pas ici de poètes surnaturels, mais de poètes littéraires, nous n’avons pas à en parler.

2220. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Si, depuis cet éclat du génie de l’Espagne égal à la grandeur même de sa politique, il y eut de longues stérilités, ce n’est pas à dire que le fond de la race ait changé et qu’elle n’ait pas pour les arts une puissance originale, dont les traits se retrouvent jusque dans le génie maniéré de Gongora.

2221. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

C’est possible, et cela serait un trait de génie, mais j’en doute, et le fait primitif n’en resterait pas moins un des plus grands, sinon le plus grand fait intellectuel de l’humanité. […] Les hommes s’étonnèrent longtemps de cette découverte, presque autant que de celle du feu et, de même que les Grecs imaginèrent Prométhée, les Asiatiques avaient rêvé d’un héros du métal ; quelques-uns de ses traits se retrouvent dans la légende sémitique de Tubalcaïn. […] Il en a tenté une explication bien ingénieuse, mais qui laisse debout, je pense, les objections déterministes, dont j’ai résumé quelques traits. […] C’est là un bon trait de psychologie féline. Autre trait : Tybert, qui, dans la maison, aime à être caressé, ne se laisse pas prendre quand il joue dans le jardin ; là, il est redevenu l’animal sauvage, pour qui tout autre animal est un ennemi.

2222. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Morceau de rhétorique, mais ardente vers la fin, et mélangée de quelques traits plus précis : « Mes yeux se creusaient, je maigrissais, je ne dormais plus ; j’étais distrait, triste, ardent, farouche. […] Le jeune Chateaubriand dit fort bien — cent ans avant Taine — que « la voie spéculative et les doctrines abstraites » sont pour beaucoup dans les causes de la Révolution, et que c’est même là son trait distinctif. […] J’ai dit. » En achevant ces mots, je voulus présenter le calumet de la paix au Soleil ; mais sans doute quelque génie frappa ce chef de ses traits invisibles, car la pâleur étendit son bandeau blanc sur son front : on se hâta de nous emmener dans une autre partie de la cabane. […] Pas une expression trouvée (sauf « collines pluvieuses »), pas un trait qui enfonce. […] Je prends tous ces traits presque au hasard dans les trois premiers livres.

2223. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Quoi d’étonnant après cela qu’ayant modelé sur lut sa littérature, Flaubert se soit également assimilé son pessimisme, ce pessimisme qui a fait verser beaucoup d’encre et qu’on a eu tort de nous présenter comme un des traits les plus personnels de l’auteur de Madame Bovary. […] L’impossibilité de l’amour, la souffrance dans l’amour et par l’amour, voilà le trait spécial de Loti, ce qui explique son action sur ses contemporains, ce qu’il faut placer en première ligne, même avant son intense exotisme. […] C’est à peine s’il lui échappe çà et là quelques traits d’admiration pour la beauté de cette sœur chérie, à la façon indiscrète de Lamartine dans ses Confidences. […] Les traits de notre visage reflètent le malaise interne de cette espèce d’enfantement. […] Pour produire de l’effet, il en est réduit à accumuler, tandis que la force de Flaubert, est dans la puissance de chaque trait séparé.

2224. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

En montrant le parti aristocratique dont était Cicéron, il songe évidemment au côté droit arrivant aux affaires, et il peint l’un dans l’autre, trait pour trait218. […] Mais l’éloge oratoire a sa loi, sa convenance, son choix à faire entre les divers traits, et M. de Rémusat a su, en les indiquant, les adoucir, les idéaliser avec finesse, les subordonner à la majesté.

2225. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

— Votre Majesté, répondis-je avec une vraie douleur de ne pouvoir céder, m’a vivement ému, m’a convaincu de son éloquence ; elle serait aussi élevée à la tribune que sur son trône ; mais l’admiration n’est pas de la conversion, et je la supplie de trouver bon que je sorte de sa présence comme j’y suis entré, nullement hostile, mais libre de tout lien avec sa dynastie. » Il lâcha le bouton de mon habit, qu’il tenait encore, avec un mouvement saccadé de mécontentement visible sur ses traits, et je sortis triste mais résolu de sa présence. […] Je voyais les fronts se plisser, les physionomies se tendre, les yeux s’assombrir, les visages pâlir, le doute et la consternation se succéder sur les traits.

2226. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Quand son imagination malade se serait un peu grossi les traits du tableau, faudrait-il moins compatir à tant de souffrances ? […] Ou bien, si d’un pinceau la légère finesse Sur l’ovale d’ivoire avait peint ses attraits, Le velours de sa joue, et sa fleur de jeunesse, Et ses grands sourcils noirs couronnant tous ses traits : Ah !

2227. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

On le rencontre, on parvient à l’entourer de toutes parts ; et les chasseurs, formant un cercle autour de lui, l’attaquent à coups de traits. […] Il semblait au roi que les traits du visage de cet enfant se rapprochaient des siens.

2228. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Ce trait est fort remarquable chez Veuillot. […] Vous y aimerez tout : le naturel, la simplicité des mœurs, la bonhomie, l’esprit, le comique, — ce comique invincible qui secouait sur sa base mon bon maître Sarcey, un jour que j’étais chez lui et qu’il lisait le morceau sur les douches ascendantes, à moins que ce ne fût la conversation avec le dentiste ; — et les portraits et les paysages en trois coups de plume, et mille traits spontanés d’un pittoresque intense ; et toutes les vertus que trahissent ces libres expansions, la fierté, le désintéressement, l’indépendance, l’éloignement du monde, la douceur patriarcale envers les serviteurs, et la charité, et les larges aumônes, et la libéralité (« … N’oublie jamais qu’un chrétien doit être humble, mais magnifique. » À son Frère, I, page 284) ; et la grâce partout répandue, et, — comme il ne visite guère en voyage que des chrétiens comme lui et des gens d’église ou de couvent  un sentiment difficile à comprendre pour les profanes, le sentiment d’une sorte de franc-maçonnerie spirituelle, d’une sécurité sereine et très douce dans la communauté des croyances.

2229. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Émile Zola : chercher à saisir quelques traits de sa personnalité, mettre en évidence quelques nuances de son talent, voilà tout ce que nous voulons essayer de faire. […] On y trouve en germes la plupart des traits caractéristiques de son talent : c’est déjà la description minutieuse des hommes et des objets, la tyrannie des choses qui se fait sentir dans toute sa puissance, une intrigue toute simple, mais se développant par elle-même, aboutissant à la catastrophe par une sorte de fatalité.

2230. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

D’instinct et sans effort, ils ont rencontré le geste aisé, la parole facile, l’élégance soutenue, le trait piquant, la clarté parfaite. […] Pendant dix pages, l’idée déborde en une seule phrase continue du même tour, sans crainte de l’entassement et de la monotonie, en dépit de toutes les règles, tant le cœur et l’imagination sont comblés et contents d’apporter et d’amasser toute la nature comme une seule offrande « devant celui qui, par ses nobles fins et sa façon obligeante de donner, surpasse ses dons eux-mêmes et les augmente de beaucoup ; qui, sans être contraint par aucune nécessité, ni tenu par aucune loi ou par aucun contrat préalable, ni conduit par des raisons extérieures, ni engagé par nos mérites, ni fatigué par nos importunités, ni poussé par les passions importunes de la pitié, de la honte et de la crainte, comme nous avons coutume de l’être ; ni flatté par des promesses de récompense, ni séduit par l’attente de quelque avantage qui pourrait lui revenir ; mais étant maître absolu de ses propres actions, seul législateur et conseiller de lui-même, se suffisant, et incapable de recevoir un accroissement quelconque de son parfait bonheur, tout volontairement et librement, par pure bonté et générosité, se fait notre ami et notre bienfaiteur ; prévient non-seulement nos désirs, mais encore nos idées, surpasse non-seulement nos mérites, mais nos désirs et même nos imaginations, par un épanchement de bienfaits que nul prix ne peut égaler, que nulle reconnaissance ne peut payer ; n’ayant d’autre objet en nous les conférant que notre bien effectif et notre félicité, notre profit et notre avantage, notre plaisir et notre contentement833. » La force du zèle et le manque de goût : tels sont les traits communs à toute cette éloquence. […] La force, c’est là leur trait, et celui du plus grand d’entre eux, le premier esprit de ce temps, Edmund Burke. « Prenez Burke à partie, disait Johnson, sur tel sujet qu’il vous plaira ; il est toujours prêt à vous tenir tête. » Il n’était point entré au Parlement, comme Fox et les deux Pitt, dès l’aurore de la jeunesse, mais à trente-cinq ans, ayant eu le temps de s’instruire à fond de toutes choses, savant dans le droit, l’histoire, la philosophie, les lettres, maître d’une érudition si universelle qu’on l’a comparé à lord Bacon.

2231. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Dans la biographie des grands hommes, les traits abondent qui prouvent que l’attention spontanée dépend tout entière des états affectifs. Ces traits sont les meilleurs, parce qu’ils nous montrent le phénomène dans toute sa force. […] Il est bien inutile de parler de Newton et de tant d’autres  On dira peut-être : Ces traits sont la marque d’une vocation qui se révèle.

2232. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

En ai-je d’ailleurs bien compris, en ai-je fidèlement reproduit les principaux traits ? […] Il les dessine, il les grave, il les calque, il aime le trait cru et tranché, il aime enfin les monographies. […] Telles sont les deux philosophies opposées (malgré certains traits communs) que représentent aujourd’hui parmi nous deux esprits éminents, recommandables entre tous par la science, par la sincérité, par le sérieux, par l’absence de tout charlatanisme, M. 

2233. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Trait raphaëlesque ! […] Barbey d’Aurevilly : qu’il est dans la plus merveilleuse erreur, ou que c’est un adroit compère cachant sous le chatoiement d’un verbiage coloré une science problématique (ceci n’a trait qu’au botaniste). […] » à tout venant et à tout bout de champ : — « un livre de nature humaine, — une étude de nature humaine, — un trait de nature humaine. » Mais, morbleu, comme vous j’ai « ma nature humaine ! 

2234. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Sue paraît avoir pris à tâche de renchérir sur Saint-Simon, car il a supprimé tous les traits avantageux du modèle pour ne garder que les traits misérables et grossiers. […] Elle n’explique pas un seul trait du caractère de Louis de Rohan, et par conséquent n’ajoute rien à l’intérêt du livre. […] Elles participent à la fois des maîtres pour la forme extérieure, pour les lignes du plan, et des essais contemporains par quelques traits détachés fort étonnés du cadre où ils sont placés. […] Dans ce récit sommaire, fondé sur de nombreuses expériences, je m’abstiendrai de tous les traits qui pourraient avoir un caractère satirique ; je resterai dans la région des idées générales, et si les épisodes de ce chapitre s’appliquent, avec une littéralité rigoureuse, à plusieurs physionomies contemporaines, ce sera la faute de la vérité, mais non pas la mienne.

2235. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Et pourtant le point d’interrogation inspire toujours cette fille d’Eve : « Il ne cessait de retourner en tous sens le point d’interrogation qui restait muet comme le sphinx accroupi sur le tombeau égyptien. » J’ai noté ces quelques traits, avec beaucoup d’autres, dans la Fille d’un assassin, livre émouvant et profond où tout arrive au hasard et où chaque personnage, chaque fois qu’il doit agir, change de caractère. […] Elle s’arrête un instant devant les types les plus divers, sourit à chacun, l’esquisse en traits facilement oubliables, mais aimables. […] Tu fais donc, en les supprimant, une chose absurde ; tu supprimes la différence, la distance naturelle qu’il y a entre les idées et les choses… Le défaut de ponctuation répand sur tout ce que tu dis une certaine uniformité menteuse, et enlève aux choses dont tu parles leur vraie physionomie, leur vraie place, en les présentant toutes d’un trait et comme parfaitement pareilles et contiguës !  […] Parfois elle le rend odieux en indiquant d’un trait rapide et adroit quel épouvantable égoïsme se cache sous sa philosophie gouailleuse. « Ce n’est pas le cœur qui l’étouffe » et, dans tout ce qui n’est pas vie superficielle et banale, dans tout ce qui montre le fond de l’être, il apparaît, à travers les déchirures de sa verve, un ignoble mufle. […] « Enfin, cette merveille est un trait de lumière, une œuvre de découvertes et de maximes qui laissera l’auteur chef de religion.

2236. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Quelquefois une méchanceté noire, que j’imagine, souligne d’un trait plus vif le souvenir : Ma mère nous montra un jour sur son balcon, deux belles fleurs très rares, qui venaient d’éclore sur une plante grasse. […] La catastrophe fut, pour moi, subite et cruelle ; à l’entour tout est effacé, c’est un trait de foudre dans une nuit noire. […] L’une tenait une lanterne, au-dessus de la citerne, l’autre s’efforçait, avec des traits crispés, d’attacher une corde à l’anse d’un panier. […] Je ne criais pas, je ne pleurais pas, — puisque c’était ma faute ; — mais ils furent très effrayés du changement de mes traits. […] Je n’avais pas encore lu le Faust de Goethe, sans cela il est certain que je l’aurais pris pour Méphisto : grand, très maigre, le teint brun, les traits fins, la mince barbe effilée en pointe, il avait le regard aigu, la bouche narquoise et dédaigneuse, Il fut charmant pour sa filleule et s’apitoya beaucoup sur ce bras, que l’on était en train de serrer dans une bande de taffetas noir.

2237. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Quant au mouvement tempétueux qui accompagne ces narrations, aux dialogues piquants, chargés de traits de caractère, aux personnages divers et multiples qui grouillent dans le récit, à la variété extraordinaire d’images dont se pare le style descriptif de ce roman lyrique, — il faut se résigner à n’en rien dire. […] « De l’enseignement oriental, de l’exemple hellénique, de l’esprit latin il ne saurait plus désormais rien rester de vivant, sinon ce que l’Occident s’en est assimilé. » Mithouard nous le prouve en passant en revue nos coutumes, en choisissant les types les plus significatifs de nos œuvres d’art, en projetant de la lumière sur les traits indélébiles et permanents de notre race.

2238. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Mme de Staël que quelque trait de plume avait blessée, s’en plaignait à lui en femme, avec bonne grâce, et lui disait un de ces mots qui n’accusent d’ailleurs autre chose en Roederer que l’indépendance d’un esprit critique et judicieux : « Je ne suis pas le premier des êtres qui vous ont aimé qui se soient plaints de l’impossibilité de fixer dans votre cœur un jugement durable. » C’est qu’en effet ce qui mérite le nom de jugement durable ne se fixe point dans le cœur, mais dans l’esprit, et encore, pour peu qu’on cherche le vrai, la balance y recommence toujours.

2239. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Les accessoires du tableau, les éléments et les traits qui le justifient, se rencontrent épars, sans aucune physionomie poétique, dans la correspondance railleuse et dans les livres plus sérieux de Bonstetten.

2240. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine.

2241. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Je finirai par un trait d’elle, qui nous ramène à l’institutrice.

2242. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Je rappellerai seulement deux ou trois traits de cette lettre : « N’as-tu pas admiré, dans le discours de M. de Montesquiou, comme quoi les Français ont trop d’esprit pour avoir besoin de dire ce qu’ils pensent ?

2243. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Félix, souviens-toi bien : il est impossible que cette bonne grand-mère, et papa, et mon oncle Constant (le peintre), ne descendent pas de cette ligne dont les traits sont si différents de la race vraie Flandre. » C’est miracle qu’elle puisse étudier à travers une vie si tiraillée, si morcelée.

2244. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Pour ceux qui cherchent dans les moindres détails des traits de caractère, ajoutons que M. de La Mennais, quand il était dans le monde, avait une passion extrême pour faire des armes, et qu’il donnait souvent à l’escrime des journées entières : ce sera un symbole de polémique future, si l’on veut.

2245. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Racine a quelquefois laissé à Euripide des détails de couleur qui eussent été aussi des traits de passion : Dieux !

2246. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

La vérité de l’émotion ne prévient pas en lui l’effort du langage ; mais il a de l’âme et du talent ; il peint de traits énergiques, sans être assez simples, le chancelier de L’Hôpital, et il ajoute encore à l’admiration pour Henri IV. » Si quelque chose peut servir à marquer l’esprit et l’intention qui ont dicté la pétition de Saint-Étienne, c’est la proscription d’un tel livre, tout en l’honneur de la tolérance.

2247. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

La première partie de cet ouvrage contiendra une analyse morale et philosophique de la littérature grecque et latine ; quelques réflexions sur les conséquences qui sont résultées, pour l’esprit humain, des invasions des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres ; un aperçu rapide des traits distinctifs de la littérature moderne, et des observations plus détaillées sur les chefs-d’œuvre de la littérature italienne, anglaise, allemande et française, considérés selon le but général de cet ouvrage, c’est à dire, d’après les rapports qui existent entre l’état politique d’un pays et l’esprit dominant de la littérature.

2248. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

On les a déduits rigoureusement d’une définition primordiale ; on déduira d’eux non moins rigoureusement les autres droits du citoyen, les grands traits de la constitution, les, principales lois politiques ou civiles, bref l’ordre, la forme et l’esprit de l’État nouveau.

2249. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Le magnétisé manifeste alors une violente terreur qui se peint sur tous ses traits, et il donne tous les signes d’une conviction positive. » Quand une personne est hypnotisée, dit le docteur Tuke7, souvent « on lui fait croire par suggestion qu’elle voit un individu absent… De même on peut arriver à lui faire imaginer qu’elle entend jouer sur un instrument de musique un air déterminé, alors qu’il ne se produit aucun son ».

2250. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Cette conception est la base du respect de l’antiquité, qui est un des traits apparents de la doctrine de Boileau.

2251. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Dans le Vieux Testament, quelques touches du caractère de Caïn, une esquisse du pathétique moral auquel le sacrifice d’Abraham peut donner lieu dans les rôles du père et du fils, une notation un peu sèche, mais essentiellement juste des sentiments respectifs de Samson et de Dalila, une discrète et délicate peinture de la belle âme de Suzanne, d’heureux traits de foi timide dans Enther, et d’orgueil féroce dans Aman : voilà où l’esprit aime à se reposer dans la platitude aride de l’immense mystère.

2252. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Il a marqué Richelieu, Mazarin, La Rochefoucauld, tous les acteurs de la Fronde, de traits inoubliables.

2253. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Les traits par où ils nous ressemblent sont beaucoup plus nombreux que ceux par lesquels ils se séparent de nous.

2254. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

La clarté même de notre langue, cet enchaînement dans les idées, dont on nous loue comme d’un trait particulier qui nous distingue des autres nations modernes, sont trop souvent un piège pour notre modération.

2255. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

C’est encore un trait qui lui est commun avec Montaigne d’avoir été si heureux, ou d’avoir si bien conduit sa vie, qu’il ne lui est venu aucun mal, même de ce qu’il n’aimait pas, et que son génie semble n’avoir eue que la plus grande de ses aises.

2256. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Marquer cette nuance délicate était un trait de génie ; la peindre était le plus difficile de l’œuvre.

2257. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il s’ingénie, comme eux, à réformer l’échelle des valeurs et à dégager les traits essentiels du « surhomme ».

2258. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Un des traits caractéristiques des hommes dont je parle est d’affecter un profond mépris pour l’art idéal, la passion noble et pure.

2259. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Ainsi s’achève, dans cette fidèle affection des chevaliers pour les instruments de leur gloire, cet idéal de vertu militaire dont la réalité a fourni les premiers traits aux trouvères, auteurs de nos vieilles chansons de geste.

2260. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

.° On trouve, dans l’Ouvrage posthume, des traits de la plus grande indécence contre des hommes [M. de Pompignan entre autres] dont M.

2261. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Les Philosophes ont eu grand soin de relever avec éclat quelques traits de superstition, de condamner avec amertume certains excès de zele que la Religion condamnoit elle-même, de peser avec complaisance sur plusieurs crimes commis en son nom, quoique proscrits & anathématisés par sa morale.

2262. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Né le 9 mars 1749 d’une race florentine établie depuis cinq siècles en Provence, le cinquième de onze enfants et l’aîné des garçons, Gabriel-Honoré de Mirabeau avait, en naissant, apporté plusieurs des traits essentiels de la famille paternelle, mais en les combinant avec d’autres qui tenaient de sa mère.

2263. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Or cette prédisposition consiste précisément en une exagération pathologique et singulière de se concevoir autre qu’elle n’est et c’est ce pouvoir et cette exagération que nous montrent tous les traits par lesquels Flaubert nous la fait connaître.

2264. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Un de ces thèmes, qui dénote de la part des noirs une sensibilité assez prompte à s’apitoyer, est celui qui a trait à l’existence misérable des orphelins de mère (la marâtre joue seule ici le rôle odieux qu’elle partage dans l’imagination des Européens avec la belle-mère proprement dite).

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