Le génie a été défini une longue patience. […] La volonté a son génie, comme la pensée, et le génie défie toute prévision. […] Stoïciens, épicuriens, cyniques, tous les moralistes de la Grèce dérivent de Socrate, — non pas seulement, comme on l’a toujours dit, parce qu’ils développent dans ses diverses directions la doctrine du maître, mais encore et surtout parce qu’ils lui empruntent l’attitude qu’il a créée et qui était d’ailleurs si peu conforme au génie grec, l’attitude du Sage. […] L’un a été voulu par la nature, l’autre est un apport du génie humain. […] La même forme s’impose ainsi à deux matières, l’une fournie par la société, l’autre issue du génie de l’homme.
J’avoue que Molière, avec son génie habituel, a tiré de cette opposition des effets surprenants. […] Don Juan est une pièce bâclée ; bâclée par un homme de génie, je le veux bien ; mais horriblement bâclée. […] C’est le génie d’où elle émane, c’est le goût qui la comprend et qui la sent. […] car Molière, — et c’est là un trait de génie, — n’a pas voulu que l’amour de Tartuffe fût ridicule. […] C’est que chacune de ces interprétations est accommodée au génie propre de l’artiste.
À la représentation toute nue de l’instinct il a substitué l’étude de la passion : ç’a été chez lui le coup de génie. […] Cela fait que tout le génie de Napoléon n’a pas abouti à créer une œuvre viable. […] L’astre, noir est une « contribution » à l’étude de l’homme de génie considéré comme une monstruosité dans la nature. […] Il est des époques privilégiées où le génie souffle de toutes parts. […] Il faut qu’ils remplissent toute la mesure de leur génie.
On se demande même involontairement, quand on le lit, quand on l’a entendu à ses cours d’autrefois, ce qui lui manque pour être plus, pour atteindre à ce qu’on nomme proprement génie.
Plus vrai encore fut l’Alphonse Karr de la première jeunesse, maigre, nerveux, vétu d’une blanche robe de moine, irrité par le spectacle de la Bêtise humaine, et ne portant alors qu’une légère et noire moustache de Scaramouche, qui semblait ponctuer la poésie de son génie railleur, venu en droite ligne d’
. — Je n’ai jamais été pour un enseignement esthétique quelconque, et je suis convaincu que le génie pousse tout seul, pour l’unique besogne qu’il juge bonne.
Selon Voltaire, Anne d’Autriche avait apporté à la cour de France une galanterie noble et fière qu’elle tenait du génie espagnol, et y avait joint les grâces, la douceur et une liberté décente qui n’était qu’en France : l’anecdote des férets d’aiguillettes en diamants qu’elle avait reçus du ici, et qu’elle donna presque aussitôt au duc de Buckingham, les vers où Voiture lui parle à découvert de son amour pour ce charmant Anglais et le plaisir qu’elle prit à les lire, le soin qu’elle mit à les garder, ces détails attestés par madame de Motteville annoncent dans la reine toute l’inconsidération d’un goût très vif, et sortent des bornes de cette galanterie noble et fière et de cette liberté décente que Voltaire lui attribue.
Daguesseau portent l’empreinte du même génie.
Croit-on, au reste, que ce soit abaisser la peinture que de la réduire à son domaine propre, ce domaine que lui ont conquis le génie de ces palettes immortelles : Véronèse, Titien, Rubens, Rembrandt, Vélasquez, grands peintres, vrais peintres !
Sa naissance a été latine ; son éducation a été latine ; et jusque pendant sa maturité, si on doit supposer qu’il la vit depuis trois siècles, l’appui et les conseils du latin l’ont suivi pas à pas : le latin a toujours été la réserve et le trésor où il a puisé les ressources qu’il n’osait pas toujours demander à son propre génie.
Il est bon que ceux qui débutent dans la littérature & dans les beaux-arts, en voyant les plus beaux génies, enviés, persécutés, malheureux, apprennent à connoître la carrière où ils entrent, & qu’ils n’oublient pas ces vers de Fontenelle : Dans la lice où tu vas courir, Songe un peu combien tu hasardes.
Elles lui ressembloient par la beauté du génie, par leur talent de faire des vers enjoués, délicats & faciles, & par le dérèglement de leur conduite.
Bernardin de Saint-Pierre, qui, dans ses Études de la Nature, cherche à justifier les voies de Dieu et à prouver la beauté de la religion, a dû nourrir son génie de la lecture des livres saints.
Ce n’est pas que vous dédaigniez la lecture des chefs-d’œuvres d’Athènes & de Rome, la meilleure école du goût & du génie ; mais né avec un tempérament aussi délicat que votre esprit, & ne voulant pas vous faire de l’étude un travail pénible, vous avez pensé, avec raison, qu’on éprouvoit toujours quelque fatigue en lisant des Livres écrits dans une langue morte, dont les tours variés, les expressions singulieres, les inversions fréquentes mettent l’esprit à la torture.
Qu’il exige de génie et d’enthousiasme !
Et puis, la fécondité de génie et la vitesse d’exécution de cet artiste sont inconcevables.
Ces gens sans verve et sans génie ne sont effrayés de rien, ils ne soupçonnent seulement pas la difficulté d’une composition, voyez aussi comme ils s’en tirent.
La première est d’ailleurs sortie d’un effort collectif, tandis que la seconde reflète le génie propre d’Einstein.
Ainsi pendant 2 000 ans Homère et Sophocle, Horace et Virgile règnent sans contradicteurs, et lorsque le génie antique épuisé se laisse tomber au bas du temple où ces bras puissants l’avaient porté, alors le désordre commence pour se perpétuer pendant des siècles. […] Ce n’est pas tout à fait le cas de Lorenzaccio, mais il ne nous importe guère ; ce qui nous frappe plus que l’érudition un peu voilée du livre, c’est le caractère très bien tracé du duc Alexandre et le génie noble et enthousiaste de la marquise de Cibo. […] Chacun de ses articles célébra en quelque sorte, la découverte d’un homme de génie perdu, et je ne veux pas railler, Dieu m’en préserve, mais il me semble que je ne dépasse pas les limites de l’exacte vérité en disant qu’il suffisait qu’un pauvre poète fût bien obscur, bien méconnu pour que M. Sainte-Beuve prît subitement sa mémoire en vénération, le débarbouillât autant que faire se pouvait d’une irrespectueuse poussière, et l’offrît, nouveau fétiche, aux hommages d’un public honteux et humilié pour lui et pour ses pères de tant de grands génies si odieusement, si barbarement méconnus. […] Personne comme lui ne sait mettre le doigt sur les intentions d’un auteur et faire ressortir les particularités de son génie ; il a une puissance très vive de pénétration et une sagacité merveilleuse.
Ce doit être, en ce cas, un puissant génie que l’auteur des lignes suivantes. […] Quant au génie de M. […] C’est le génie patient d’Alfred Vallette. […] Notre aîné, nous l’admirions pour le présent et la certitude que nous avions de son génie nouvellement porteur d’un monde. […] (J’ai dit qu’en Mallarmé existe un sens de génie, mais aussi une ingéniosité et une propension au paradoxe qui le gâtent.
Il quitte un homme de génie ou une femme d’esprit pour causer avec une pécore titrée ou un lord ivrogne. […] Quelque constitution qu’il choisisse, un peuple est toujours à demi malheureux ; quelque génie qu’il ait, un écrivain est toujours à demi impuissant. […] Le style et les actions s’élèvent jusqu’à la grandeur de l’épopée. « Au mot Hulot et deux cent mille francs, Valérie eut un regard qui passa, comme la lueur du canon dans sa fumée, entre ses deux longues paupières. » Un peu plus loin, surprise en flagrant délit par un de ses amants, Brésilien et capable de la tuer, elle fléchit un instant ; redressée dans la même seconde, ses larmes sèchent. « Elle vint à lui, et le regarda si fièrement que ses yeux étincelèrent comme des armes. » Le danger la relève et l’inspire, et ses nerfs tendus envoient à flots le génie et le courage dans son cerveau. […] Le tour de force, j’allais dire le tour de génie, est aussi grand que l’effort et le succès de Courier retrouvant le style de l’antique Grèce. […] « L’esprit et le génie perdent vingt-cinq pour cent de leur valeur en abordant en Angleterre. » (Stendhal.)
On dit souvent qu’il y a dans Virgile beaucoup de traits du génie moderne, et qu’il demeure par là original entre les Anciens. Il est vrai qu’il n’y a pas seulement chez lui des traits de passion, on y trouve déjà de la sensibilité, qualité moins précise et plustôt moderne ; mais pourtant on est trop empressé d’ordinaire à restreindre le génie ancien ; en l’étudiant mieux et en l’approfondissant, on découvre qu’il avait de vin plus de choses que notre première prévention n’est portée à lui en accorder. […] Pétrone, parlant d’un poëme de la Guerre civile, en esquisse largement la poétique en ces termes : « Il ne s’agit pas, dit-il, de comprendre en vers tout le récit des faits, les historiens y réussiront beaucoup mieux ; mais il faut, par de merveilleux détours, par l’emploi des divinités, et moyennant tout un torrent de fables heureuses, que le libre génie du poëte se fasse jour et se précipite de manière qu’on sente partout le souffle sacré, et nullement le scrupule d’un circonspect récit qui ne marche qu’à couvert des témoignages102. » On se ressouvient involontairement de cette recommandation en lisant les Argonautes ; non certes que les fables et les prodiges y fassent défaut : ils sortent de terre à chaque pas ; mais ici ces fables et ces prodiges sont, en quelque sorte, la suite des faits mêmes, et il ne s’y rencontre aucune machine supérieure, aucune invention dominante et imprévue, pour donner au poëme son tour, son impulsion, sa composition particulière. […] Dans le cas présent, en détournant à mon dire cette pensée de Pline, je la traduirai plus modestement et dans un sens plus vrai, de manière à tout respecter, à tout ménager : parmi les œuvres des antiques génies, dirai-je simplement, quelques-unes sont plus célèbres, et d’autres le sont moins qui se trouvent belles encore.
Pour Victor Hugo, ce génie lyrique par essence, à l’inspiration large toujours, sinon toujours mesurée, les choses prenaient vie et âme : il croyait les entendre tour à tour, ou mieux encore toutes ensemble, et il a fait de son œuvre un chœur immense, puissant parfois jusqu’à assourdir, duquel se dégage, comme une voix d’airain retentissante et prophétique, la voix même de la nature, telle qu’elle a résonné au cœur du poète. […] Ils vouaient leur génie à cette œuvre illusoire ; Se fiant à lui seul, ils ne pouvaient pas croire Qu’ayant l’intelligence ils dussent regarder. […] Les strophes qui suivent nous montrent dans les transports de l’amour ce que Schopenhauer appelait la « méditation du génie de l’espèce » pour conserver l’humanité : Quand, pressant sur ce cœur qui va bientôt s’éteindre Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas, Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre L’infini dans vos bras, Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims, Ces transports, c’est déjà l’humanité future Qui s’agite en vos seins. […] Il nous décrit, à sa façon, la méditation du génie de l’espèce dont sa propre vie est sortie.
Dans ces alliances adverses, dans ces idéaux contradictoires, semble résider le génie, l’originalité, le caractère, l’indice psychologique particulier de Flaubert, qui n’eut dans toute sa carrière, que cette chose chez lui primordiale et terme commun, le style. […] Le mot, qui, selon les linguistes allemands (Steinthal, Geiger), est à l’idée ce que le cri est à l’émotion, ne peut constituer l’antécédent de l’idée, que lorsque le langage, énormément développé par des génies verbaux de premier ordre, devient quelque chose que l’on apprend, que l’on emmagasine, et non un mince bagage traditionnel, qu’il faut utiliser et augmenter selon ses besoins. Or que l’on se rappelle que Flaubert vécut au déclin du romantisme, qu’il put absorber et absorba en effet l’énorme vocabulaire du plus grand génie verbal de tous les temps, qu’il admira Hugo avec la ferveur d’un disciple et d’un semblable2. […] Mes accès antérieurs ont eu lieu par violations exercées sur ma personne ; mais le bras de Dieu s’est appesanti d’une manière effrayante sur ceux qui ne sont pas revenus à lui… etc. » Que l’on fasse abstraction de l’absurdité des idées et que l’on considère seulement la brièveté et la rondeur des phrases, leur suite incohérente ou faiblement liée, toute l’allure mesurée et cadensée de ce petit morceau ; il semblera incontestable aux personnes qui ne répugnent pas par préjugé à l’assimilation d’un fou et d’un homme de génie, que certains passages de Flaubert sont l’analogue lointain et cependant exact de cette littérature d’asile.
Il y a dans Homère et Moyse une simplicité, dont il faut peut-être dire ce que Cicéron disait du retour de Régulus à Carthage : laus temporum, non hominis ; c’est plus l’effet encore des mœurs que du génie. […] C’est que l’esquisse est l’ouvrage de la chaleur et du génie, et le tableau l’ouvrage du travail, de la patience, des longues études et d’une expérience consommée de l’art. […] Il y a un technique traditionnel auquel l’homme de génie se conforme ; ce n’est plus d’après la nature, c’est d’après ce technique qu’on le juge. […] Le port de Rome est beau, mais il y a moins de génie.
Un chapitre particulier y traite du Roman de Renart, une des plus curieuses et des plus spirituelles productions du génie satirique du Moyen Âge. […] Il en a fait ces admirables petits drames, qui vont parfois jusqu’à la grandeur : mais son talent et son génie, ç’a été surtout de s’y être mis lui-même, de n’y avoir vu qu’un cadre à parler de l’amitié, de la campagne, de la solitude, du sommeil, de tous ces charmes qu’il sentait si bien : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
À l’époque où Commynes, le seigneur d’Argenton comme on l’appelle, connu pour sa prudence éprouvée et par la longue confiance de Louis XI, est envoyé à Venise, à ce poste d’honneur de la diplomatie, pour y lutter de finesse avec les rusés Vénitiens, avec ce gouvernement qu’il admire et dont il nous définit si bien le génie, de grands changements s’étaient accomplis depuis le temps de Henri Dandolo : toute trace de démocratie, comme aussi toute velléité de monarchie, y avait disparu ; le doge, toujours honoré comme un roi, ne pouvait plus guère rien par lui-même ; le patriciat et les Conseils étaient tout. […] Admirons dans un tel exemple le génie héroïque du xiie siècle, et aussi l’historien homme d’armes, qui le fait si bien saillir.
Lorsque Fénelon, jeune, entendait les prédicateurs les plus célèbres de son temps, et Bourdaloue tout le premier, il n’était point entièrement satisfait ; il eût voulu en maint cas une manière de prêcher plus vive, plus courte, plus familière, plus nuancée ; il eût voulu qu’on ne pût en rien soupçonner que le discours qu’on écoutait était un discours écrit à l’avance, appris et retenu, mais qu’à de certaines inflexions, à de certaines marques involontaires et même à des négligences, on crût sentir que cela était dit de source et d’abondance de cœur, et que cette éloquence coulait de génie. […] Avouons-le : on sent la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation.
Simple, dépourvu d’extérieur, ne cherchant pas à montrer son esprit, qui était pourtant remarquable, négligent même lorsqu’il avait encore toute l’activité de la jeunesse, déjà très dégoûté de la guerre, sacrifiant beaucoup à ses plaisirs, il n’avait pas cette hauteur d’attitude, naturelle ou étudiée, qui impose aux hommes, qui est l’un des talents du commandement, que Napoléon lui-même négligeait quelquefois de se donner, mais qui était suppléée chez lui par le prestige d’un génie prodigieux, d’une gloire éblouissante, d’une fortune sans égale. […] Si je ne savais combien il aime Raphaël, je ne verrais pas trop ce que vient faire Raphaël en cet endroit : Voulait-il peindre une Vierge, ce beau génie, dit-il, cherchait dans les trésors de son imagination les traits les plus purs qu’il eût rencontrés, les épurait encore, y ajoutait sa grâce propre, qu’il puisait dans son âme, et créait l’une de ces têtes ravissantes qu’on n’oublie plus quand on les a vues.
J’avais écrit sur Tocqueville dans le Moniteur et en le faisant j’avais eu en vue deux choses : témoigner d’abord, dans le journal même du Gouvernement, de mon respect et de mon estime pour un adversaire de haut mérite ; et, en second lieu, à la veille d’une grande solennité littéraire, au moment où l’on allait peut-être essayer de nous donner un faux Tocqueville, j’avais tenu a en présenter un vrai et à prendre, autant que je le pouvais, la mesure de l’homme, avant qu’il passât à l’état de demi-dieu ou de pur génie par le fait de l’apothéose académique. […] … La question générale ainsi posée, en ces termes abstraits, serait d’une solution peut-être trop commode ; mais la vraie solution pratique consiste à savoir si telle nation, dans telles circonstances données, avec son humeur, son génie, son passé récent, son culte de souvenirs, ses besoins d’ordre et de réparation, ses autres besoins innés et non moins réels d’initiative, de prépondérance et de grandeur, peut et veut se gouverner de la première manière, si elle en est avide, désireuse et capable, si ce gouvernement de soi par soi-même n’aboutirait pas à la ruine de tout gouvernement, à l’anarchie et à la subversion.
Je le prendrai surtout par ses côtés accessoires et où il aurait pu exceller très-vite, pour peu qu’il s’y fût adonné : il y avait en lui l’étoffe d’un savant littérateur autant peut-être que d’un grand musicien ; et il le montra bien lorsque, dans ses dernières années, il eut si peu d’efforts à faire pour être aussitôt un secrétaire perpétuel tout formé, un orateur académique des plus spirituels et des plus avenants Ce n’est pas de lui, certes, qu’on aurait dit, comme d’un autre compositeur célèbre en son temps : « C’est une bête, il n’a que du génie. » Il était un beau talent servi par un habile esprit. […] Le portrait d’un parfait secrétaire de l’Académie des Beaux-Arts, tel que je le conçois, serait à peu près celui-ci : Avoir une parole grave et agréable, sévère et ornée, même gracieuse : les beaux-arts ne se séparent jamais des grâces ; — être l’homme d’un art peut-être, mais surtout et plus encore de tous les arts ; être visité et non possédé par tous les génies : Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme !
L’esprit de Lucrèce, on le connaît aussi : c’est le génie de la nature puisé à sa source, embrassé dans toute sa grandeur et dans sa puissance, et aussi adoré dans sa fleur et sa vénusté. […] Ayant à choisir entre les trois génies, c’est sous celui de Virgile que M.
Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M.
On m’apprenait dernièrement que cette Chute des Feuilles, traduite par un poëte russe, avait été de là retraduite en anglais par le docteur Bowring, et de nouveau citée en français, comme preuve, je crois, du génie rêveur et mélancolique des poëtes du Nord. […] Si l’on pouvait apporter de la précision dans de semblables aperçus, je m’exprimerais ainsi : Pour les sentiments naturels, pour la rêverie, pour l’amour filial, pour la mélodie, pour les instincts du goût, l’âme, le talent de Millevoye est comme la légère esquisse, encore épicurienne, dont le génie de Lamartine est l’exemplaire platonique et chrétien.
La plupart des gouvernements sont vindicatifs, parce qu’ils craignent, parce qu’ils n’osent être cléments ; vous, qui n’avez rien à redouter, vous, qui devez avoir pour vous la philosophie et la victoire, soulagez toutes les infortunes véritables, toutes celles qui sont vraiment dignes de pitié ; la douleur qui accuse, est toujours écoutée ; la douleur a raison contre les vainqueurs du monde ; que veut-on, en effet, du génie, des succès, de la liberté, des républiques, qu’en veut-on, quelques peines de moins, quelques espérances de plus ? […] des guerriers pendant la paix, des génies dans l’art de la guerre, alors que toutes les pensées se tourneront vers la prospérité de l’intérieur, et que les dangers passés laisseront à peine des traces.
Et puis, permis à Gœthe, un Allemand, de n’y point faire attention : mais enfin celui dont Ronsard expia les péchés, celui qui méconnut le génie de la langue, qui l’enfla d’inventions fantastiques jusqu’à « la faire crever », celui qui alla à l’encontre de tous les préceptes et de l’esprit du maître, ce fut Du Bartas ; on sait l’abus qu’il fit des composés : « guide-navire, échelle-ciel, brise-guérets, aime-lyre », et une infinité d’autres. […] Et ainsi la Ménippée tient sa place dans l’histoire de la pénétration de l’esprit français par le génie ancien.
Enfin, et c’est le dernier facteur du génie de Mme de Staël qu’il nous faille considérer, elle n’a pas du tout une nature artiste. […] D’autres affirment que les règles dramatiques ont été définitivement arrêtées dans telle année, et que le génie qui voudrait maintenant y changer quelque chose a tort de n’être pas né avant cette année sans appel, où l’on a terminé toutes les discussions littéraires passées, présentes et futures.
Celui qui n’a qu’un talent peut être un grand génie ; celui qui en a plusieurs est plus aimable. […] Quand on s’y met une fois, ce n’est pas pour peu : « Nous avons compté hier au soir, écrit Mme de Graffigny, que, dans les vingt-quatre heures, nous avons répété et joué trente-trois actes, tant tragédies, opéras, que comédies. » C’étaient des excès après un carême : « C’est le diable, oui le diable, que la vie que nous menons. » Dans ces grands jours et durant ces semaines dramatiques et féeriques, Voltaire est à l’état de pur génie.
Ce Ducis, auteur dramatique, qui fut très contesté en son temps, mais qui réussit, somme toute, en dépit des résistances de Le Kain, des impatiences de Voltaire, des rudesses de Geoffroy, ce Ducis, qui fit couler bien des larmes sous Louis XVI, et que Talma, dans notre jeunesse, nous a ressuscité parfois avec génie, est aujourd’hui mort, ou à peu près mort ; et, s’il n’y avait que ce côté-là en lui, nous ne viendrions pas le tirer de ses limbes. […] Il eût été digne de connaître face à face ce génie qu’il admirait confusément, et d’allumer son âme au tonnerre même.
n’est qu’un déiste momentané, comme tout déiste, et dont toute la théologie est celle du Mondain de Voltaire, — le plus chétif des types de l’homme que ce génie de la superficialité pût rêver ! […] Très élégante, très spirituelle, mais très extravagante, ayant déjà les taches de la corruption parisienne sur l’esprit au moins, si elle ne les a pas sur le cœur, possédant au plus haut degré le génie de l’ironie et de la plaisanterie parisiennes, aveugle sur son père qu’elle admire d’enfance et de confiance, parce qu’il a toujours été heureux dans ses plans et qu’il est fou d’elle, madame de Manteigney est la femme amoureuse de son mari, maigre, mièvre, mal fait, chétif, jaunâtre, roussâtre, un crevé du temps, qui lui mange sa dot et ses diamants avec des filles.
Je ne vois pas en quoi il est opposé au génie de la langue poétique. […] Elles ne s’écartent en rien du génie de notre race et tendent à donner un peu d’élasticité à des préceptes dont l’étroitesse ne peut que nuire à l’essor poétique, puisque la poésie est l’expression musicale et rythmée du sentiment et des idées.
La Petite Fadette fut le premier gage de la réconciliation de Mme Sand avec son génie. […] Vous vivrez maintenant au milieu de ce peuple idéal que le génie crée et qui vit du souffle immortel de l’art. […] Cet amour fut le plus sûr de son inspiration et la moitié au moins de son génie. […] C’était véritablement le triomphe de ce qu’on a nommé plus tard l’inconscient dans le talent ou dans le génie. […] elle les avait presque tous oubliés, et ce n’était pas une affectation, c’était une des formes ou l’un des signes de ce génie naturel qui travaillait en elle presque sans un effort de volonté.
Pareil honneur arrivera un jour à tous ceux qui ont le génie du souverain, et aux mains de qui ne dépérissent point les destinées de la patrie.
Elles sont affligeantes, elles sont profondément immorales, ces sortes d’orgie d’un beau génie en délire ; et quand, dix années plus tard, aux approches d’une mort inévitablement prochaine, on voit éclater de point en point la contrepartie de ces scènes indécentes, quand un prêtre en habit court, introduit dans la chambre du moribond, l’obsède de ses dévotes violences, quand le même Wagnière caché, comme autrefois, derrière une porte, non plus pour rire d’un moine imbécile, mais pour sauver son maître d’un moine hypocrite, écoute tremblant, la main sur son couteau, et s’élance aux cris du vieillard, on tire d’un rapprochement si naturel et si terrible une condamnation plus sévère encore de ces jongleries philosophiques qui provoquent et semblent absoudre les persécutions religieuses.
Mais, le jour où il écrivait la Fille de Roland, cet honnête homme a, à force de sincérité, écrit, si je puis dire, une œuvre supérieure à son propre talent… Sans doute, le génie d’expression épique et lyrique n’est pas tout à coup descendu en lui par une grâce divine.
[Génie du christianisme, 2e partie, livre III, chapitre VI (éd. de 1809).]
Dans sa pièce des Mages, Victor Hugo fait défiler tous ceux en qui Dieu se concentre, toutes les têtes fécondées : Génie !
Le génie de Moreau était sain et vigoureux ; il ne l’avait emprunté nulle part ; le pauvre enfant avait eu à peine le temps de lire.
Après les avoir longtemps admirés du dehors, je priai le génie qui m’accompagnait de me laisser pénétrer dans leur intérieur.
Chez les poètes, chez les artistes de tous ordres, que possède à quelque degré le Génie de la Connaissance, il existe une tendance à faire de leurs émotions des spectacles, et, cette transformation de leur activité les dispense parfois de la satisfaire, d’une façon durable, sous sa première incarnation.
Ils étoient tous deux de la même province que Rotrou & Corneille : tant il est vrai que les grands & les petits génies sont de tous les climats.
Cette reconnaissance d’Ulysse et de Pénélope est peut-être une des plus belles compositions du génie antique.
Ses Œuvres diverses sur l’Artillerie & le Génie, ont été réimprimées, in-8°., 1764.
Il faudrait tout simplement avoir leur génie pour avoir leur pensée.
Le recueil de ses discours est la plus magnifique table de matières qu’on ait jamais tracée pour un traité de morale qu’il n’écrivit pas, mais dont il parla peut-être quelques chapitres, les jours où l’inspiration de la chaire, cette inspiration qui consume tout du génie d’un homme, le saisissait !
Deux qualités positivement bonnes, supérieures et rares, et qui constituent à notre jeune poète une originalité meilleure que celle que nous lui composions plus haut avec les indigences de son génie !
La mémoire rappelle les objets, l’imagination en imite et en altère la forme réelle, le génie ou faculté d’inventer leur donne un tour nouveau, et en forme des assemblages, des compositions nouvelles.
Avec cela et du génie, on va toujours. […] Chuquet a le génie de la précision, du détail exact et significatif, du récit incisif et vivant. […] Fut-elle une femme de génie ? […] Elle avait le génie de la bonté et elle en avait l’art. […] Le plus souvent le grand homme est un homme comme un autre, son génie à part.
Il leur conteste leur génie militaire, leur génie philosophique, leur génie scientifique. […] Elle n’est point un de ces grands génies qui donnent comme un coup de barre à l’esprit public et coudent la ligne du sillage. […] Mme de Staël comprend très bien ce génie du Nord. […] Mme de Staël a le génie inventif et non le génie créateur. […] Comme Chateaubriand avec son Génie du christianisme, elle ouvrait de très larges voies avec une théorie un peu étroite.
En perdant l’ouïe, Beethoven n’a rien perdu de son génie. […] Dans la frise, les bons génies de la maison portent en triomphe la couronne avec les fleurs et les fruits de l’année heureuse ». […] Ainsi chacune de ces poses, si usitées dans l’art, a été d’abord une trouvaille que l’on éprouve le besoin d’attribuer à quelque artiste de génie. […] On ne trouve pas l’idéal du beau d’un coup de génie, pas plus qu’on ne fait une statue d’un coup de pouce. […] C’est la nature élaborée par le génie humain, c’est la réalité transfigurée par l’esprit.
Il fût entré, par une pente douce, dans la familiarité du génie ancien. […] Il y a plus d’inattendu génie dans une seule larme ou un seul sourire de ce maître que dans tous les froids décors de nos pensers. […] Il y a des sujets que les hommes de génie ne réussissent pas à épuiser et que les médiocres eux-mêmes ne peuvent défraîchir. […] Mais combien cette pénible élocution est préférable à la banale facilité de ceux dont le génie puéril se joue sur les surfaces ! […] « Ce qui distingue, dit-il, le génie des peuples germains, ce sont ses préoccupations morales.
L’homme de génie, suivant Hello, est celui qui n’a qu’une idée. […] Le génie de notre peuple, les qualités de notre intelligence persistent au cours des vicissitudes des âges. […] C’est qu’une même ferveur panthéistique enflamme nos deux génies. […] Notre génie français « reprit donc et modifia si bien ce qu’il s’était d’abord assimilé, que nos temps classiques recommencèrent la construction ogivale avec un inflexible et rationnel vouloir ». […] Mais notre génie français ne saurait vivre parmi ces oscillations folles.
L’Académie ne pouvant espérer de les comprendre jamais, ces talents ou même ces génies d’écrivains, dans ses appels et ses récompenses, ne peut vouloir les atteindre seulement par sa critique, si fine que soit cette critique, si spirituelle que soit l’épigramme.
Il est beau que le même homme qui ouvrit le siècle en 1801 par le Génie du Christianisme soit celui qui, après quarante-trois ans, fournisse encore la nouveauté à la saison de 1844.
Cependant, des commissaires envoyés à Corfou avaient ordre d’y rassembler des munitions de tous genres : des officiers du génie, d’artillerie, parmi lesquels on cite le général Foy, levaient le plan de la Macédoine et de la Servie ; Ali-Pacha, jaloux de la Porte, ne semblait pas défavorable aux Français.
Rien n’est plus dangereux que de l’esprit sans caractère, que le génie auquel manque la matière.
Pour peindre le génie de l’éloquence improvisée, indélibérée, il l’a heureusement comparé au cavalier numide qui monte à cru son cheval fidèle.
Ce n’est pas autrement que Manet, dont certes le génie n’admettait nulle complaisance, nulle flagornerie pour la foule, allait chaque jour au Salon se faire une pinte de mauvais sang à écouter les drôleries débitées devant ses cadres.
Entrez hardiment, avec votre génie propre, dans le concert de l’œuvre française ; portez-y votre raison, votre maturité.
À la fin du xviie siècle, à partir de 1685 environ, quand le génie du poète a été sacré par la mort, sa mémoire se relève, témoin Crébillon père qui le prend pour modèle et Fontenelle qui le vante par esprit de famille.
Il sait que l’art, sous toutes ses formes, peut tout espérer des nouvelles générations dont on entend sourdre dans nos ateliers le génie encore en germe.
Revenons aux idées religieuses, si nous attachons quelque prix aux œuvres du génie : la religion est la vraie philosophie des beaux-arts, parce qu’elle ne sépare point, comme la sagesse humaine, la poésie de la morale, et la tendresse de la vertu.
Si l’on dit qu’un auteur grec ou romain eût pu faire un Tartare aussi formidable que l’Enfer du Dante, cela d’abord ne conclurait rien contre les moyens poétiques de la religion chrétienne, mais il suffit d’ailleurs d’avoir quelque connaissance du génie de l’antiquité, pour convenir que le ton sombre de l’Enfer du Dante ne se trouve point dans la théologie païenne, et qu’il appartient aux dogmes menaçants de notre Foi.
Il a plus de chaleur et de génie que Vien ; et il ne le cède aucunement pour le dessin et pour la couleur à Vanloo qui ne fera jamais rien qu’on puisse comparer à son St André et à son Saint Victor.
On y observera l’ordre hiérarchique des connaissances et des génies, et c’est pour cela qu’on commence aujourd’hui par ce qu’il y a de plus général dans la pensée : les Philosophes et les Écrivains religieux.
Le pressentiment du repos définitif se faisait place à travers les dernières fatigues du jour ; il jouissait à moitié de l’apaisement que sa politique, si conforme au génie de son maître, avait assuré à l’Europe. […] Le futur cardinal et l’immortel compositeur ne firent plus qu’un cœur ; il s’attacha à la femme et à la fille de Cimarosa, il s’incorpora à ce génie, et ne cessa, pendant toute sa vie, de prodiguer aux divers artistes les occasions et les faveurs que son rang dans l’Église lui permettait de prodiguer à son ami. […] Le cardinal, tel que nous venons de le dépeindre, quoiqu’il eût à cette époque soixante ans, avait mieux que la beauté : il avait tout le charme que la renommée, le génie, l’attrait physique et moral pouvaient inspirer à une femme lasse d’amour, mais non d’empire.
A travers les différences de caractère ou de génie, un trait commun rapproche les ouvriers de cette poésie immense et variée comme le monde et l’histoire : le culte du beau plastique. […] Le poète (et ceci a tout l’air d’une trouvaille de génie) veut que l’arche ait été construite malgré Jéhovah et que Kaïn, son Kaïn immortel et symbolique, l’ait empêchée de sombrer L’homme, continue le vengeur, couvrira de nouveau la terre, non plus indompté, mais lâche et servile. […] Après Marathon et Salamine, une sorte de joie héroïque les transporte, et leur génie s’épanouit en œuvres confiantes et superbes.
Montrons, autant qu’il sera en nous, par des documents d’ordre privé, des souvenirs, des notes familières, ce qui fut l’homme en ce créateur prodigieux qui a tiré de soi-même un art complet, à jamais vivant ; racontons s’il se peut, la genèse de ses ouvrages, de la conception première au plein épanouissement de l’exécution et, tout au moins, efforçons-nous d’en traduire le frisson particulier ; descendons à l’examen des procédés techniques — surtout des moyens expressifs ; répandons, enfin, notre admiration profonde et raisonnée pour ce génie hors de pair qui a ramené le Théâtre musical à l’humanité, à la vérité, à la musique. […] Le génie germain est vraiment en lui. […] « Il ne fallait rien moins que le génie de Wagner pour faire accepter au public un drame aussi complètement subversif de toutes les lois théâtrales… » M.
Ceux qui combattent l’hérédité citent des faits qui leur semblent concluants : le fréquent défaut de ressemblance des parents et des enfants, la postérité des hommes de génie si souvent médiocre. […] Enfin, l’exemple le plus frappant est celui de Sébastien Bach, dont le génie musical se retrouve, à un degré inférieur, chez trois cents Bach, issus de diverses mères270. […] Nous n’attendons pas que deux scrofuleux engendrent un enfant sain, que des parents irascibles produisent un caractère doux, que deux idiots donnent naissance à un homme de génie.
le génie du mensonge qui est en cette femme se retire d’elle subitement, comme à l’évocation d’un exorciste. […] Passe pour Franklin et Fulton — des génies de manufacture ; — mais que Raphaël, Machiavel et Shakespeare aient travaillé en vue du salaire, là est l’erreur et le paradoxe. Les génies de cette sphère obéissent à un plus noble aiguillon ; ils créent par instinct et par vocation, sans plus se soucier de la rétribution de leurs œuvres que l’arbre ne s’inquiète du prix de ses fruits.
Pour eux, aucune liberté, je veux dire aucune libre respiration, si rien d’allemand pèse sur le territoire et le génie de la France. […] » Il était, plus que jamais, tout génie et tout héroïsme. […] Jules Véran me raconte qu’un soir, au Mort-Homme, quand l’heure de l’attaque approchait pour un régiment provençal et que les chefs inquiets d’un bombardement effroyable se demandaient si leur signal serait entendu, une voix entonna la Coupo santo de Mistral… C’est un hymne religieux, vous savez de quelle beauté, à la gloire de la terre et des traditions, et qui réunit dans l’enthousiasme tous les fils du génie provençal… Une voix entonna, tous s’y joignirent et, la minute sonnée, c’est aux accents de cette Marseillaise de Maillane que les soldais du 15e corps conquirent la citation dont ils sont aujourd’hui si fiers…
Toujours du grandiose, du sublime, du génie ! […] À quoi sert donc le génie, puisque cette femme extraordinaire n’a pas vu qu’en visant Napoléon elle risquait d’atteindre la France au cœur ? […] » Plus tard, il se ressaisit, recouvra son génie, regarda stoïquement pâlir son étoile et redevint grand dans l’adversité. […] Le génie malheureux du grand homme n’est pas plus sublime que l’héroïsme des humbles qui le suivent et qui le défendent. […] La collaboration de ce génie était nécessaire au progrès de la nation française.
Il faut bien l’avouer, au risque de scandaliser les idolâtres du génie de l’auteur de la Comédie humaine, le style de Balzac vieillit, en supposant qu’il ait jamais été jeune. […] Sans doute, il faut faire la part du génie particulier des écrivains et de leur liberté intellectuelle et morale dont ils usent ou abusent à leur gré, comme il faut faire la part de la liberté de ceux qui les lisent. […] Alexandre Dumas, qui ont entrepris, l’un dans Les Mystères de Paris, l’autre dans Monte-Cristo, de diviniser le génie de l’homme. […] S’il a le talent du récit, il n’a pas le génie du drame. […] Avec le génie antithétique de M.
Ampère, a droit de faire remarquer que le génie des lieux et des races se maintient et subsiste à travers les siècles, que je ne sais quoi de doux, de suave et de clair, s’est retrouvé, bien longtemps après, dans la bouche et sur les lèvres de certains orateurs français, sortis de cette contrée voisine de Marseille : Massillon et Fléchir, Maury et Cazalès, et d’autres plus modernes. — Plus tard ou même déjà, les écoles de Bordeaux étaient célèbres et présageaient les succès oratoires de la Gironde. […] Quelles que soient les erreurs auxquelles son système l’a en traîné, l’œuvre de Raynouard n’en est pas moins celle d’un homme d’un éminent talent, si l'on ne veut pas lui concéder le génie. » Nous n’avons rien à ajouter après de tels suffrages. En résumé, Raynouard, dans son patriotisme méridional, a eu une prétention excessive, à la fois ingénieuse et bizarre, qui d’ailleurs, même lorsqu’elle est détruite, laisse subsister le mérite positif du reste de son travail, il faut payer les éclairs de génie, surtout de génie philologique, par ces singularités et ces outrances de système.
Dans l’hypothèse du mythe platonicien une seule et même idée suffit pour toute la lignée des génies à travers l’espace et le temps. […] C’en est un également d’en fournir un homme de génie. […] L’histoire montre que même dans les grands siècles, à côté d’un petit nombre de vrais génies, il y a eu des multitudes de grimauds, et que ceux-ci, maintenant bien oubliés, houspillaient et irritaient les quelques élus. […] Cela les dispense de tout effort et autorise la confiance qu’ils placent dans leur génie.
Rome se présente la première : les papes, tantôt inspirés par le génie de leur pontificat, tantôt égarés par une ambition mondaine et en disproportion avec leur puissance italienne, tantôt asservis à la pression armée de Naples, de l’Espagne, de l’Autriche, de Venise, de la Toscane, de la France, continuent de régner à Rome : s’ils en sont momentanément dépossédés, ils y reviennent après de courtes éclipses. […] Florence, vassale de Turin, est un contresens à ses monuments, à son peuple, à son génie comme à son histoire. […] Voyons maintenant ce que ce souverain génie politique, ce Dante de la diplomatie, ce Montesquieu précurseur de son siècle, aurait, dans son patriotisme italien, conseillé à l’Italie s’il eût vécu de nos jours. Ici nous n’en sommes pas réduits à conjecturer ; nous pouvons affirmer avec certitude l’opinion de Machiavel sur les vrais intérêts de sa patrie, car ses opinions sur la nature de la constitution fédérale qui convient à l’Italie sont toutes écrites d’avance dans les considérations lumineuses et anticipées sur la nature des choses de son temps et des temps futurs ; la politique tout expérimentale de Machiavel n’était que de la logique à longue vue ; la logique est le prophète infaillible des événements à distance : le génie est presbyte.
Il sera toujours plus agréable de se figurer le génie sous la forme d’une langue de feu, que sous l’image d’une névrose. […] Sainte-Beuve, très animé, s’écrie que Louis XVI est un cochon, qu’il a mérité la guillotine, pour avoir marchandé un homme de génie comme Mirabeau. Presque toute la société se rallie à cette théorie, en déclarant qu’un Mirabeau échappe aux règles de la petite probité bourgeoise : « Alors, Messieurs, nous écrions-nous, il n’y a plus de morale, de justice chez les historiens en histoire, si vous avez deux mesures, deux balances, l’une pour les hommes de génie, l’autre pour les pauvres diables. […] Le génie est le talent d’un homme mort.
Dans cet âge où les affections de l’esprit et celles de l’âme ont une communication réciproquement si soudaine, où la pensée et le sentiment agissent et réagissent l’un sur l’autre avec tant de rapidité, il n’est personne à qui quelquefois il ne soit arrivé, en voyant un grand homme, d’imprimer sur son front les traits du caractère de son âme ou de son génie. […] Leur union a été jusqu’au point qu’il lui a fait part de son génie pour les mathématiques. » C’est cette personne savante que Massillon dirigeait dès 1703, et il alla passer les vacances chez elle à Saint-Mesmes en 1704, peu de temps après la mort du marquis : ce qui donna lieu à tous les propos, quolibets et chansons.
a sur Madame toute la supériorité d’une nature de génie faite exprès pour sonder et pour fouiller dans les cœurs, pour en rapporter des descriptions toutes vives, qu’il nous rend présentes en traits de flamme. […] Le Régent n’a jamais été mieux peint que par sa mère ; elle nous le montre avec toutes ses facilités, ses curiosités en tous sens, ses talents, son génie propre, ses grâces, son indulgence pour tous, même pour ses ennemis ; elle dénonce ce seul défaut capital qui l’a perdu, cette débauche ardente et à heure fixe, où il s’abîmait et disparaissait tous les soirs jusqu’au matin : Tout conseil, toute remontrance à cet égard sont inutiles, disait-elle ; quand on lui parle, il répond : « Depuis six heures du matin jusqu’à la nuit, je suis assujetti à un travail prolongé et fatigant ; si je ne m’amusais pas un peu ensuite, je ne pourrais y tenir, je mourrais de mélancolie. » — Je prie Dieu bien sincèrement pour sa conversion, ajoute-t-elle ; il n’a pas d’autres défauts que ceux-là, mais ils sont grands.
La Motte, dans le siège qu’il met devant la renommée d’Homère, a beau s’appliquer à restreindre et à circonscrire ses lignes d’attaque, il y a en lui une inintelligence totale du génie de l’antique poète ; et c’est ce qui irrite Mme Dacier et la transporte hors d’elle-même. […] Son défaut principal dans cette réponse où il entre tant de bonnes raisons de détail, c’est de pencher tout entière d’un côté, de ne voir que l’Antiquité et rien de plus, de crier sur cette fin de Louis XIV à la décadence des lettres et à l’invasion de l’ignorance parce que la forme du savoir est près de changer, de croire « que c’est l’imitation seule qui a introduit le bon goût parmi nous », et de ne tenir aucun compte du génie naturel qui a mille façons de se produire dans la suite des âges et qui recommence toujours.
Celui-ci aurait voulu que le jeune prince fît face à l’orage, qu’il demeurât à la tête de l’armée jusqu’à la fin de la campagne, qu’il cherchât à prendre quelque revanche sur la fortune ; il le lui disait non plus sur un ton de directeur spirituel et de précepteur, mais sur le ton d’homme d’honneur et de galant homme qui sent la générosité de conduite dans tous les sens : Quand un grand prince comme vous, Monseigneur, ne peut pas acquérir de la gloire par des succès éclatants, il faut au moins qu’il tâche d’en acquérir par sa fermeté, par son génie et par ses ressources dans les tristes événements. […] Il voudrait donc au plus tôt que son élève n’eût plus rien de l’élève ni de l’écolier ; il voudrait, une fois pour toutes, lui inspirer la hardiesse dans l’action, la noblesse dans le procédé et dans la démarche, le génie de la conversation, tout ce qui orne, qui impose, et ce qui donne au pouvoir sa douceur et sa majesté : « Qu’il soit de plus en plus petit sous la main de Dieu, mais grand aux yeux des hommes.
Maucroix, en un mot, tenait de La Fontaine, dont il fut comme un second exemplaire conservé en province, avec moins de génie, avec plus de prose, mais avec presque toutes les autres qualités. […] C’était au reste un très bel esprit, capable de tout ce qu’il voulait entreprendre : ses Fables, au sentiment des plus habiles, ne mourront jamais, et lui feront honneur dans toute la postérité… Ce sont ces Fables et tout ce côté de génie auquel Maucroix n’atteignit et n’aspira jamais ; il avait du reste le bel esprit, les grâces, la candeur.
Il a prétendu l’un des premiers parmi nous, et il prétendit jusqu’à la fin, que les hommes de génie dans les divers genres ne sauraient avoir pour mission de tarir ou d’immobiliser les sources où l’esprit humain doit puiser après eux, et qu’on est plus près de les imiter dignement en s’adressant comme eux à la grande source directe et inépuisable de la nature et de la vie, qu’en se modelant froidement sur les formes où ils ont coulé une fois leurs chefs-d’œuvre. […] Lui qui a si bien senti l’individualité et comme le génie de chaque montagne, n’a-t-il pas dit : « Une fois que le Marboré s’est saisi du spectateur, on n’est plus où l’on est, et il n’y a plus que lui dans tout ce qui mène à lui. » En 1793, arrêté trois fois au milieu de ses paisibles herborisations, recueilli ici, insulté là, il n’avait qu’un pas à faire pour franchir la frontière, il ne songea point à émigrer : il n’aurait voulu compromettre ni son vieux père ni aucun des siens ; et puis il était de ceux (selon sa belle expression) qui respectaient jusque dans son délire la mère qui les frappait.
Or, dans la peinture générale qu’il fait de l’homme, il commence par étaler, sans compensation et sans contre-poids, toutes les causes de misère, d’incertitude et d’erreur ; il humilie l’homme tant qu’il peut, et, à ne considérer même les choses qu’au point de vue purement naturel, il ne tient point compte de cette force sacrée qui est en lui, de cette lumière d’invention qui lui est propre et qui éclate surtout dans certaines races, de ce coup d’œil royal et conquérant qu’il lui est si aisé, à l’âge des espérances et dans l’essor du génie, de jeter hardiment sur l’univers. […] Montaigne aussi vit son pays déchiré, et plus cruellement que le nôtre, et pourtant il vécut (pas tout à fait) jusqu’aux jours du bon Henri, qui ferma les plaies de la patrie. » (Lettre du 3 juillet 1799.) — Ce sont là de ces choses dont la lecture de Charron ne donnera jamais l’idée et qu’inspire, que renouvelle d’âge en âge le commerce familier des seuls génies immortels.
La pensée des grands hommes est une courbe que l’on n’embrasse bien qu’après qu’elle est décrite : il arrive même à de bons yeux de ne la voir d’abord que brisée et morcelée comme elle l’est souvent en effet dans le détail, et comme elle peut l’être à tout moment dans l’ensemble par les accidents plus forts que le génie. […] Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.
Le caractère français, parisien, en tant qu’il diffère essentiellement du génie anglais, est parfaitement saisi et présenté par lui. […] Malgré les vertus et les lumières du comte Firmian qui le faisaient aimer et respecter des Milanais, Bonstetten discerna l’incompatibilité radicale qu’il y avait entre le régime allemand et le génie italien ; il s’explique là-dessus très nettement.
Sa philosophie diffère peu de celle de Montaigne, de ce Michel dont l’Éloge en ce temps-là était mis au concours par l’Académie, et que, lui, sans tant de façons, il lisait et relisait sans cesse : « Il ne m’eût fallu peut-être que sa fortune pour le valoir de tout point, génie à part cependant. […] Rouget de Lisle, ce Tyrtée de la France, comme on l’avait surnommé, et qui avait eu dans sa vie un éclair d’inspiration sublime, n’avait reçu qu’une fois cette visite du génie, ce don de l’à-propos ; à partir du jour où il eut fait, presque sans le savoir, la Marseillaise, et où elle s’était élancée de son sein, effrénée et légère, courant le monde d’une aile enflammée, il était resté, lui, étonné, ébloui, et tout à fait décontenancé ; on aurait dit qu’il n’était plus que la dépouille laissée à terre de son immortelle chanson.
« C’était un homme composé d’apparence, d’un génie plus brillant que solide, plein d’une gloire présomptueuse, tout à lui, sans confiance et sans estime pour les autres, trop occupé des petites choses, souvent sans étendue et sans résolution dans les grandes ; capable cependant de les précipiter par entêtement. […] Le duc de Medina-Celi, qui avait le titre et la place de premier ministre, et en qui le public avait espéré d’abord, personnage considérable par sa naissance et par ses biens, sept fois Grand d’Espagne, « d’un génie doux et honnête, et naturellement éloigné des grands mouvements, » manquait totalement de vigueur et laissait le mal se faire et s’aggraver autour de lui.
Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote. […] Soyons francs ; vous faites là une supposition, mais il n’est pas besoin d’en faire : vous avez eu deux souverains depuis, qui n’avaient ni dans le génie ni dans la gloire les mêmes excuses qu’aurait pu avoir Napoléon pour sortir de la Constitution et vouloir s’en affranchir.
De tout temps le génie français a penché vers la gaieté, la légèreté, le bon sens prompt, mais pétulant, imprudent, frondeur et railleur, la satire, la malice et, j’ajouterai, la gaudriole ; si cet élément unique dominait et l’emportait, que deviendrait le caractère de notre langue, de notre littérature ? […] Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ?
Nous la méconnaissons parce qu’elle est celle de la nature et que le chef-d’œuvre de la raison, comme du génie, n’est que de voir ce qui est sous nos yeux. » On croirait entendre un Montaigne chrétien. […] Le grand artiste, le grand tragique, au contraire, l’homme « au front de marbre et aux mains en feu », dominera même les douleurs ; s’il doit les ressentir pour son compte, il est fait encore plus pour les couler dans son génie, pour les rendre ensuite, transposées et transformées, aux yeux de tous, et les étaler avec des attitudes apitoyantes ou terribles.
Ce que je te demande, par cette main que je tiens, par ton bon Génie, au nom de ton honneur et de son isolement à elle, ce que j’implore de toi, c’est de ne la point quitter, de ne la point délaisser. […] L’exposition de ce Bourreau de soi-même est des meilleures de Térence, et de celles qui caractérisent le mieux cette nature de génie.
Il était réservé à la protestante Allemagne de faire, de ce qu’on appelle l’exégèse ou examen critique des Écritures, une science régulière, et de donner à sa marche la justesse, la précision, la certitude définitive qu’a le génie militaire dans l’attaque méthodique des places fortes. […] Lui, pour se refaire historien et narrateur à ce nouveau point de vue, il a dû commencer par être surtout un divinateur délicat et tendre, un poète s’inspirant de l’esprit des lieux et des temps, un peintre sachant lire dans les lignes de l’horizon, dans les moindres vestiges laissés aux flancs des collines, et habile tout d’abord à évoquer le génie de la contrée et des paysages.
Ainsi, à propos d’une pièce (la Fille du Cid) de Casimir Delavigne : « Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère. Le génie est inculte, violent, orageux ; il ne cherche qu’à se contenter lui-même et se soucie plus de l’avenir que du présent. — L’homme de talent est propre, bien rasé, charmant, accessible à tous ; il prend chaque jour la mesure du public et lui fait des habits à sa taille, tandis que le poète forge de gigantesques armures que les Titans seuls peuvent revêtir. — Sous Delacroix, vous avez Delaroche ; sous Rossini, Donizetti ; sous Victor Hugo, M.
Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie. […] Rouher ; — lorsque encore, par exemple, ayant à parler de Victor-Emmanuel, il l’a défini « ce roi plein de résolution qui met le triomphe de l’unité italienne au-dessus de la conservation de sa couronne et de sa vie, roi plein d’ardeur, qui a le mépris de la mort et la volupté du péril » — lorsqu’à la veille du discours de l’Empereur pour l’ouverture de la dernière session, et s’arrêtant par convenance au moment où il allait essayer d’en deviner le sens, il ajoutait : « On peut s’en rapporter pleinement de ce qu’il conviendrait de dire, s’il le veut dire, à l’Empereur, qui semble puiser dans la condensation et l’esprit du silence la force et le génie du discours. » On ne saurait mieux dire ni plus justement, et en moins de mots, les jours où l’on ne veut pas déplaire.
Les effets en furent lents, il est vrai, et deux siècles se passèrent avant qu’on se ressentît et qu’on s’aperçût des résultats : « Mais alors arriva le Génie du mal, Richelieu ; il commença l’application de ces édits, application malheureusement continuée par Louis XIV. […] Le Play eût fait preuve à la face du monde, dans la réalisation magnifique de cette Exposition universelle dont il a été le principal directeur, d’un génie de classification et de méthode qui embrasse, divise et distribue en la coordonnant toute l’œuvre de la civilisation.
Il était bien avec Mme de Pompadour ; il était au mieux de tout temps avec les frères Paris, ces gros bonnets financiers de l’époque et d’une intelligence qui allait au génie ; le maréchal de Noailles lui avait dans toutes les circonstances témoigné une affection tendre, et il se fit fort de le détacher de l’infante pour le convertir à l’alliance saxonne. […] Sur la reine Marie-Leckzinska, y revenant à deux reprises et marquant tous les devoirs qu’il faudra que la dauphine remplisse envers elle avec exactitude, il satisfait d’ailleurs et tranquillise l’orgueil saxon en ajoutant que ce n’est que pour la forme et la bienséance : « Car cette princesse, je l’ai déjà dit, ne peut rien et n’a pas assez de génie pour pouvoir quelque chose. » Tous ces succès le mettent, on le conçoit, en belle humeur et en gaieté ; il joue avec le ministre de son frère, le comte de Bruhl, dont il n’avait pas toujours eu à se louer ; il le raille en passant, et faisant allusion aux conditions politiques très peu onéreuses que Louis XV mettait au mariage : « Il ne tient donc plus qu’à vous, écrivait-il, de conclure l’affaire qui est grande, belle et magnifique, et aura des suites encore plus grandes ; mais, pour l’amour de Dieu, concluez et n’apportez ni délais ni difficultés.
Quoique Cicéron soit mort sous le triumvirat d’Octave, son génie appartient en entier à la république ; et quoique Ovide, Virgile, Horace, soient nés pendant que la république subsistait encore, leurs écrits portent le caractère de l’influence monarchique. […] L’écrivain qui compose a toujours ses juges présents à la pensée ; et tous les ouvrages sont un résultat combiné du génie de l’auteur, et des lumières du public qu’il s’est choisi pour tribunal.
L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. […] La doctrine de Boileau fut amputée précisément de ce qu’elle avait de plus éminent et caractéristique, de ce double caractère naturaliste et esthétique, où s’exprimait, avec le génie même de l’auteur, la spéciale beauté du grand art classique.
S’il sait mettre à contribution ses amis, s’il sait leur faire produire ce qu’ils n’auraient jamais fait sans lui, il en est véritablement l’auteur. » Du moins, nous sommes assurés par ses travaux antérieurs de la capacité de son esprit, de l’étendue de ses connaissances : si, accablé d’affaires, il dut recourir à des secrétaires pour la préparation de ses discours, c’était une économie de temps, et non un supplément de génie qu’il y cherchait. […] L’éloquence était un moyen de gouvernement, presque une nécessité pour ce parvenu qui, régnant par l’admiration et la confiance, devait entretenir la foi en son infaillible génie : il fallait que dans chacune de ses paroles il fit sentir la supériorité dont il tenait son droit.
Il se trouve que quelques-uns des pères de notre littérature ont été, au XVe siècle, au XVIe et au XVIIe encore, des bohèmes accomplis. « Escroc, truand, m…, génie ! […] Et, très évidemment, il n’a pas eu à s’efforcer pour cela, son génie naturel tenant beaucoup d’eux, notamment de François Villon et de Mathurin Régnier.
Elle est ravagée par deux siècles de guerres effroyables, tantôt avec l’Angleterre, qui lui arrache un moment sa nationalité et lui donne pour roi un régent anglais ; tantôt avec son ancienne organisation féodale : elle ne produit point d’homme de génie dans les lettres. Le génie à cette époque se montre là où la France en a le plus besoin : il est dans la politique et dans la guerre.
Cette faiblesse a coûté à Buffon le meilleur du génie du naturaliste, l’exactitude, et le même siècle qui lui cachait Dieu a le plus douté de la solidité de sa science. […] Elle compte un plus grand nombre d’époques ou de révolutions terrestres, et, au lieu de deux successions d’animaux, un homme de génie venu après Buffon, et suscité par lui, Cuvier, a distingué dans quatre couches terrestres les monuments de quatre populations animales.
Ils semblaient prendre plaisir à vouloir vaincre par eux-mêmes et à s’imposer, contre vents et marées, par la seule force de leur génie. […] Ils se font loi de rendre hommage au génie méconnu.
Comment, par exemple, n’être pas frappé de ce fait, qu’au temps de saint Louis et dans la première moitié du règne de Louis XIV, c’est-à-dire aux époques où la langue et la littérature françaises ont eu leur plus grande force d’expansion sur le monde, l’activité intellectuelle de la France s’est concentrée autour de sa capitale, comme si le génie national poussait ses fleurs les plus originales, les plus vivaces et partant les plus capables de séduire les étrangers, en ce coin de terre qui est, en quelque sorte, la France de la France ? […] Quel est, en effet, le symbole le plus naturel du génie de Rousseau ?
En un mot, dans toute cette partie de sa carrière, elle se montra ingénieuse, inventive, pleine de verve et d’à-propos : elle avait rencontré vraiment la plénitude de son emploi et de son génie. […] Ajoutez un dernier inconvénient qui affecte l’ensemble de cette éducation tout à la moderne et sans contrepoids : le sentiment de l’Antiquité, le génie moral et littéraire qui en fait l’honneur, l’idéal élevé qu’il suppose, y est tout à fait absent, et n’y semble même pas soupçonné.
Mais si, dans la froideur et le bon sens de sa nature genevoise et de sa race protestante, il n’est nullement en sympathie avec ces dispositions tant populaires que militaires du génie français, et d’où plus d’une fois a jailli l’héroïsme, on ne saurait l’accuser de les avoir méconnues. […] Son habileté et son bonheur seront au comble s’il parvient seulement à mettre en harmonie d’anciens préjugés avec les nouveaux, les intérêts qui précédèrent et ceux qui suivirent la Révolution : fragile mais désirable alliance de l’autorité monarchique et de la liberté, contre laquelle lutteront sans cesse les souvenirs, soit de la toute-puissance royale, soit de l’indépendance révolutionnaire… Il pressentait combien le génie français, toujours dans les extrêmes, et composé d’insouciance et d’impatience, était peu propre à cette lutte continuelle, à cet équilibre qui exige suite, vigilance, et modération jusque dans le conflit.
Il est revenu plus d’une fois, dans des pages dignes d’un vrai politique et d’un historien, sur ce que c’est que l’heure de l’entraînement dans une nation, et sur le parti qu’on en peut tirer pour de grandes choses : Il y a de profonds politiques, dit-il avec raillerie (26 septembre 1831), qui ne croient pas qu’on puisse faire autre chose que du désordre par l’entraînement, et qui prétendent que c’est la ressource de l’incapacité… Il y a aussi, dans l’opposition, des hommes qui ont lu l’histoire, et qui se sont persuadé qu’en politique comme en guerre, ce qui distingue le génie de la capacité vulgaire, c’est de saisir l’entraînement et de s’en servir. […] Ses instincts, d’autres diront peut-être son génie, le conduisaient à sympathiser plutôt avec les idées d’ordre, de stabilité, de gouvernement, qu’avec les principes de liberté, de réforme, de progrès.
Celui-ci même ne l’avoue point pour élève et pour fils, et Collé, qui se connaît en gaieté, ne devine nullement en lui un confrère et un maître : « M. de Beaumarchais (nous dit Collé) a prouvé, à ne point en douterb, par son drame qu’il n’a ni génie, ni talent, ni esprit. » Cette phrase de Collé, il la corrige dans une note pleine d’admiration et de repentir écrite après Le Barbier de Séville. […] Il est poussé à outrance, il est vaincu, écrasé ; il n’a plus pour ressource, dans une affaire désormais jugée et de nature déshonorante, qu’un chétif accessoire par où se rattacher au principal ; il est mis en demeure d’avoir à l’instant de l’énergie, de l’esprit, du génie ; il en aura.
Nous savions fort bien quel était le génie d’Émile Zola, nous savions trouver une place dans nos admirations à côté de Flaubert indiscuté pour ces puissants travailleurs, ces stylistes éminents : les Goncourt ; nous trouvions du bon aux Médanais, nous ne nous détournions que des plats copistes et des écrivains scatologiques. […] J’ai la certitude que le vers libre durera parce que libre et à cause de cette élasticité qui lui a permis dès le début de s’enrichir de toutes les améliorations, je ne dis point seulement de beauté mais de technique que lui apportaient dès la première heure avec leur génie propre, d’abord Jules Laforgue, mon frère d’armes des temps de jeunesse, puis les Vielé-Griffin, Mockel, Verhaeren, Régnier, Stuart Merrill, Saint-Pol-Roux, Ferdinand Hérold, Henry Bataille, Paul Fort, Marinetti, Fontainas, Edmond Pilon, Klingsor, George Périn, Souza, Albert Saint-Paul.
Physiologiquement, ce n’est pas de la science non plus, de la science pour de la science, comme en fit Goethe à son déclin, peut-être (il ne nous l’a pas dit) par désespoir de sentir fléchir son génie. […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent.
Le sentiment intense et profondément juste qu’un art vivant et large, large comme la nature, et comme l’homme, ne peut avoir sa source que dans une sympathie universelle, dans cette disposition qui est comme le génie d’aimer, de nous intéresser à tout, de découvrir à force de nous oublier, la beauté et le côté frappant de chaque chose ». […] Alors qu’en divers pays, quelques artistes de génie en qui vibrait le souffle de l’esprit nouveau, s’épanouissaient au grand air et à la lumière, refusant d’admettre pour l’art un soleil spécial, d’une autre nature que celui qui nous éclaire, et une atmosphère sans rapport avec celle qui nous nourrit, alors que l’art se replongeait à nouveau dans la vie, les néo-Primitifs s’étouffaient sous mille préjugés moraux, abîmés dans la rêverie, dépourvus de toute saine notion d’ensemble et de nature, fermaient les yeux à tout ce que leur présentait le monde, et croyaient « sublimer » la réalité en la trahissant sans relâche.
C’est-à-dire, qu’il faudroit le génie de Voltaire pour exprimer la substance de cet ouvrage, & en composer une histoire semblable à celle de Charles XII. […] Plus une honnête critique a de génie, plus il est indulgent ; il n’y a que les petits esprits incapables de faire un ouvrage, qui s’attachent à dénigrer amérement ceux des autres. […] On n’aime point ceux qui humilient ; on veut un homme qui converse, sur la pluie, sur le beau temps, qui se met au niveau de tout le monde, eût-il du génie comme Montesquieu, & de l’esprit comme Fontenelle. […] Il lui fait lire tous les jours deux lignes du livre intitulé l’Esprit, pensant qu’à la fin cela lui donnera du génie. […] Son ton mystérieux n’étoit qu’une finesse pour exciter plus vivement ma curiosité ; il fallut pendant quelque temps insister, le flatter même sur les ressources qu’offroit son génie, pour l’amener à mon but.
« Le félibrige, disaient-ils, est établi pour conserver à jamais à la Provence sa langue, son originalité, son honneur national et le beau rang de son génie. […] Le génie a sur lui, dans sa guerre aux fléaux, Toute l’éclaboussure affreuse du chaos, Écume, fange, sang, bave, et pas une tache. […] Le ciseleur des Orientales renaît en Victor Hugo, en même temps que le merveilleux génie de description, qui fit jadis le charme de Notre-Dame de Paris, reparaît dans l’apostrophe à Germain Pilon, au Livre épique. […] C’est néanmoins sur ces textes, dont les plus célèbres sont attribués à Taliesin et Llywarch-Hen, qu’il faut juger ce qu’était le génie du peuple celte, élément si important de l’esprit britannique que, sans les Celtes, disent plusieurs critiques d’outre-Manche, l’Angleterre n’eût eu ni Shakespeare, ni Swift, ni Burke, ni Shéridan, ni Burns, ni Byron, ni Moore, ni O’Connell. […] Pauvre Manet qui n’a tenu en main que la bannière du vrai et du réel, sans défaillir jamais que devant la mort, — cette Impitoyable, que ni talent ni génie n’arrêtent dans sa marche !
» Tel est l’effet curieux à étudier et désormais manifeste du génie lyrique dont on a abusé, de cette inspiration de pure fantaisie et de jeunesse où l’on avait tout mis, de cette lacune morale sous des airs de sentiment, de cette vie épicurienne et de plaisir sous un vernis de mysticisme et de religiosité.
Si vieille que soit une littérature, si vieux même que soit le monde, les sujets ne manqueront jamais au génie, qui est précisément la faculté de voir et de faire voir les choses sous des points de vue nouveaux.
L’invention s’exerce de même pour l’écrivain qui fait un chef-d’œuvre par une nécessité de son génie et pour l’enfant qui fait un devoir par obéissance : les objets diffèrent, mais le procédé est essentiellement identique, et cc n’est pas ambition présomptueuse, mais sûreté de jugement que de l’appliquer à une modeste composition.
Mais quand on songe à sa grande jeunesse et quand on lit certaines strophes toutes frissonnantes d’inquiétude et de tristesse, on ne peut s’empêcher de penser au grand génie futur de ce jeune homme qui débute par des souffrances de doute et d’immenses désirs de foi, et dont la dernière parole écrite fut vraisemblablement celle-ci ajoutée au bas du manuscrit retouché à Axël : Ce qui est, c’est croire.
Car on écrit encore touchant les livres, et rien n’est plus aisé à un poète de génie que d’être louange dignement : un premier-Paris lui coûte mille écus, et un écho trois cents livres.
Bartas, [Guillaume du] né dans la Gascogne, près de la ville d’Auch, en 1544, mort en 1590, fut un de ces Militaires qui quelquefois, par délassement ou par manie, s’appliquent à cultiver les Muses, & dont les Ouvrages se ressentent toujours plus du génie de la guerre, que de celui de la Poésie.
Mais son génie d’anoblir les moindres syllabes eût échoué devant les monstres créés par la Révolution42 ; il eût échoué et il eût reculé devant milliltre, décistère et kilo !
Pas une gloire, parmi les splendeurs du génie humain, ne dépasse celle du grand historien philosophe.
Si je règne avec quelque gloire, je lui en ai toute l’obligation. » L’opposition de caractère & de génie, entre Aristote & Platon, produisit bientôt les effets qu’on devoit en attendre.
Un jour, nous pourrons discuter s’il n’eût pas été un plus fier génie en suivant l’intransigeante verve qu’on voit dans son livre de début, dans cet Avenir de la Science tout plein de l’ivresse des bibliothèques et des laboratoires.
De ce point de vue (influence de la volupté sur l’âme), qui dira combien, dans une grande ville, à de certaines heures, il se tarit périodiquement de trésors de génie, de belles et bienfaisantes œuvres, de larmes d’attendrissement, de velléités fécondes détournées ainsi avant de naître ? […] Deuxième article82 Toute langue est insuffisante aux besoins du génie ; elle le supporte, mais elle plie sous lui. […] Sainte-Beuve a fait (dans une mesure qu’il s’agira de juger) ce que fait, le voulant ou ne le voulant pas, tout homme de talent et tout génie individuel. […] Les grandes figures, les grands noms, les scènes touchantes, le mouvement dramatique, la lutte et la persécution, l’héroïsme et le génie,’ le retour inopiné du primitif et de l’antique au milieu de l’âge le plus élégant et le plus décidément moderne, je ne sais quel écho solennel du désert parmi les bruits du grand règne et de la grande cité, que faut-il de plus pour attirer vers Port-Royal des esprits frivoles, à travers l’austérité des doctrines et la tristesse des mœurs ? […] s’écrie Hildebrand, le paradis, l’enfer, le purgatoire n’étaient que dans mon âme ; la poignée et la lame de l’épée des archanges ne flamboyaient que dans mon sein ; il n’y avait de cieux infinis que ceux que mon génie pliait et dépliait lui-même pour s’abriter dans son désert. » Ces paroles font tressaillir de joie le cœur d’Ahasvérus.
Il faut des livres qu’on lise au coin du feu, à la campagne, en famille ; c’est vers ce genre que se tournent l’invention et le génie. […] Ce premier roman est une fleur, une de ces fleurs qui n’éclosent que dans une imagination vierge, à l’aurore de l’invention primesautière, dont le charme et la fraîcheur surpassent tout ce que la maturité de l’art et du génie peut cultiver ou arranger plus tard. […] Lovelace a toutes les mauvaises passions des Harlowe, et, par surcroît, du génie pour les aiguiser et les empirer. […] Vous êtes alourdi par votre conscience qui vous traîne pas à pas et terre à terre ; vous avez peur de votre génie ; vous le bridez, vous n’osez trouver aux moments violents les grands cris, les franches paroles. […] Ce puissant génie, tout franc et réjoui, aime comme Rubens les kermesses ; les rouges trognes reluisantes de bonne humeur, de sensualité et d’énergie, dansent chez lui, remuent et se choquent, et les instincts dévergondés y viennent accoupler leurs violences.
« Il ne faut pas oublier », dit Legrain, « que le dégénéré peut être un génie. […] Lombroso a cité toute une quantité de génies incontestables qui non moins incontestablement étaient des mattoïdes, des graphomanes ou des fous déclarés24, et un savant français, Lasègue, a pu émettre cette idée devenue courante : « Le génie est une névrose ». […] La science n’affirme pas que chaque génie est un fou. […] C’est ce qui permet à l’homme compétent de distinguer, au premier coup d’œil, le génie sain du dégénéré hautement ou même très hautement doué. […] Je ne partage pas l’avis de Lombroso, affirmant que les dégénérés de génie constituent une force propulsive du progrès humain26.
« Du génie ! […] oui, le génie existe ! […] Et puis, je crois qu’il faut laisser à chacun son esthétique, le génie ayant pour coutume de ne se soucier guère ni des règles ni des barrières. […] Il ne faut que du génie ou du talent pour cela et la France en a trouvé dans ses réserves toutes les fois que l’art a été menacé. […] Mais, par le privilège de son génie, il exalta en même temps l’objet de son amour, et plaça Vittoria à côté de Béatrix et de Laure.
Saint-Simon, parfaitement incapable d’action, est possédé par la curiosité, et malgré toute sa pénétration, malgré tout son génie, qui n’est pas ici en cause, reste toujours extérieur aux choses dont il est témoin. […] Victor Hugo, déiste absolu, apportait dans la discussion les hautes conceptions de son génie, pendant que Vacquerie ramenait tout à l’humanité, combattant respectueusement, mais avec toute la vivacité de la conviction, ses grandioses suppositions. […] Pouvions-nous oublier le règne de Louis XIV et l’Europe subjuguée bien moins par nos armes que par notre langue, nos mœurs et notre génie ? […] « Après le 2e de chasseurs d’Afrique, le détachement du génie. […] Mais, je le répète, ce qu’il faut rechercher surtout dans le beau livre du comte de Ségur, c’est moins l’étude du Napoléon intime que celle du héros glorieux, du génie de la guerre.
Faugère intitulée : Génie et écrits de Pascal, traduit de l’Edinburg-Review, Paris, 1847.)
Il s’animait quand il parlait de cette renaissance si merveilleuse et si entière de la société sous un astre et un génie réparateur.
Lorsque Andrieux avait rayé de l’ongle un mot, une pensée, une faute de grammaire ou de vraisemblance, il n’y avait rien à redire ; Collin obéissait ; le vieux Ducis regrettait que Thomas eût manqué d’un si indispensable censeur, et il l’invoquait pour lui-même en vers grondants et mâles qui rappellent assez la veine de Corneille : J’ai besoin du censeur implacable, endurci, Qui tourmentait Collin et me tourmente aussi ; C’est à toi de régler ma fougue impétueuse, De contenir mes bonds sous une bride heureuse, Et de voir sans péril, asservi sous ta loi, Mon génie, encor vert, galoper devant toi.
« Cet analyste minutieux, dit le vicomte de Vogüe (Le roman russe, 1888, p. 93), ignore ou dédaigne la première opération de l’analyse, si naturelle au génie français ; nous voulons que le romancier choisisse, qu’il sépare un personnage, un fait, du chaos des êtres et des choses, afin d’étudier isolément l’objet de son choix.
Plus de génie, et non plus de passion, voilà ce qui a fait que, sur des malheurs communs, quelques-uns ont écrit des plaintes non communes.
Ne pas être beau, ne pas avoir de génie, ne pas être tout-puissant, ne pas être dieu… rien ne serait plus triste que cette mesquine et misérable condition si elle devait durer toujours !
L’ouvrage amusa bien du monde dans le temps par la singularité du sujet, & par celle du génie de l’auteur, l’abbé Boileau.
Ce tour n’est guère dans le génie de notre langue, et la grammaire trouverait à chicanner ; mais le sens est si clair que ce vers ne déplaît pas.
Cette catholicité, ce souci de l’humanité entière, c’est la marque du génie national, c’est une note généreuse et profonde dans laquelle s’accordent toutes nos diversités.
Une histoire non écrite, mais qui, passant de bouche en bouche, transmise d’exemple en exemple, doit conserver à la postérité la plus reculée la manière dont les merveilles de l’art furent rendues d’après les avis et sous les yeux du génie qui les enfanta. […] Il est certain que Molière a puisé dans le conte de Boccace l’humeur goguenarde d’Arnolphe, mais celui-ci prête à son rival l’argent qui doit lui servir à séduire les gardiens d’Agnès ; et ce trait, Molière ne le doit qu’à son génie. […] Nous remarquons, dans ce remerciement, que Molière, dominé par son génie, ne pouvait écrire la moindre bagatelle sans l’animer par le piquant de la comédie, par la peinture des ridicules à la mode. […] Ce petit nombre de remarques nous dispense de nous étendre sur le mérite de la pièce et de ses différentes parties ; il est d’ailleurs bien embarrassant de juger un auteur sur des ouvrages plus commandés par les événements ou des ordres supérieurs que par son génie. […] Les scènes. — Toutes conçues, toutes exécutées avec une égale audace de génie.
Des morceaux d’André Chénier, publiés par M. de Chateaubriand dans le Génie du Christianisme, et par Millevoye à la suite de ses poésies, donnaient déjà beaucoup à réfléchir à cet esprit avide de l’antique, qui cherchait une forme, et que le faire de L’elille n’amorçait pas : Myrto la Jeune Tarentine, et la blanche Néère, faisaient éclore à leur souffle cette autre vierge enfantine, la Lesbienne Symétha. […] S’il veut exhaler les angoisses du génie et le veuvage de cœur du poëte, il ne s’en décharge pas directement par une effusion toute lyrique, comme le ferait M. de Lamartine, mais il prend un détour épique, il crée Moïse. […] J’aime la grandeur de votre tableau d’un autre Britannicus et d’une autre Athalie : cependant, c’est avoir eu du génie que les avoir faits à cette époque tels qu’ils sont : Shakspeare seul aurait pu les faire tout à coup tels que vous les esquissez, et si Athalie ne fut pas comprise alors, que fût-il arrivé à une poésie plus grande ?
voilà un génie charmant, léger, plaintif, rêveur, désolé, le génie de l’élégie et de la romance, qui se fait entendre sur ces tons pour la première fois : il ne doit rien qu’à son propre cœur. […] Je l’adorais dans son génie et dans sa grâce inimitable : je l’aimais profondément comme amie fidèle que nos infortunes n’ont jamais refroidie.
Jamais et nulle part ils ne l’ont été si habituellement et au même degré. « Pour un homme de science et de génie, dit un voyageur anglais, ici le principal plaisir est de régner dans le cercle brillant des gens à la mode456. » Tandis qu’en Angleterre ils s’enterrent morosement dans leurs livres, vivent entre eux et ne figurent dans la société qu’à la condition de « faire une corvée politique », celle de journaliste ou de pamphlétaire au service d’un parti, en France, tous les soirs, ils soupent en ville, et sont l’ornement, l’amusement des salons où ils vont causer457. […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet. […] Ce coup de sonde, Rousseau l’a donné juste et à fond, par rencontre et par génie.
Charlemagne, comme il était naturel, par son long règne, ses grandes guerres, son vaste génie, et la restauration prodigieuse de la puissance impériale, devint le héros favori et comme le centre de l’épopée. […] Par eux, les aptitudes poétiques de la race celtique, engourdies sous la domination romaine par l’élégant rationalisme de la littérature savante, comme par la pression monotone de la protection administrative, furent réveillées : les âmes, préparées déjà par le christianisme, violemment secouées par l’instabilité du nouvel état social, recouvrèrent le sens et le don des symboles merveilleux ; et dans la famine intellectuelle que produisit la ruine des écoles, l’aristocratie gallo-romaine, sujette des rois francs et compagne de leurs leudes, associée aux fêtes comme aux affaires, quitta sa délicatesse et ses procédés raffinés de pensée et de langage : elle retourna à l’ignorance, au peuple ; elle se refit peuple, avec toute la rudesse, mais avec toute la spontanéité du génie populaire. […] Dans cet emploi de Dieu et du miracle, pas plus que dans celui des magiciens et des enchantements, je n’aperçois la fraîche naïveté des âmes primitives : ce sont presque toujours des ficelles de littérateurs sans conscience et sans génie.
Une des formes du génie de la race se dégage en lui avec une singulière netteté. […] Les plus supportables sont ceux qui ont moins de génie : leur platitude les condamne à être intelligibles, ou à peu près. […] Elle a balayé la poussière d’une littérature morte ; elle a relevé le génie de la race qui semblait épuisé ou affaissé.
Le génie français, à la scène, se rassied. […] Il me paraît contraire à tout ce que nous savons sur la fortune des œuvres de génie qu’une d’elles puisse d’emblée séduire l’immense public. […] », par les démêlés d’un quelconque Claretie avec une de ses ouailles, par l’exposé des idées de Mlle Sorel touchant l’éthique, la biologie ou l’économie sociale, par les déplacements, les projets, les vestons, et même par les vers des Rostand’s, par l’évolution du génie de Sarah Bernhardt, de Porto-Riche ou de Mayol, il est naturel qu’elle se foute éperdûment de la littérature et que l’apport magnifique d’un Charles-Louis Philippe par exemple soit méconnu.
Il ne faut pas s’étonner qu’avec une si spéciale intelligence de son génie on ait fait longtemps de la monodie grégorienne une succession de notes sans accent et sans vie. […] Des hommes au goût sûr et au clair regard peuvent, il est vrai, devancer l’heure présente ; ils ne le font jamais avec succès que dans des limites restreintes et Hugo, par exemple, n’avait point deviné le « vers libre » ; il est douteux qu’il y eût excellé, malgré son génie, s’il avait voulu le tenter : l’équilibre momentané des idées et des formes ne s’était pas encore arrêté sur ce point. […] Si le rythme se développe dans les harmonies, l’âme devient et se révèle par ses images ; elle l’enseigne au songeur et lui aide à retrouver le But dont son génie ressent l’attirance divine.
C’est lui, c’est ce besoin de vie libre, et de génie indépendant qui pousse Walther à enlever Eva, et qui se retrouve plus tard quand Sachs dit au chevalier : « Montrez que le lied n’est pas de moi ». […] En se bornant à la seule étude musical du drame, on voit que chaque personnage se trouve éclairé de la chaude lumière du génie de Walther. Dans tous est un écho de la mélodie du printemps, de la forêt, et si l’on veut repasser rapidement les différentes significations des motifs 1, 2, 3, 17, 35, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, pour le printemps et la forêt ; — 1, 2, 3, 5, 9, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 31, 35, 44, 45, 49, 50, 53, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 78 et 79, pour Walther ; — 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 23, 24, 25, 31, 33, 35, 44, 45, 48, 49 et 80, pour Eva ; — 1, 2, 4, 12, 13, 17, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 45, 63, 66, et 82, pour Sachs ; — 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, pour Nuremberg, son peuple et sa bourgeoisie ; — 20, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 68, 69, 78, pour les Maîtres et leur art ; On reconnaîtra nettement la circulation de ce même dessin mélodique à travers tout le drame musical ; la vie, l’organisation de cette idée réalisée dans une œuvre étonnante de génie ; l’art vivant s’imposant par la force même de sa fraîcheur, de sa naïveté, de sa « neuveté » dirai-je même, à un vieux poète populaire, à une jeune fille, à tout un peuple et à tout le vieux art des maîtres chanteurs : « Et antiquum documentum novo cedat ritui !
Ce ne fut point seulement son génie qu’elles fécondèrent, mais la substance même de ses œuvres. […] Eschyle, adoucissant cette fois son génie farouche, transporte en Perse les rites gracieux de la magie grecque. […] Vénérable comme un patriarche, sévère comme un juge, tutélaire comme un Génie, il prend la hauteur pontificale d’un prophète, pour révéler l’avenir et ramener les hommes à la mesure réglée par les dieux.
On en peut citer un exemple bien remarquable dans les belles spéculations des géomètres grecs sur les sections coniques, qui, après une longue suite de générations, ont servi, en déterminant la rénovation de l’astronomie, à conduire finalement l’art de la navigation au degré de perfectionnement qu’il a atteint dans ces derniers temps, et auquel il ne serait jamais parvenu sans les travaux si purement théoriques d’Archimède et d’Apollonius ; tellement que Condorcet a pu dire avec raison à cet égard : « Le matelot, qu’une exacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit la vie à une théorie conçue, deux mille ans auparavant, par des hommes de génie qui avaient en vue de simples spéculations géométriques. » Il est donc évident qu’après avoir conçu d’une manière générale l’étude de la nature comme servant de base rationnelle à l’action sur la nature, l’esprit humain doit procéder aux recherches théoriques, en faisant complètement abstraction de toute considération pratique ; car nos moyens pour découvrir la vérité sont tellement faibles que, si nous ne les concentrions pas exclusivement vers ce but, et si, en cherchant la vérité, nous nous imposions en même temps la condition étrangère d’y trouver une utilité pratique immédiate, il nous serait presque toujours impossible d’y parvenir. […] Le problème général de l’éducation intellectuelle consiste à faire parvenir, en peu d’années, un seul entendement, le plus souvent médiocre, au même point de développement qui a été atteint, dans une longue suite de siècles par un grand nombre de génies supérieurs appliquant successivement, pendant leur vie entière, toutes leurs forces à l’étude d’un même sujet. Il est clair, d’après cela, que, quoiqu’il soit infiniment plus facile et plus court d’apprendre que d’inventer, il serait certainement impossible d’atteindre le but proposé si l’on voulait assujettir chaque esprit individuel à passer successivement par les mêmes intermédiaires qu’a dû suivre nécessairement le génie collectif de l’espèce humaine.
Catherine de Médicis y est peinte dans sa dissimulation et ses entrecroisements d’artifices où souvent elle se prend elle-même, ambitieuse du souverain pouvoir sans en avoir la force ni le génie, et tâchant d’y atteindre par ruse ; usant à cet effet, comme nous dirions aujourd’hui, d’un système continuel de bascule, « réveillant et élevant tantôt cette faction, et tantôt endormant ou rabaissant celle-là ; s’unissant quelquefois avec la plus faible par prudence, de peur que la plus forte ne l’accable, quelquefois avec la plus forte par nécessité, et parfois se tenant neutre quand elle se sent assez puissante pour leur commander à toutes deux, mais n’ayant jamais intention de les éteindre tout à fait ». […] On l’y reconnaît génie droit et sensé, négligé et libre, irrégulier, inconséquent peut-être, véridique avant tout.
Qui ne se rappelle en ce moment cette autre entreprise conduite par un jeune général partout victorieux, cette flotte française, si française toujours, mais si différente dans l’inspiration et le but, portant avec elle la science, l’Institut d’Égypte, les instructions d’un Volney, la tête méditative de Monge, le génie de Bonaparte ? […] Et puis, quelles que soient, dans les deux cas, les inégalités de ressources, de talent, de prévision et de calcul, ce qui me frappe, c’est combien, malgré ces différences positives tout à l’avantage de l’entreprise moderne, la part de la fortune reste grande et souveraine, et combien, après avoir un peu plus ou un peu moins cédé au génie humain, elle ne recule que pour reprendre le dessus à quelque distance dans le résultat, et pour se ménager en quelque sorte la revanche de plus loin.
Les anecdotes où Chapelle figure avec celui-ci et avec Molière sont devenues une sorte de légende ; on aimerait à savoir quelques-uns des mots gais, piquants, naïfs, qui composaient le sel de Chapelle et le faisaient tant estimer des illustres, comme étant lui-même une manière de génie. […] Ces trois ou quatre points, sur lesquels il veut attirer son attention d’homme à jeun, sont précisément les divers degrés d’impression et de sensation, puis de jugement et de raisonnement, de réflexions générales ; la conception que nous avons du passé, du présent et de l’avenir ; la faculté de retour et de considération interne sur nous-mêmes ; l’invention et la découverte des hautes vérités ; tant de sublimes imaginations des beaux génies, « une infinité de pensées enfin, si grandes et si vastes, et si éloignées de la matière qu’on ne sait presque par quelle porte elles sont entrées dans notre esprit », toutes choses qui restent à jamais inexplicables pour une philosophie atomistique et tout épicurienne.
Jamais, je l’espère bien, une telle négation du passé n’eût pu prendre et réussir absolument en France, dans cette France où le génie littéraire a sa patrie, où la tradition du talent a ses autels, où le sentiment de la beauté latine et de la grandeur romaine a passé si profondément dans notre veine nationale et dans nos propres origines. […] Avant Lavoisier, la chimie minérale, déjà explorée, offrait une multitude de sentiers et de labyrinthes dont son génie a saisi les rapports et tracé le plan.
disait-il, le sublime génie qui anime et soutient cet illustre corps m’a seul inspiré le glorieux dessein d’en être membre ; et comme, étant supérieur à tout, il n’a que de grandes vues, j’en reçois heureusement celles que je n’aurais osé prendre de mon chef, et que vous avez bien voulu rendre effectives. […] L’orateur ne montrait pas seulement la maison d’Autriche abaissée et réduite aux abois, mais encore les éléments soumis et assujettis par ce génie supérieur des quatre éléments, toutefois, un seul était pris au propre, l’eau de la mer retenue par la digue de La Rochelle ; les autres éléments ne figuraient qu’à l’état métaphorique : c’était le feu de la rébellion éteint avec celui de l’hérésie ; c’était l’air devenu plus serein, et la terre étonnée de tant de prodiges.
Racine a fini par être le premier des poètes dans Athalie, et Corneille a été le dernier dans plus de dix pièces de théâtre, sans qu’il y ait dans ces enfants infortunés ni la plus légère étincelle de génie, ni le moindre vers à retenir. […] S’il y a encore quelques hommes de génie à Paris, ils sont persécutés.
Et ici que la piété d’une sœur qui a présidé à ce monument dressé à un tendre génie nous permette une réflexion. […] Ces grandes organisations primitives auxquelles ne croyait pas Lucrèce et auxquelles Guérin nous fait presque croire ; en qui le génie de l’homme s’alliait à la puissance animale encore indomptée et ne faisait qu’un avec elle ; par qui la nature, à peine émergée des eaux, était parcourue, possédée ou du moins embrassée dans des courses effrénées, interminables, lui parurent mériter un sculpteur, et aussi un auditeur capable d’en redire le mystère.
Elle en vint par la suite à admirer, mais elle ne put jamais prendre sur elle d’aimer et de goûter ces autres génies incontestables, mais dont les écrits ont des laideurs qui choquent l’œil d’une femme . « Je déteste de rencontrer, disait-elle, ce que je ne veux pas voir. » Bientôt elle fit des vers elle-même ; elle avait reçu de la nature le rythme intérieur et la mélodie. […] Rien de plus monotone que sa vie ; elle a perdu sa mère depuis bien des années ; elle habite avec son père au château du Cayla ; elle a une autre sœur plus jeune qu’elle, Marie ou Mimi ; elle a un frère Éran ou Érembert, aimable et assez dissipé ; mais le frère chéri, le frère unique, celui de qui elle dirait volontiers ce que cette reine de Hongrie, la digne sœur de Charles-Quint, disait du grand Empereur, son frère : « Il est mon tout en ce monde après Dieu », c’est Maurice, le génie tendre et sans défense, qu’elle considère comme aventuré à travers tous les écueils de la vie et du monde.
« Ainsi finit, écrivait son fidèle majordome après l’avoir vu expirer, le plus grand homme qui ait été et qui sera. » En tout sa fin, on le voit, a sa marque bien à elle ; elle est toute particulière, monacale, strictement catholique, conforme par les circonstances et l’appareil au génie espagnol dans lequel, sans y appartenir de naissance, il était entré si profondément. Les différences de cette fin si digne, si caractérisée, mais si spéciale, si exclusive et si ensevelie, du grand empereur du xvie siècle, les contrastes qu’elle offre avec les destinées de cet autre empereur exposé plus encore que relégué à Sainte-Hélène, y achevant de vivre et s’y dévorant dans les loisirs forcés d’une retraite où les mortifications, certes, ne manquaient pas, mais qui s’éclaire des rayons d’une civilisation supérieure et des lumières d’un génie universel, sont assez sensibles sans que j’y insiste.
La société française en 1800 (et le génie civilisateur du Consul l’avait compris aussitôt) était religieuse, dans le sens du moins d’une réparation à accorder à des ministres persécutés, à des convictions proscrites, à des souvenirs respectables, redevenus plus sacrés par le malheur. […] Que ce soit dans une allée des jardins de Juilly au temps de M. de Salinis, ou au coin d’un maigre foyer dans une grande chambre à peine meublée de la rue de Vaugirard, ou sous les ombrages mélancoliques et mornes de La Chesnaie, à l’époque où s’y cachait l’humble Maurice de Guérin, inaperçu alors, devenu aujourd’hui le génie poétique du lieu ; ou encore, à quelque dîner discret du mercredi à l’Abbaye-au-Bois, sous une présidence gracieuse ; il y a de ces rencontres qui semblent toutes simples et faciles au moment même, et qui n’ont pu avoir lieu que bien peu de fois ; qui le lendemain, et l’instant passé, ne recommenceront jamais plus.
Moland nous dépeint au sortir de là, le Molière âgé de trente-six ans, rompu au métier, maître enfin de son art et avec la pleine conscience de son génie, est bien celui que nous connaissons et que tout Paris va applaudir : « Si l’apprentissage était rude, nous dit le judicieux critique, il était aussi merveilleusement propre à former l’auteur comique. […] Aimer La Fontaine, c’est presque la même chose qu’aimer Molière ; c’est aimer la nature, toute la nature, la peinture naïve de l’humanité, une représentation de la grande comédie « aux cent actes divers », se déroulant, se découpant à nos yeux en mille petites scènes avec des grâces et des nonchalances qui vont si bien au bonhomme, avec des faiblesses aussi et des laisser aller qui ne se rencontrent jamais dans le simple et mâle génie, le maître des maîtres.
Il est bon de savoir aussi que, quelque brave qu’il pût être de sa personne, il n’avait pas le génie de la guerre. Un homme qui n’avait que ce talent-là, mais qui l’avait, et qui vit de près La Rochefoucauld à l’œuvre, le comte de Coligny, a dit de lui, tout en reconnaissant qu’il avait du cœur comme soldat, mais en le déprisant et l’anéantissant comme capitaine : « C’est le génie le plus bouché pour la guerre qui ait été en France depuis il y a cent ans. » Le mot dans sa crudité est mémorable.
Dans la première moitié de son œuvre, on a un charmant petit maître dont le crayon se joue aux costumes et aux ridicules : dans la seconde, c’est un dessinateur vigoureux, coloré, d’un grand caractère, un vrai peintre par le génie du crayon. […] Ils ont expliqué avec une vivacité et une sorte de rivalité de plume comment de son crayon il attaque la pierre, comment il la traite avec un sans façon, avec une hardiesse qu’on n’y avait jamais apportés avant lui, et ils nous ont donné l’idée de ce génie du dessin en action.
Sans parler même de ces journées à jamais mémorables contre les Perses et le grand roi, je ne conçois pas un Grec instruit, sachant son Homère, applaudissant son Sophocle, et qui n’aurait pas eu une idée précise de la bataille de Leuctres, cette invention éclose du génie d’Épaminondas. […] L’idée générale, suggérée très sensément par Louis XIV et sur laquelle il revient plus d’une fois, ne devint donc un trait de génie militaire et une heureuse pensée stratégique que moyennant transformation.
J’en indiquerai quelques-unes qu’il faudrait citer dans l’original : « De même que chez les poètes un vrai génie n’est jamais que rare, de même le vrai goût est rarement le lot des critiques ; les uns et les autres également ne tirent que du Ciel leur lumière, les uns nés pour juger comme les autres pour produire. » « Quelques-uns ont d’abord passé pour beaux esprits, ensuite pour poètes ; puis, ils se sont faits critiques, et ils se sont montrés tout uniment des sots sous toutes les formes ! […] Des talents puissants n’ont pas hésité à faire de l’exagération une vertu (voir dans le Shakespeare de Victor Hugo, pages 122-124, toute une théorie sur les génies outrés).
Je crois cette méthode fort hasarde,, et injuste pour le passé : c’est, me dira-t-on, celle du génie qui procède volontiers en maître et en conquérant ; mais, comme le génie est rare, c’est aussi celle de la prétention et de l’effort ambitieux, bruyant, une méthode tapageuse et qui prête fort au charlatanisme.
À voir, cependant, chez elle l’emploi de ce patois si libre, si naïf, si coloré, je me suis rappelé une remarque du comte Jaubert, qui se trouve des mieux justifiées : « On peut soutenir sans paradoxe, dit-il dans la savante Introduction au Glossaire du centre de la France, que les patois déploient généralement un luxe de tropes à étonner Dumarsais lui-même, une originalité, une sorte de génie propre, capable non seulement d’intéresser, mais même d’offrir certaines ressources au grand art d’écrire. » Il y faut seulement, pour ce dernier point, du choix et de la sobriété. […] Et si son frère (dans les pages magnifiques du Centaure) porte mieux au front le sceau du génie, la flamme, combien Eugénie lui est supérieure par la vraie grandeur : l’oubli de soi, constant, sans recherche, le don du cœur à un autre cœur !
Je ne m’explique pas très bien qu’à la fin du même article sur Galilée, et pour nous rendre plus sensible la physionomie scientifique du savant personnage, le peintre biographe soit allé chercher je ne sais quelle combinaison imaginaire des génies d’Ampère et d’Arago : j’ai peine à me représenter ce qui en résulte pour la ressemblance. […] De ce que Newton, contrôleur de la monnaie de Londres, a été d’avis qu’on devait pendre un faux monnayeur convaincu de ce crime par-devant le jury, et de ce qu’il n’ait pas donné à l’avance dans l’opinion de Beccaria contre la peine de mort, je ne vois pas ce qu’on en peut conclure par rapport à son génie ou même à son caractère, et il faut bien être de cette date philanthropique de 1865 pour voir là dedans autre chose qu’une opinion des plus ordinaires et des plus simples, des plus commandées à la date et dans la position de Newton.
Ce n’est pas un Génie qui le conduit, c’est un follet indécent et malin. C’est la juste harmonie du jugement avec l’imagination, qui constitue l’homme d’esprit ; joignez-y la conception nette et facile, c’est l’homme de beaucoup d’esprit ; avec le courage de plus, c’est l’homme de génie : mais, avec le feu seul de l’imagination, on extravague… « Il est de ces familles de Cour, tirées de l’obscurité par le bonheur et par l’intrigue, sans avoir jamais rendu d’éclatants services, sans avoir produit d’hommes d’un mérite élevé71.
Le monde de l’art, au contraire, contient les nobles âmes, les aines mélancoliques, les âmes désespérées, les âmes fières et gouailleuses, — comme Watteau, qui échappe aux amitiés des grands et parle de l’hôpital ainsi que d’un refuge ; comme Lemoyne, qui se suicide ; comme Gabriel de Saint-Aubin, qui boude l’officiel, les Académies, et suit son génie dans la rue… Aujourd’hui nous avons changé cela : ce sont les lettres qui ont pris cette libre misanthropie de l’art. » Je le répète, cette page n’est pas juste. […] L’un est le dernier esprit de l’ancienne France : l’autre est le premier génie de la France nouvelle. » Ce n’est pas moi qui retirerai jamais rien à Diderot ; mais on conçoit que Voltaire soit immortel ; il ne l’a certes pas volé !
1837 On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de poésie populaire ; on en a remis en honneur le règne et la floraison, trop oubliés jusqu’alors, et qui avaient orné un certain âge adolescent de la vie des nations ; on est même allé jusqu’à se figurer un temps privilégié où la poésie circulait comme dans l’air, où chacun plus ou moins y participait, et où l’œuvre admirée se formait du génie de tous. […] Là où nous rencontrons un contemporain imprévu qui, pour être tout à fait du peuple, n’en est que plus poëte selon son cœur, et selon notre propre génie français, ne disons pas : C’est différent ; sachons le reconnaître sans pruderie et l’honorer.
Ce qui y circule et l’anime, c’est le génie d’Adèle, génie aimable, gai, mobile, ailé comme l’oiseau, capricieux et naturel, timide et sensible, vermeil de pudeur, fidèle, passant du rire aux larmes, plein de chaleur et d’enfance.
Aussi les bibliothèques sont-elles pleines d’histoires médiocres, triviales, sans génie, sans philosophie, sans politique, sans couleur, sans pathétique, sans moralité, écrites par des annalistes de tous les pays ; enregistreurs de dates, de nomenclatures, de faits, ils tiennent la chronologie du monde, l’état civil des nations. […] — C’est que le sujet dépasse le génie !
Il ne faut pas en accuser seulement son manque de génie, et celui de tant d’auteurs qui ne réussirent pas mieux que lui. […] Tous les genres que j’ai nommés, anciens et récents, déformations et créations, toutes les traditions et toutes les nouveautés, comédie larmoyante, comédie de caractère, comédie de mœurs, bouffonnerie, satire morale, sociale, philosophique, aristophanesque, tout cela se réunit dans l’œuvre supérieure que le théâtre comique nous présente à la fin du siècle, dans l’étincelant et complexe génie de Beaumarchais, qu’il nous faut réserver pour le faire apparaître à sa date496.
Que n’eût point donné Jean-Jacques Rousseau pour n’être pas gauche auprès des femmes, pour les séduire par autre chose que son génie d’écrivain, par des dons purement extérieurs et frivoles ! […] Car, si tout n’était pas vanité, si toute vie n’était attendue par la mort, il serait horrible de songer que nous ne connaissons qu’une vie médiocre, que nous n’avons pas de génie, que nous ne faisons rien de grand, que nous ignorons même à peu près la vie sensuelle et passionnelle et les « mille et trois » de don Juan, et que nous ne sommes pas « comme des dieux », ainsi que parlent les livres saints.
Tout ce joli parler est déduit ici au long avec une vérité de nature qui, poussée à ce degré, est plus que la science des mères, et qui est le don unique du génie. […] J’ai dit que Mme Sand applique le procédé de Paul-Louis Courier ; mais, en s’en souvenant, elle moins savante ; par une grâce de génie, elle fait mieux d’emblée, c’est-à-dire avec plus de verve, plus d’entrain facile.
Tout à côté de Mme de Sévigné, avec moins d’imagination dans le style et de génie de détail, mais avec une invention poétique et romanesque pleine de tendresse, et une légèreté, une justesse d’expression incomparable, on trouve Mme de La Fayette. […] Vous autres Anglais, disait-elle à Walpole, vous ne vous soumettez à aucune règle, à aucune méthode ; vous laissez croître le génie sans le contraindre à prendre telle ou telle forme ; vous auriez tout l’esprit que vous avez, si personne n’en avait eu avant vous.
Saint-Simon était doué d’un double génie qu’on unit rarement à ce degré : il avait reçu de la nature ce don de pénétration et presque d’intuition, ce don de lire dans les esprits et dans les cœurs à travers les physionomies et les visages, et d’y saisir le jeu caché des motifs et des intentions ; il portait, dans cette observation perçante des masques et des acteurs sans nombre qui se pressaient autour de lui, une verve, une ardeur de curiosité qui semble par moments insatiable et presque cruelle : l’anatomiste avide n’est pas plus prompt à ouvrir la poitrine encore palpitante, et à y fouiller en tous sens pour y étaler la plaie cachée. […] C’est de l’antique ressaisi naturellement et sans effort par un génie moderne, par un cœur chrétien, qui, nourri de la parole homérique, s’en ressouvient en liberté et y puise comme à la source ; mais il la refait et la transforme insensiblement, à mesure qu’il s’en ressouvient.
Le bon sens et le génie sont de la même famille : l’esprit n’est qu’un collatéral. […] M. de Balzac a souvent pensé à Walter Scott, et le génie du grand romancier écossais l’a vivement excité, dit-il.
Mais, en dehors de ces génies tout individuels de Rabelais et de Montaigne, le xvie siècle nous montre une quantité d’excellents et vigoureux esprits, de graves et énergiques personnages, qui usèrent vaillamment ou sainement des ressources de la langue à cette époque de confusion et de lutte, et qui, en l’appliquant selon les besoins divers, y mirent encore moins l’empreinte de leur génie propre que celle du parti et de la classe auxquels ils appartenaient.
Je sais, à l’heure qu’il est, tel érudit qui compare plus curieusement que jamais les diverses éditions premières de Rabelais, des éditions (notez-le bien) dont il ne reste qu’un exemplaire unique, et dont un second exemplaire serait introuvable : de cette collation attentive des textes jaillira quelque conséquence littéraire assurément, et philosophique peut-être, sur le génie de notre Lucien-Aristophane. […] À cet égard, en obéissant si pleinement à son génie, il a dépassé et quelquefois excédé celui de la langue.
Il y a certainement des coins du génie russe que Rulhière n’a point pénétrés ni appréciés ; n’ayant vécu qu’à Saint-Pétersbourg et dans le grand monde, il a vu surtout dans ce peuple plein de disparates les mœurs d’un Bas-Empire, il a cru y voir une sorte d’Empire grec finissant, et il n’a pas assez signalé, sous ce vernis de civilisation avancée, un peuple jeune qui commence. De même dans ce qu’il a dit de Catherine, tout en reconnaissant aussitôt que la nature semblait l’avoir formée pour la plus haute élévation, il ne paraît pas s’être rendu tout à fait compte de ce génie viril qui allait la classer, avec Élisabeth d’Angleterre, dans le petit nombre des grands monarques.
Il ne dit qu’une chose juste : c’est que l’illustration n’est amusante pour un artiste, qu’avec les génies du passé, qui écrivent : « Il entra dans un bois sombre, où il arriva devant un palais, dont les murs semblaient de diamant. » * * * — Quelle diablesse de lettre peut écrire au restaurant, une femme honnête flanquée de son mari, — et une lettre de huit pages, tracée d’une main gantée, avec sa voilette sur les yeux. […] Il y a là, Gille, nous racontant ses fréquentations à la Pissole, avec Grassot, frénétique admirateur de Chateaubriand, qui, avant de prendre connaissance de son premier vaudeville, lui dit : « Mon petit, as-tu seulement lu Le Génie du christianisme ?
Il ne pouvait pas lui donner son genre de génie ; car, en fin de compte, Strauss est ingénieux : il organise ses sophismes avec un art de constructeur qui fait mirage ; il n’a que des vapeurs sous la main et il en construit parfois des palais ! […] Chef-d’œuvre du Charpentier divin et de ses coopérateurs, Édifice ultra-mondain, Royaume sur lequel il est plus vrai de dire que le soleil ne se couche pas que sur l’empire de Charles-Quint, l’Église inspirerait au Génie et à l’Amour de magnifiques et inépuisables litanies !
Autour des trois ou quatre points de droit qui constituaient la jurisprudence gallicane, il s’était formé, à l’abri des parlements et de l’ancienne Université, une sorte d’esprit religieux modéré, assez libre, tout à fait tempéré, dans lequel de beaux génies avaient pu vivre et qui convenait aux raisons droites et modestes.
Écoutez votre génie, monsieur ; chargez votre muse d’en redire les inspirations, et, pour atteindre la renommée, vous n’aurez besoin d’être porté dans le casque de personne.
De là, la création du Grand-Livre, qui ne faisait qu’une dette uniforme et républicaine de toutes les dettes vieilles et récentes, et fondait le crédit public en rattachant la destinée des créances à celle de l’État ; institution profonde, inspirée au génie de Gambon par les circonstances, et qui leur devait survivre.
Pour dédaigner les richesses, attendez que vous ayez connu les années du malheur, que de longues privations aient diminué vos forces, et que vous ayez vu, dans la pauvreté, le génie même devenir stérile, à cause de la perpétuelle résistance des choses, ou de la faible droiture des hommes.
Mais aussi dans ces intervalles, que de misères, que de tiraillements, que d’inconséquences, que de velléités chétives, que de bouderies contre ce qui existe, que de taquineries de méchants enfants (et il y en a dans le nombre qui devraient être sages, car ils sont grands et même célèbres), et combien ils seraient attrapés tout les premiers si un mauvais Génie les prenaît au mot !
Mais elle s’en est supérieurement tirée, et nous a répondu franchement que les prédicateurs devaient prêcher la morale et point le dogme ; que l’esclavage avilissait l’homme jusqu’à s’en faire aimer ; que Louis XIV devait plus aux grands génies de son temps que Racine et Pascal ne devaient à Louis XIV, et que, d’ailleurs, Bonaparte était fils de la liberté, et qu’il avait tué sa mère.
Il faut rechercher la correction sans exagération, sans minutie, sans puérilité, respecter ces bonnes et larges règles de la syntaxe qui ont servi, non gêné nos grands écrivains, et qui sont l’image sensible du génie même de la langue.
J’imagine qu’il murmure entre deux antiennes : — « Seigneur, si j’ai du génie, je sais que je vous le dois.
Maurice Maeterlinck, est un homme de génie authentique, un très grand phénomène de puissance mentale à la fin du xixe siècle.
Il y a donc, dans l’œuvre et dans le génie de Molière, une part à faire à l’Espagne, comme une part à faire à l’Italie.
Les inventions étranges et monstrueuses, les machines, les pompes du spectacle, le chant, la musique l’emportèrent sur les combinaisons plus ou moins ingénieuses du génie comique italien.
Les hommes de génie dans les lettres peuvent être courtisans des rois, et avoir eux-mêmes des rois pour courtisans.
Quelques Gens de Lettres, sans doute intéressés à ce qu’elle ne fût point jouée, ont crut devoir lui opposer l’autorité, au défaut du talent, arme plus convenable cependant à des Génies qui rougiroient de subsister autrement que par eux-mêmes.
Mais le génie d’Athènes trahit victorieusement le traître : la brèche indiquée par Hippias, c’était Marathon.
Il faut se rappeler que c’est elle qui a produit le seul colosse que ce siècle puisse mettre en regard de Bonaparte, si toutefois Bonaparte peut avoir un pendant ; cet homme de génie, turc et tartare à la vérité, cet Ali-pacha, qui est à Napoléon ce que le tigre est au lion, le vautour à l’aigle.
Ses écrits sont marqués au coin du génie.
Ce beau pays de France, pour prodiguer de nouvelles moissons, n’a besoin que d’être cultivé un peu à la manière de nos pères : c’est une de ces terres heureuses où règnent ces génies protecteurs des hommes, et ce souffle divin qui, selon Platon, décèle les climats favorables à la vertu162.
Je conçois donc que le génie qui forme les excellens déclamateurs, consiste dans une sensibilité de coeur, qui les fait entrer machinalement, mais avec affection, dans les sentimens de leur personnage.
II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies !
Lorsque tout éclate et crève de publicité autour de nous, c’est comme une fatuité profonde de garder l’anonyme ; et se le permettre, si on n’a pas le génie de Scott ou de Cooper, c’est courir le risque d’être puni par où l’on a péché.
A défaut de génie, la franchise est un moyen de parvenir à la mise en valeur du vrai.
., vinrent à la philosophie à travers les mathématiques ; l’un d’eux, Henri Poincaré, fut un mathématicien de génie.
D’autre part, il était plus strict, plus intransigeant dans l’idée qu’il se faisait du génie français que M. […] Tout cela fait qu’il nous offre le phénomène, non pas seulement du génie sans le talent, ce qui est assez commun et ce qui se conçoit, mais encore le phénomène presque inouï, et bien difficile à expliquer, de la poésie sans le style. » (« Le génie sans le talent. » Ne démontrerait-on pas aussi bien que Scribe a eu dans son métier tout le talent qu’on voudra sans l’ombre de génie ? […] Mais il faut que quelque historien de génie nous révèle ces personnages, les dresse, vivants et distincts, devant nos yeux. […] Il ne peut qu’écouter tout bêtement son « génie ». […] Baudelaire écrivait dans son journal : « Créer un poncif, c’est le génie.
Son génie plastique, pittoresque, précis, païen, est très différent du génie impalpable, spiritualiste, chrétien de Lamartine. […] Comme aux jours glorieux de la cité antique, le peuple avait voulu être régi par l’éloquence et par le génie. […] Dès lors, commença ce long crépuscule où son génie s’éteignit lentement et tristement. […] Par quelles transformations peuvent-elles s’adapter aux temps ou au génie des peuples ? […] Dans le livre, parmi les réussites, les trouvailles et, par instants, les beautés où s’exerce, s’amuse et triomphe le brillant génie de M.
Cela s’explique assez par la parenté des langues et par d’évidentes affinités de génie. […] Voilà les principales ressemblances entre ces deux hommes d’un si robuste génie. […] Un jeune homme pauvre, et dont il n’est pas encore prouvé qu’il ait du génie, n’épouse pas une jeune fille millionnaire. […] Ce n’est rien que nous, et c’est peu de chose que l’auteur d’Attila devant le souverain génie d’un Victor Hugo. […] Une œuvre de génie a pour auteurs, d’abord le poète lui-même, puis les plus originaux de ses lecteurs dans la suite des générations.
Il a le génie de l’alliance de mots cocasses, celui de la comparaison discordante, qui toutes deux agissent sur les nerfs d’une façon presque aussi irrésistible que le chatouillement. […] C’est pourquoi l’un donne l’impression du génie quand l’autre ne fait au plus figure que d’un homme de talent. […] On constate aussi, non sans regrets, que ces données nourrissent de moins en moins abondamment le génie de l’artiste, comme si sa veine s’épuisait. […] Si son génie séduisant n’est point de ceux qui impriment aux arts un mouvement irrésistible et qui fournissent des modèles encore non vus, du moins a-t-il ses caractères déterminés et son originalité propre. […] Cependant elles ne s’animent réellement que lorsque s’y insuffle une voix valeureuse — et le génie, Marivaux ou Watteau, les a parfois douées de sa généreuse toute-puissance.
Le fort, il est encore dans la tête de l’officier du génie chargé de le construire. […] » Et mon voisin me raconte que l’homme aux fusils, est un génie dans son genre, un voyant, qui a gagné six millions dans des affaires, que personne ne soupçonnait, qu’il achète d’un coup 600 000 fusils de rebut, à 7 francs pièce, et qu’il les revend près de 100 francs au Congo, au roi du Dahomey, et encore gagne-t-il sur l’ivoire et la poudre d’or avec lesquels on le rembourse. […] Ici, dans une cépée d’arbres, un atelier de gabions et de fascines, et la note bleue des blouses dans l’abatis lilas et vert des arbres ; là, accrochée à un petit monticule, entre des troncs d’arbres, l’installation presque aérienne de la cuisine et des lits à la Robinson, de soldats du génie. […] Lundi 26 septembre Toute la route du Point-du-Jour jusqu’au Rempart : ça semble les fortifications du corps de génie des barricades. […] La défense est ici sur une proportion gigantesque, et digne de ce faubourg d’émeute, de ce faubourg Saint-Antoine qui semble avoir mêlé le génie militaire au génie de la guerre des rues.
I Lorsqu’une civilisation nouvelle amène un art nouveau à la lumière, il y a dix hommes de talent qui expriment à demi l’idée publique autour d’un ou deux hommes de génie qui l’expriment tout à fait : Guilhem de Castro, Pérès de Montalvan, Tirso de Molina, Ruiz de Alarcon, Augustin Moreto, autour de Calderon et de Lope ; Crayer, Van Oost, Romboust, Van Thulden, Van Dyck, Honthorst, autour de Rubens ; Ford, Marlowe, Massinger, Webster, Beaumont, Fletcher, autour de Shakspeare et de Ben Jonson. […] Ainsi traîne et finit presque toujours lugubrement et misérablement le dernier acte de la comédie humaine ; au bout de tant d’années, après tant d’efforts soutenus, parmi tant de gloire et de génie, on aperçoit un pauvre corps affaibli qui radote et agonise entre une servante et un curé. […] De même que les révolutions compliquées des corps célestes ne deviennent intelligibles qu’au contact du calcul supérieur, de même que les délicates métamorphoses de la végétation et de la vie exigent pour être expliquées l’intervention des plus difficiles formules chimiques, ainsi les grandes œuvres de l’art ne se laissent interpréter que par les plus hautes doctrines de la psychologie, et c’est la plus profonde de ces théories qu’il faut connaître pour pénétrer jusqu’au fond de Shakspeare, de son siècle et de son œuvre, de son génie et de son art. […] Il avait l’imagination complète ; tout son génie est dans ce seul mot.
N’est-ce pas une triste aberration de son génie ? […] Bossuet philosophe, politique, historien, polémiste, savant, écrivain, orateur… Je demande la permission d’examiner en détail ces faces différentes de son génie. […] Si quelques-uns estiment qu’il y a presque incompatibilité entre le génie de Bossuet et le rôle odieux que lui assigne l’histoire — et nous venons de dire pour quelles raisons nous ne sommes pas de cet avis, — d’autres s’étonneront de l’ascendant tout-puissant qu’il dut posséder sur l’esprit du roi, pour diriger de haut l’Inquisition. […] Si la Prusse n’avait pas reçu cette impulsion soudaine, si elle n’avait pas absorbé toute cette force d’eugénisme, ses destinées n’auraient pas, malgré tout le génie d’une série de grands princes, balancé celle des autres états allemands.
Crébillon, le tragique, qui le reçut, ne trouva à lui donner que ce vague éloge : « Votre génie a paru jusqu’ici tourner du côté de la poésie. » Dans les années qui suivirent sa réception, Bernis figure plus d’une fois à la tête de la compagnie, dans les occasions solennelles où il fallait représenter à Versailles. […] Il y a plus : Bernis, avant cette époque, et dès 1737, avait entrepris, par les conseils du cardinal de Polignac, avec qui il avait plus d’un rapport de nature, de fragilité et de génie, un poème sérieux qu’il a depuis mené à fin, et qui a été somptueusement imprimé après sa mort (Parme, 1795), La Religion vengée.
Il continuait de vivre ainsi de cette vie sans règle et sans excès apparent, lettré amateur, agréable à sa société, badin, d’une espièglerie spirituelle et vive, semblant avoir pris pour devise ce mot d’un poète : « Dilecto volo lascivire sodali », et, pour tout dire, le plus aimable des compagnons, lorsque arriva le grand événement qui l’arracha à la société, le plongea en d’inexprimables angoisses et l’amena graduellement, et par des épreuves douloureuses, à un état de rajeunissement et de maturité d’où sortirent des productions de génie. […] Cependant le génie devenait plus fort et sentait ses ailes : Hélas !
Un jour que Frédéric lui avait envoyé un écrit de sa façon, un Essai sur les formes de gouvernement et sur les devoirs des rois (1777), le prince Henri, en remerciant son frère, lui disait : Vous avez fait le plus beau portrait des devoirs d’un souverain ; ce tableau cependant ne peut guère être imité : il faudrait toujours des princes doués de votre génie, et qui eussent vos connaissances ; la nature n’en produit pas de cette espèce : je désirerais donc encore un chapitre utile pour un homme que la naissance place sur le trône, mais auquel la nature a refusé les dons que vous possédez. […] Il se peut que je me trompe, mais je le crois rempli du désir et du zèle à faire le bien ; mais n’ayant pas de génie et de connaissances, il ne sait comment s’y prendre.
De tels résultats ne s’obtenaient pas sans bien des soins, de l’application, et sans une nature particulière de génie. […] Il faisait remarquer que ce genre de guerre timide et circonspecte était le moins conforme au génie de notre nation, et que rien n’y compensait la souffrance et le danger : Enfin, monsieur, écrivait-il à M.
Il a témoigné sa piété et la force de son génie dans la traduction du Nouveau Testament, dans celle du bréviaire romain et de quelques autres pièces saintes, dont il a fait sa principale occupation. […] Il mourut à Paris le 6 mars 1681, à l’âge de quatre-vingt-un ans ; il fut inhumé, en personnage illustre, dans l’église de Saint-Sulpice, avec une belle épitaphe très en vue, et un médaillon en marbre blanc contenant son portrait et surmonté d’un génie pleurant qui tient son flambeau renversé.
Quand il vivait familièrement avec ceux qu’il aimait, il était simple dans ses manières, mais c’était la simplicité du génie : dans la société, il était le premier à bannir toute contrainte ; il s’en trouvait gêné lui-même au point d’en témoigner de l’impatience. […] Supportera-t-on de vous voir unir l’élévation si marquée du rang à l’élévation du génie qu’on sent en vous et qu’on voudrait en vain contester ?
Toute mesure paraissait clémente, en effet, et comme bienfaisante au prix de celles qu’inventait le génie des Louvois et des Bâville pour retenir et interner les honnêtes gens qu’on voulait convertir. […] Mais chacun a son génie à soi et sa façon de faire, et il n’y a pas de sûreté à en sortir ni à en vouloir changer.
Cuvier, dit-il, un des plus grands génies de notre époque, qui a participé à l’instruction publique toute sa vie, soit comme professeur, soit comme haut administrateur, soit par ses ouvrages, soit par ses voyages d’inspection, était un ennemi prononcé de la rhétorique. […] Elle aimait tout de lui, disait-elle dans des vers passionnés : J’aime tout dans celui qui règne sur mon cœur… Elle aimait son talent, ce qu’elle appelait son génie, ses défauts même, son air vaurien ou lutin, et jusqu’à ses infidélités et ses inconstances : comment n’aurait-elle pas aimé sa manière correcte et digne ?
Que l’Empereur exerce sur moi la tyrannie la plus absolue, je m’en console : il a sur moi les droits que donnent le génie et la puissance. […] … Je me tais par prudence, et plutôt pour vous que pour moi… » Berthier, ce grand chef d’état-major dont je ne prétends point méconnaître les mérites appropriés au génie du maître, mais « à qui il fallait tout dicter » ; Berthier, « à qui vingt campagnes n’avaient pas donné une idée de stratégie », et qui n’en avait que faire sans doute dans son rôle infatigable d’activité toute passive ; Berthier, qui, au début de la dernière guerre d’Allemagne (1809), dépêché d’avance à Ratisbonne pour y rassembler l’armée, avait signalé son peu de coup d’œil personnel, son peu de clairvoyance dans l’exécution trop littérale des ordres en face d’une situation non prévue ; Berthier, qui pourtant s’était vu comblé de toutes les dignités, de toutes les prérogatives, et finalement couronné et doté jusque dans son nom de cette gloire même de Wagram, — un tel personnage avait certes beau jeu contre un simple officier en disgrâce, dont il ne prévoyait pas les titres distingués et permanents auprès de tous les militaires instruits et des studieux lecteurs de l’avenir.
Rendons, rendons enfin admiration et justice à ces hommes qui ont imposé leur nom à leur siècle, Périclès, Auguste, Léon X et Louis XIV ; oui, ils ont été pour beaucoup dans la grandeur et la majesté de l’âge qu’on les a trop accusés d’accaparer ; leur absence totale et prolongée est bien capable aujourd’hui de faire apprécier leur rôle : ils ont empêché les génies et les talents de s’égarer, de se dissiper, les médiocres de passer sur le corps des plus grands ; ils ont maintenu les proportions, les rangs, les vocations, la balance des arts. […] Une dés plaies les plus inhérentes à la littérature actuelle, c’est assurément la fatuité ; Byron, qui en recélait une bonne dose dans son génie, l’a inoculée ici chez beaucoup, et d’autres en avaient déjà cultivé le germe.
Tandis que la postérité acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille, des Molière, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on revisait avec une singulière rigueur les titres de Boileau au génie poétique ; et il n’a guère tenu à Fontenelle, à d’Alembert, à Helvétius, à Condillac, à Marmontel, et par instants à Voltaire lui-même, que cette grande renommée classique ne fût entamée. […] La raison fut son génie ; c’était en lui un organe délicat, prompt, irritable, blessé d’un mauvais sens comme une oreille sensible l’est d’un mauvais son, et se soulevant comme une partie offensée sitôt que quelque chose venait à la choquer. » Cette même raison si sensible, qui lui inspirait, nous dit-il, dès quinze ans, la haine d’un sot livre, lui faisait bénir son siècle après Phèdre.
Il s’y élève à une hauteur de vues politiques et d’éloquence à laquelle il n’avait pas encore atteint, et on le dirait inspiré du génie de Mirabeau. […] » Mirabeau avait dit un jour à Barnave, pour signifier que son talent d’orateur n’était pas du génie : « Il n’y a point de divinité en toi !
Héros avorté de cette époque de Louis XVI qui n’a eu que des promesses, M. de Guibert entra dans le monde la tête haute et sur le pied d’un génie ; ce fut sa spécialité pour ainsi dire que d’avoir du génie, et vous ne trouvez pas une personne du temps qui ne prononce ce mot à son sujet.
L’abbé de Guasco, espèce de complaisant de Montesquieu, est un personnage utile pour servir d’introducteur çà et là : Entre vous et moi, écrit Chesterfield, il a plus de savoir que de génie ; mais un habile homme sait tirer parti de tout, et tout homme est bon à quelque chose. […] Il a du génie avec la plus vaste lecture du monde.
Encore une fois, je crois entrevoir là une Jeanne d’Arc primitive, possédée de son démon ou génie (nommez-le comme vous voudrez), mais de son génie accoutré à la mode du temps, la vraie Pucelle en personne, sans rien de fade ni de doucereux, gaie, fière, un peu rude, jurant par son bâton et en usant au besoin, un peu exaltée et enivrée de son rôle, ne doutant de rien, disant : Moi, c’est la voix de Dieu, parlant et écrivant de par le Dieu du ciel aux princes, aux seigneurs, aux bourgeois des villes, aux hérétiques des pays lointains, disposée à trancher dans les questions d’orthodoxie et de chrétienté pour peu qu’on lui laissât le temps d’écouter ses voix.
Saint-Évremond ne croit en rien à l’avenir, et toutes ses espérances, comme tous ses bonheurs, se terminent pour lui au moment prochain ou présent : « Je n’ai pas en vue la réputation, dit-il… je regarde une chose plus essentielle, c’est la vie, dont huit jours valent mieux que huit siècles de gloire après la mort… Il n’y a personne qui fasse plus de cas de la jeunesse que moi… Vivez ; la vie est bonne quand elle est sans douleur. » Lui, qui a si bien pénétré le génie des Romains, voilà pourtant ce qui lui a manqué peut-être pour être leur peintre durable et définitif ; il a laissé cet honneur à Montesquieu. […] Et maintenant, quand on a parlé de Ninon avec justice, avec charme, et sans trop approfondir ce qu’il dut y avoir de honteux malgré tout, ce qu’il y eut même de dénaturé à une certaine heure, et de funeste dans les désordres de sa première vie, il faut n’oublier jamais qu’une telle destinée unique et singulière ne se renouvelle pas deux fois, qu’elle tient à un incomparable bonheur, aidé d’un génie de conduite tout particulier, et que toute femme qui, à son exemple, se proposerait de traiter l’amour à la légère, sauf ensuite à considérer l’amitié comme sacrée, courrait grand risque de demeurer en chemin, et de flétrir en elle l’un des sentiments, sans, pour cela, se rendre jamais digne de l’autre21.
C’est ainsi que ses poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques qui rappellent celles du Moyen Âge et de la Grèce, se trouve être en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection. […] En débutant dans son patois d’Agen, il trouva une langue harmonieuse encore, mais très atteinte par les invasions françaises, qui y avaient importé des tours et des mots contraires au génie primitif.
Hors de là, la pièce est dans ce genre roide, rude, tendu et emphatique, qui rappelle parfois le ton et le tic, mais non le génie de Corneille. […] Homme plein d’adresse et de finesse dans le détail et dans la pratique des mots, plein de force et de constance dans l’ensemble du labeur, Raynouard, bon grammairien et avec des éclairs du génie philologique, manquait, j’ose le dire, par l’idée philosophique élevée qui embrasse, qui lie naturellement tous les rapports d’un sujet, et que Fauriel et Guillaume de Schlegel, comme savants, entendaient bien autrement que lui.
Précisons que Hennequin sera lu et commenté à son tour par Guyau dans L’Art du point de vue sociologique à propos de la question du « génie » (rééd. […] (NdE)] (Esthétique) admet ce fait et l’explique eu disant que l’admiration pour le génie de l’artiste fait passer par-dessus la répulsion causée par les objets représentés.
Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan. […] Ce même jour 23 avril 1616, mourut Cervantes, génie de la même stature.
Donner le pas sur les choses importantes à celles qui le sont beaucoup moins, ne pas discerner le fort et le faible entre les moyens d’arriver au but incontestable, qu’est donc cela, sinon manquer de génie politique, être impropre à se tirer avec supériorité des difficultés de gouvernement ? […] S’il a la conscience timorée de l’érudit, il n’a pas le génie de l’appréciation, nécessaire à tout esprit qui aborde l’histoire ; car la conscience de l’exactitude est insuffisante.
Ces simples et fortes notions, que le dix-huitième siècle avait troublées, furent reprises au commencement du dix-neuvième, et posées comme bases d’un système auquel le génie de M. de Bonald donna de sa propre solidité. […] Renan, « que le langage de l’homme s’est comme formé d’un seul coup, et est comme sorti instantanément du génie de chaque race », pose donc la diversité de la race à la première ligne de son affirmation.
Car, sans doute, si l’on eût dépensé de ce côté la somme de travail, de talent et de génie qui a été consacrée aux sciences de la matière, la connaissance de l’esprit eût pu être poussée très loin ; mais quelque chose lui eût toujours manqué, qui est d’un prix inestimable et sans quoi le reste perd beaucoup de sa valeur . la précision, la rigueur, le souci de la preuve, l’habitude de distinguer entre ce qui est simplement possible ou probable et ce qui est certain. […] La démonstration mathématique — cette création du génie grec — fut-elle ici l’effet ou la cause ?
Son génie promit plus que ne tint sa vie, et il eut moins qu’il ne mérita. […] Le génie de cette race est passionné et réfléchi ; les hommes concentrés y abondent ; mélancoliques, ardents, sérieux, religieux, solitaires, ils pensent naturellement à Dieu, au devoir, au bonheur, à la vie future, et leurs orages sont intérieurs.
Pour les gens du pays qui y reviennent par l’étude, il n’est rien de plus naturel et de plus aisé que de ressaisir le sens et le génie de l’ancienne langue.
La sagesse et le génie de l’Assemblée constituante firent tout ce qu’on pouvait en de telles conjonctures pour concilier et affermir, pour déblayer d’une main et fonder de l’autre, pour livrer à la nation rajeunie un vaste et solide édifice de liberté.
Les individus illustres sont assurés de retrouver leur place dans cette prochaine association de l’art vers laquelle convergent rapidement toutes les destinées de notre avenir ; Victor Hugo y fournira une phase de plus, une période nouvelle de son génie ; Alfred de Vigny, merveilleux poète, y marchera d’un pied plus ferme sur cette terre dont il a été jusqu’ici trop dédaigneux.
Dans sa forme indigente de langue synthétique dégénérée, l’ancien français enveloppe et manifeste déjà un génie analytique : organisme mixte qui relie les formes extrêmes, et nous aide à passer du latin, si riche des six cas de sa déclinaison, au français moderne qui n’en a pas.
Il le montrait seul capable de progrès, ayant seul le privilège du génie individuel qui est l’agent actif du progrès, seul fait pour la moralité, et pour trouver le bonheur dans l’exercice continu de ses facultés intellectuelles.
A une époque où le génie français s’épanchait avec une magnifique intempérance, au temps de la poésie romantique, au temps des romans débordés, Mérimée, comme Stendhal (mais avec plus de souci de l’art), restait sobre et mesuré, gardait tout le meilleur de la forme classique en y enfermant tout le plus neuf de l’âme et de la philosophie de notre siècle.
Car, à mesure que ce siècle s’achemine tristement vers sa fin, je me sens plus d’amour pour les génies amples, magnifiques et féconds qui en ont illustré les cinquante premières années.
C’est une des plus notables singularités de son génie. « … Comme Hégel, écrit-il, j’avais le tort d’attribuer trop affirmativement à l’humanité un rôle central dans l’univers.
Mallarmé, par le spectacle prométhéen d’un immense génie foudroyé, nous a donné le goût de l’héroïsme et l’impérieux besoin de la victoire.
La marque du génie ne sera-t-elle pas alors de faire la fête soi-même ?
Quelquefois, à Élie on associait, soit le patriarche Hénoch, auquel, depuis un ou deux siècles, on s’était pris à attribuer une haute sainteté 564, soit Jérémie 565, qu’on envisageait comme une sorte de génie protecteur du peuple, toujours occupé à prier pour lui devant le trône de Dieu 566.
Qui pourroit n’être pas révolté de le voir recueillir soigneusement les éloges qu’il a reçus de M. de Voltaire dans des Lettres particulieres ; de lui entendre répéter, au sujet de son Eloge de Fénélon, que c’est-là le style des Grands Maîtres , que c’est le Génie du grand Siecle passé, fondu dans la Philosophie du Siecle présent ; &, au sujet de sa Mélanie, que l’Europe attendoit cette Piece avec impatience ?
Voici donc le plan d’une analyse d’esthopsychologie complète, pour laquelle nous avons choisi l’un des génies littéraires les plus complexes et les plus vastes de notre temps : Victor Hugo.
De ce double regard toujours fixé sur son double objet naît au fond du cerveau du poëte cette inspiration une et multiple, simple et complexe, qu’on nomme le génie.
* Du côté de l’aurore, L’esprit de l’Orestie, avec un fauve bruit, Passait ; en même temps, du côté de la nuit, Noir génie effaré fuyant dans une éclipse, Formidable, venait l’immense Apocalypse ; Et leur double tonnerre à travers la vapeur, À ma droite, à ma gauche, approchait, et j’eus peur Comme si j’étais pris entre deux chars de l’ombre.
Car le roman de la Rose n’est qu’une imitation de l’art d’aimer : mais une imitation libre, & telle qu’on y trouve souvent un génie original.
« Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations, et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. » Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte53 (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie).
Bossuet avait un style de génie, dont les qualités créatrices éclatent à chaque ligne et font oublier toute espèce de défauts.
» Nous avons décrit la manœuvre de cette polémique contre un homme, et, quoique nous reconnaissions que Wallon ait eu raison de nier dans Cousin la bonne foi intégrale, l’impersonnalité, la solidité, la découverte, c’est-à-dire tout le génie philosophique d’un seul coup, nous n’aimons pas, nous l’avouerons, cette méthode, qui surfait un homme par tous les côtés pour l’affamer et le tuer par le côté qui est toute la prétention de sa vie.
Victor Hugo est resté après les Misérables le Victor Hugo qu’il était avant, c’est-à-dire un homme très capable de nous donner un grand livre après un mauvais, comme il nous a donné la Légende des siècles après les Contemplations, tandis qu’Ernest Renan, qui n’est pas de cette taille de génie, a été tué net sur le livre qu’il a fait et qu’il lui est impossible de surpasser… Pour faire plus de bruit, Renan a crevé son tambour.
A la différence des systèmes proprement dits, dont chacun fut l’œuvre d’un homme de génie et se présenta comme un bloc, à prendre ou à laisser, elle ne pourra se constituer que par l’effort collectif et progressif de bien des penseurs, de bien des observateurs aussi, se complétant, se corrigeant, se redressant les uns les autres.
C’en est fait ; les heures de ma vie sont écoulées : je vais sourire en mourant. » On peut juger par ce morceau, quelle était la mythologie, le caractère et le tour d’imagination de ces peuples, plus connus jusqu’à présent par leur férocité que par leur génie ; mais ce qui mérite d’être observé, c’est que la plupart des scaldes ou chantres du nord étaient Islandais.
Napoléon, pour la composition de son caractère, pour la combinaison des éléments primitifs qui y entraient et auxquels le génie donna le sens et l’âme, est certainement mieux connu, lorsque autour de lui, et avant de le suivre en toute sa carrière, on a parcouru et épuisé le cercle de ses frères et sœurs. […] Leurs brillants esprits, quand elles se seront développées, se porteront à aimer, à favoriser par goût les plus naturels et les moins réglés des génies d’alors ; elles en seront les inspiratrices déclarées et les patronnes : la duchesse de Mazarin ne saurait se séparer de son philosophe Saint-Évremond, ni la duchesse de Bouillon de son conteur La Fontaine. […] Renée dans sa jeunesse a eu ses Heures de poésie 60, il a eu son hymne À la beauté idéale, il s’est mêlé en fidèle au cortège d’André Chénier ; il a connu intimement, il a aimé et apprécié Maurice de Guérin, ce poète du Centaure, qui promettait à l’art un génie original.
Leur génie est naturellement hiérarchique. […] L’unité allemande, la perspective la plus antifrançaise que puisse offrir à nos ennemis le génie de l’absurde, génie qui semble posséder aujourd’hui nos publicistes !
. — Si l’un d’eux est un écrivain de génie, il peut lui arriver alors de créer des livres dont l’émouvante et exécrable ardeur énerve et révolte. […] — trouva son incomparable expression dans le Génie du Christianisme… L’exotisme, enfin, a été développé par le goût des voyages et par les facilités nouvelles que créèrent les incessants progrès scientifiques. […] Déjà, dans Germinal, comme du reste dans presque toutes les productions d’Émile Zola, l’effort principal de l’écrivain s’est porté avec insistance sur le maniement et sur la mise en circulation des groupes nombreux de personnages, effort inusité jusqu’à lui, sauf dans telle composition de génie comme les Misérables.
On objectera à cela que le mouton est un animal sans génie. […] Le génie de Lamarck, encore que nourri de faits scientifiques et des plus variés, est surtout intuitif. […] Ruskin peut être considéré comme le type du génie pur et simple. […] Il n’est pas donné à tous de deviner le génie, et Loudon doit être nommé quand on parle des débuts de Ruskin. […] Froude avait le génie de voir les choses à l’envers.
Cette représentation est parfaite quand elle rivalise avec la réalité, c’est-à-dire quand ses peintures sont animées par le génie de manière à faire croire à la présence des objets. […] « Le génie doit créer comme l’imagination travaille, obéissant à une loi, poursuivant un but sans avoir conscience de l’un ni de l’autre. […] Laissons donc de côté cette théorie du génie qui n’a avec la psychologie d’observation aucun rapport. […] Seuls quelques écrivains, doués du génie de l’expression verbale, trouvent du premier coup le mot juste qui fait voir immédiatement les choses. […] Le génie, c’est un grand effort.
Il maintient le Catéchisme universel de Saint-Lambert, quand le Génie du christianisme a éclaté. […] Ce n’est pas un Génie qui me révèle tout à coup en secret ce que j’ai à dire ou à faire dans une circonstance inattendue pour les autres, c’est ma réflexion, c’est la méditation.
Mme de Tracy, il faut l’expliquer pour tous en peu de mots, était Anglaise de naissance, née à Stockport en 1789 ; elle s’appelait Sarah Newton, et appartenait à la famille de cet homme de génie, le plus grand qu’ait produit la science. […] Mme de Coigny, un peu à cause de son gendre et aussi par tout ce qu’elle avait vu dans la Révolution, par reconnaissance pour celui qui nous en avait tirés, était grande admiratrice, et plus qu’on ne l’était d’ordinaire dans son monde, de l’Empereur et de son génie.
Toutes ces gracieuses et généreuses personnes, Mme de Luxembourg, son amie la comtesse de Boufflers, n’étaient après tout coupables que de vouloir faire le bonheur d’un malheureux homme de génie et de tourment, qui ne le permettait pas : « Je craignais excessivement, nous dit Rousseau en commençant le récit de cette liaison, Mme de Luxembourg ; je savais qu’elle était aimable : je l’avais vue plusieurs fois au spectacle et chez Mme Dupin, il y avait dix ou douze ans, lorsqu’elle était duchesse de Boufflers et qu’elle brillait encore de sa première beauté ; mais elle passait pour méchante, et dans une aussi grande dame cette réputation me faisait trembler. […] C’est une faute de français ou plutôt contre la grammaire ; mais dans ces styles parlés on n’y regarde pas de si près, et l’on n’en reste que mieux dans le génie de la langue.
Doué d’une conception supérieure et lumineuse, fait pour embrasser et parcourir tout un ordre d’idées avec ampleur et véhémence, il y joignait, des mouvements imprévus, de ces élans spontanés que peut seul suggérer le génie de l’éloquence. Ce génie débordait en lui.
Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] Toutes les considérations, disait-il encore, que l’on peut me représenter là-dessus me sont connues ; mais, en vérité, elles regardent plutôt les successeurs que les vivants. » Il resta donc ce qu’il était, célibataire et philosophe, « génie libre et sans façon ».
Les lenteurs mêmes du maréchal après Lawfeld témoignent de sa prudence et de ce bon sens qui a doublement son prix chez un guerrier de génie et d’inspiration naturelle, comme il l’était. […] En quoi le génie historique a-t-il à gagner à de pareilles licences ?
Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Mably sont morts avant d’avoir vu fructifier les germes qu’ils avaient semés dans les esprits : vous vivez, vous qui avez avec eux préparé les voies de la liberté ; et, comme dans ces associations ingénieuses où les vieillards qui survivent héritent de toute la fortune de leurs confrères morts, on se plaisait à voir accumuler sur votre tête le tribut de reconnaissance et d’hommages que l’on ne peut plus offrir qu’à leur cendre… » L’abbé Raynal, devenu homme de génie à l’ancienneté, en héritant successivement des morts, et par le mouvement naturel de la tontine des réputations, un homme de génie par survivance, c’était bien cela !
Sa vie et sa correspondance (suite) Mardi 4 mai 1869 Il me reste à indiquer des portions de correspondance qui offrent des tons un peu plus variés, à montrer pourtant jusqu’à la fin la note fondamentale, et aussi à recueillir les principaux hommages qui n’ont pas manqué de son vivant à ce tendre et sympathique génie. […] Quel génie !
Beaumarchais, le grand corrupteur, commença à spéculer avec génie sur les éditions et à combiner du Law dans l’écrivain. […] Chacun s’exagérant son importance se met à évaluer son propre génie en sommes rondes ; le jet de chaque orgueil retombe en pluie d’or.
C’est ce rayon du génie et de l’amitié qui vient de tomber au front de M. […] Singulier génie toujours en suspens et en peine, qui se peint en ces mots : « Le Ciel n’a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m’a donné pour éloquence que de beaux mots.
Eynard cite le passage d’une lettre d’Ymbert Galloix, jeune homme de Genève, mort à Paris en 1828, et il le proclame un jeune poète plein de génie. […] Eynard, sur quelques points, n’a pas eu toute la critique qu’on aurait pu exiger, je noterai (et le biographe du médecin Tissot me comprendra) qu’Ymbert Galloix, que nous avons beaucoup connu et vu mourir, n’avait réellement pas de génie, mais une sensibilité exaltée, maladive, surexcitée, et qu’il est mort s’énervant lui-même.
On peut trouver le génie de Boileau étroit, incomplet : il lui reste d’avoir été unique en son genre au temps où il vivait. […] Il s’est échappé à dire que c’étaient là ses meilleurs vers, sans se douter que jamais il ne s’était plus écarté de son vrai génie.
Voltaire est un journaliste de génie : agir sur l’opinion qui agit sur le pouvoir, dans un pays où le pouvoir est faible et l’opinion forte, c’est tout le système du journalisme contemporain ; et c’est Voltaire qui l’a créé. […] Les ennemis de Voltaire Voltaire mit souvent ce génie et cette puissance au service de ses passions personnelles.
Voyons ce que Molière fit représenter après le départ des Italiens : il importe d’insister sur ces débuts qui nous montrent le génie de Molière prenant en quelque sorte son essor. […] L’École des maris fut représentée le 24 juin 1661 : elle marque une nouvelle époque dans la carrière du grand comique, celle où il est en pleine possession de son génie : désormais il fera encore plus d’un emprunt à la comédie italienne, il lui empruntera une situation, une scène, quelque moyen d’action ; il ne reproduira plus une œuvre dans son ensemble.
L’esprit est le genre qui a sous lui plusieurs especes, le génie, le bon sens, le discernement, la justesse, le talent, le goût. […] * La gloire de M. de Montesquieu, fondée sur des ouvrages de génie, n’exigeoit pas sans doute qu’on publiât ces fragmens qu’il nous a laissés ; mais ils seront un témoignage éternel de l’intérêt que les grands hommes de la nation prirent à cet ouvrage ; & l’on dira dans les siecles à venir : Voltaire & Montesquieu eurent part aussi à l’Encyclopédie.
À ce compte, un poète qui suera sang et eau pour faire de mauvais vers sera sacré grand poète de préférence à un poète heureusement doué, dont le génie et la facilité diminueront le mérite. […] Ce dernier individualisme est un appel au génie inventif des individus en vue d’une production accrue et intensifiée ; en vue de la domestication par l’humanité de toutes les forces de la nature, en vue de l’utilisation de toutes les ressources de la planète.
Quand Chateaubriand, au début de notre siècle, écrivit son Génie du Christianisme, qui n’est au fond et encore partiellement que le génie du catholicisme, il défendit sa religion en montrant qu’elle était artistique, aimable, qu’elle avait des fêtes charmantes, des cérémonies touchantes, des beautés extérieures de toute espèce.
La littérature d’alors nous apparaît d’abord comme une conciliation du génie antique et du génie français.
Voltaire, plus vif, a parlé de lui comme d’un homme dans qui l’érudition la plus profonde n’avait point éteint le génie : Il prenait quelquefois devant Votre Altesse Sérénissime (Mme du Maine) un Sophocle, un Euripide ; il traduisait sur-le-champ en français une de leurs tragédies. […] C’était un homme instruit et d’esprit, qui ne pouvait paraître un génie que dans une coterie.
L’auteur supprime en idée tout ce qui est du caractère et du génie particulier aux diverses races, aux diverses nations ; il tend à niveler dans une médiocrité universelle les facultés supérieures et ce qu’on appelle les dons de nature ; il se réjouit du jour futur où il n’y aura plus lieu aux grandes vertus, aux actes d’héroïsme, où tout cela sera devenu inutile par suite de l’élévation graduelle du niveau commun. […] À peine se laisseraient-elles un moment charmer à la voix de cette sirène qu’on appelle le génie.
Ces résistances que Mirabeau rencontrait de toutes parts pour un emploi salutaire et régulier de toute sa force le faisaient souffrir ; il ressentait profondément ce manque d’autorité morale au sein de sa renommée et de son génie : « Ah ! […] il ne manque qu’une seule chose à ces conseils, pour que l’admiration soit heureuse et tout à fait à l’aise en les recueillant de la bouche de l’homme d’État et de l’homme de génie : c’est d’avoir été donnés gratuitement.
On lui a dû de refaire sa comédie telle que nous l’avons, et, plus tard, un autre génie a repris le canevas musicalement et a fait la sienne. […] Beaumarchais tint la gageure, et Le Mariage fut écrit ou crayonné dès 1775 ou 1776, c’est-à-dire dans cette période que je considère comme celle où Beaumarchais fut en possession de tout son esprit et de tout son génie, et après laquelle nous le verrons baisser légèrement et s’égarer de nouveau.
Ainsi grandit et s’éclaire le génie de l’humanité. […] Aristote, le plus libre génie de l’antiquité, s’est trouvé associé par une suite étrange de circonstances à la tyrannie scolastique.
Cet auteur étoit un homme judicieux, instruit du génie & de la délicatesse de notre langue, & qui a sçu faire un très-bon usage des ouvrages les plus estimés sur cette matiere. […] ouvrage utile aux Légistes, Notaires, Archivistes, Généalogistes, &c. propre à donner une idée du génie, des mœurs & de la tournure d’esprit des auteurs de chaque siécle ; & absolument nécessaire pour l’intelligence des loix d’Angleterre, publiées en françois depuis Guillaume le conquérant jusqu’à Edouard III.
. — Le génie et la ficelle.
Pour nous, nous y avons vu surtout un bien noble emploi du génie poétique en des temps de calamité nationale ; nous y avons admiré, grâce à l’exacte et ferme traduction de M. de Montalembert, les beautés d’une pensée grave et mâle, et tout naturellement biblique.
M. de Pomenars, le vieil oncle, si fringant, et qui est le malin génie de l’aventure, semble avoir soufflé son esprit au romancier et tenir la plume en ricanant ; ou plutôt personne ne tient la plume ; chaque personnage agit, se comporte, parle comme il doit ; et si l’auteur se montre, ce n’est que pour les aider encore à mieux ressortir, comme un maître de maison plein d’aisance, qui s’efface ou reparaît à propos, et sait la vie.
Les écrivains de la troisième époque de la littérature latine n’avaient pas encore atteint à la connaissance parfaite, à l’observation philosophique des caractères, telle qu’on la voit dans Montaigne et La Bruyère ; mais ils en savaient déjà plus eux-mêmes : l’oppression avait renfermé leur génie dans leur propre sein.
Autrefois, une sorte de génie spontané, aidé par la rudesse des mœurs et l’inconscience des masses, créait ces grands développements politiques et religieux dont les conséquences nous régissent encore à beaucoup d’égards.
Ô mes frères en prostitution, saluons nos trois héros : Saint Paul qui adresse aux Romains et aux Corinthiens de sublimes épîtres, mais qui se refuse aux simonies, qui ne vit ni de l’autel ni de la parole, qui, pour avoir à manger, tisse des tentes ; — saint Spinoza qui compose la plus logique ou creuse la plus profonde des philosophies, mais qui, ayant besoin chaque jour de quelques grains de gruau pour soutenir son corps ascétique, ne veut pas les obtenir comme professeur, méprise les chaires offertes et polit des verres de lunette ; — saint Tolstoï, le plus noble génie de notre temps, qui donne ses livres libérateurs et ne se reconnaît le droit de dîner que lorsqu’il a raccommodé une paire de souliers.
C’est un génie tendre et ardent d’une suavité passionnée.
L’artiste, comme l’auteur le comprend, qui prouve la vitalité de l’art au milieu d’une révolution, le poëte qui fait acte de poésie entre deux émeutes, est un grand homme, un génie, un œil, ὀφθαλμός, comme dit admirablement la métaphore grecque.
Que l’on explique l’invention scientifique, les créations du poète et de l’artiste, la spontanéité du génie, dans l’hypothèse où la pensée se réduirait à la mémoire.
Le génie de Mistral, d’Aubanel, de Roumanille, de Félix Gras fut salué par les Parisiens avec un mélange de déférence et d’ironie.
Les écrivains concis se rognent facilement les ongles ; mais les génies touffus veulent des cisailles de jardinier pour tailler les arbres, et il arrive même parfois qu’en abattant des branches inutiles, ils tranchent du même coup des pousses vertes et vigoureuses.
Ce sont ces reflets infinis des ombres et des corps qui engendrent l’harmonie sur votre bureau où le travail et le génie ont jeté la brochure à côté du livre, le livre à côté du cornet, le cornet au milieu de cinquante objets disparates de nature, de forme et de couleur.
Outre le génie de son art qu’on ne lui refusera pas, on voit encore qu’il est spirituel dans le choix et la convenance des accessoires.
On donna la conduite du siege au célebre Ambroise Spinola qui n’avoit que du génie et de la pratique, mais qui prit la place.
L’homme de génie dont je viens de parler avoit conçû par la seule force de son imagination que le spectacle pouvoit tirer du pathetique, même de l’action muette des choeurs, car je ne pense pas que cette idée lui fut venuë par le moïen des écrits des anciens, dont les passages qui regardent la danse des choeurs n’avoient pas encore été entendus, comme nous venons de les expliquer.
Esprit analytique, il avait l’ambition des synthèses plus qu’il n’en avait le génie.
pourquoi les peuples ont-ils refusé de reconnaître à la fois la puissance du génie et celle de la force ?
Rien n’effacera ces quelques lignes : « Lorsque l’ennemi était à Paris et que la déchéance de l’Empereur avait été prononcée par un Sénat rebelle, lorsque Napoléon n’avait pour toute ressource que son génie, plus grand dans l’infortune, comme une torche qui jette plus de feu quand une fois elle est renversée, et aussi l’idée, terrifiante pour les étrangers, que l’armée était toujours fidèle, Marmont, qui commandait l’avant-garde, la livra sans consulter personne et traita nuitamment avec Schwartzenberg. » Or, voilà ce qu’a dit Rapetti avec un impitoyable détail et une conclusion plus impitoyable encore.
Si nous y avons vu de la critique contre l’Empire, nous y avons vu des éloges de bon aloi donnés au génie politique de l’Empereur.
C’est le génie de l’élégiaque qui a dicté ces choses adorables d’émotion et de simplicité : le poème intitulé Médoc, Le Musicien, Le Paresseux, Le Ruisseau, Les Espagnoles, Encore à Madame X…, etc. ; surtout cette pièce de La Leçon de flûte, que je citerai tout entière pour donner une idée de ce poète qui rappelle ici André Chénier et le Poussin : J’étais resté longtemps les yeux sur un tableau Où j’avais retrouvé Théocrite et Belleau, Fraîche idylle aux bosquets de Sicile ravie Ayant bu la lumière et respiré la vie.
Seulement, l’auteur du Génie du christianisme procédait par des élans de sensibilité et des peintures poétiques.
À la suite de tous ces noms de guerriers ou de princes rassemblés des trois parties du monde, c’est un spectacle curieux de retrouver les noms du Dante, de Pétrarque, de Boccace, de l’Arioste, du cardinal Bibiéna, auteur de la comédie de la Calandre, jouée au Vatican sous Léon X, et du célèbre Machiavel ; sans compter cette foule innombrable de savants, presque tous Grecs ou Italiens, qui dénués, il est vrai, de ce mérite rare du génie, contribuèrent, cependant, par leurs travaux, au rétablissement des lettres, en faisant revivre les langues qui ne s’étaient conservées que chez les chrétiens de Constantinople, et la philosophie ancienne qui, depuis la chute de l’empire, n’avait été cultivée que par les musulmans arabes.
On supporte les priapées de Jules Romain et la volupté vénitienne, parce que le génie y relève l’instinct physique, et que, la beauté de ses draperies éclatantes, transforme l’orgie en une œuvre d’art. […] Mais voir un homme qui tâche d’être élégant en restant sale, qui veut peindre en langage d’homme du monde des sentiments de crocheteur, qui s’applique à trouver pour chaque ordure une métaphore convenable, qui polissonne avec étude et de parti pris, qui, n’ayant pour excuse ni le naturel, ni l’élan, ni la science, ni le génie, dégrade le bon style jusqu’à cet office, c’est voir un goujat qui s’occupe à tremper une parure dans un ruisseau. […] Les bizarreries, les profondes percées, l’originalité sans frein, les irruptions toutes-puissantes du génie lancé au centre de la vérité à travers les extrêmes folies, tous les traits de la grande invention ont disparu. […] III Parmi les meilleurs et les plus agréables modèles de cette urbanité naissante, paraît sir William Temple, un diplomate et un homme de monde, avisé, prudent et poli, doué de tact dans la conversation et dans les affaires, expert dans la connaissance des temps et dans l’art de ne pas se compromettre, adroit à s’avancer et à s’écarter, qui sut attirer sur soi la faveur et les espérances de l’Angleterre, obtenir les éloges des lettrés, des savants, des politiques et du peuple, gagner une réputation européenne, obtenir toutes les couronnes réservées à la science, au patriotisme, à la vertu et au génie, sans avoir beaucoup de science, de patriotisme, de génie ou de vertu. […] comme elle semble capable de suppléer à tout, même au génie !
Et l’on ne doit même pas leur en vouloir de ce qu’ils se jettent, un peu follement, du génie à la tête. […] » Ici comme toujours, le génie a raison. […] Cependant, nous relirons les beaux passages de son œuvre ; nous admirerons son génie tout en éclairs. […] J’aimerais mieux, puisque votre humeur bizarre vous porte à publier des vers par trente-huit degrés au soleil, vous octroyer un brevet de génie sans vous lire. […] Remy de Gourmont, ce petit manteau bleu des génies inconnus, le trouve virgilien.
C’est le même critique qui allait bientôt se montrer si sévère dans cette même Décade contre le Génie du Christianisme de son compatriote Chateaubriand. […] La société, qui renaissait et qui obéissait déjà à tout un autre reflux d’idées, y accourut en foule et dans les dispositions d’une curiosité quelque peu malicieuse ; c’était le même monde qui venait d’inaugurer le Génie du Christianisme, et tout récemment de faire le succès de la Pitié de Delille, succès qu’on peut considérer comme une revanche sociale de celui de la Guerre des Dieux. […] le donnerai ici une ode au Plaisir qu’on peut supposer traduite en prose d’un élégiaque étranger, allemand ou anglais ; elle exprime sous une autre forme la pensée que nous venons de rencontrer à propos de Parny ; mais il y faudrait la fraîcheur de touche d’un Gray ou d’un Collins : « O doux et cher Génie, au regard vif et tendre ; au vol capricieux, rapide ; à l’accent vibrant, argenté, mélodieux ; dont la chevelure exhale un parfum sous la couronne à demi penchée ; dont la main porte un rameau de myrte en fleur, ou d’amandier tout humide de gouttes de rosée qui brillent au soleil du matin ; ou qui, le soir, assoupis tes pas sur les gazons veloutés aux rayons de la lune ; « O Dieu de la jeunesse et de la tendresse, langoureux comme une femme, hardi comme un amant ; volage, imprévu, consolateur ; — ô Plaisir, à toi, avant que ma voix ait perdu son timbre qui pénètre et cet accent que tu connais, à toi mes adieux !
Il était l’Alexandre le Grand de la science, le plus grand héros de génie de ce siècle, dans la recherche des phénomènes de la nature et des signes sensibles de l’âme. […] « On le conduisit à la dernière demeure comme un prince ; il avait été longtemps l’ami de la maison royale de Prusse, un haut fonctionnaire distingué, un grand génie qui s’était livré aux travaux et aux recherches pendant la durée de plus de deux générations, pour développer et éclairer l’esprit humain. […] « Nous donnons dans ce monument l’image fidèle de son génie qui a exercé une si puissante influence sur notre époque que mille de ses contemporains ont longtemps vécu et se sont développés sous ses rayons, sans jamais le savoir ; car c’était un soleil d’intelligence qui éclairait toutes les branches de la vie et qui faisait éprouver son action bienfaisante à tous ceux qui ont senti et pensé par elle, même dans les limites les plus étroites de leur être.
Et cependant il n’y a pas lieu de s’étonner ; il y en a des raisons très claires, d’abord parce que le génie qu’on dépensait à résoudre l’insoluble et à chercher l’introuvable s’économise au profit des recherches purement scientifiques ; ensuite parce que le but de la science est changé, et que l’on subordonne les théories aux faits et non plus les faits aux théories : les systèmes passent, les expériences demeurent. […] La science ne reflète pas le génie d’une race, elle est l’œuvre d’un esprit impersonnel. […] Toutes deux reflètent également le génie d’un peuple.
On remarque en effet qu’à l’exception des mauvais génies ennemis ou jaloux des hommes, tous les personnages y sont innocents. […] Un orteil des bas-reliefs du Parthénon donne une plus juste idée du génie de Phidias que le plus long commentaire sur le statuaire. […] Ne repousseriez-vous pas la prière de celui qui chasse son épouse, l’honneur de sa maison ; qui condamne au désespoir celle dont le sein porte le fruit de sa tendresse, qui la sacrifie comme la victime offerte pour les apaiser aux mauvais génies.
Que ce dernier nous permette de le lui dire, malgré toute l’admiration, malgré toute la vénération que nous avons pour son incomparable génie, son entrée à l’Académie française fut le crime de sa vie, et de là seulement peut-être ont découlé tous ses malheurs. […] Cherchons-les parmi nous, en nous, ces grands esprits qui ont illuminé tout un siècle du reflet de leur génie ; écoutons leur voix qui nous fera mieux apprécier les choses de notre temps ; mais, sous peine de mort, ne revêtons pas leurs idées, n’imitons pas leurs formes, pour mal répéter ce qu’ils ont si bien dit. […] Lentement, mais incessamment, chemine le corps du génie, philosophes et dialecticiens, traînant dans de grands chariots les arguments qui font la sape et les raisonnements qui ouvrent la tranchée.
L’égoïsme, un égoïsme de dieu, subordonne en son Napoléon même le génie. […] Ne représente-t-il pas un génie dévoyé mettant ses « pieds ailés » dans « une bouse de vache » ? […] Mais il n’a garde d’en composer des forces dont le génie serait la résultante. […] Du cuivre, de l’argent, de Pétain, comme dans le métal des cloches, disait Louis Veuillot définissant un génie de poète. […] Les Martyrs, le Génie du christianisme, … habillés d’une basane commune, gardent pourtant un air respectable et un peu hautain à côté de ces petites choses coquines.
Ils en trouvent, et il n’y a rien là d’étonnant : les caractères que veut tracer un grand écrivain sont presque toujours en germes chez des auteurs précédents ou contemporains qui n’ont pas son génie et ne savent que les esquisser. […] Voici des faits : « Le plus beau type du vrai sublime est mort, il y a quelques années ; nous devons quelques mots à ce génie transcendant. […] Leurs contemporains, qui n’employaient leur gros langage que par grossièreté, n’avaient pas la science physiologique que l’on possède aujourd’hui, et qui permet d’étudier les influences physiques que subit l’homme moral ; les maîtres seuls avaient le génie, qui tient lieu de tout. […] Victor Hugo l’a défendu, a donné des théories et des exemples, l’a fait vaincre Puis, les besoins de l’esprit ont changé ; ils nous portent aujourd’hui vers une étude plus exacte des faits, vers une forme plus hardie, et le vieux mouvement naturaliste, que le génie de Balzac n’avait pas pu faire triompher à un moment qui n’était pas le sien, semble reprendre l’avantage.
J’ai trois femmes dans ma loge qui me raconteront le spectacle… Fournier, un homme de génie ! […] C’est lui qui, dans Sémiramide, fait entrer l’ombre de Ninus sur un air de valse ravissant… Voilà tout son génie en musique, à Verdi. » Alors Gautier se met à se plaindre de son temps : « C’est peut-être parce que je commence à être un vieux. […] * * * — Le plus fin critique du xviiie siècle est peut-être Trublet, oui cet abbé ridicule, qui a trouvé cette définition du génie de Voltaire : « la perfection de la médiocrité », et qui a eu l’audace de mettre La Bruyère au-dessus de Molière. […] Une épouvante nous a pris du double fond de son âme, de la faculté puissante, de la science, du génie consommé, que tout son être a du mensonge… 23 août Gautier dîne à côté de nous chez Peters.
Il n’y a peut-être qu’avec eux qu’il pourra s’accommoder et plus ils seront grands et plus ils seront riches, plus il se sentira dans un milieu favorable à son génie. […] Chateaubriand lui trouva du génie, Vigny l’aima ; Lamartine, toujours un peu morose, l’admirait, tout en la trouvant trop gaie, car cette poétesse était de l’humeur la plus riante et sembla toujours plus heureuse qu’éblouie de sa gloire. […] L’âme empoisonnée par Port-Royal, le corps empoisonné par Guénault, on s’étonne qu’il lui soit resté quelques lueurs de génie. […] Le génie invente rarement : il perfectionne.
L’inspiration du génie n’est pas seulement réglée, mais aussi constituée en grande partie par le goût même, qui, parmi les associations innombrables que suscite le hasard, juge du premier coup, choisit. […] Pour appliquer les premières sortes de lois, qui aboutissent au style rationnel, exact et correct, le talent suffit ; pour appliquer les autres, qui aboutissent au style vivant, sympathique et poétique, il faut le génie créateur II — L’image Un des éléments essentiels du style poétique, en vers ou en prose, c’est l’image. « Le don de la poésie, a-t-on dit, n’est autre que celui de parler par images, ainsi que la nature. » — S’il est vrai que toute bonne comparaison donne à l’esprit l’avantage de voir deux vérités à la fois, la poésie est une comparaison perpétuelle, une métaphore perpétuelle, qui n’a pas seulement pour but de nous faire voir à la fois deux vérités, mais de nous faire éprouver à la fois deux sensations, ou deux sentiments, ou un sentiment par le moyen de la sensation, ou une sensation par le moyen du sentiment. […] La puissance lyrique d’un génie se mesure souvent à la fréquence de la reprise de l’idée, ramenée sans cesse sous une forme nouvelle et plus frappante, au moment où on la croyait abandonnée ; c’est l’ondulation de la vague, ne quittant ce qu’elle porte qu’après l’avoir soulevé jusque sur sa crête aiguë, pour le laisser reprendre ensuite par une vague nouvelle. […] Jamais on ne fit plus bel éloge de la rime, et plus poétique, que celui de Sainte-Beuve : Rime, qui donnes leurs sons Aux chansons, Rime, l’unique harmonie Du vers, qui, sans tes accents Frémissants, Serait muet au génie ; Rime, écho qui prends la voix Du hautbois Ou l’éclat de la trompette, Dernier adieu d’un ami Qu’à demi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Une enceinte de lutteurs, formée de sacs de sable dans des enveloppes historiées, avec, au milieu, sur une petite table, deux bouteilles de saké destinées à être offertes aux génies du Japon, aux Kami, dans une cérémonie religieuse précédant la lutte. […] C’est l’histoire d’un de ces esprits aériens, de ces génies bons ou mauvais à l’interminable nez pointu, aux ailes de chauve-souris, si souvent représentés dans les albums japonais. […] Le roman n’a peur d’aucune invraisemblance : le fils de Tamétomo tombe malade, le père fait fabriquer un immense cerf-volant pour le transporter au Japon, tandis que l’empereur dépossédé, devenu dans un coup de foudre un Téngou, — un de ces génies du bien et du mal, si accrédités au Japon, un de ces génies au nez en vrille, — et qu’on voit tenir un conseil de guerre avec des généraux qui sont tous des Téngous, sauve par leur entremise Tamétomo d’un naufrage ; et l’on voit à la fin Tamétomo dans une apothéose, entouré de flammes sur son cheval qui prend feu. […] D’abord le titre dans un bel encadrement michelangesque, représentant des oni, des mauvais génies : — un encadrement qui a l’air de la première page d’un de nos beaux livres du xvie siècle. […] Un shôjô, un petit génie du saké, à la chevelure rouge envolée derrière lui, soulevant de ses deux bras en l’air un barillet de saké.
C’est une de ces scènes, enfin qui méritent de rester dans la mémoire et qui justifient cette définition de la bonne comédie, qu’elle est l’œuvre du démon, c’est-à-dire du génie de la raillerie et du rire.
Diderot, qui avait déjà aimé plus d’une fois et avec passion, mais qui avait fini par trouver à sa femme trop peu d’esprit, et à madame de Puisieux trop peu d’honneur, recueillit toute son âme, toute sa chaleur égarée de cœur et de vertu, toutes ses facultés surabondantes de sensibilité et de génie, pour les consacrer à tout jamais au seul être qu’il en jugeât digne.
Or, voilà pourquoi le christianisme est resté en chemin de son œuvre ; voilà pourquoi de Maistre, génie autant mosaïque qui catholique, ne conçoit pas que Dieu, auteur de la société des individus, n’ait pas poussé l’homme, sa créature chérie et perfectible, jusqu’à la société des nations ; voilà pourquoi les juifs s’obstinent à contempler avec un sentiment orgueilleux de supériorité leur loi, si complète en elle-même, que le christianisme a brisée avant d’avoir à rendre au monde l’unité définitive ; voilà pourquoi la religion de l’avenir, qui devra renfermer tous les caractères du judaïsme et du christianisme, renfermera aussi dans ses temples les juifs et les chrétiens, en les mettant d’accord, selon qu’il a été dit dans les anciennes et les nouvelles Écritures.
Cependant les écrivains dont le génie s’était formé au milieu des luttes sanglantes de la liberté, devaient avoir un autre caractère que les écrivains dont les talents s’étaient perfectionnés sous les dernières années du paisible despotisme d’Auguste.
On peut proposer au génie, de se plaire dans ses propres progrès, au cœur, de se contenter du bien qu’il peut faire aux autres ; mais aucun genre de réflexion ne peut donner du bonheur dans le néant d’une éternelle oisiveté.
Prévost ose encore écrire sérieusement : « Le front las des penseurs (page 32) » ; il nous dit que la clientèle était peu lucrative à Tonneins (idem) ; il nous parle d’« un avenir politique naissant de la notoriété du génie de Paul Delcombe (page 91) », etc., etc… Beaucoup d’écrivains d’un réel talent commettent aujourd’hui des fautes de ce genre.
Lo Ipocrito et Le Tartuffe Dom Juan et Le Tartuffe sont aujourd’hui considérés généralement comme les deux créations, nous ne disons pas les plus parfaites, mais les plus vigoureuses du génie de Molière.
Tu les repousseras lors même qu’ils mettraient du génie à exalter le Dogme et l’ivresse mystique, car tu n’as pas besoin de Dogme, et ton mysticisme, tu le trouveras en toi, sans le secours des Images et des Bréviaires.
L’emploi qu’il faisoit des figures de rhétorique, son affectation à prodiguer l’antithèse & l’hyperbole, son attention ridicule à courir après l’esprit, ses grands mots, ses longues phrases, eussent gâté le plus beau génie.
C’est ainsi qu’on arrête l’essor du génie, & que ceux qu’il inspire sont contraints de sacrifier des beautés sublimes & véritables à des beautés de convention & de caprice.
C’est l’ouvrage de la verve, du génie, du sentiment et du sentiment exquis.
Ce n’est pas là l’allure du génie.
Son génie n’est en liberté qu’à notre chevet, parce que sa tentative heureuse ou malheureuse est sans conséquence pour lui.
Ils ont aussi rendu justice au génie de Monsieur Le Brun.
Je répondrai en premier lieu, que plusieurs personnes dignes de foi m’ont assuré que Moliere guidé par la force de son génie et sans avoir jamais sçu apparemment tout ce qui vient d’être exposé concernant la musique des anciens, faisoit quelque chose d’approchant de ce que faisoient les anciens, et qu’il avoit imaginé des notes pour marquer les tons qu’il devoit prendre en déclamant les rolles qu’il recitoit toujours de la même maniere.
Le premier est de prétendre surpasser les anciens en apercevant leurs fautes : il y a loin du goût qui analyse avec justesse, au génie qui produit avec chaleur ; le plus grand tort de La Motte n’est pas d’avoir critiqué l’Iliade, c’est d’en avoir fait une.
jusqu’aux éditeurs, ces inaccessibles à l’illusion, qui ne prendraient pas, certes, un premier livre de vous, si vous vous appeliez simplement Tibère, Jacques ou Jean, fussiez-vous pétillant de génie !
par s’éteindre et se noyer dans la mer d’un verbiage immense, admiré des sots, qui s’imaginent que le génie est une prodigieuse facilité !
Ils ne sont, quand vous cherchez bien, — dans cette société qui marche au communisme par l’anarchie si un homme de génie et de gouvernement n’arrête ce fléau, — ils ne sont que des conservateurs socialistes, comme les socialistes, qui veulent prendre pour conserver, ne sont eux-mêmes que des apprentis conservateurs !
Il y a plus : j’estimais que si un homme était capable de mettre de l’agrément dans un livre philosophique, c’était le philosophe qui s’était une fois si joliment moqué des philosophes, et si c’était ainsi pour moi, si raisonnable, comme vous voyez, dans mon amour pour Taine, qu’est-ce que cela devait être pour ses admirateurs, qui le prennent pour le Génie en herbe de la littérature et le considèrent comme un jeune dieu ?
Césara donc, Césara, cet idéal de grandeur et de génie, dont le romancier n’entend pas nous faire voir la faiblesse, mais la force, n’est plus qu’un homme qui a vautré son cœur dans un concubinage vulgaire.
« Telle est la faiblesse humaine, disait-il ; partout les remèdes sont plus lents que les maux, et il est bien plus facile d’étouffer le génie que de le ranimer. » Malgré ces remarques générales, il y a dans le panégyrique de Pline plusieurs endroits d’une véritable éloquence, et où l’on remarque de l’élévation et de la force.
La poésie, l’éloquence et les arts parurent un peu se ranimer ; mais le gouvernement avait corrompu le génie ; et il y a encore plus loin, pour les lettres, du siècle de Constantin à celui de Trajan, que de celui de Trajan à celui d’Auguste.
Ainsi mourait le génie romain, glacé par la terreur et avili par la servitude.
Je ne me hasarderai pas à donner les traits qui définissent le mieux le génie natif de cette, race lyonnaise dont nous avons connu des représentants diversement distingués ; mais assurément un même caractère provincial leur demeure attaché à tous : ce caractère porte avec lui un certain fonds de croyances, de sentiments, d’habitudes morales, de patriotisme local, de religiosité et d’affectuosité (si je puis dire), qui se maintient au milieu de l’effacement ou du dessèchement trop général des âmes. […] Il y avait déjà par avance un peu du Génie du Christianisme dans son accent : c’était trop tôt et ce n’était pas le lieu. […] Necker, auteur de l’Importance des Opinions religieuses en 1788, et M. de Chateaubriand, auteur du Génie du Christianisme en 1802, se rapprochant au fond du premier plus que du second, plus ami de la liberté réelle de tous les cultes que partisan de la domination d’un seul, éloquent et convaincu, donnant de haut et le premier un signal de clémence et d’apaisement, mais le donnant à la veille d’une journée mauvaise, en face d’ennemis encore ardents, d’adversaires haineux, et ne faisant par là qu’irriter et hâter les méchants desseins d’un pouvoir central corrompu qui va être réduit, pour durer, à se faire conspirateur. […] On lui voudrait sans doute plus d’entraînement, un élan plus vif vers cette sœur de génie qui lui faisait signe tant de fois de venir. […] La situation était plus forte que les sentiments ; la contradiction des esprits s’étendait et prenait jusque sur les cœurs : la grâce elle-même et son doux génie en personne n’y pouvaient rien.
Une telle disposition d’esprit est tout à fait conforme au génie de la nation ; en Angleterre, un baromètre s’appelle encore un instrument philosophique ; aussi la philosophie y est-elle chose inconnue. […] Il ne condamne point les actions de Strafford ou de Charles ; il les explique ; il montre dans Strafford le naturel impérieux, le génie dominateur qui se sent né pour commander et briser les résistances, qu’un penchant invincible révolte contre la loi ou le droit qui l’enchaîne, qui opprime par une sorte de nécessité intérieure, et qui est fait pour gouverner comme une épée pour frapper. […] Nous avons jugé les hommes à la volée, sur l’impression du moment, sur une action détachée, sur un document isolé, et nous les avons affublés de vices ou de vertus, de sottise ou de génie, sans contrôler par la logique ni par la critique les décisions aventureuses où notre précipitation nous avait emportés. […] Le génie concentre. […] Par cette ampleur de science, par cette puissance de raisonnement et de passion, il a produit un des plus beaux livres du siècle, en manifestant le génie de sa nation.
Quand la société sera ordonnée, que dira-t-on d’une société où le hasard, comme la Folie qu’Érasme faisait reine du monde, décide de tout, préside à tout ; où les inégalités naturelles et les différences de génie et d’inclinations, seuls éléments véritables, sont à peine comptées pour quelque chose, et sont tout à fait subalternisées par la naissance, que cependant toutes nos opinions proclament un préjugé ? […] Je ne vois plus qu’une affreuse fatalité, des éléments en désordre ou un mauvais génie qui rit d’un rire infernal sur les maux du genre humain ! […] Unanimes aujourd’hui, poètes, philosophes, et peuples, ne font que répéter d’une voix immense, et comme à plein chœur, le rire sardonique et le gémissement de ces deux grands génies : inquiets comme Jean-Jacques, ironiques comme Voltaire. […] Aux grandes époques de rénovation, lorsqu’un ordre social tombe et qu’un monde nouveau va naître, le génie du mal semble se déchaîner sur la terre. […] Il en est de la société comme de tous les êtres, et aussi comme de toutes les œuvres du génie de l’homme, de tous les ouvrages de l’art, de toutes les machines.
cette planche terrifique, comme une épouvante rencontrée la nuit, par un clair de lune, au coin d’un bois : un homme empalé à une branche d’arbre, nu, saignant, les pieds contractés de souffrance, l’agonie de sa torture sur la face, et dans le hérissement des cheveux… le bras coupé net, comme un bras cassé de statue… Et puis, tournez la feuille : des bouches qui crachent la vie, des mourants vomissant le sang sur des cadavres ; et tournez encore la feuille : l’Espagne mendiant, les pieds dans la voirie d’une ambulance… Le génie de l’horreur, c’est le génie de l’Espagne. […] certes, c’est la santé d’une génie bien portant, mais toutefois pour le rendu des délicatesses, des mélancolies exquises, des fantaisies rares et délicieuses sur la corde vibrante de l’âme et du cœur, ne faut-il pas, je me le demande, un coin maladif dans l’homme, et n’est-il pas nécessaire d’être un peu, à la façon de Henri Heine, un crucifié physique ? […] C’est un colosse charmant, un doux géant aux cheveux blancs, qui a l’air du bienveillant génie d’une montagne ou d’une forêt. […] Sainte-Beuve attaque le grand romancier : « Balzac n’est pas vrai… c’est un homme de génie, si vous voulez, mais c’est un monstre !
Je n’étudierai pas leurs ouvrages avec une minutieuse analyse : je voudrais seulement rechercher pourquoi ces poétesses ont chanté, et, pour ainsi dire, les raisons physiologiques de leur génie. […] Elles entrelacent leurs bras et leurs rires, elles mêlent leurs lèvres et leurs aveux, et font la nique au génie de l’espèce. […] Il lui vient du génie, avoue-t-elle : alors elle chante l’Amour vrai, qui est un, qui est seul, qui est tout, qui est soi… mais qui n’est encore qu’une imagination. […] Si, selon Buffon, le génie, pour l’homme, est une longue patience, une longue recherche de soi-même, le génie de la femme poète est une spontanéité, l’expression de la vibration immédiate de sa sensibilité, la réaction subite de ses sens effleurés par les émotions de la vie. Mais ce travail d’abeilles, butineuses de sensations fraîches, n’aura pas été inutile : un poète de génie viendra qui fera du miel avec cette cire parfumée de l’odeur de la femme.
Du poète lui-même pris en soi et de l’état poétique ; ou, en d’autres termes, du phénomène que l’on appelle inspiration et que l’on attribue à « un génie qui souffle du dehors » ? […] Fort heureusement, du reste, car ils ont à remplir une mission providentielle : défendre, contre les barbares, d’un côté, et, de l’autre, contre les génies trop pressés, l’indispensable gâteau de routine (cake of custom), dont parle l’auteur de physics and politics. les photographe — le jeune Maurice Barrès entre autres-les ont « pris » mille et mille fois. […] ici, de nouveaux compliments sur le génie provençal, ou, comme ils disent, latin dont je serais la dernière fleur. […] Mais qu’elle intervienne seule, ou même qu’elle ait une part prépondérante dans les trouvailles du génie, voilà ce que Fagus lui-même n’est pas à la veille de nous démontrer. […] Souday fait sienne l’esthétique de Chénier (Marie-Joseph), ainsi que me le rappelle d’Alger un agrégé de grammaire : c’est le bon sens, la raison qui fait tout : vertu, génie, esprit, talent et goût. mais cette erreur fondamentale, que l’ensemble de nos éclaircissements tend à combattre, il l’aggrave d’un contre-sens plus chétif et qui ne touche que moi.
Nulle part ne se montre une personnalité virile, d’esprit autochtone, de libre envergure, d’authentique génie. […] Quelque mauvais génie — le génie de la terre germanique, dirait-on — semble méthodiquement ruiner tout ce que les Romains tentent de ce côté. […] Vaincus et convertis, les Saxons conservent quand même leur indépendance de caractère et leur génie. […] Par là s’expriment notre génie natif, notre énergie de race, notre endurance particulière. […] Ils iront représenter dans de nouvelles combinaisons sociales, sous d’autres cieux, sous d’autres étiquettes, le génie et le tempérament français.
Mais le génie n’a pas à rendre compte de ses défaillances. […] Avec la fièvre que j’ai tant maudite s’est donc envolé tout mon génie pour la composition. […] Je me figure ces vastes génies au sein de la composition. […] Il attire dans son orbite excentrique un système d’êtres fabuleux, moitié hôtes et moitié génies bâtards du ciel et de la terre, se rattachant à la vie physique dont il est le type souverain. […] Les Satyres à pieds de chèvre et à queue de singe jettent bas leurs masques de Génies agrestes, et deviennent des diables fétides.
Dans l’état actuel, tout employé qui ne possède pas une petite rente où le génie de l’administration est un homme voué à une misère bien plus cruelle que celle du dernier des manœuvres. […] L’auteur revient à Victor Hugo sans se lasser d’étudier l’homme de génie ; puis c’est Zola au moment où il écrit le Ventre de Paris. […] Émile Ollivier, des manuscrits retrouvés, des œuvres des auteurs anciens, mais complété par les opinions d’artistes érudits qui ont étudié le sculpteur de génie. […] Je joue depuis quelque temps un jeu fort dangereux : parler sans cesse de mourir en continuant d’occuper la place que des jeunes gens de génie sont pressés de prendre ! […] Le génie joue avec l’erreur, comme l’enfance avec les serpents ; il n’en est pas atteint.
les comédiens, quel génie il leur faudrait pour reproduire ce qu’ils auraient éprouvé. […] Je ne savais pas que le poète est un être comme les autres, et que son génie ne le sauve ni de la douleur, ni du vice, ni de la misère humaine. […] Personne n’a plus profondément méconnu le génie de Mistral et ne fut moins sensible aux beautés de la poésie provençale. […] J’ai essayé d’expliquer ailleurs le génie et les procédés du divin poète provençal. […] C’est Paris qui a révélé son génie à la France.
Cette raison ignorante est le génie, qui reste vivant en devenant ordonnateur. […] Ces tristes fables d’Esope, qui se sont jouées dans l’imagination grecque pendant tant de siècles, n’ont pas rencontré dans leur nation un poëte qui les abritât sous son génie. […] Et cela est gai ; le petit vers bref, les mots plaisants qui vont venir allègent le récit, le font courir ; il ne faut pas tant appuyer sur un conte ; le génie, n’a pas besoin, comme dans Rabelais, de se dépenser à contre-temps.
On voit que la sensibilité était le fond de ce génie de l’Arioste. […] Puisse cette séparation ressembler à celles de l’Arioste, où, après mille traverses héroïques, un enchanteur, un ermite ou un bon génie, sous la figure d’une Léna ou d’une Thérésina, ramène le héros au lieu et aux félicités qu’il regrette ! […] Votre cœur comprend de reste le sentiment qui m’oblige à le faire, puisqu’il s’agit d’un ami qui n’est plus là pour se défendre, d’un homme que ses adversaires ont pu accuser d’étroitesse d’esprit, parce qu’il se tenait renfermé dans la stricte limite du devoir, mais à qui il n’a manqué qu’un vice, l’ambition, pour qu’on le plaçât parmi les grands génies.
Rousseau, un Montesquieu, un Chateaubriand ; là il n’a pu être qu’un naturaliste, un peintre et un descripteur d’oiseaux d’Amérique, un Buffon des États du Nord, mais un Buffon de génie passant sa vie dans les forêts vierges, au lieu de la passer au jardin du roi et autour d’une table à écrire dans sa seigneuriale tour du château de Montbard, un Buffon voyant par ses propres yeux ce qu’il décrit et décrivant d’après nature, un Buffon enfin comprenant l’intelligence et la langue des animaux au lieu de les nier stupidement comme Malebranche, entrant dans leurs amours, dans leurs passions, dans leurs mœurs, et écrivant avec l’enthousiasme de la solitude quelques pages de la grande épopée animale de la création. […] Ce sont des importations britanniques toutes récentes de créoles anglais, qui ont encore l’accent et le génie de la mère patrie. […] Voici le portrait qu’il en fait : Le costume mesquin et ridicule de l’Europe ne pouvait déguiser entièrement cette dignité simple et presque sauvage, dont le génie prend le caractère au sein de la solitude qui le nourrit.
Qu’importent quelques éclairs de génie dans la masse de quatre heures de musique inutile ? […] Mais ici nommerai-je les Meistersinger de Nurnberg, une féerie, intermède de l’œuvre, la fantaisie gracieuse d’un esprit épris un jour d’amusements et de belles frivolités, avec des accents profonds ; aussi les marches, le Festmarsch, le Kaisermarsch, où le génie wagnérien assoiffé de musique s’abandonna par de fous développements, enfin Siegfried-Idyll et quelques antérieures mélodies, tous précieux et plaisants jeux. […] Gœtterdæmmerung écrite en la pleine tempête de l’édification du théâtre de Bayreuth, est l’essor d’un génie las de compromis, las de mauvaises luttes, las de se contrarier, las des obstacles, las d’être autre chose que le pur musicien qu’il devait être, et las par les matérielles batailles presque autant que par les intellectuelles ; c’est l’essor d’une âme qui se libère au dehors des contingences vers l’absolu natal de son art.
Le sujet élève le génie ; l’homme devient divin en parlant de la Divinité. […] « Poèmes épiques, continue le savant traducteur, systèmes de philosophes, théâtres, mathématiques, grammaire, droit, le génie indien a tenté toutes les grandes directions de l’intelligence. […] Ces fragments étaient l’œuvre d’un de ces hommes qui consacrent toute leur existence et tout leur génie dans ce monde à regarder et à sonder d’autres mondes.
Ne lui parlez pas trop de Descartes, de ces génies qui viennent faire table rase et renouveler les méthodes du monde. […] Il ne parle jamais de cet habile ministre sans une litanie d’injures ; il n’entend rien à son génie de négociations, ni à ses talents de cabinet ; il lui refuse même d’être un fin politique : Mazarin pour lui n’est qu’un coupeur de bourses, ni plus ni moins.
Sieyès a le génie ; il est le premier qui, sous forme idéale et un peu absolue, ait eu nettement la conception et l’invention de l’ordre nouveau qui devait remplacer l’ancien ; il est le premier qui l’ait proclamé, à l’heure décisive, dans des écrits précis et lumineux. […] Conseiller d’État et président de la section de l’intérieur depuis le 25 décembre 1799 jusqu’au 14 septembre 1802, ayant pris la plus grande part aux lois et aux projets administratifs qui s’y discutaient chaque jour, chargé en outre de missions et de directions importantes dans cet intervalle, il apprécia surtout le caractère et le génie civil du premier consul, et il a exprimé à cet égard son sentiment dans des notes éparses et vives, qui font le pendant et le contraste le plus parfait à la page que j’ai précédemment citée de lui sur la démocratie.
Une personne dont on ne saurait assez reconnaître le bienfaisant génie revêtu de charme, Mme Récamier, de bonne heure avertie par M. de Latouche du talent et de la situation de Mme Valmore, s’était mise en peine pour l’obliger. […] Je l’adorais dans son génie et dans sa grâce inimitable : je l’aimais profondément comme amie fidèle que nos infortunes n’ont jamais refroidie.
Les proportions générales se sentent mieux, et les individus de génie détachent seuls leur tête. […] Voici, j’imagine tout spécieusement d’après lui-même, de quelle façon il s’y est pris pour atteindre à cette difficile perfection : « Il s’agit, dit-il14, d’apprendre notre langue à fond, d’en pénétrer le génie, d’en connaître les ressources, d’en apprécier les qualités et les défauts, de nous l’approprier dans tous les sens ; et ne me sera-t-il pas permis d’ajouter (puisque je parle du français et que j’en parle en vue de la culture vaudoise) que le français est pour nous, jusqu’à un certain point, une langue étrangère ?
Walter Scott, si véritablement historique par le souffle et l’esprit divinateur, Walter Scott, avec tout son génie d’évocation, n’avait du moins dans ses Puritains d’Écosse qu’à peindre des temps plus voisins, plus épars, sans idéal vénéré encore, et à reproduire un langage local dont il savait l’accent comme il savait le son de ses cornemuses et l’odeur des bruyères. […] Ce jeune homme avait évidemment quelque étincelle du génie militaire ; après quelques combats, Villars le jugea digne en effet d’une conférence réglée.
Plus de bon sens, c’est plus d’esprit ; le génie, c’est le bon sens appliqué aux idées nouvelles. Le génie grossit le trésor du bon sens ; il conquiert pour la raison.
Sauf chez La Fontaine, un génie spontané et isolé qui rouvre les sources anciennes, sauf chez La Bruyère, un chercheur hardi qui ouvre une source nouvelle, sauf chez Voltaire, un démon incarné qui, dans ses écrits anonymes ou pseudonymes, lâche la bride aux violences et à la crudité de sa verve358, les mots propres tombent en désuétude. […] Pour en insérer quelques-uns, il a fallu le génie de Molière, la plénitude de sa conception, la surabondance de son observation, la liberté extrême de sa plume.
Voilà son domaine, voilà son génie ; là il est incomparable. […] Cette partie de l’œuvre de Fénelon est identique, en son fond, au Génie du Christianisme : mais Fénelon n’a pas la langue pittoresque, les impressions particulières qui ont fait la puissance de Chateaubriand460.
Et comme on a vu une révolution réussir par l’abolition immédiate des privilèges aristocratiques, les imitateurs sans génie ne trouveront-ils pas tout simple de proposer le même moyen, et d’appeler le prolétariat à la nuit du 4 août de la propriété ? […] Il en parle avec un sens très-juste et très-fin dans cette belle lettre à M. de Corcelles : « Comme vous, mon cher ami, je n’ai jamais eu beaucoup de goût pour la métaphysique, peut-être parce que je ne m’y suis jamais livré sérieusement, et parce qu’il m’a toujours paru que le bon sens amenait aussi bien qu’elle au but qu’elle se propose ; mais néanmoins je ne puis m’empêcher de reconnaître qu’elle a eu un attrait singulier pour plusieurs des plus grands et même des plus religieux génies qui aient paru dans le monde, en dépit de ce que dit Voltaire, que la métaphysique est un roman sur l’âme.
Il fut donc enthousiaste de La Motte, et crut réellement que cet esprit très éclairé était un talent supérieur et un génie.
Thiers, un prince sorti de ces retraites pour remonter sur le trône de ses pères n’eût pas été moins glorieux que Gustave Wasa sorti des mines de la Dalécarlie. » Tout manqua donc, grâce à tant de fautes, grâce surtout au génie guerrier et pacificateur de Hoche.
Cet homme, naguère si grand et si utile, d’un caractère fort, d’un génie profond et spécial, mais à idées fixes, irritable d’orgueil aussi bien qu’étroit d’intelligence, s’était laissé circonvenir et duper par la faction astucieuse qui rôdait autour de Moreau, achetait Pichegru et conspirait contre la république.
La Fontaine s’est tiré d’affaire en n’inventant pas sa matière, et ce n’est pas la moindre preuve de son génie.
Mais ce vaudevilliste éminent, à qui n’a pas manqué une verve amusante, encore qu’un peu grosse, de caricaturiste900, n’a apporté dans la pièce sérieuse que le goût des effets qui forcent l’applaudissement, le génie des trucs et des ficelles.
Isolé au milieu d’une nature où tout pour lui était mystère, effaré à chaque manifestation inattendue de forces incompréhensibles, il était incapable de voir dans la conduite de l’univers autre chose que le caprice ; il attribuait tous les phénomènes à l’action d’une multitude de petits génies fantasques et exigeants, et, pour agir sur le monde, il cherchait à se les concilier par des moyens analogues à ceux qu’on emploie pour gagner les bonnes grâces d’un ministre ou d’un député.
Ce qui surtout tranche l’œuvre en deux parties, c’est que vous aurez beau corner aux quatre coins du monde les noms de Corbière, de Rimbaud et de Mallarmé, ces trois génies n’en resteront pas moins glorieusement obscurs et triomphalement méconnus.
Cette pauvre secte, qui n’avait ni le génie ni la savante organisation du judaïsme proprement dit, était traitée par les Hiérosolymites avec une extrême dureté 662.
Vous me feriez presque penser que le génie vous manque.
Or, pour aller jusque-là, il ne faut pas seulement posséder la foi du chrétien, mais l’aperçu de l’homme d’histoire, et peut-être ne serait-il pas de trop que de monter jusqu’au génie ?
Taillandier avec tremblement, — lui paraissent presque deux hommes de génie !
Jules de Gères qui, s’il le voulait, trouverait bien en lui assez de talent pour n’imiter personne, n’a point naturellement l’électricité négative du laurier qui repousse la foudre et qu’ont les génies d’exception, ces esprits vierges qui tirent d’eux seuls leur fécondité et peuvent vivre impunément, n’importe où.
Mais, comme vous le voyez, ce n’est pas du tout par la tournure de sa pensée le génie mi-parti de pasteur et de guerrier qu’il faudrait ici, avec un pareil titre, l’espèce de Guillaume Tell poétique dont le vers serait la flèche, vibrante de rapidité, de fierté et d’indépendance !
L’auteur du Roman d’une conspiration n’a pas tiré de la foule de tous les conspirateurs qui mettent leur vie au jeu, et bravement l’y laissent, ce Goujet, et surtout ce Rochereuil, qu’il fallait marquer d’un signe à part, — comme ce Redgauntlet, par exemple, qui est aussi un conspirateur, et que le génie de Walter Scott a marqué, pour que l’imagination le revoie toujours dans ses rêves, de ce fer à cheval sur le front, signe du malheur de toute une race, qui perd toutes les causes pour lesquelles elle combat, sans que jamais son courage faiblisse sous le poids de cette sombre et désespérante fatalité !
On sait que dans tous les ouvrages de Platon, c’est Socrate qui mène l’homme à la vérité ; Socrate en même temps conserve son caractère et son génie ; partout il garde sa manière de raisonner, ses inductions, ses interrogations, ces espèces de pièges et de longs détours dans lesquels il enveloppait ses adversaires, pour les amener malgré eux à une vérité qu’ils combattaient.
Saint Jean Chrysostôme, qui alors était l’orateur le plus fameux du christianisme et de l’Orient, et qui avait tout à la fois l’éloquence de sa religion, de son caractère et de son génie, prononça, en 339, cet éloge, dont une partie nous a été conservée59.
Une profonde humanité y respire — avec la grâce du génie athénien. […] Admirable variété des génies et des races ! […] ce binocle intelligent, ce creuset de tout ce qui s’appelle génie, talent, esprit, gloire, fantaisie. […] Notez qu’on ne sait pas trop si elle croit ou non au génie de Desroncerets. […] Sans doute le génie plus clair, plus libre, plus alerte et plus sensé du frère disparu.
Sa tâche est tout autre, et le génie réalisé d’un poète doit, pour le moment, l’inciter à conclure, moins que le caractère de ce même génie. […] ces deux hommes avaient — outre leur génie — des traits de ressemblance. […] C’est que, comme Ronsard, il rimait chaque jour avec génie et à tour de bras. […] C’était un génie raté qui ne manquait pas de talent. […] Stendhal n’est pas un romancier, et Balzac, malgré son génie, a fait les beaux jours des cabinets de lecture.
Certainement, son père et lui, par leur génie, leurs mœurs, leur scélératesse parfaite, affichée et systématique, ont présenté à l’Europe les deux images les mieux réussies du diable. […] Faire de l’homme un être fort muni de génie, d’audace, de présence d’esprit, de fine politique, de dissimulation, de patience, et tourner toute cette puissance à la recherche de tous les plaisirs, plaisirs du corps, du luxe, des arts, des lettres, de l’autorité, c’est-à-dire former et déchaîner un animal admirable et redoutable, bien affamé et bien armé, voilà son objet, et l’effet au bout de cent ans est visible. […] En effet, elle est aussi une renaissance, une renaissance appropriée au génie des peuples germains. Ce qui distingue ce génie des autres, ce sont ses préoccupations morales. […] Au milieu d’eux s’élève un écrivain de génie, poëte en prose, doué d’imagination comme Spenser et comme Shakspeare, Jeremy Taylor, qui, par la pente de son esprit comme par les événements de sa vie, était destiné à présenter aux yeux l’alliance de la Renaissance et de la Réforme, et à transporter dans la chaire le style orné de la cour.
Il est vrai que, si de bons et de mauvais génies doivent prendre la suite de l’action qu’il exerce sur la matière, ils paraîtront influencer déjà cette action elle-même. […] Ce n’était pas un être complet, quel qu’il fût, bon ou mauvais génie. […] L’inertie de l’humanité n’a jamais cédé qu’à la poussée du génie. […] Mais point n’était besoin du génie des poètes : un décret du prince pouvait suffire à faire ou à défaire des dieux. […] Peut-on considérer comme un dieu le génie ou le démon propre a un individu ?
On me remet à l’instant le crayon d’un travail relatif à l’influence de George Sand sur le développement du génie de Musset. […] Mendès va en grandissant de jour en jour, et quelquefois touche au génie. […] C’est un de ses meilleurs rôles ; j’entends c’est un des rôles où elle se montre le plus tragédienne de génie. […] C’est le vœu même du génie de l’espèce, je sais bien ; mais c’est une jolie garantie d’infortune pour cette pauvre petite duchesse. […] Or au théâtre, nous nous moquons du Génie de l’espèce comme d’un zeste.
Quarante mille vers, ce n’est point trop pour contenter leur bavardage : esprit facile, abondant, curieux, conteur, tel est le génie de la race ; les Gaulois, leurs pères, arrêtaient les voyageurs sur les routes pour leur faire conter des nouvelles, et se piquaient comme eux « de bien se battre et de facilement parler. » Avec les poëmes de chevalerie, ils ont la chevalerie ; d’abord, il est vrai, parce qu’ils sont robustes, et qu’un homme fort aime à se prouver sa force en assommant ses voisins ; mais aussi par désir de renommée et par point d’honneur. […] Le tournoi lui-même n’est qu’une cérémonie, un peu brutale, à la vérité, puisqu’il s’agit de casser des bras et des jambes, mais brillante et française ; faire parade d’adresse et de courage, étaler la magnificence de ses habits et de ses armes, être applaudi et plaire aux dames, de tels sentiments indiquent des hommes plus sociables, plus soumis à l’opinion, moins concentrés dans la passion personnelle, exempts de l’inspiration lyrique et de l’exaltation sauvage, doués d’un autre génie, puisqu’ils sont enclins à d’autres plaisirs. […] Le conteur est ému, et pourtant son langage reste le même, uni, sans accent, tant ils sont pourvus du génie de la prose et dépourvus du génie de la poésie ! […] Rien de plus opposé à leur génie que les vrais chants et les profondes hymnes, telles que les moines anglais en chantent encore sous les voûtes basses de leurs églises.
Le génie extraordinaire qui avait élevé Napoléon sur le pavois l’en précipita, et la vieille dynastie revint, en apparence décidée à tenter l’expérience de monarchie constitutionnelle qui avait si tristement échoué entre les mains du pauvre Louis XVI. […] Parlez au paysan, au socialiste de l’Internationale, de la France, de son passé, de son génie, il ne comprendra pas un tel langage. […] La royauté conserve dans nos vieilles sociétés une foule de choses bonnes à garder ; avec l’idée que j’ai de la vieille France et de son génie, j’appellerais cet adieu à la gloire et aux grandes choses : Finis Franciæ. […] De ces vœux accomplis, fût résulté avec le temps une petite vie provinciale, matériellement très florissante, indifférente à l’instruction et à la culture intellectuelle, assez libre ; une vie de bourgeois aisés, indépendants les uns des autres, sans souci de la science, de l’art, de la gloire, du génie ; une vie, je le répète, assez semblable à la vie américaine, sauf la différence des mœurs et du tempérament. […] Chez nous, les dons brillants, le talent, l’esprit, le génie sont seuls estimes ; en Allemagne, ces dons sont rares, peut-être parce qu’ils ne sont pas fort prisés ; les bons écrivains y sont peu nombreux ; le journalisme, la tribune politique n’ont pas l’éclat qu’ils ont chez nous ; mais la force de tête, l’instruction, la solidité du jugement sont bien plus répandues, et constituent une moyenne de culture intellectuelle supérieure à tout ce qu’on avait pu obtenir jusqu’ici d’une nation.
Pour moi je souhaite qu’il vienne un homme qui, par l’autorité du génie, persuade à ce pays si éprouvé, d’abord de s’aimer lui-même, profondément, chaleureusement, énergiquement. […] Je suis bien obligé d’ajouter qu’elle est incomplète par la faute de ce même caractère de Stendhal qui a joué de très méchants tours à son génie. […] Personne n’a moins eu le génie épique que Stendhal. […] Le coup de génie pour un Guizot eut été de sauter du suffrage aristocratique au suffrage universel, en franchissant l’étape des capacités ; il se serait trouvé dans la même situation qu’avant et plutôt moins agitée. […] Les plus grands génies s’y égarent, et la multitude y réussirait !
Elles se modifient, suivant l’esprit de chaque génération, suivant le génie de chaque peuple. […] Mabilleau a surpris le secret du génie de Victor Hugo ? […] Seront encore bien embarrassés, messieurs les découvreurs de génies exotiques. […] Ou encore n’est ce point le surnom prédestiné d’un génie malfaisant, pareil à un soleil qui rayonnerait de la nuit, ainsi que disait Victor Hugo ? […] On n’a point encore songé à nier leur génie sous ce prétexte.
Transformez cet Amour en un génie de la guerre, et vous n’aurez plus qu’une seule figure douce et pathétique contre un grand nombre de natures fortes et de figures terribles. […] Pour Dieu, monsieur, laissez cet enfant ce que votre génie l’a fait. […] C’est peut-être une belle chose en soi ; mais si le génie élève jamais une potence sur la scène, bientôt les imitateurs y accrocheront le pendu en personne. […] Le sien est sans verve, sans génie, sans intérêt. […] On s’installait encore parmi les hommes de génie, lorsqu’on y montrait de la profondeur, de l’éloquence et de la finesse comme il vous est arrivé.
Il y a dans cette tête des parties, ainsi que dans la fuite des joues, dans l’oreille, qui laissent voir sous le rocheux du travail, et dans le gros grain du marbre, comme le lâché d’un dessin de génie. […] Il nous confirme dans cette idée, déjà instinctive en nous, que le suprême Beau est la représentation de génie exacte de la Nature, que l’Idéal qu’ont cherché à introduire dans l’art, les talents inférieurs et incapables d’atteindre à cette représentation, est toujours au-dessous du vrai. […] Il restera l’immortel exemple de toutes les sympathies de la France pour la médiocrité, et de toutes ses jalousies contre le génie. […] Là, passent des femmes déclassées, des femmes du monde qui n’y ont plus guère qu’une jambe, des pianistes femelles qui semblent revenues de partout, et qui dans des robes noires, qui ressemblent à du papier brûlé, regardent avec la philosophie de la vieillesse de la femme laide, l’amour qui se fait dans les coins ; et en fait d’hommes, beaucoup de messieurs de toute espèce, énormément d’architectes, et le dernier prix de Rome de paysage, le dernier, dieu merci, un peintre qui fait estimer le génie de Thénot.
Le bon sens, que Descartes croyait, ou affectait de croire « la chose du monde la plus répandue », est au contraire la plus rare que l’on sache, plus rare que le talent, aussi rare que le génie peut-être ; et nous avouons de bonne grâce que de grands savants en ont parfois manqué… Ainsi raisonnent ceux qui ne veulent voir dans « la banqueroute de la science » qu’une métaphore retentissante ; — et je ne puis pas dire qu’ils aient tout à fait tort4. […] « Je crois avoir prouvé la possibilité, — écrivait Condorcet, il y a tout juste cent ans, — de rendre la justesse d’esprit une qualité presque universelle ; … de faire en sorte que l’état habituel de l’homme, dans unpeuple entier, soit d’être conduit par la vérité soumis dans sa conduite aux règles de la morale… se nourrissant de sentiments doux et purs. » Et il ajoutait : « Tel est le point où doivent infailliblement le conduire les travaux du génie et le progrès des lumières 5. » Me dira-t-on que Condorcet n’était après tout qu’un encyclopédiste ? […] Même, la seconde a scandalisé tous ceux à qui, sans doute, elle apprenait pour la première fois que saint Thomas est un des beaux génies dont se puisse honorer l’histoire de la pensée humaine. […] Aussi n’est-il point interdit aux peuples18… de se donner telle forme politique qui s’adaptera mieux ou à leur génie propre, ou à leurs traditions et à leurs coutumes.
L’activité impérieuse de ce génie va procéder avec la régularité d’un instinct, et sans être plus libre de se comporter autrement.
Il tient en tout à observer les degrés ; il ordonne volontiers la littérature et l’art comme Raphaël ordonne l’École d’Athènes, et comme Ingres son plafond ; chaque génie, chaque talent y est à son plan et selon sa mesure ; Gil Blas n’y est pas mis de niveau avec le Don Quichotte : rien de plus vrai ni de mieux senti ; mais il n’y a pas seulement des degrés, il y a des exclusions, il y a des anathèmes : c’était à peu près inévitable.
Voici le texte de ce qui a été dit à ce sujet, par l’école de Saint-Simon, dans le volume d’exposition qu’elle a publié cette année : « La loi du développement de l’humanité, révélée au génie de Saint-Simon et vérifiée par lui sur une longue série historique, nous montre deux états distincts et alternatifs : l’un, que nous appelons état organique, où tous les faits de l’activité humaine sont classés, prévus, ordonnés par une théorie générale, où le but de l’action sociale est nettement défini ; l’autre, que nous nommons état critique, où toute communion de pensée, toute action d’ensemble, toute coordination a cessé, et où la société ne présente plus qu’une agglomération d’individus isolés et luttant les uns contre les autres. » (Vol.
Comme on est empressé, au premier effort d’un beau génie vers un second genre, de lui contester la libre sortie du précédent et de l’y bloquer !
Mais la religion, dans l’acception générale, suppose une inébranlable foi, et lorsqu’on a reçu du ciel cette profonde conviction, elle suffit à la vie et la remplit toute entière ; c’est sous ce rapport que l’influence de la religion est véritablement puissante, et c’est sous ce même rapport qu’on doit la considérer comme un don aussi indépendant de soi, que la beauté, le génie, ou tout autre avantage qu’on tient de la nature, et qu’aucun effort ne peut obtenir.
Ce sont des hommes doux, bien meilleurs que moi, et qui ont coutume de découvrir, chaque saison, dans les pièces qui leur sont soumises, une bonne douzaine de « scènes supérieures » et de « scènes de premier ordre. » J’estime tout naturel que vous ayez plus de confiance en eux qu’en moi et que vous mettiez leur jugement fort au-dessus du mien ; mais enfin c’est le mien, et non le leur, que vous me demandiez, quand, avec l’espoir effréné que je vous trouverais du génie, vous m’avez convié à la représentation de votre drame et m’en avez même envoyé la brochure.
Henri de Régnier excelle à ces accompagnements, de son invention, je sais, discrète et fière comme le génie qu’il instaura et révélatrice du trouble transitoire chez les exécutants devant l’instrument héréditaire.
Son ingéniosité, cette forme industrieuse du génie, est aussi subtile que son inspiration est vaste et spontanée.
Si nos villageois avaient le génie de la comédie, ils en feraient des masques comme les Italiens.
L’Italie le reconnut et le proclama elle-même avec un enthousiasme qui fut porté jusqu’à l’excès et lui fit répudier l’antique génie de la nation.
Il y avait la délicate Sophie Harlay et Rachilde, déjà célèbre par son génie et ses légendes et qui cachait un cœur d’or et une sensibilité exquise sous des allures cinglantes et cavalières.
Pénétration la plus intime des secrets de la psychologie spontanée, haute habitude de la psychologie et des sciences philosophiques, étude expérimentale de l’enfant et du premier exercice de sa raison, étude expérimentale du sauvage, par conséquent connaissance étendue des voyages, et autant que possible avoir voyagé soi-même chez les peuples primitifs, qui menacent chaque jour de disparaître, au moins avec leur spontanéité native ; connaissance de toutes les littératures primitives, génie comparé des peuples, littérature comparée, goût délicat et scientifique, finesse et spontanéité ; nature enfantine et sérieuse, capable de s’enthousiasmer du spontané et de le reproduire en soi au sein même du réfléchi.
« Montrons, dans un prince admiré de tout l’univers, que ce qui fait les héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu’au comble : valeur, magnanimité, bonté naturelle, voilà pour le cœur ; vivacité, pénétration, grandeur et sublimité de génie, voilà pour l’esprit ; ne seraient qu’une illusion, si la piété ne s’y était jointe, et enfin que la piété est le tout de l’homme. » 10.
Comme tous les esprits qui se froidissent en montant, — car l’esprit est soumis dans sa sphère aux lois que subit le corps dans la sienne, — Guizot a touché cette période de la vie morale qui faisait dire à un grand esprit calmé, l’illustre Goethe : « Le temps m’a rendu spectateur. » Pour tout homme, c’est la disposition qui le met le plus près de l’accomplissement de tout son être, qu’il s’appelle d’ailleurs Shakespeare, Machiavel, Walter Scott, trois grands hommes qui eurent aussi, tous les trois, cette froideur d’impartialité qui n’est pas la glace de l’âme, mais la sérénité du génie.
Les pamphlets, qui ne sont pas le journalisme, quoiqu’ils s’y soient souvent mêlés avec une tartufferie d’impartialité qui ne les a rendus que plus redoutables, les pamphlets, quand ils n’étincellent pas de génie ou de talent, ne sont, dans tous les temps et dans toutes les littératures, que des injustices ou des injures, et cette poussière de la poussière, laissons-la où elle est tombée ; il convient de ne plus la remuer.
Mais je le dis pour deux esprits qui nous emporteront toujours du côté où l’on dira qu’ils seront, je le dis pour Madame de Staël, qui a la fascination du génie, et pour Madame de Souza, qui a celle de la grâce et du sentiment.
Si, selon lui, le Dieu philosophique n’est pas compréhensible même aux plus grands génies philosophiques, et si le Dieu de la révélation n’est pas digne d’occuper ces immenses esprits qui ne peuvent établir le leur par le raisonnement, eh bien !
Ventura avait pour la Critique l’intérêt d’un esprit de l’ordre le plus élevé qui, jusque-là, s’était illustré dans de très puissantes polémiques, mais que l’événement et le choix de l’Empereur mettaient en demeure de se montrer fécond et net dans sa fécondité et de dire enfin le mot suprême que, sur toutes les questions, le christianisme, s’il rencontre un homme de génie, n’a jamais manqué de prononcer !
Les jugements portés par lui sur les grands génies de l’utopie moderne, Fourier, Owen et Saint-Simon, sont d’une fermeté bienveillante, mais inflexible.
Seulement, si Bouchor est pur de Gœthe, dans le détail d’un poème puisé aux mêmes sources que le poème de Gœthe, il est moins pur de Marlowe, qui avait, lui, le génie enflammé d’un homme mort, à trente ans, de ses passions.
Hugo, par exemple, un violent essai d’archaïsme, pratiqué par un esprit puissant sur les mots, et qui se joue dans les difficultés pour les vaincre, c’était une des formes les plus sympathiques au genre de génie qu’il avait.
Grimm les philologues, à travers les recueils de qui ces contes ont passé, nous eussions beaucoup mieux aimé, par exemple, quelque servante, comme cette servante de Perrault dont Feuillet nous a parlé dans son livre actuel, en supposant qu’elle ait existé, en supposant que, pour s’excuser d’avoir fait des contes d’enfants, cette petite chose, dans un siècle qui n’aimait que le grand et qui l’aimait jusqu’à l’hypocrisie, cette servante en faveur de qui Perrault, bêtement honteux, a donné la démission de son génie, n’ait été de sa part qu’une invention de plus.
Ajoutez les institutions particulières de chaque ville, et celles de la Grèce entière ; ces fêtes, ces jeux funèbres, ces assemblées de toutes les nations, les courses et les combats le long de l’Alphée, ces prix distribués à la force, à l’adresse, aux talents, au génie même ; des rois venant se mêler parmi les combattants, les vainqueurs proclamés par des hérauts, les acclamations des villes sur leur passage, les pères mourants de joie en embrassant leurs fils vainqueurs, et leur patrie à jamais distinguée dans la Grèce, pour avoir produit de tels citoyens.
Herschell, fils de l’illustre astronome, sur l’Étude de la philosophie naturelle, un très bel article tout animé du souffle newtonnien et où il s’inspirait du génie des sciences (14 février 1835), frappa pourtant et devait frapper Carrel ; arrivant ce jour-là au National, et voyant Littré qui traduisait ses journaux allemands, selon son habitude, au bout de la table de la rédaction dans le salon commun : « Mais vous ne pouvez rester dans cette position, lui dit-il, vous êtes notre collaborateur. […] Plus on pénètre le sens des écrits d’Hippocrate, et plus l’on s’identifie avec le fond et la forme de ses pensées, plus aussi on comprend l’affinité qu’il a avec les grands esprits ses contemporains, et plus l’on est persuadé qu’il porte comme eux la vive empreinte du génie grec. » Et plus loin, je détache, avec le regret de l’abréger, une belle et bien bonne page encore : « Celse a vanté la probité scientifique d’Hippocrate dans une phrase brillante qui est gravée dans tous les souvenirs : (« Hippocrate, a-t-il dit, a témoigné qu’il s’était trompé dans un cas de fracture du crâne, et il a fait cet aveu avec la candeur propre aux grands hommes, aux riches qui ont pleine conscience du grand fonds qu’ils portent en eux »)… C’est le même sentiment de probité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui sent le charlatanisme… La haine qu’Hippocrate ressentait et exprimait à l’égard des charlatans est très comparable à la haine qui animait Socrate, son contemporain, contre les sophistes. […] Ce n’est guère que vers le milieu du xviiie siècle qu’un érudit de médiocre valeur, un homme de plus de zèle que de génie, La Curne de Sainte-Palaye, se mit résolument à lire ces vieux textes français manuscrits, à les dépouiller et à en dresser un Glossaire qui se consulte encore.
S’il y a réminiscence de Milton et de Klopstock, ou encore, parmi les modernes, de Thomas Moore et de Byron, la combinaison que l’imitateur en avait su tirer montrait qu’on avait affaire ici à une maîtresse abeille et qu’un coin de génie existait. […] Le bon sens dira ce qu’il voudra de cette prétention ambitieuse, en supposant que l’interprétation que je donne soit juste ; il trouvera que c’est étrangement s’octroyer les droits et privilèges d’oint du Seigneur, et se faire à soi-même avec un suprême dédain les honneurs de la terre ; cela conduira plus tard M. de Vigny à sa théorie exagérée du poète, et finalement, à cet Exegi monumentum des Destinées : je sais les abus qu’on a vus sortir et qu’a trop tôt engendrés cette doctrine superbe tant de l’omnipotence que de l’isolement du génie ; mais ici, dans ce poème de Moïse, l’idée ne paraissait qu’enveloppée, revêtue du plus beau voile ; l’inspiration se déployait grande et haute ; elle restait dans son lointain hébraïque et comme suspendue à l’état de nuage sacré. […] Magnin, cette tristesse d’une supériorité surhumaine qui isole, ce pesant dégoût du génie, du commandement, de la gloire, de toutes ces choses qui font du poète, du guerrier, du législateur, un être gigantesque et solitaire, un paria de la grandeur. » L’arrière-pensée littéraire et personnelle, si elle y était déjà, perçait à peine et n’est sortie qu’après.
Les bergers les vénèrent comme une sorte de génie et se gardent d’en tuer aucune. […] Mademoiselle de Guérin avait vingt-huit ans ; elle n’était pas jolie, selon le vulgaire, bien que les yeux, où se reflète le génie, la bouche, où s’épanouit la bonté, le contour harmonieux et délicat du visage, qui encadre le caractère, les cheveux, grâce de la figure, la taille svelte et souple, qui fait ressortir les formes du corps, la vivacité de la démarche, qui transporte la personne avec la rapidité de la pensée, fissent de cet ensemble un aspect très agréable, plus que suffisant au bonheur d’un époux. […] Elle avait transvasé toute son ambition dans la sienne, son génie dans celui qu’elle lui supposait.
La vertu de Fénelon, les grâces de son génie, le risque de toucher à une des gloires les plus aimées de notre pays, n’ont pu me réconcilier avec le chimérique, aujourd’hui sans partisans, de l’amour pur et de la royauté de Salente. […] Indépendant, pouvant se marier, être père lui-même et exercer sur ses propres enfants le génie qu’il a pour la pédagogie, il se dévoue par amitié à l’éducation de l’enfant d’un autre. […] Parler de Dieu et de l’âme à ce siècle où, dans une foule qui n’y croyait plus guère que par respect humain, des esprits distingués faisaient profession d’athéisme, où Voltaire défendait Dieu comme une bonne institution de police, c’était une inspiration de génie et un acte d’homme de bien.
le vrai, le vrai tout bête, c’est toujours plus fort que les imaginations du génie. […] Malgré les années et l’immense travail, le vieillard chenu est toujours jeune, vivace d’esprit, et encore tout jaillissant de paroles colorées, d’idées originales, de paradoxes de génie. […] * * * Qui n’a lu les conversations de Napoléon dans les Mémoires si vivants, si intéressants, si peu connus de Roederer, ne connaît point ce genre d’éloquence de l’homme de génie, qu’on pourrait appeler le vagabondage de l’éloquence.
En présence d’un tel monde et sous la loi historique immuable d’un tel destin, que reste-t-il à un homme de génie et de bonne volonté ? […] Un peu de génie mène à ces ironies et à ces blasphèmes, beaucoup de génie en détourne.
La morale qui se dégage pour eux de cette exploration, c’est le bluff du génie. […] Wilde est passé par là : Mettre le génie dans sa vie, le talent dans son œuvre. Le génie dans la vie, entendez licence complète.
Un petit génie placé sur la droite, debout et sur le devant, proche d’elle, lui ôte son glaive des mains. à gauche, derrière la justice, la prudence étendue à terre, le corps appuié sur le coude, son miroir à la main, considère les deux autres figures avec satisfaction ; et j’y consens, si elle se connoit en peinture ; car tout y est du plus beau faire ; mais peut de caractère, mesquin, sans jugement, sans idée. […] Je veux que le diable m’emporte, si je comprends rien à ce génie, à ces lauriers, à cette épée. […] Devant elle, une vérité, son aînée de quelques années, toute nue, sèche, blafarde, sans tétons, le corps homasse, le bras et l’index de la main droite dirigés vers le ciel et ce bras dont le racourci n’est pas assez senti de trois ou quatre ans plus jeune que le reste de la figure ; derrière cette vérité, un petit génie renversé sur un nuage.
C’est là, si je ne m’abuse, un des secrets du génie. […] La seule manière de marcher sur leurs traces, de lutter avec eux, est donc de faire ce qu’ils auraient fait, en s’inspirant du génie qui anime leurs ouvrages. […] Hugo a rencontré pour chacune de ses œuvres une attention unanime, un auditoire courageux, désintéressé, clairvoyant, tel enfin que pourrait le souhaiter le plus beau génie. […] Les plus ignorants savent que l’auteur de Notre-Dame de Paris se croit dispensé de l’étude par la toute-puissance de son génie, et sont très décidés à ne pas accepter cette prétention. […] On s’est beaucoup trop pressé, il y a trois ans, de crier au Corneille et d’applaudir comme une œuvre de génie la première création dramatique de M.
et si nécessaire à la continuation de la vie sur terre, il fallait une indépendance d’esprit que certains trouveront peut-être diabolique, qui m’apparaît parfois comme telle, mais parfois aussi comme le don le plus extraordinaire dont ait été jamais doué un être humain, comme une des manifestations les plus belles, les plus puissantes du génie humain. […] Ortega y Gasset voit dans ce procédé, qui n’est d’ailleurs pas un procédé, mais la façon dont fonctionne naturellement le génie de Proust, quelque chose d’analogue au procédé impressionniste. […] Or Proust est le génie de la réflexion. […] Et le premier mouvement de son génie est de poursuivre ce quelque chose, de tâcher de le reprendre, de l’extorquer au paysage, ou à l’être vivant qui se propose à lui. […] Voilà peut-être le dernier mot — nous le trouvons dans Proust lui-même — sur le génie de Proust et sur l’essentielle nouveauté et l’essentielle beauté de son œuvre.
Dès qu’il fut entré dans le monde fabuleux que son génie avait découvert, il ne voulut plus en sortir. […] Taine a merveilleusement vu et décrit la puissance de ce génie, la force de cette volonté. […] Paul Foucart acheva la lecture d’un Mémoire qui atteste que la rigueur de son génie épigraphique ne répugne pas aux hypothèses hardies et engageantes ; ensuite, sur la scène de la Bodinière, où M. […] Qui donc viendra délivrer le génie du christianisme, trésor intime, opprimé par un poids mort, emprisonné par des moules rebelles ? […] Le malheur de ce grand et bon Tolstoï, c’est d’aboutir, par une douloureuse aberration du génie, à un individualisme fou, déguisé par une bienfaisance irraisonnée et une charité divagante33.
De là le reproche qui nous est fréquemment fait de n’avoir pas découvert ou signalé tel homme déclaré de génie, et qui le plus souvent ne représente qu’un accident littéraire. […] Et puis, il se peut que ce « génie », qui paraît tel à Pierre, n’en soit pas un pour Paul. […] Il faut donc prendre son parti de cet inconvénient, à moins d’être un homme de génie comme Pascal, Mozart, Raphaël ou Bonaparte, qui ont été des petits prodiges avant d’être de grands hommes. […] Si une critique bienveillante avait poussé La Fontaine, Rousseau et bien d’autres à produire dès le jeune âge, ils n’eussent jamais donné ce que des années d’observation et de méditation leur ont apporté, ils s’en fussent tenus à des balbutiements, à des essais, et notre pays n’eût pas été éclairé des lueurs de leur génie. […] Ce fou de génie, cet abbé relève de M.
Il avait assez de talent pour s’imposer à l’admiration de la critique ; il n’avait pas assez de génie pour l’humilier. […] C’est à qui célébrerait la fantaisie, la grâce, l’originalité, la profondeur, le génie, — oui ! le génie du jeune écrivain. […] Maurice Maeterlinck est un homme de génie. […] Rougeville fut donc un hâbleur, mais un hâbleur de génie.
Et voilà ce qu’on appelle du génie, et on dit que Voltaire n’avait que de l’esprit, et d’Alembert et Fontenelle du jargon. […] Ma délicate sagesse n’aime pas cette indécence ex professo, et je me dis : « Voilà un fou bien dégoûtant qu’on devrait enfermer avec les fous de Bicêtre. » Et quand on me dira : « L’original Rétif de La Bretonne, le bouillant Rétif, etc. », je penserai : C’est un siècle bien malheureux que celui où on prend la saleté pour du génie, la crapule pour de l’originalité, et des excréments pour des fleurs. […] Si j’avais à choisir entre elle et son génie, je choisirais la première. […] et par les mœurs, visant au nouveau par la tête et par les tentatives, il fut heureux qu’à une heure décisive, un génie cordial et puissant, le génie de l’avenir en quelque sorte, lui apparût, lui apprît le sentiment, si absent jusqu’alors, de l’admiration, et le tirât des lentes et misérables agonies où il se traînait. Il eût été guéri à coup sûr par ce bienfaisant génie, s’il eût pu l’être ; il fut convié du moins et associé aux nobles efforts ; il put se créer et poursuivre le fantôme, parfois attachant, d’une haute et publique destinée.
Se voyant attelé journellement à des emplois qui sont au rebours de son génie, il obéit à la nécessité, mais il en souffre. […] Cette image des trois poètes, comparés à trois cygnes arrangés flanc à flanc et exhalant leur âme dans leur chant suprême, m’a rappelé un beau passage du Génie du Christianisme, les deux cygnes de Chateaubriand.
Et ce progrès est régulier, soutenu. « On peut compter, dit Necker en 1781, que le produit de tous les droits de consommation augmente de deux millions par an. » — Dans ce grand effort d’invention, de labeur et de génie, Paris, qui grossit sans cesse, est l’atelier central. […] Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour.
Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. […] On y reconnaît le génie du bien idéalisant son type.
L’hiatus, la diphtongue faisant syllabe dans le vers, toutes les autres choses qui ont été interdites et surtout l’emploi facultatif des rimes masculines et féminines fournissaient au poète de génie mille moyens d’effets délicats toujours variés, inattendus, inépuisables. Mais pour se servir de ce vers compliqué et savant, il fallait du génie et une oreille musicale, tandis qu’avec les règles fixes, les écrivains les plus médiocres peuvent, en leur obéissant fidèlement, faire, hélas !
Carthage, par sa domination en Sicile, n’avait pas été mêlée si longtemps à la vie des Hellènes sans recevoir quelque chose de leur génie. […] Hebbel malgré l’affirmation contraire du saint livre, — la belle juive a des emportements sublimes, des émotions contradictoires la désolent, et le poète, en peignant ce délire d’une âme chaste, a trouvé des accents de génie.
Par la vertu de son orgueil, le génie anglo-saxon s’est donc immunisé contre les exagérations dangereuses de l’idée chrétienne, et contre sa moderne incarnation humanitaire, dont il s’est pourtant arrogé le monopole. […] Amalgame du renoncement évangélique et des modes d’activité où le génie anglo-saxon excelle, l’idéal humanitaire tel qu’il nous est offert sournoisement, sous le masque d’une vérité de raison, ne peut exercer sur nous que son action évangélique et déprimante.
En tout cas, il est permis de soutenir que le génie créateur y est incomplet, et que quelque chose manque à ce livre pour prendre place au premier rang, soit dans la littérature de mémoires, parce que nous n’avons là qu’un épisode d’une vie, soit dans la littérature de roman, parce que les grandes œuvres d’imagination possèdent plus d’énergie vitale, plus de force créatrice, et animent, sinon des foules, du moins des groupes entiers de personnages sortis de la pensée humaine. […] Voyez-le, quand il veut exprimer le double caractère et comme la double personnalité d’un de ces Flamands qui avaient étudié en Italie, d’un de ces romanistes, comme on disait, qui allaient apprendre la peinture à Rome, à Florence, à Venise, et puis, de retour au pays natal, ressaisis par le génie si profond et si particulier de la race, finissaient par triompher de leurs maîtres latins, et par plier leur éducation méridionale aux rêves d’un idéal qui n’avait pas changé.
Mais, de là au don créateur et magique des Le Sage, des Fielding, des Prévost, des Walter Scott, il y a évidemment une distance infinie : d’un côté, le fait réel, le cas particulier, l’historien encore rempli de lui-même, qui intéresse par une reproduction animée et fidèle ; de l’autre la diversité des combinaisons, la fécondité des sentiments, tout un monde de créatures pour les revêtir et les exprimer ; la réalité à la fois transformée et partout reconnaissable ; l’univers, en un mot, et l’homme, aux mains de l’art et du génie.
Les questions se multiplient en avançant vers le xvie siècle, et je n’énumère pas tout ce qu’on pourrait demander d’utile et de nouveau à cette époque véritablement savante, où la connaissance directe de l’Antiquité et l’essor du génie moderne redoublent d’émulation.
L’homme de génie peut devenir un homme puissant, et sous ce rapport, les envieux et les sots le ménagent ; mais une femme spirituelle n’est appelée à leur offrir que ce qui les intéresse le moins, des idées nouvelles ou des sentiments élevés : sa célébrité n’est qu’un bruit fatigant pour eux.
Louis XIV avait su être, ou paraître le protecteur, le régulateur, l’inspirateur du génie littéraire et artistique : toute l’activité littéraire du xviiie siècle se développe loin de la royauté, qui ne se rappelle guère que comme une gêne et un obstacle.
Allez, pour voir, proposer une symphonie de génie à Lamoureux ou à Choudens.
Le génie ne végète puissamment que sous l’orage.
Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, dans la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.
Elle gardait en soi le génie qui peut produire des œuvres, comme elle gardait chez elle le Très Saint Sacrement, et, qu’on me passe cette expression qui dit bien ma pensée, elle n’en sortait ni l’un ni l’autre, pour leur faire faire des processions.
Jamais l’esprit n’a mieux prouvé qu’il est au-dessus du talent, quand le talent n’est pas du génie.
Mais de telles appellations ne suffisent pas à l’imagination exigeante lorsqu’il s’agit d’une femme qui eût débouté Shakespeare de son génie et dépassé ses inventions !
II C’est, en effet, une bonne fortune, — et même la meilleure de toutes les fortunes, — pour qui se sent en soi le moindre génie historique, que de rencontrer sous sa main de ces figures très rares, à caractère ambigu ou à double caractère, qui exercent la sagacité et donnent un prix plus grand encore au mérite de la justice.
Par toute l’Europe et sur tous les trônes, la Royauté manqua de cœur, quand il s’agissait de montrer celui de Fersen pour Louis XVI et Marie-Antoinette, — et elle manqua aussi de génie ; car elle était plus intéressée que lui à les défendre !
La voici qui veut en attacher deux à Abailard, — le nimbe qui se joue autour des tempes pensives du, génie, et le rayon sortant des cœurs qui ont beaucoup aimé et noblement souffert.
Jamais la vocation, la force de la vocation, n’a touché de plus près au génie.
La voici qui veut en attacher deux à Abailard, — le nimbe qui se joue autour des tempes pensives du génie, et le rayon, sortant des cœurs qui ont beaucoup aimé et noblement souffert.
On lui a fait crédit, avec une facilité généreuse, de toutes les facultés qu’il n’a pas, et il a été reconnu comme l’homme d’esprit d’une époque, qu’il vaut encore mieux être en France que d’être un homme de génie.
», mais alors exhibez vos titres, génie ou vertu. Si c’est génie, voilà qui est bien. […] Nous commencions à croire qu’ils avaient tous du génie là-bas. […] Mais ce fils énergique n’a point été dépossédé pour cela de son génie propre, de son génie d’observateur, de moraliste et de logicien. […] Il a à la fois un génie de révolte et de luxure triste.
Mais ici il s’agit à la fois d’un homme de génie et dont l’influence a été prodigieuse, et d’un homme de peu de volonté, et d’un homme dont on peut dire que ses œuvres expriment sa vie individuelle et les incidents de cette vie et sont à peu près toutes des « œuvres de circonstances ». […] Il avait pour lui sa bizarrerie, sa réputation d’ours de génie, son étrange talent (et de tout temps les belles dames ont aimé avoir chez elles leur homme célèbre). […] Oui, nous savons que Jean-Jacques était un enfant de génie. […] Michelet me paraît d’ailleurs, malgré la différence des génies, le plus fidèle continuateur de Rousseau au xixe siècle.) […] Rousseau, avec le coup d’œil du génie ; prévoyant toute la Révolution française, a voulu élever Émile, jeune noble, de façon qu’il pût se tirer d’affaire, quels que fussent les événements.
« Elle fut en liaison, nous dit-on, avec les plus beaux génies de son siècle, MM. […] Élevons cependant la question plus haut encore, et tâchons de la rendre encore plus digne du génie de Bossuet. […] Il est vrai qu’ils peuvent compter tous les trois parmi les plus rares créations du génie de Molière. […] C’est ici la grave lacune du génie de Molière, et quand je les compare, — car ceux-ci peuvent être comparés, — c’est par où Shakespeare certainement l’emporte. […] Celui-ci en a été touché, et le premier m’a dit qu’on n’imaginait point ces traits-là sans génie.
De même pour Lamartine : j’aurais aimé qu’en développant son talent poétique aussi grandement, aussi démesurément même, que sa nature de génie l’y portait, il fût demeuré en politique d’accord avec lui-même, fidèle à ses origines, à ses précédents, à l’ordre d’opinions, de doctrines et, pour tout dire, de bienséances où il avait passé toute sa jeunesse et qui lui étaient comme son cadre naturel, — un M.
On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M.
Au contraire, l’historien qui a un vrai génie choisit sur vingt endroits celui où un fait sera mieux placé pour répandre la lumière sur tous les autres.
Un autre avait mieux rencontré, quand il haranguait sur le dessein de l’Académie, et sur le différent génie des langues.
Le temps de la Restauration passe pour une époque libérale, or, certainement, nous ne voudrions plus vivre sous un régime qui fit gauchir un génie comme Cuvier, étouffa en de mesquins compromis l’esprit si vif de M.
toutes les phrases et tous les vers des malheureux gens de génie qu’ont fanés, en les citant, tous les sots que vous connaissez.
Dans leur chapitre consacré à « l’amour » au xviiie siècle, et quand ils arrivent à la dépravation de ce sentiment tel qu’il est peint dans Les Liaisons dangereuses, par exemple, ce hideux chef-d’œuvre qui n’est pas le conte d’un infernal génie, mais une infernale réalité, ces historiens, sensibles et non impassibles, de la Femme au xviiie siècle, ont une indignation et un accent superbes, et, pour mon compte, je ne crois pas que leur talent soit allé jamais au-delà !
Enfin, l’ouvrage se termine par une appréciation de l’état intellectuel et moral des États-Unis et de leur génie industriel.
Elle ferait pardonnera un poète, qui l’aurait quelquefois, les exquises beautés du génie.
N’était cette injustice, que nous nous sommes permis de relever, pour une femme douée le plus des anciennes qualités françaises, qui plonge jusqu’au cou dans le génie de sa langue et de sa race, et que l’on peut considérer comme l’arrière-petite-fille de Montaigne, mais sans scepticisme et sans superfluité, l’Introduction de Sainte-Beuve nous paraîtrait ce qu’elle est réellement : un petit chef-d’œuvre d’analyse, d’expression et de sybaritisme littéraire.
Soury, qui sait se retourner et se mouvoir souplement dans l’inconséquence, évoque une autre théorie, fameuse jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus, qui fait et, pour le moment, du génie, une folie relative, superbe à contempler dans Mahomet, Jeanne d’Arc, Socrate, Pascal, Newton, Spinosa, et, le croira-t-on après tout ce qu’il en a dit ?
Shakespeare lui-même, devant lequel tout nom et tout génie s’abaissent, n’y a rien compris, et quand j’ai nommé celui-là, je n’ai pas besoin de nommer les autres.
Et le chef-d’œuvre de la prudence, dans le pansement de ces âmes si longtemps athées, était de glisser en n’appuyant pas… Il fallait donc ce hasard d’un jeune homme insurgé en pleine église pour qu’un penseur et un observateur catholique qui se trouvait là eût sa pomme de Newton, cette occasion qui incline le génie du côté où il doit verser, et pour qu’il prouvât, au bout de vingt ans, à la science souffletée de toutes parts par des phénomènes qui la déshonorent, puisqu’elle ne peut les expliquer, que les seules explications qu’il y ait à ces phénomènes c’est la Foi qu’on croyait décrépite, l’antique Foi qui doit les donner !
Fléchier possède bien plus l’art et le mécanisme de l’éloquence qu’il n’en a le génie.
Quoiqu’il conclût, théoriquement, à la nécessité de l’ascétisme, il ne se condamna pas à le pratiquer : il évita, c’est vrai, de se marier, et par principe ; mais il ne résista pas aux ruses du génie de l’espèce, et il eut un fils naturel. […] Zola, dont le génie d’observation n’est d’ailleurs pas inférieur à celui du romancier de la Comédie humaine, revendiqua le même titre. […] Lemaître ne retient que ce qu’il y a d’humain et apparaît ainsi manifestement dépourvu de génie métaphysique. […] Dumas n’a point une idée exagérée de son talent ou de son génie ; il parle de ses œuvres avec modestie, avec une modestie qui n’est pas feinte, avec une modestie bien réellement modeste. […] Les fièvres de leur temps en décidèrent autrement : ils furent jetés dans la philosophie politique et dans l’action, où leur génie reçut une autre trempe, où chacun fit son œuvre.
Du reste il en avait le génie, en partie du moins. […] Il est fâcheux qu’Auguste Comte soit un homme de génie, ou plutôt que Fourier n’en soit pas un : l’antithèse, sans être plus exacte, en serait plus belle. […] C’est un Génie du christianisme enfantin ; mais qui a paru avant le Génie du christianisme. […] C’est pour cela, remarquez-le, car tout est providentiel, que de nos jours il y a moins de génies et plus de talents. […] Nous pensons, nous penserons comme nous pourrons ; nous agissons, nous agirons chrétiennement, de plus en plus, parce que la société où nous sommes comme engagés et engrenés est chrétienne, « Le génie chrétien est devenu le génie social. » Telle est la pensée religieuse où Ballanche semble s’être arrêté.
En lettré digne de ce nom, c’est-à-dire en lettré capable de relire dans le texte les auteurs grecs, en voyageur qui a rêvé, sinon prié, sur l’Acropole, en amoureux passionné du merveilleux sourire d’Athéna, il célébra sans emphase, avec la pointe d’atticisme indispensable en un pareil sujet, les traditionnelles vertus du génie hellénique. […] Dès la première apparition, ces yeux clairs dont le regard aigu se fixe sur les traits de son interlocuteur, le dévisage et le transperce, cette parole profonde où s’exprime si fortement la « certitude » d’un esprit dominateur, donnent au jeune visiteur « l’impression absolue du génie », Et un seul trait lui suffira pour nous faire toucher du doigt le fond même du caractère. […] « J’attribue à Pauline de Beaumont, écrit André Beaunier, la délicate et la mélancolique poésie qui est le plus subtil parfum du Génie du christianisme. […] Janvier, février, mars et passim »), elle a, dans l’évolution du génie verlainien, moins d’importance encore que les contes. […] Comment n’eût-il pas abouti à l’œuvre capitale où quelquefois, pour un instant, chez les plus heureux écrivains, brille d’un vif éclat la flamme pure du génie !
Et toujours le hasard ou quelque bon génie favorise M. […] Quel génie comique dans ses Plaideurs ! […] Daudet surtout me paraît avoir ce génie-là. […] Voilà pourquoi dans l’échelle de l’humanité nous mettrons au degré le plus haut un génie dilettante comme Léonard de Vinci. […] quelle société distinguée de dilettantes de génie que celle-là !
quel génie ! […] Or, l’interprète est ici un homme de génie, et me paraît, tout compte fait, un homme excellent. […] Cette artiste a le génie de la caricature. […] S’il n’a plus la jeunesse et la beauté du corps, il a la bonté, il a l’esprit, il a le prestige de la gloire et du génie, et il ne m’en coûtera pas trop d’être son initiatrice. […] Il n’y faut que bien voir, sentir profondément, et avoir du génie.
L’homme de génie est connu de la postérité, l’homme en est ignoré. […] Ennemi des hommes de génie, et des hommes vertueux qui le blessent encore davantage, il ne discuta point les imputations faites à Sénèque : est-ce que le peuple discute ? […] « Messaline redoutait le génie pénétrant de Sénèque. […] Qu’il eut un génie abondant et facile : Ingenium facile et copiosum. […] Sénèque se fit une manièreb de dire propre à son génie, au goût de ses contemporains, et à l’usage du barreau.
Mais pour le reste, sous la poussée de l’intellectualisme, du rationalisme philosophique, et aussi du sentiment profond du véritable génie de la langue, le xviiie siècle fait ordinairement retour au style analytique. […] Nous ne nous soucions que de leur génie qui fut incomparable. […] Et l’on a retrouvé, dans ses papiers, le titre de cinquante et un autres, que la mort seule, non pas l’affaiblissement de son imagination ni de son génie, l’empêcha d’écrire. […] L’important, c’est son talent, son génie, ce qu’il apporta de nouveau, d’immortel, et qui fait que tous les romanciers, je veux dire les meilleurs, tiendront à l’avenir quelque chose de lui. […] Un Béranger de génie.
C’est, au contraire, en vertu de son génie relatif que la nouvelle philosophie peut toujours apprécier la valeur propre des théories qui lui sont le plus opposées, sans toutefois aboutir jamais à aucune vaine concession, susceptible d’altérer la netteté de ses vues ou la fermeté de ses décisions. […] Considérée maintenant sous l’aspect historique, cette intime solidarité naturelle entre le génie propre de la vraie philosophie et le simple bon sens universel, montre l’origine spontanée de l’esprit positif, partout résulté, en effet, d’une réaction spéciale de l’a raison pratique sur la raison théorique, dont le caractère initial a toujours été ainsi modifié de plus en plus. […] II L’ensemble de notre évolution mentale, et surtout le grand mouvement accompli, en Europe occidentale, depuis Descartes et Bacon, ne laissent donc désormais d’autre issue possible que de constituer enfin, après tant de préambules nécessaires, l’état vraiment normal de la raison humaine, en procurant à l’esprit positif la plénitude et la rationalité qui lui manquent encore, de manière à établir, entre le génie philosophique et le bon sens universel, une harmonie qui jusqu’ici n’avait jamais pu exister suffisamment. […] En une telle situation, il doit sembler étrange que la seule philosophie qui puisse, en effet, consolider aujourd’hui la morale, se trouve, au contraire taxée, à cet égard, d’incompétence radicale par les diverses écoles actuelles, depuis les vrais catholiques jusqu’aux simples déistes, qui, au milieu de leurs vains débats, s’accordent surtout à lui interdire essentiellement l’accès de ces questions fondamentales, d’après cet unique motif que son génie trop partiel s’était borné jusqu’ici à des sujets plus simples. […] L’instinct de progrès qui caractérisait, il y a un demi-siècle, le génie révolutionnaire, avait confusément senti ces dangers essentiels, de manière à déterminer la suppression directe de ces compagnies arriérées, qui, ne convenant qu’à l’élaboration préliminaire de l’esprit positif, devenaient de plus en plus hostiles à sa systématisation finale.
En résumé, si les variations accidentelles qui déterminent l’évolution sont des variations insensibles, il faudra faire appel à un bon génie, — le génie de l’espèce future, — pour conserver et additionner ces variations, car ce n’est pas la sélection qui s’en chargera. Si, d’autre part, les variations accidentelles sont brusques, l’ancienne fonction ne continuera à s’exercer, ou une fonction nouvelle ne la remplacera, que si tous les changements survenus ensemble se complètent en vue de l’accomplissement d’un même acte : il faudra encore recourir au bon génie, cette fois pour obtenir la convergence des changements simultanés, comme tout à l’heure pour assurer la continuité de direction des variations successives. […] Un artiste de génie a peint une figure sur la toile. […] Dans son beau livre sur Le génie dans l’art, M.
Quant au fond même des idées, la révolution fut plus lente à se produire ; on continua de vivre sur le xvie siècle et sur ses résultats, jusqu’à ce que Descartes vint décréter à son tour l’oubli du passé, l’abolition de cette science gênante, et recommencer à de nouveaux frais avec la simplicité de son coup d’œil et l’éclair de son génie. […] Mais j’irais trop loin en parlant ainsi ; on ne saurait trop se méfier de ces jugements absolus en telle matière, et l’Apologie renferme sur Zoroastre, Orphée et Pythagore, sur toutes ces belles âmes calomniées, ces génies des lettres, Omnes cœlieolas, omnes supera alla tenentes, des pages élevées, presque éloquentes, qui indiquent chez lui le sentiment ou du moins l’intelligence du Saint plus que je n’aurais cru. […] Le caractère de Saint-Ange, c’est le gros bon sens, près de Mascurat qui représente l’érudit rusé : « Tu m’emportes, lui dit à certain moment Saint-Ange, comme l’aigle fait la tortue, hors de mon élément ; revenons… » Et plus loin, lorsque Mascurat lui énumère complaisamment les grands génies de première classe, les douze preux de pédanterie : Archimède, Aristote, Euclide, Scot (Duns), Calculator, etc.
Je me contentai de lui développer tous les mérites qui distinguaient Schiller, mérites que je connaissais à coup sûr mieux que lui ; mais je continuai à marcher tranquillement sur ma route, sans plus m’inquiéter du succès, et je me suis occupé de mes adversaires le moins possible. » V Et voyez plus bas combien son génie ne lui servait que pour mieux affirmer son Dieu et l’immortalité de son âme : Nous avions fait le tour du bois, nous tournâmes près de Tiefurt pour revenir à Weimar ; nous avions en face de nous le soleil couchant. […] L’esprit lui éclipsait le génie. […] Cet article, consacré à la critique des Odes et Ballades, tout en saluant le génie qui éclate dans maint passage, indique avec une finesse prophétique quels sont les penchants dangereux contre lesquels le poète doit se mettre en garde pour l’avenir. — Dans le mois de novembre 1826, le Globe avait déjà extrait du troisième recueil des poésies de V.
La « faculté maîtresse » peut, en effet, se rencontrer aussi bien chez un galfâtre que chez un homme de génie. […] Car on trouve dans ses pages, épuré et revêtu de beauté par son clair génie, ce qu’il y a de meilleur et de plus généreux dans les sentiments du gavroche, de la grisette, du garde national, du chauvin et aussi de l’ouvrier révolutionnaire, du médaillé de Sainte-Hélène et pareillement du barricadier. […] Je suis bien fâché qu’il n’ait pas eu de génie.)
Lerminier n’était qu’un faux génie qui brisa de bonne heure et manqua sa carrière ; la continuité, la patience et l’économie prudente devaient avoir raison contre lui à la longue et l’emporter. […] Rien qu’en y entrant, le respect et le génie des graves études vous saisissaient ; l’air qu’on y respirait n’était plus celui du dehors ; la lumière elle-même y prenait une teinte égale et monotone.
Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] Il conclut d’un ton d’aisance légère en faveur de sa cliente : « Ne laissez perdre cette belle Dame, qui vous a donné tant de contentement avec Génie, Jeunesse, Bacchus, Silène, et ce gentil Gardien des jardins.
« Je me plains du sort, « Qui ne m’a donné ni génie, ni richesse, ni naissance. […] « Thérèse, que la nature fit belle en vain, plus ravie de dominer que d’aimer ; pour qui la beauté n’est qu’une puissance, comme le courage et le génie ; « Thérèse, qui vous amusez aux lueurs de votre esprit ; qui rêvez d’amour comme un autre de combats et de gloire, l’œil fier et jamais humide ; « Thérèse, dont le regard, dans le cercle qui vous entoure de ses hommages, ne cherche personne ; que nul penser secret ne vient distraire, que nul espoir n’excite, que nul regret n’abat ; « Thérèse, pour longtemps adieu !
Il y avait alors un jeune officier du génie en garnison à Strasbourg. […] Elles aimaient le jeune officier ; elles inspiraient son cœur, sa poésie, sa musique ; elles exécutaient les premières ses pensées à peine écloses, confidentes des balbutiements de son génie.
Son génie survécut à toutes ces douleurs et la soutint jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans. […] J’eusse bien voulu le rendre plus complet ; mais, reléguée en ce triste séjour, si voisin de ma douce patrie, vainement j’ai revendiqué ces trésors de génie que mon enfance dévorait, qu’une main chère et jalouse m’arrache, et dont j’espérai si longtemps d’hériter.
On trouvait au fond des pots les idées hardies ou plaisantes ; d’insolentes facéties, comme le Chapelain décoiffé, et la Métamorphose de la perruque de Chapelain en astre, naissaient comme d’elles-mêmes après boire ; et si l’on examinait souvent quelque point de doctrine, la raison d’un usage ou d’une règle, si ce fut vraisemblablement dans ces conversations autour de la table que nos écrivains prirent conscience de leur rôle, et que Boileau exerça sur leur génie une sorte de direction salutaire par la droiture de son sens critique, il ne faut pas oublier que ces bons compagnons faisaient une besogne sérieuse très peu sérieusement, sans morgue dogmatique, sans tapage et sans pose, n’ayant l’air de songer et ne songeant en effet qu’à se divertir. […] La Rochefoucauld et Despréaux unissent leur génie pour deviner des rébus que le Grand Condé envoie de Chantilly, et pour en combiner d’autres, qu’ils lui proposent.
Non seulement on lui donne ainsi le rayonnement auquel elle a droit, mais on fait davantage ; en augmentant le nombre de ceux qui la connaissent, on éveille parmi eux des vocations dormantes, on incite les générations nouvelles au labeur ardu d’accroître la somme de nos connaissances ; on fait germer une moisson plus abondante de savants, parce que la sélection des génies à venir s’opère sur un milieu plus large et de niveau moyen plus élevé. […] Faut-il énumérer les forces de la nature qui sont alors asservies, disciplinées, utilisées par le génie humain ?
Desroncerets aurait le génie de Galilée avec son martyre, qu’il arriverait trop tard pour nous émouvoir. […] On ne croit pas à son génie ; on s’intéresse peu à ses catastrophes, et la pitié qu’il inspire est mélangée d’un peu de dédain.
Prémisses Mais, de n’être pas étrangère au sens originel de Savoir et de Poésie que détiennent en leur intuition ainsi que monstreuse de toute la ventrée omphalienne des Vérités, les Livres aux signes occultes et sacrés, — ou les Védas et l’Avesta, ou la légende de Tao, et l’Histoire des Soleils sur l’empire de Mexitli, — dont perdure une âme moins universellement éperdue en la Théogonie d’Hésiode et le De natura : apparaissant insolite aux poésies de moderne concept, — méditation du poète conscient d’Unité et apporteur de Sanction qu’il me plut être, dès la prime aventure en la vie de l’esprit ma haine du Hasard dit ainsi… Aux pleines ondes sans dessous de vertige de notre histoire poétique, qui hier seulement devint un résumant torrent qui retentit, pour clore des temps, à des descentes d’éternités, — de sensation, d’émotion et de sentiment presque unanimement a été, même si elle se leurre des généralités de philosophies spiritualistes, a été métaphoriques exaltations au sortir de l’Inconscient et selon le tourment de volupté ou de douleur de spontanés et d’égotistes organismes poétiques en transports de génie, la Poésie. […] Nous n’avons vu d’eux, qu’une hasardeuse et dangereuse innovation prosodique, quand, détruisant ainsi les valeurs mathématiques du vers dont la mesure est tenue pour naturelle, disons-nous, et par le génie des temps et l’organe de l’ouïe, — ils pensèrent à le délivrer de la monotonie qui provient de ses entraves intérieures, en s’ingéniant à l’allonger ou le diminuer au gré personnel du poète et selon d’autres mesures seulement empiriques, qui souvent s’apparentèrent aux prosaïques cadences.
Une épouvante nous a pris du double fond de son âme, de la faculté puissante, de la science, du génie consommé, que tout son être a du mensonge… * * * Ces notes, je les extrais de notre journal : Journal des Goncourt (Mémoires de la vie littéraire) ; elles sont l’embryon documentaire sur lequel, deux ans après, mon frère et moi composions Germinie Lacerteux, étudiée et montrée par nous en service chez notre vieille cousine, Mlle de Courmont, dont nous écrivions une biographie véridique à la façon d’une biographie d’histoire moderne. […] voilà… Nous avons commencé, nous, par la canaille, parce que la femme et l’homme du peuple, plus rapprochés de la nature et de la sauvagerie, sont des créatures simples et peu compliquées, tandis que le Parisien et la Parisienne de la société, ces civilisés excessifs, dont l’originalité tranchée est faite toute de nuances, toute de demi-teintes, toute de ces riens insaisissables, pareils aux riens coquets et neutres avec lesquels se façonne le caractère d’une toilette distinguée de femme, demandent des années pour qu’on les perce, pour qu’on les sache, pour qu’on les attrape, — et le romancier du plus grand génie, croyez-le bien, ne les devinera jamais, ces gens de salon, avec les racontars d’amis qui vont pour lui à la découverte dans le monde.
La pièce que j’expose à vos doctes génies Est un beau composé de ces rares saillies, De ce bon goût nouveau d’un ouvrage du temps Où l’esprit prend partout le dessus du bon sens. […] Ou bien alors, en dehors de ce cadre, lorsqu’on n’avait pas affaire à un grand génie psychologique, on voulait un théâtre pompeux, poli, élevé, bellement architectural.
Les Phéniciens les transmirent ensuite aux Grecs, et ceux-ci, avec la supériorité de génie qu’ils ont eue sur toutes les nations, employèrent ces formes géométriques comme formes des sons articulés, et en tirèrent leur alphabet vulgaire, adopté ensuite par les Latins57. […] Grâce à cette méthode, Athènes florissait alors par la culture de tous les arts qui font la gloire du génie humain, par la poésie, l’éloquence et l’histoire, par la musique et les arts du dessin.
Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.
A l’école de Voltaire, il s’est formé, dépouillé de ses germanismes d’esprit et de langue, il a trouvé la forme française et personnelle à la fois de son génie : un style ferme, éclairé de formules vigoureusement nettes ou familièrement pittoresques.
Mais lui-même avait écrit : « Créer un poncif, c’est le génie.
Renan nous semble si compliqué, c’est que, les éléments dont se compose son génie total étant nombreux, divers et quelquefois contradictoires, il les laisse transparaître dans son œuvre avec une parfaite sincérité.
Cet homme a la perfection dans la grâce ; il est l’extrême fleur du génie latin.
Moi, par exemple, je suis sans cesse étonné par la facilité et la grâce que met le hasard à seconder le développement harmonique de mes intentions. » L’inconscient applique, en effet, à l’exécution le conseil d’invention ; nous voyons le peintre ridicule faire son tableau à coups d’épongés, émerveillé à chaque instant, de la beauté de l’œuvre et du génie de l’ouvrier.
Chez le ver de terre, la tête n’a pas beaucoup plus de génie que les autres segments de l’animal ; chez l’homme, la tête est un Bonaparte qui plie tout le reste sous son joug.
Buffon cependant, qui avait du génie, a écrit sur l’homme tout un volume, encore scientifiquement valable, et dans une langue qu’un enfant de douze ans comprend à la première lecture.
Elle a en elle-même tous les instincts de la vieille société française, depuis longtemps éteinte, et qu’elle n’a pu deviner qu’à force de goût, d’élégance et de génie.
Le genre dans lequel La Fontaine a écrit, est celui qui se prêtait le plus à cette variété de mesure, de rimes et de vers ; mais il faut convenir qu’il a été merveilleusement aidé par son génie, par la finesse de son goût, et par la délicatesse de son oreille.
Il a la conscience de son talent, de son génie, j’ose dire… C’est peut-être pour cela que les discussions d’argent font plus que lui répugner : il ne les comprend même pas.
Pour expliquer comment il a pu prétendre à établir une telle opinion, comment il est arrivé à un tel résultat, il faudrait discuter ses idées sur les langues en général, sur la langue sacrée des Égyptiens en particulier, sur le génie hiérographique contenu, selon lui, dans l’hébreu ; et je n’ai point assez de science, ni assez d’espace.
Mme André Léo ne se débarrasse jamais entièrement de ce ton d’institutrice, qui apprend ses devoirs et ses droits au pauvre monde, et qui gâte, à toute place, le talent qu’elle aurait peut-être sans cet insupportable ton, La raideur de l’institutrice, — de ce piquet intellectuel qu’on appelle une institutrice, — supprime les mollesses de la femme, qui feraient son génie, comme les rondeurs font sa beauté, et durcit, quand elle l’a, jusqu’au sentiment maternel.
le génie des titres, c’est l’éclair qui tue.
Et, du même coup, le Christianisme a grandi le cœur et le génie des hommes.
et cependant, malgré sa puissance et la splendeur de sa loi, malgré cette superbe invention d’un héroïque tribunal d’honneur qui, la France constituée comme elle l’était alors, était une idée de génie, ce tribunal d’honneur n’empêcha pas ce qu’il devait empêcher, et les épées incoercibles passèrent à travers cet édit, qui est un chef-d’œuvre, et qu’elles déchirèrent.
Ce qui est, selon moi, le dernier coup que la destinée, qui a souvent le pied de l’âne, ait appliqué à ce lion, non pas mourant, mais mort… En vérité, pour nous ressusciter cet éclat et nous apitoyer à distance sur cette misère, il faudrait le génie de Chateaubriand !
Que si les Américains, malgré leur activité et leur énorme génie industriel, ne sont pourtant que les matérialistes immondes, les insolents et orgueilleux gagneurs d’argent de Bellegarrigue, ils ne sont ni ne valent les Barbares ; car les Barbares étaient, eux !
C’est évidemment de l’admiration de Shakespeare qu’il est parti pour arriver à une théorie historique dont le puissant génie de Shakespeare, agissant tout uniment comme les mères qui font de beaux enfants, ne se doutait pas ; et cette théorie, il l’a détaillée, il l’a caressée dans une introduction qui n’est pas, certes !
Elle ne toléra rien, mais régla tout, avec le génie qui était en elle.
Il avait, enfin, cette immense culture sans laquelle la puissance du génie le plus incontestable n’est jamais qu’une estropiée sublime, — et puis, il mourait de faim, Machiavel !
Tel est le génie de la nation, ou, si vous voulez, sa faiblesse !
C’est cette question des classiques grecs et latins, en apparence toute littéraire, mais dont le sens profond n’a frappé personne quand on l’a agitée, puisqu’elle cache, — et tout le monde l’a senti, — sous son intitulé modeste, cet énorme problème politique et social de l’éducation, qui déjà faisait sourciller le vaste et serein génie de Leibnitz bien avant que l’Europe n’eût vu le dix-huitième siècle et la Révolution française.
nous savons trop ce que, dans les préoccupations presque religieuses du penseur, devient ce Génie de la forme, qui vous aime et que l’on n’aime plus !
Malgré l’intuition fulgurante de son génie, qui allait à fond en métaphysique comme la balle bien ajustée par un œil et un poignet fermes, De Maistre n’a rien construit.
Trop péremptoirement opposé à la pensée hégélienne pour ne pas poursuivre et traquer partout cette pensée qui, si elle est quelque chose, n’est que la théorie du néant dans sa laborieuse et ténébreuse vacuité, Caro, pourtant, ne la voit pas seule rayonner dans les systèmes contemporains : « Kant, — dit-il avec une rancune légitime, — a inspiré la première défiance contre la métaphysique, c’est-à-dire contre les croyances qui dépassent les choses d’expérience. » Il n’oublie donc pas Kant, il n’oublie personne, pas même les poètes, pas même Goethe, pas même Heine, le Turlupin de génie, dans cette histoire des influences qui jouent pour l’heure sur la raison et l’imagination du monde.
Lamartine sema autour de lui des adorateurs, qui chantèrent, à leur tour, sur ce mode nouveau qu’il avait inventé ; car c’est le destin des grands poètes de produire des imitateurs qui vengent la médiocrité humaine de la supériorité du génie, et l’empêchent d’avoir trop d’orgueil en le forçant de se regarder dans le miroir diminuant de leurs œuvres.
Depuis longtemps, il est tombé de la préoccupation publique par morceaux… Quant à Balzac, qui nous donna tant de choses sur Paris et sur ses mœurs, grandes ou petites, aristocratiques ou canailles, il y mêla de si grandes choses, d’une telle généralité de nature humaine et de pathétique universel, que la préoccupation parisienne, qui l’aurait rapetissé comme un autre si elle avait été seule, disparaissait même dans ses Scènes de la vie exclusivement parisienne, mises en regard des autres Scènes qu’il a tracées avec ce génie et cette volonté encyclopédiques qui devaient embrasser tout entier le monde de son temps.
N’avez-vous pas remarqué souvent que rien ne ressemble plus au parfait bourgeois que l’artiste de génie concentré ?
En langage courant, cela peut se traduire : « Racine n’a pas beaucoup plus de génie que Corneille ; mais dame ! […] Depuis Regnard, qui était né avec un génie vraiment comique et qui a seul approché Molière de près (approcher Molière de près ! […] Il a eu des intuitions de génie, de temps en temps. […] Et puis, enfin, d’où vient-elle immédiatement, le génie des auteurs mis à part ? […] Ce monstre-là, c’est l’enfant du génie.
Le génie même d’un Newton et d’un La Place touche à celui d’un poète par beaucoup plus de points que le vulgaire ne le suppose. […] Sur ces sujets il est bien plus rare que l’esprit, et même, à certains moments, rien n’est plus voisin du génie. Parfois il faut du génie pour en arriver au bon sens. […] Ici le bon sens et le génie se confondent. […] En d’autres moments, ces pages eussent soulevé les masses ; alors on les regarda comme l’œuvre purement littéraire d’un auteur épris du beau génie de l’antiquité.
« Il est assez remarquable que ce puissant génie, maître de tant d’États, n’ait été pour rien dans les causes premières de leur rénovation. […] Il a tiré le plus grand parti de circonstances singulièrement convenables pour ses moyens et ses vues, du dégoût général de la popularité, de la terreur des émotions civiles, de la prépondérance rendue à la force militaire, où il porte à la fois le génie qui dirige les troupes et le ton qui leur plaît ; enfin, de la situation des esprits et des partis qui laissait craindre aux uns la restauration des Bourbons, aux autres la liberté publique, à plusieurs l’influence des hommes qu’ils ont haïs ou persécutés, à presque tous un mouvement quelconque, et l’obligation de se prononcer. […] On doit plaindre l’ambition secondaire qu’il a eue, dans de telles circonstances, de régner arbitrairement sur l’Europe ; mais, pour satisfaire cette manie géographiquement gigantesque et moralement mesquine, il a fallu gaspiller un immense emploi de forces intellectuelles et physiques, il a fallu appliquer tout le génie du machiavélisme à la dégradation des idées libérales et patriotiques, à l’avilissement des partis, des opinions et des personnes ; car celles qui se dévouent à son sort n’en sont que plus exposées à cette double conséquence de son système et de son caractère ; il a fallu joindre habilement l’éclat d’une brillante administration aux sottises, aux taxes et aux vexations nécessaires à un plan de despotisme, de corruption et de conquête, se tenir toujours en garde contre l’indépendance et l’industrie, en hostilité contre les lumières, en opposition à la marche naturelle de son siècle ; il a fallu chercher dans son propre cœur à se justifier le mépris pour les hommes, et dans la bassesse des autres à s’y maintenir ; renoncer ainsi à être aimé, comme par ses variations politiques, philosophiques et religieuses, il a renoncé à être cru ; il a fallu encourir la malveillance presque universelle de tous les gens qui ont droit d’être mécontents de lui, de ceux qu’il a rendus mécontents d’eux-mêmes, de ceux qui, pour le maintien et l’honneur des bons sentiments, voient avec peine le triomphe des principes immoraux ; il a fallu enfin fonder son existence sur la continuité du succès, et, en exploitant à son profit le mouvement révolutionnaire, ôter aux ennemis de la France et se donner à lui-même tout l’odieux de ces guerres auxquelles on ne voit plus de motifs que l’établissement de sa puissance et de sa famille. […] J’omets vite Mirabeau, dont on voudrait absoudre la conscience du même mouvement par lequel on salue son génie et sa gloire ; mais Danton, mais Dumouriez, mais Barrère, on ose compter avec eux.
Si le génie de l’homme a dans les sciences comme ailleurs une suprématie qui ne perd jamais ses droits, cependant, pour les sciences expérimentales, le savant doit appliquer ses idées à la recherche du déterminisme scientifique et interroger la nature dans un laboratoire, avec les moyens convenables et nécessaires. […] Van-Helmont, le plus célèbre représentant de ces doctrines archéiques, qui allia avec le génie expérimental l’imagination la plus déréglée dans ses écarts, avait conçu toute une hiérarchie de ces principes immatériels. […] Toutefois c’est seulement au commencement de ce siècle que Xavier Bichat, par une illumination du génie, comprit que la raison des phénomènes vitaux devait être cherchée non pas dans un principe d’ordre supérieur immatériel, mais au contraire dans les propriétés de la matière, au sein de laquelle s’accomplissent ces phénomènes. […] Cependant la conception de Bichat, dégagée des erreurs presque inévitables à son époque, n’en reste pas moins une conception de génie sur laquelle s’est fondée la physiologie moderne. […] Cependant que de fois n’a-t-on pas reproduit des arguments analogues, combien de médecins ont professé que la physiologie et la médecine ne seraient jamais que des demi-sciences, des sciences conjecturales, parce qu’on ne pourrait jamais saisir le principe de la vie ou le génie secret des maladies !
Pourrait-il sans cela comprendre les déviations qu’un livre né à trois cents lieues de nos frontières fait parfois subir au génie national ? […] Il a essayé une fois d’expliquer à sa façon pourquoi la tragédie s’est éteinte en France, et il a découvert qu’elle est morte tout simplement faute de génies tragiques. […] » et les disciples foudroyaient l’esprit du haut de leur génie futur. […] Sur des talents ordinaires on peut chercher l’influence du milieu où ils ont vécu et qu’ils reflètent ; mais des hommes de génie comme ceux-là, ils sont eux-mêmes et c’est tout dire. […] Le génie échappe aux lois de la nature ; il est tout individuel.
Sa logique nuit aisément à sa fécondité ; son génie la rend moins apte à la compréhension génétique des idées qu’à leur exposition déductive. […] Les génies qui ont marqué dans l’histoire des peuples ou dans celle de la pensée ont été surtout les hommes accessibles aux influences de leur époque, ceux qui ont le mieux incarné les mouvements et les aspirations de leur temps. […] Elle achève de désorienter ce qui nous reste du génie gaulois. […] Disciple de Balzac, il rappelle le maître, avec l’étendue de son horizon et l’impassibilité de son génie en moins, et, en plus, je ne sais quelle inquiétante divination des instincts sensuels et de leur rôle dans la formation des sentiments. […] Un enfant se trouve en chacun de nous, sorte de génie naïf et pur, dont les enthousiasmes faciles, les rêves candides et les illusions font le charme de l’existence et constituent peut-être le meilleur de nous-mêmes.
Il y a toutefois dans ce livre quatre ou cinq petites pièces curieuses à comparer avec les livres de Goethe, quoique, comme intelligence, il y ait entre eux la différence du génie au charlatanisme. […] pour ce gamin de génie, qui chanta Rolla en nous berçant à la cadence de son vers ! […] Mais comme, malgré tout son génie, le poète ne pouvait rien inventer, il devait se borner à faire avec tous les objets de la création une olla podrida qui parût d’une saveur nouvelle aux consommateurs. […] Et si votre pénétration réussit à débrouiller ce mystère, je consens, madame, à vous signer un certificat de génie : Et mihi magnus Apollo. […] Beaucoup de lamentations sur le génie absent, des attaques vigoureuses et sensées contre les architectes.
Il y a dans cette pièce de ce génie poétique qui est si peu ordinaire, grande quantité de sentiments élevés, et de vers noblement tournés. […] Il avait le génie du vaudeville et de la parodie.
Ses dogmes étaient si sains que, si l’on avait effacé de ce code l’impression de la main sanglante qui les avait signés, on aurait pu les croire rédigés par le génie de Socrate ou même par la charité de Fénelon. […] L’histoire se demande à son tour si le triomphe de la Gironde au 31 mai aurait sauvé la république ; s’il y avait dans ces hommes de paroles, dans leurs conceptions, dans leur union, dans leurs caractères et dans leur génie politique, les éléments d’un gouvernement à la fois dictatorial et populaire, capable de comprimer les convulsions de la France au dedans, de faire triompher la nation au dehors, et de procurer l’avènement d’une république régulière en la préservant des rois et des démagogues.
Courier sont diversement, mais également classiques : Lamennais679 est un romantique, fils de Rousseau et de Chateaubriand ; le baron de Vitrolle lui disait que son génie était enfant de la tempête. […] Tableau de l’éloquence chrétienne au ive s., 1849, in-8 ; Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique, 1859, in-8.
Les épouvantes du cimetière et du charnier semblent attirer Poe dont l’implacable génie tire du spectacle de la putréfaction charnelle de brutaux effets de terreur. […] Mais grâce à la faculté primordiale de son âme, à ce rationalisme qui le fit ne ressentir d’émotions qu’en son existence inférieure et sauva l’artiste en perdant mieux l’homme, il conserva et déploya son génie, plus que tout autre écrivain moins constitutionnellement impassible.
On peut avoir une manière à soi de l’écrire, mais il faut la concevoir comme tous les hommes de génie qui l’ont écrite l’ont conçue. […] Thomas Carlyle, ce mystique puritain, cette Tête-Ronde de génie qui s’était aiguisé les yeux en lisant la Bible, avait vu ce que n’avaient pas vu ces freluquets politiques qui font les beaux bras dans l’Histoire, ces perruquiers qui frisent la tête de Madame de Lamballe sur sa pique.
Mlle Pascal avait un certain talent, ou du moins une grande facilité pour les vers : la mère Agnès, plus rigide qu’à elle n’appartient, lui écrit : « Vous devez haïr ce génie, et les autres qui sont peut-être cause que le monde vous retient ; car il veut recueillir ce qu’il a semé » ; et elle lui cite en exemple sainte Lutgarde, « qui refusa le don que Dieu lui avait fait d’entendre le psautier ».
Le génie de Sieyès a bien vu et a eu raison.
Cette critique de détail, quoique depuis longtemps on ait perdu l’habitude d’en faire, nous a paru indispensable en présence d’une production aussi importante de la maturité d’un poëte de génie.
A cet âge de séve restante et de jeunesse retrouvée, ce serait puissance et génie de la savoir à propos ensevelir, et d’imiter, Poëte, la nature tant aimée, qui recommence ses printemps sur des ruines et qui revêt chaque année les tombeaux.
. — Telle est cette race, la plus attique des modernes, moins poétique que l’ancienne, mais aussi fine, d’un esprit exquis plutôt que grand, douée plutôt de goût que de génie, sensuelle, mais sans grossièreté ni fougue, point morale, mais sociable et douce, point réfléchie, mais capable d’atteindre les idées, toutes les idées, et les plus hautes, à travers le badinage et la gaieté.
Le génie enflammé de la Renaissance, la nudité, la sérénité héroïque de l’antiquité grecque, sont hors de sa portée et de ses prises.
Entre les jeunes et évidents génies, qui aura la patience du talent ?
On eût dit qu’un bon génie l’avait fait descendre des hauteurs du faubourg Saint-Honoré, où il logeait, pour mettre le comble à l’allégresse.
Un chemin de fer fait plus pour le progrès qu’un ouvrage de génie, qui, par des circonstances purement extérieures, peut être privé de son influence.
Racan, dit Boileau, avait plus de génie que Malherbe, mais il est plus négligé et songe trop à le copier.
Il s’agissoit de prouver que les Trois Siecles, où l’on rend par-tout justice au vrai génie, où l’on tâche d’inspirer l’amour des regles, l’amour des devoirs, l’amour de la Patrie, l’amour de la Religion, devoit être soustrait aux mains des Lecteurs, pour y laisser de préférence l’Evangile du jour, le Bon Sens, le Systême de la Nature, le Systême Social, & tant d’autres systêmes qui ont déjà produit de si heureux effets parmi nous.
Ce profond désir de fonder une race héroïque qui soulève toutes nos poitrines, ce grand et magnifique génie l’a conçu à son tour irrésistiblement.
C’est ainsi que, prenant un à un les différents sentiments, les différentes passions qui peuvent servir de ressorts au drame, il nous en fait l’histoire chez les Grecs, chez les Latins, chez les modernes, avant et après le christianisme : « Chaque sentiment, dit-il, a son histoire, et cette histoire est curieuse, parce qu’elle est, pour ainsi dire, un abrégé de l’histoire de l’humanité. » M. de Chateaubriand avait, le premier chez nous, donné l’exemple de cette forme de critique ; dans son Génie du Christianisme, qui est si loin d’être un bon ouvrage, mais qui a ouvert tant de vues, il choisit les sentiments principaux du cœur humain, les caractères de père, de mère, d’époux et d’épouse, et il en suit l’expression chez les anciens et chez les modernes, en s’attachant à démontrer la qualité morale supérieure que le christianisme y a introduite, et qui doit profiter, selon lui, à la poésie.
C’est ainsi qu’il essaie de dériver le génie particulier des écrivains anglais des propriétés originelles de l’esprit de la race anglo-normande, que la sculpture grecque, la peinture hollandaise et flamande lui paraissent refléter exactement les pays et les époques auxquels elles appartiennent.
Et nous répondrons incontinent que, dans cet ordre d’idées, il n’est pas non plus indispensable pour vivre, boire, manger, dormir, et, par surcroît, se distraire et voyager, au siècle d’Edison, de Pasteur, de Tolstoï, de Nietzsche, et de tant d’autres génies, de savoir comment on naît et comment on meurt, pourquoi l’on souffre et pourquoi l’on espère, mais que nous ne sommes pas fâchés d’être un peu plus fixés à ce sujet chaque jour, et que c’est peut-être là ce qui constitue notre supériorité sur le Malgache ou le Huron rencontré sur nos boulevards, ou sur le chimpanzé Consul — cependant de mœurs fort civiles, dit-on.
Du milieu de ces idées si étrangères au génie de La Fontaine, il sort pourtant des traits qui le caractérisent, tel que ce plaisant hémistiche : Jamais un roi ne ment.
Il vaut mieux risquer d’égarer le génie que d’enlever aux professions subalternes une multitude d’enfants pour les livrer à tous les vices qui suivent l’ignorance et la paresse.
Quant à nous, qui avons cherché dans le livre de Huc une occasion d’être juste envers un pays pour lequel nous n’avons jamais éprouvé de respect ni de sympathie, ce que nous avons trouvé de plus remarquable dans ce peuple, qui a le mouvement sans la vie, c’est l’esprit, — c’est ce genre de pensées qui ne viennent pas du cœur, par opposition avec les grandes qui en viennent et qui constituent le Génie, — c’est l’esprit comme les vieilles civilisations le comprennent, volatil, brillant, chatoyant, agaçant comme un diamant aux lumières, affilé comme un dard, passant comme une flamme, ou qui reste comme un parfum.
Il y a plus, les fautes commises par les classes dirigeantes de la société, et sur lesquelles M. de Chalambert ne pèse pas assez dans son introduction trop rapide, les lâchetés d’une royauté qui oubliait, depuis trop longtemps, sa fonction de bras droit de la chrétienté, les corruptions et les révoltes d’une noblesse qui ne méritait plus de porter la croix de ses aïeux des croisades sur le pommeau de son épée, le triste rôle de l’indécis François Ier, de l’imbécile Henri II, de Catherine de Médicis, cette athée à tout ce qui n’était pas le pouvoir dont elle était folle pour elle et pour sa race, toutes ces choses, compliquées de la mort du duc d’Anjou, le dernier héritier de cette famille de Valois qui périssait dans l’infécondité de la débauche, ne justifient pas entièrement et bien nettement, aux yeux de tous ceux que le catholicisme n’éclaire pas, le fait à outrance et si antipathique au génie national d’une confédération armée contre la descendance directe, dans un pays d’hérédité comme l’a toujours été la France.
Mais l’Académie, avec son génie de discernement ordinaire, lui préféra ce jour-là M.
Elle a besoin, pour gagner ses batailles, de concentrer ses forces sur un point donné, comme le génie de la guerre pour gagner les siennes, et l’invention de Gobineau les éparpille !
Ainsi Constance, quoique féroce et sans génie, éleva Thémiste au rang de sénateur.
Elle n’a été autre chose qu’une sagesse vulgaire de législateurs qui fondaient l’ordre social, et non point une sagesse mystérieuse sortie du génie de philosophes profonds.
Il s’agit d’un pauvre inventeur de génie, repoussé, ruiné par la routine administrative. […] Son histoire est simple et la voici en deux mots : Qui n’a vu exhiber au théâtre ces pauvres et malingreux enfants du peuple habillés en petits Génies, en fleurs, en légumes, en singes, en oiseaux, en animaux ? […] , La Fin de Satan a été écrite en 1854 et en 1860, c’est-à-dire à l’époque où le poète était dans tout l’éclat de son génie. […] Il en sera ainsi jusqu’au jour où quelque penseur hardi s’avisera qu’il y a quelque chose au-delà de la physique et de la chimie, et par un coup de génie inattendu découvrira l’âme et Dieu. […] » Le doux homme de génie qui, en mourant, a dit ces belles paroles, ne doit pas être laissé aux mains des politiciens libres penseurs et autres qui essaient de le faire leur.
Il ne vendra pas un volume de moins pour avoir été qualifié d’ennuyeux par moi ; il n’en vendra pas un de plus pour avoir été qualifié d’homme de génie par tous les autres critiques. […] Et voyez un peu toutes ces formules caractéristiques du génie de Musset ! […] Les stalactites sont groupées par ordre et par famille, « comme si les génies de la grotte avaient pris la peine de les classer ». […] Tolstoï n’a aucune estime pour les ouvrages dus à la jeunesse et au génie d’un homme que la jeunesse au moins a quitté. […] Tolstoï comme créateur, comme romancier, comme poète épique, pour mieux dire, est un des quatre ou cinq plus grands génies de notre siècle.
Enveloppé de ténèbres, ce n’est plus le même homme, et l’ont croirait que, gouverné par un Génie, le Génie le reprend et l’abandonne suivant son caprice81. […] Très-lié avec Montesquieu, il écrivait de lui avec une effusion dont on ne croirait pas qu’un si grave génie pût être l’objet, et qui de loin devient le plus piquant comme le plus touchant des éloges : « Je vous félicite, madame, du plaisir que vous avez de revoir M. de Formont et M. de Montesquieu ; vous avez sans doute beaucoup de part à leur retour, car je sais l’attachement que le premier a pour vous, et l’autre m’a souvent dit avec sa naïveté et sa sincérité ordinaire : « J’aime cette femme de tout mon cœur ; elle me plaît, elle me divertit ; il n’est pas possible de s’ennuyer un moment avec elle. » S’il vous aime donc, madame, si vous le divertissez, il y a apparence qu’il vous divertit aussi, et que vous l’aimez et le voyez souvent.
Son air exprimait une simplesse, jointe à je ne sais quoi d’interdit et de songeur qui ramenait à elle comme le peintre ramène à la figure où son génie a traduit un monde de sentiments. […] L’amour a ses intuitions comme le génie a les siennes, et je voyais confusément que la violence, la maussaderie, l’hostilité, ruineraient mes espérances. » XII Balzac accepte l’hospitalité d’un château voisin d’où il voit de près Clochegourde. […] Rousseau, Chateaubriand dans Atala ou René, et, de nos jours, Mme Sand, se livrent, sous la forme de roman, au lyrisme le plus transcendant de leur génie, et, pour flatter tantôt l’aristocratie, tantôt la religion, tantôt la démocratie du temps, chantent depuis les licencieuses amours de la Nouvelle Héloïse ou depuis les ridicules systèmes d’éducation de l’Émile, éminemment propre à former un peuple de marquis, jusqu’aux rêveries grotesques et féroces d’un socialisme et d’un communisme qui nient la nature, et qui prétendent refaire le monde mieux que le Créateur.
., sont des monographies d’êtres exceptionnels, qui imaginées par des auteurs de génie, trouvent au bout de cinquante ans, des scoliastes pour faire de ces êtres exceptionnels, des êtres généraux, et j’aurais voulu l’interroger sur sa conviction, que les femmes d’Ibsen, sont vraiment considérées, à l’heure présente, en Norvège, comme des types généraux de Norvégiennes. […] Jeudi 9 novembre Voici qu’en sortant de table, Léon Daudet, avec son emballement ordinaire, se met à proclamer que Wagner est un génie supérieur à Beethoven, et se montant, se montant, arrive à affirmer, que c’est un génie aussi grand qu’Eschyle, que son Parsifal égale le Prométhée.
Pour faire toucher du doigt cette différence capitale, supposons un instant qu’un malin génie, plus puissant encore que le malin génie de Descartes, ordonnât à tous les mouvements de l’univers d’aller deux fois plus vite. […] Or, quand l’astronome prédit une éclipse de lune, par exemple, il ne fait qu’exercer à sa manière la puissance que nous avons attribuée à notre malin génie.
Regardez, puis traduisez, et voilà tout. » « Désormais le génie consistera à ne rien préjuger, à ne pas savoir qu’on sait, à se laisser surprendre par son modèle à ne demander qu’à lui comment il veut qu’on le représente7. » Et puis il y a aussi les symbolistes 8. […] Un philosophe lyonnais, trop humble et trop pur pour quémander les faveurs et la réputation auxquelles son génie a droit, a écrit dans un livre admirable : « Le penseur est un esprit vaste, qui ne recule pas devant les larges synthèses. […] Maniée par un alchimiste de génie, elle devait, suivant lui, renfermer, dans son petit volume, à l’état d’of meat, la puissance du roman dont elle supprimait les longueurs analytiques et les superfétations descriptives.
Cette reine, grande par le génie, mesquine par le cœur, cruelle par la politique et encore plus par ses jalousies féminines, était la digne fille d’Henri VIII, dont chaque passion s’assouvissait dans le sang. […] Malgré son âge, sa beauté ineffaçable, sa grâce, sa séduction, son rang, son génie lui attiraient de nouveaux serviteurs dont le culte se confondait pour elle avec l’amour.
M. de Quélen eut une visée de génie en confiant la direction de cette maison à M. […] Forcer tous à subir l’obéissance, c’est tuer le génie et le talent.
Un vertige s’emparait de lui, il se prenait de rage en se voyant si charmant ; il était comme une cellule de nacre où un petit génie pervers serait toujours occupé à broyer sa perle intérieure. […] Pinault eût été mon véritable maître, si, par le plus étrange des travers, il n’eût mis une sorte de rage à dissimuler et à fausser les plus belles parties de son génie.
Nous y voyons, au contraire, combien cette observation de la nature, qui caractérisait ce génie sensualiste, qu’on appelle Wagner, lui fournissait aussi bien le plus petit jeu de scène que l’ensemble grandiose de son œuvre. […] Lucien Solvay, à discuter le génie de Wagner, et rien ne serait plus oiseux que d’analyser encore une œuvre sur laquelle tout a été dit, dont la puissance s’impose, et qui, telle qu’elle est, avec ses sublimités et ses absurdités, atteint les plus hauts sommets de l’art musical… L’auteur de l’article est néanmoins d’avis que le drame lyrique de Wagner ne réalise pas le drame moderne rêvé.
On peut sans témérité en faire remonter l’honneur jusqu’au président Jeannin, qui était près de Mayenne le génie du bon conseil.
Entouré de flatteurs de bas étage qui comptaient se servir de lui et l’exploiter, ivre la plupart du temps, se croyant un grand soldat et fier de son admiration servile, non pour le génie, mais pour les uniformes et les parades du grand Frédéric, il avait fait venir du Holstein tout un détachement, une troupe à lui (1,300 hommes), qu’il fit camper près d’Oranienbaum, et qu’il soignait comme la prunelle de ses yeux ; il s’en fit le colonel, n’en porta plus que l’uniforme et s’aliéna l’opinion russe par cette affectation tout allemande.
La vocation, c’était évidemment, quant au but, l’histoire religieuse ; quant à la méthode, c’était d’étudier chaque forme, chaque production du génie humain, historiquement, non dogmatiquement ; et, dans cette étude historique, de ne pas s’en tenir au fait en lui-même, ni à la série et au recueil des faits, mais d’envisager le tout sous l’aspect de production et de végétation vivante continue, depuis la racine, depuis la germination sourde, et à travers tous les développements, jusqu’à la fleur.
Mais le génie, en tout, a devancé la méthode ; il a eu des aperçus, des lueurs perçantes : le hasard a présidé aux plus beaux ouvrages.
» Frochot ne fit jamais comme d’autres qui après coup s’en vantèrent, et qui, en manière de créanciers, vinrent revendiquer ensuite leur part de fourniture dans cette glorieuse éloquence : il ne parla jamais, pour son compte, de ces bons offices de secrétaire bénévole, de ces humbles prêts de copie à fonds perdu, qui lui semblaient une dette naturelle envers le génie, et son biographe qui les recherche avec soin a quelque peine aujourd’hui à en déterminer l’exacte mesure.
En effet, tout progrès nouveau est une révélation de Dieu à l’homme, une ascension de l’homme à Dieu ; le savant qui invente y est soumis comme l’artiste le plus sentimental ; il y a, dans toute conception nouvelle du génie, une sorte d’influence électrique, irrésistible, indéfinissable, un acte de foi de nous à Dieu, une volonté de Dieu en nous.
Comme contre-épreuve de cette série d’observations, on regarde non plus l’œuvre, mais l’auteur, et l’on voit que chez tous les grands artistes, dans ce qu’on appelle inspiration ou génie, se rencontre toujours une impression originale fournie par un caractère de l’objet, « la vive sensation spontanée qui groupe autour de soi le cortège des idées accessoires, les remanie, les façonne, les métamorphose, et s’en sert pour se manifester ».
« Les interruptions, les repos, les sections, dit excellemment Buffon, ne devraient être d’usage que quand on traite des sujets différents, ou lorsque, ayant à parler de choses grandes, épineuses et disparates, la marche du génie se trouve interrompue par la multiplicité des obstacles, et contrainte par la nécessité des circonstances : autrement, le grand nombre de divisions, loin de rendre un ouvrage plus solide, en détruit l’assemblage ; le livre paraît plus clair aux yeux, mais le dessein de l’auteur demeure obscur ; il ne peut faire impression sur l’esprit du lecteur, il ne peut même se faire sentir que par la continuité du fil, par la dépendance harmonique des idées, par un développement successif, une gradation soutenue, un mouvement uniforme, que toute interruption détruit et fait languir. » La constitution essentielle du sujet marque à l’écrivain les reposoirs naturels, où il peut reprendre haleine, et son lecteur avec lui ; elle délimite les portions où le regard peut successivement s’arrêter, quand le champ total est trop vaste et ne se laisse pas embrasser d’une seule vue.
Nous voulons écrire aux murs de ta tombe, Que ton clair génie eut aussi du cœur.
À cette période de l’histoire, il faudra nécessairement posséder un invincible génie pour n’être pas assimilé43. » À cette époque, l’antinomie entre le groupe et l’individu est à son maximum.
Les deux génies qui sont en nous sont habiles à se donner le change ; ils vont parfois jusqu’à s’emprunter leurs points de vue et leurs arguments pour mieux se duper l’un l’autre.
L’histoire démontre, au contraire, que le mouvement, la guerre, les alarmes sont le vrai milieu où l’humanité se développe, que le génie ne végète puissamment que sous l’orage, et que toutes les grandes créations de la pensée sont apparues dans des situa-tions troublées.
Mais, loin que le baptiste ait abdiqué devant Jésus, Jésus, pendant tout le temps qu’il passa près de lui, le reconnut pour supérieur et ne développa son propre génie que timidement.
Obsédé d’une idée de plus en plus impérieuse et exclusive, Jésus marchera désormais avec une sorte d’impassibilité fatale dans la voie que lui avaient tracée son étonnant génie et les circonstances extraordinaires où il vivait.
Mais ce qu’avait fait d’abord un homme de génie, ce que d’autres esprits supérieurs rompus au monde, les La Rochefoucauld, les Retz, pratiquaient également, il fallut quelque intervalle pour que tous en profitassent et que la monnaie au titre nouveau circulât.
Les poètes grecs, pleins du génie d’Homère, y trouvèrent, sans contredit, ce balancement de raisons, de mouvements, d’intérêts et de passions, qui tient les esprits suspendus et qui pique jusqu’à la fin la curiosité des auditeurs.
On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol.
Nos architectes sont sans génie.
S’il est historien littéraire, il vous donnera tous les renseignements qui vous sont utiles, et dont quelques-uns vous sont indispensables sur le monde où vivait l’auteur, sur les hommes pour qui il a parlé, sur tout ce qui (son génie mis à part) l’a fait ce qu’il a été ; il vous introduira ainsi chez lui ; il vous fournira toutes les informations sans lesquelles vous ne comprendriez de lui à très peu près rien.
En suivant une route contraire, cette étude aurait été pour vous une source intarissable de plaisir et d’instruction ; vous y auriez admiré les ressources de la nature, celles de tant de grands génies, soit pour la forcer à se découvrir, soit pour la mettre en œuvre dans les différents arts, monuments admirables et sans nombre de l’industrie des hommes, soit enfin pour apercevoir la liaison et l’analogie des phénomènes dont vous vous plaignez d’ignorer les premières causes.
Certes, il eut du génie, ou tout comme. Mais il y eut, dans ce génie, beaucoup de savoir-faire, beaucoup d’industrie et même d’industrialisme, et surtout beaucoup d’à-propos. […] Mais au moins ce qu’on célébrait alors, c’était le génie d’un poète, ce n’était pas une exception physiologique. […] Mais, la nature inique ayant donné le génie à M. […] On voit ici en plein ce qu’il y a d’un peu puéril parmi le beau génie naturel de M.
Partout18 une discipline rigide, et la hache prête pour toute apparence de trahison ; les plus grands, des évêques, un chancelier, des princes, des parents du roi, des reines, un protecteur, agenouillés sur la paille, viendront éclabousser la Tour de leur sang ; un à un, on les voit défiler, tendre le col : le duc de Buckingham, la reine Anne de Boleyn, la reine Catherine Howard, le comte de Surrey, l’amiral Seymour, le duc de Somerset, lady Jane Grey et son mari, le duc de Northumberland, la reine Marie Stuart, le comte d’Essex, tous sur le trône ou sur les marches du trône, au faîte des honneurs, de la beauté, de la jeunesse et du génie ; de cette procession éclatante, on ne voit revenir que des troncs inertes, maniés à plaisir par la main du bourreau. […] C’est dans ces bas-fonds, sur ces fumiers, parmi ces dévergondages et ces violences, que poussa le génie dramatique, entre autres celui du premier, d’un des plus puissants, du vrai fondateur, Christopher Marlowe. […] Si le génie poétique est moindre, la structure d’esprit n’a pas changé. […] On les connaît les héros de cette population tragique, les Iago, les Richard III, les lady Macbeth, les Othello, les Coriolan, les Hotspur, tous comblés de génie, de courage et de désirs, le plus souvent insensés ou criminels, toujours précipités par eux-mêmes dans leur tombe.
Sa gloire se mêle désormais à la leur, et sa disparition laisse vide un espace de lumière qu’elle remplissait de la haute clarté de son génie. […] Il fut le premier à proclamer le génie de Maurice Maeterlinck dans un retentissant article sur la Princesse Maleine. […] D’ailleurs le charmant et séduisant génie du Maître de Salzbourg ne cessa jamais de l’occuper et il publia sur lui, en collaboration avec M. de Sainte-Foy, un important ouvrage. […] Il avait mangé de la « vache enragée » dans ce Paris d’après la guerre de 1870 et d’après la Commune de 1871 où son solide et fin bon sens de Champenois, sa souple et subtile perspicacité paysanne le protégeaient des influences qui eussent pu être contraires à son génie.
En somme, le dialogue des personnages n’est qu’un moyen pour exprimer la pensée de l’auteur, et l’expression dépend toujours du génie particulier de celui-ci. […] Dalila est une réfutation de la fameuse théorie qui fait du désordre l’accompagnement obligé du génie. […] À la base, une hystérique, Adélaïde Fouque, dont la névrose va devenir tour à tour, chez ses descendants, libertinage, ivrognerie, folie homicide, exaltation religieuse et génie même. […] Il n’a pas eu le talent, mais il a eu le « génie » ; pas le style, mais la « poésie ». — Et Dumas, le premier des Dumas, le grand et bon Dumas, quels éloges Weiss ne lui a-t-il pas prodigués ? Richesse… imagination… génie et profusion de génie… prodigieux trouvère.
Son génie belliqueux et religieux vient de là ; il a été depuis et constamment recruté par les grandes et belles races caucasiennes des Géorgiens, des Abases, qui vivent sur les racines de ces montagnes, tantôt soumis et tributaires des Persans sur les bords de la mer Caspienne, et envoyant leurs plus belles femmes au harem d’Ispahan pour régénérer leurs générations. […] Leurs serments ordinaires sont: par le nom de Dieu, par les esprits des prophètes, par les esprits ou le génie des morts, comme les Romains faisaient par le génie des vivants.
En effet, il y a à Paris, nous ne dirons pas un comédien de talent, mais un artiste de génie, capricieux et fantasque comme Garrick, terrible et emporté comme Kean. poétique et sombre comme Macready, un homme qui porte avec la même facilité le manteau royal de Richard III et les haillons du Joueur ; un homme qui attache à toutes ses créations un cachet tellement original, qu’à chaque création nouvelle tout le monde littéraire s’émeut ; un homme qui traîne après lui son public, en quelque lieu qu’il lui plaise de le conduire, soit au théâtre de l’Odéon, soit au théâtre de la Porte-Saint-Marlin, soit au théâtre de la Renaissance, soit au théâtre de l’Ambigu, soit au théâtre des Folies-Dramatiques. […] Mais, assez de reproches ; il y a un arrêt qui décide que M. de Balzac est plus blanc que son Lys dans la vallée, qu’il avait vendu à la Revue de Paris, plante humble et inodore, oignon mal venu sur le terrain de ce grand génie que notre argent n’a pu féconder . […] Dumas, pour savoir de lui quelles causes étouffaient aujourd’hui le génie dramatique des hommes qui, naguère, faisaient la gloire de notre théâtre.
En six siècles, ils ont fait à peine un pas hors des mœurs et des sentiments de leur inculte Germanie ; le christianisme qui a trouvé prise sur eux par la grandeur de ses tragédies bibliques et la tristesse anxieuse de ses aspirations, ne leur apporte point la civilisation latine ; elle demeure à la porte, à peine accueillie par quelques grands hommes, déformée, si elle entre, par la disproportion du génie romain et du génie saxon, toujours altérée et réduite, si bien que pour les hommes du continent, les hommes de l’île ne sont que des lourdauds illettrés, ivrognes et gloutons, en tout cas sauvages et lents par tempérament et par nature, rebelles à la culture et tardifs dans leur développement.
je pense qu’il faut se relever les manches et fouiller dans la loge des portiers et l’idiotisme des bourgeois : il y a un nouveau monde pour celui qui sera assez fort pour mettre la main dessus ; je pense que le génie est une mémoire sténographique… Je pense… je pense…, voilà ce que je pense ! […] Tous deux écrivent purement ; tous deux respectent ce qu’on appelle le génie de la langue, c’est-à-dire, en somme, ses habitudes.
Si l’on découvrait chez un médiocre chapelier des facultés de remarquable ébéniste ou un vrai génie de peintre, il faudrait évidemment encourager en lui la qualité psychique, la tendance qui lui permettrait de rendre aux autres les services les plus rares, les plus précieux, ceux qu’il est le plus capable de rendre. […] Le rôle de l’homme doué du génie de la volonté peut être immense, mais il suppose peut-être autant de souplesse que de force.
Nous faisons personnellement des excuses à Mme Plessy, pour lui avoir fait subir des insultes, qu’un public français n’avait jamais encore fait subir, du moins là, à une actrice de génie qui a marqué, dans cette soirée du 5 décembre, sa place entre Mme Dorval et Mlle Rachel. […] C’est avec ce mot de cabale que les amis satisfont la politesse, que les auteurs consolent leur génie, et qu’enfin on fouette le dos des innocents assez niais, pour oser exprimer une opinion qui était la leur, en face d’une salle qui, ce soir-là, était toute aux soins empressés de l’amitié, aux benoîtes ferveurs de la sainte claque.
« En effet, excepté quelques scènes de Vasantaséna, remarquables par la sensibilité et le naturel dont elles brillent, et quelques situations remplies de charme dans le drame d’Ourvasi, composition bien inférieure pour l’invention à Sacountala, quoique fille, comme elle, du même père, les autres pièces de ce recueil n’ont rien à opposer aux beautés de premier ordre qui étincellent de toutes parts dans Sacountala, et qui, par la manière dont le génie de Calidasa a su les disposer, font de cet ouvrage un ensemble accompli. […] Je crus entrevoir, réuni dans un seul poète primitif, le triple génie d’Homère, de Théocrite et du Tasse.
Il appartient, ainsi que la plupart des grammairiens philosophes de son temps, à cette école qui considérait avant tout une langue en elle-même et d’une manière absolue, comme étant et devant être l’expression logique et raisonnable d’une idée et d’un jugement ; il la dépouillait volontiers de ses autres qualités sensibles ; il ne l’envisageait pas assez comme une végétation lente, une production historique composée, résultant de mille accidents fortuits et du génie persistant d’une race, et qui a eu souvent, à travers les âges, plus d’une récolte et d’une riche saison ; il ne remontait point à la souche antique, et ne se représentait point les divers rameaux nés d’une racine plus ou moins commune.
Aussi n’est-ce point une vaine pensée de croire que les corps des hommes illustres ne sont pas tout à fait mortels, et qu’il y a quelque esprit au-dehors qui ne se détache jamais des linéaments admirables dont la nature marque les gens de cette condition, en sorte que dans leurs portraits on connaît leurs génies, et qu’on y voit toujours je ne sais quoi de vif : ainsi qu’aux médailles antiques on dirait que ces têtes romaines respirent encore dans le métal quelque chose de leur vieille vertu.
Semblable à ce météore terrible qui, formé de mille courants divers, menace du haut de la nue les sommets escarpés et semble être destiné par la nature à maintenir l’égalité physique sur le globe, la foudre révolutionnaire qui est en vos mains, et que dirige habilement votre génie, continuera de renverser les trônes, fera tomber les têtes superbes qui voudraient s’élever au-dessus du niveau que vous avez tracé ; elle établira l’égalité politique et (l’égalité) morale, qui sont les bases de notre liberté sainte… Voilà jusqu’où l’exaltation de la peur et l’espoir de se faire pardonner de Couthon, Saint-Just et consorts, pouvaient conduire le ci-devant médecin de la reine, un écrivain académique élégant.
Depuis Homère jusqu’à Milton, jusqu’au Tasse, jusqu’à Voltaire, je ne crois pas que le génie de l’épopée ait enfanté un poème qui ait paru dans un temps où l’on n’eût autre chose à faire que de le lire ; et beaucoup de difficultés doivent se réunir contre cette œuvre de l’esprit qui acquiert à son auteur la plus grande gloire dont l’homme soit susceptible.
Il y avait en Montluc l’étoffe d’un bon officier du génie.
Cette stérilité tient moins aux sujets extérieurs qu’aux talents mêmes et aux génies : on les dirait à sec.
Je comparerais à quelques égards, et sauf toutes les différences de la condition et du saint caractère, mais en ne pensant qu’à la bonté et au génie, cette vieillesse déclinante de Bossuet à celle du grand Corneille.
Siméon Pécontal, poète bien connu, l’un des fervents disciples de l’art sérieux, et qui, tout récemment encore, en célébrant dans des stances le génie de Chateaubriand, a rencontré un des plus beaux exordes lyriques dont puisse s’honorer l’ode française.
C’est une partie de ses écrits que je connaissais peu, si toutefois on peut appeler cela des écrits ; ce sont des improvisations dans lesquelles son génie, moins contraint qu’ailleurs, m’a paru heurté et presque sauvage, mais plus vigoureux encore et peut-être plus grand que dans aucun de ses ouvrages.
Y eut-il jamais, dans la vie d’un peuple militaire et libre, un plus admirable moment et pour ce peuple lui-même et pour les jeunes guerriers dont il était fier, que l’heure où, après une pareille campagne unique par le génie et toute patriotique d’inspiration, toute défensive encore jusque dans ses conquêtes, après n’avoir battu tant de fois l’étranger au dehors et ne l’avoir relancé si loin que pour ne pas l’avoir chez soi au dedans, les enfants de cette triomphante armée d’Italie revinrent dans leurs foyers, simples, modestes, décorés du seul éclat des victoires ?
L’opinion prit alors ce caractère énergique qui la rend maîtresse des événements ; et c’est ainsi que le grand mouvement qui a abattu la puissance gigantesque créée par la Révolution, loin de démentir l’esprit primitif de celle-ci et le génie du siècle, n’a fait que déployer le principe fondamental de l’une et de l’autre, sous de plus nobles auspices et dans une direction plus heureuse. » Quand il écrivait ainsi, M. de Senfft était encore libéral, et il avait foi encore en l’avenir des peuples. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine.
Dans tout ce qu’on vient de lire sur Sénancour, il y a l’étude du génie de l’homme, de son talent d’écrivain, et presque rien sur les faits particuliers de sa vie.
Celui qui fit Werther domine sa propre émotion et semble, du haut de son génie, regarder sa sensibilité un moment brisée, comme le rocher qui surplombe regarde à ses pieds l’écume de la cascade insensée.
Elle n’avait guère vécu que d’une vie factice, n’ayant pas eu la bonne fortune de rencontrer un de ces esprits en qui elle se fût transformée, de façon à devenir une forme nécessaire du génie national.
Ce que l’homme ici-bas appelle le génie, C’est le besoin d’aimer… Les Parnassiens, qui leur succèdent dans la faveur publique, se piquent d’être impassibles et impersonnels.
Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ».
Et encore (10 octobre 1791) : « La reine, avec de l’esprit et un courage éprouvé, laisse cependant échapper toutes les occasions qui se présentent de s’emparer des rênes du gouvernement, et d’entourer le roi de gens fidèles, dévoués à la servir et à sauver l’État avec elle et par elle. » En effet, on ne revient pas d’une si longue et si habituelle légèreté en un jour ; ce n’eût pas été trop du génie d’une Catherine de Russie pour lutter contre les dangers si imprévus à celle qui n’avait jamais ouvert un livre d’histoire en sa vie, et qui avait rêvé une royauté de loisir et de village à Trianon : c’est assez que cette frivolité passée n’ait en rien entamé ni abaissé le cœur, et qu’il se soit trouvé dans l’épreuve aussi généreux, aussi fier, aussi royal et aussi pleinement doué qu’il pouvait l’être en sortant des mains de la nature.
Maucroix, chanoine de Reims et poète, naïf comme La Fontaine, et, dans sa jeunesse, un peu plus romanesque que lui ; ce Champenois de l’Île-de-France, qui parlait un français si pur, qui a trouvé quelques vers heureux dans la veine de Racan, et qui a du La Fontaine en lui, au génie près, mais qui en tient pour la bonhomie et pour le cœur ; Maucroix, l’ami aussi de Patru et de d’Ablancourt, était de cette race bourgeoise bien parlante, bien clouée et paresseuse.
D’ailleurs il y a dans les arts mécaniques les plus communs un raisonnement si juste, si compliqué, et cependant si lumineux, qu’on ne peut assez admirer la profondeur de la raison et du génie de l’homme, lorsque tant de sciences plus élevées ne servent qu’à nous démontrer l’absurdité de l’esprit humain.
Faute d’acteurs instruits dans l’art dont nous parlons, elle choisit un danseur et une danseuse, qui véritablement étoient l’un et l’autre d’un génie supérieur à leur profession, et pour tout dire, capables d’inventer.
Maurras seraient bien capables d’en écrire la magie, comme Chateaubriand dans son génie du christianisme (Stendhal ne pouvait le souffrir) a écrit une cristallisation, une Magie de la religion.
Telle fut la force de son génie, qu’il inventa l’art et le perfectionna. […] Il n’y en a point dans toute l’iliade qui soient plus à propos, ni qui donnent une plus grande idée du génie d’Homere. […] C’étoit un génie naturellement poëtique, ami des fables et du merveilleux, et porté en général à l’imitation, soit des objets de la nature, soit des sentimens et des actions des hommes. […] Le traducteur y abandonne même le tour et le génie de sa langue, pour suivre servilement celle de son original.
C’est un sentiment particulier, un quid proprium qui constitue l’originalité, l’invention ou le génie de chacun. […] C’est ainsi que le génie de l’invention, si précieux dans les sciences, peut être diminué ou même étouffé par une mauvaise méthode, tandis qu’une bonne méthode peut l’accroître et le développer. […] C’est dans les parties obscures de la science que le grand homme se reconnaît ; il se caractérise par des idées de génie qui illuminent des phénomènes restés obscurs et portent la science en avant. […] Le génie de Cuvier a développé ces vues et en a tiré une science nouvelle, la paléontologie, qui reconstruit un animal entier d’après un fragment de son squelette. […] Sans doute le génie de l’homme dans les sciences a une suprématie qui ne perd jamais ses droits.
Et quelles diraient mieux le mystère de son génie ? […] Et puisqu’il s’agit ici d’expliquer, il faut bien se résoudre à dissocier ce que le génie créa inséparable. […] C’est le mystère du génie, au lieu de s’exposer en trois points, de s’exprimer toujours entièrement et de s’agrandir en se répétant, en se recommençant sans cesse. […] Je vous propose, chère amie, écrit-il à Angèle, une belle définition du génie : le génie c’est le sentiment de la ressource346. […] Cinq Grandes Odes, p. 25 : …… Voici que dans tous les cantons de ton âme Se résout le Génie, pareil aux eaux de l’hiver !
Je n’ai pas d’estime pour le génie d’Ingres, mais je l’avoue je n’en ai guère plus pour le génie de Delacroix. […] Et, envoyant promener mon éducation littéraire, je trouve Balzac, plus homme de génie que Shakespeare, et je déclare que son baron Hulot produit sur mon imagination, un effet plus intense que le Scandinave Hamlet.
généreux, dévoués, se chargeant eux-mêmes, s’accusant de tout : Bories le premier, Bories, jeune martyr au front calme, au cœur résigné, plein de vertu et de génie, confondant ses juges, consolant et relevant ses compagnons ; les soutenant sur la charrette du supplice contre l’horreur d’une mort méconnue ; les faisant monter avant lui sur l’échafaud pour les affermir jusqu’au bout de son regard et de sa voix ; Bories, figure mélancolique et sans tache, luttant contre l’oubli ; nom sublime à inscrire dans la mémoire publique à côté des Roland, des Vergniaud, des Oudet, des Hoche et des Manuel ! […] Sainte-Beuve, concernant la vie du poète latin. — Je lis encore, sur un petit exemplaire des Commentaires de César, qui lui venait aussi de son maître, ce court jugement de collège, daté, signé et paraphé : « César, grand capitaine et grand littérateur, d’un génie aussi élevé que d’un courage ardent, a laissé des Commentaires célèbres par la pureté du style, par la sagesse de la narration, par la justesse des idées. — Boulogne, 23 juin 1818.
Ainsi se sont formés le démon de Socrate et le génie familier du Tasse. — D’ordinaire, au bout d’un temps, l’hallucination sensorielle vient compléter l’hallucination psychique. […] Voir toute l’autobiographie de Bunyan, l’auteur du Pilgrim’s Progress. — De même les conversations éloquentes et sublimes du Tasse avec son génie familier, rapportées par Manso. — De même encore les avertissements que donnait à Socrate une voix intérieure.
On sentait que le maître était l’auteur lui-même, inspiré par ce je ne sais quoi qu’on appelle le génie de la sainteté chrétienne. […] La sincérité et l’amour furent les deux caractères de son génie.
Draghicesco, partisan de la loi du nombre, prend ses exemples dans la catégorie d’hommes qui réalisent le mieux son idéal du grand homme : les politiciens démocrates, et il arrive à cette énormité qui consiste à faire du vote populaire la mesure de la supériorité d’un homme et le signe d’élection du génie. […] Il n’y a pas jusqu’au degré du pouvoir qui ne provienne du même mécanisme ; car le nombre des votes réunis, directement ou indirectement, mesure les limites du pouvoir dont disposeront les personnages respectifs et par suite l’étendue même de leur prestige, la profondeur de leur génie16. » Ainsi non seulement le nombre est la source du génie ; mais il en est la mesure.
Un pastiche du plus grand talent, presque de génie, son plafond de la Païva, qui semble le plafond de la « Venise Triomphante » copié par un Lemoine. […] Il n’y a pas en lui, le calorique pour transmuter de sa cervelle en de la copie de génie, ou même de grand talent.
Taine, à la fin de son Histoire de la littérature anglaise, a excellemment défini en Dickens l’artiste, encore qu’avec trop de sévérité ; cette étude peut être complétée sur de nouveaux renseignements, et l’on trouvera que les notions psychologiques qui en seront déduites sur la nature même de cet homme essentiellement affectif présenteront quelque intérêt autant que la connaissance précise de son génie vigoureux et défectueux. […] Il doit faire vrai ; la moitié de son mérite — et chez Daumier cela touche au génie — consiste dans la justesse de l’observation, l’exactitude de la silhouette, la précision de la satire, la vie surprise par le dessin sommaire, de façon que le spectateur ne puisse douter un instant qu’on lui montre un être réel, observé dans son aspect, analysé dans son caractère.
Cousin ses airs de génie et sa haute verve, M.
Ici le Coq a un trait de génie : tout gêné qu’il est et à demi croqué par celui qui le tient à la gorge, il lui dit : « Eh quoi !
Disons-le sans détour, l’abbé Prévost, reparaissant à Hesdin sous forme de marbre et couronné de la main de ses compatriotes, ce n’est pas seulement l’homme célèbre qui est salué avec respect, c’est à la fois moins et plus, et c’est mieux : c’est l’Enfant prodigue, qui, après une longue absence et après avoir longtemps fait parler de soi en bien des sens, illustré par ses erreurs mêmes et par cette sorte de magie qu’il n’est donné qu’au génie d’y répandre, a terminé son temps d’exil, et qui revient plus aimé, plus embrassé de tous, fêté même et pardonné par les plus sévères.
J’ai toujours pensé qu’un homme de génie arrivant aux affaires eût tiré le plus magnifique parti de tous les éléments qui fermentaient alors.
En 1833, Guérin, ce Breton d’adoption et qui était alors bien plus Breton de génie et d’âme que Brizeux, vivait donc en plein de cette vie rurale, reposée, poétique et chrétienne, dont la sève montait à flots dans son talent et s’épanchait avec fraîcheur dans ses pages secrètes.
En rabattant tout ce qu'on voudra des impressions de De Maistre, qui varient d’ailleurs au jour le jour au gré des nouvelles et des bruits divers, mais qui n’excèdent pas (car rien ne saurait les excéder) de pareilles réalités, il reste très curieux d’observer avec lui cette grande et unique année par le revers russe, de passer par toutes les vicissitudes d’émotions qui, là-bas, répondaient aux nôtres en sens inverse, et de connaître autrement que par nos bulletins ces physionomies singulières et expressives des Koutousov, des Tchitchagov, du Modenais Paulucci et de tant d’autres ; de comprendre enfin le génie russe dans son originalité, dans sa religion nationale et sa foi inviolable.
Lui ployait le fort et consolait le faible, et les génies les moins proportionnés entre eux le trouvaient tous également à leur portée ; il ne haranguait point d’un ton pompeux, mais ses discours familiers brillaient de la plus, ravissante éloquence, et ses instructions étaient des apologues, des entretiens pleins de justesse et de profondeur.
On croit trop, en lisant cet estimable écrivain à la Louis XVI, que le duc de Bourgogne n’était sujet qu’à des accès de colère comme en ont tant d’autres enfants : il a fallu, pour nous en faire distinguer l’accent tout féroce et en déterminer le caractère néronien, que parût au jour le moraliste de génie et le peintre incomparable.
Il avait vu précédemment Catherine à Hambourg et avait grondé sa mère de faire trop peu de cas de cette enfant, qui avait, disait-il, « une tournure d’esprit très-philosophique. » Arrivé en mission à Pétersbourg, il vit beaucoup la mère et la fille, et s’intéressa de plus en plus à celle dont il avait deviné le génie : « Il me demanda comment allait ma philosophie dans le tourbillon où j’étais placée.
Ce bruit se communiqua, d’oreille en oreille, et jamais depuis ce jour on ne se permit la plus légère plaisanterie sur les habitudes religieuses des deux amis lyonnais. » La crise morale qui travaillait la société se réfléchit là en abrégé : la Guerre des Dieux de Parny, d’abord triomphante, est repoussée et bat en retraite ; le Génie du christianisme approche, il est dans l’air.
Certes, cet homme de haut talent et, jusqu’à un certain point, de génie, de noble aspect et « d’une figure avantageuse » (ainsi en parlent ceux qui l’ont vu et qui ne songeaient point à faire, comme aujourd’hui, des caricatures à tout propos) ; cet homme à l’âme ardente, élevée, d’un esprit libre, d’un caractère indépendant et fier, qui n’avait pu se plier à la vie de Turin, et qui n’hésita pas, en renonçant à son pays, à sacrifier les deux tiers de sa fortune pour se mieux dévouer à l’objet de son culte ; le poète qui, dans la Dédicace de Myrrha, s’étonnant d’avoir tant tardé à nommer publiquement celle qui l’inspire, lui disait : « Ma vie ne compte que depuis le jour qu’elle s’est enlacée à ta vie » ; un pareil homme méritait que la comtesse d’Albany, déçue et frappée dans sa destinée, crût elle-même s’honorer par un tel choix, et ne pas perdre, même aux yeux du monde, en échangeant royauté contre royauté.
Léon Plée, et qui s’intitulait lui-même « le premier livrier de France », est un de ces excentriques qualifiés qui frisent le génie et qui le manquent.
Je ne fera que nommer l’abbé Favre, un génie trop confiné, une source jaillissante de joyeuse et rabelaisienne humeur.
MM. de Goncourt, comme les gens de génie, ont deviné ou observé (je ne sais si l’un d’eux est médecin) que la pleurésie peut donner naissance à la phthisie ou être un des premiers et redoutables symptômes de la tuberculose pulmonaire.
Quand nous voyons un noble chêne, dont les racines s’enfoncent dans le sol comme des pieds d’athlète, étendre ses branches noires chargées de feuilles sonores, et dresser son tronc serré par l’écorce comme par des muscles tendus, nous l’imaginons plus grand et plus fort encore ; nous élargissons sa voûte, nous tordons son écorce, nous raidissons ses bras, nous couvrons sa masse sombre d’une plus riche lumière, et il nous semble alors que la nature n’a pu accomplir son dessein, que ses lois ont entravé son action, que son oeuvre n’est pas égale à son génie.
L’absence de génie est ici une garantie d’exactitude.
La comtesse Diane Celui de mes amis dont je rapporte quelquefois ici les propos, voyant sur ma table un de ces mignons recueils de « pensées » et de « maximes » que publie l’éditeur Ollendorff, eut une moue dédaigneuse d’homme supérieur — cette moue de Pococurante qui faisait dire à Candide : « Quel grand génie que ce Pococurante !
Weiss, Perrault est « l’un des beaux génies de son siècle ».
Murger devient son plus précieux allié contre l’élégance hautaine de Baudelaire, le purisme de Gautier, l’aristocratisme de Vigny et de Lamartine, le sombre génie de Delacroix, le lyrisme éperdu de Berlioz, la fière intransigeance de Gustave Flaubert.
Prenez le recueil d’Évariste Gherardi, qui nous a conservé les pièces jouées par les Italiens à l’Hôtel de Bourgogne : vous y reconnaîtrez immédiatement la tradition de la raillerie française, notre génie satirique, à travers les déguisements fort légers qu’on lui impose.
Il vit au sein de Dieu par une communication de tous les instants ; il ne le voit pas, mais il l’entend, sans qu’il ait besoin de tonnerre et de buisson ardent comme Moïse, de tempête révélatrice comme Job, d’oracle comme les vieux sages grecs, de génie familier comme Socrate, d’ange Gabriel comme Mahomet.
Mme de Mondonville était, tout l’atteste, une personne de tête et de capacité, ferme, altière, séduisante, ayant l’instinct et le génie de la domination.
Mais l’essentiel est que ce droit un peu vague, bien que si réel, ne soit jamais supprimé, et que jamais les doctrines régnantes, au nom même du salut commun, ne puissent dire au poète, au littérateur, à l’érudit curieux, comme dans la banlieue d’une place de guerre le génie militaire dit à l’honnête homme, qui a sa métairie avec son petit bois et sa source d’eau vive : « Monsieur, nous avons besoin de ce petit coin qui vous sourit : il entre dans nos lignes, il nous le faut ; voilà le prix, soyez content, mais vous n’y rentrerez pas. » Ceux qui vivent des lettres, de l’amour des livres et des études, de ces passions après tout innocentes et désintéressées, peuvent céder un moment ce coin de leur être et le prêter à la chose et à la pensée publique, ils le doivent dans les cas urgents ; mais, ce cas cessant, ils rentrent de plein droit dans leur domaine.
Le maréchal a cette faculté de s’imprégner très vite de l’esprit et de la couleur des lieux, du génie des races.
Il en manqua toujours à un degré prodigieux et d’une manière excellente ; car à qui manque d’esprit les Français et même tous les Européens sont toujours très disposés à attribuer du génie.
On peut dire de ce point de vue que l’homme de génie, lorsqu’il invente, manifeste la seule action de la loi du devenir et qu’il échappe à tout Bovarysme.
Qui donc sait que dans cette entreprise commune à ces deux penseurs se rencontrait une vue neuve et profonde, qui, développée avec la patience du génie allemand, eût peut-être donné naissance à un mouvement philosophique aussi considérable dans l’histoire que l’a été le mouvement kanto-hégélien, si des circonstances favorables se fussent prêtées à un semblable développement ?
Hugo et Lamartine étaient des poètes de troisième catégorie, que leur génie était simplement un bruit qu’on faisait courir, — acceptable tout au plus comme un conte de nourrice.
L’auteur, en effet, en pleine possession non seulement de son génie, mais de son expérience théâtrale, aurait voulu forcer l’actrice, même de trois siècles après lui, à jouer comme il l’entendait et non pas à son gré à elle, qu’il n’aurait pas écrit autrement ; il semble avoir dicté la mimique mot à mot et c’est-à-dire geste par geste : N’allons pas plus avant, demeurons, chère Œnone, Phèdre n’a fait que quelques pas sur le théâtre et s’arrête, fatiguée, presque épuisée ; l’arrêt doit être brusque, une des mains de la reine cramponnée au bras de sa nourrice : Je ne me soutiens plus, ma force m’abandonne ; Toute une attitude lassée, déprimée ; une sorte d’écroulement du corps.
Il a écrit trop d’œuvres d’une immoralité grossière, mais il avait le génie de la langue, et toute la tradition française se reconnaît dans la composition et dans le décor de ses nouvelles.
Observons celui-ci, cherchons quelle est sa faculté maîtresse, comment elle a formé son génie, comment elle s’est développée, selon quelle ligne droite ou courbe.
De la vis inertiæ il fait une foi. — Et c’était un trait de génie que d’avoir eu cette idée si simple. […] Les chrétiens ont fait d’Éros et d’Aphrodite des génies de l’enfer, des esprits trompeurs. […] Ce n’est plus la force de corps et de cœur qui est estimée, c’est la timidité et la régularité des mœurs ; ce n’est plus l’éclat, le luxe beau, la splendeur artistique et patricienne qui est regardée avec admiration, c’est la propriété décente et la vie étroite et économique du petit bourgeois, quelquefois l’abstinence et l’ascétisme inutile du stoïcien, du cynique ou du cénobite ; ce n’est plus le génie qui est admiré et, au contraire, il est considéré comme dangereux et comme insolent ; c’est la médiocrité d’esprit, d’âme, de caractères et de mœurs qui est tenue pour la règle à suivre, pour l’idéal à réaliser et pour un niveau social que personne ne doit dépasser sous peine d’ostracisme ou de mort. […] C’est la victoire même de la démocratie que le génie ait moins de droits chez elle que la médiocrité ou la sottise et par conséquent il faut qu’il y ait des hommes de génie pour qu’elle puisse goûter son triomphe à les écarter ; pour qu’elle puisse, même, remarquez-le, avoir conscience d’elle-même à les repousser et à leur dire : « Je ne vous connais pas. » Si l’espèce supérieure était complètement disparue, le plébéianisme éprouverait l’ennui des victoires trop complètes et ne sentirait plus le plaisir d’être ; il perdrait la passion de soi-même, qui est le sel et qui est l’aiguillon de la vie. […] Il y a pourtant à relever chez lui une théorie sur le théâtre considéré comme commencement de décadence littéraire et comme symptôme de commencement de décadence sociale ; — une théorie de l’amoralité du théâtre ; — et enfin de profondes remarques sur le génie cornélien qu’il a merveilleusement pénétré et qu’il a analysé, ce qui se comprend assez, avec une sorte de passion amoureuse.
Maeterlinck, c’est un peu comme Ambiorix, un génie qui s’impose à la France. […] Au contraire, c’est grâce au génie de ses artistes que la terre de Flandre témoigna deux fois, au xve et au xviie siècle, de sa prodigieuse richesse, de sa farouche vitalité. […] Intercaler le génie d’un Émile Verhaeren entre les talents, si remarquables soient-ils, de ses confrères, eût été l’impertinence même. […] Voici une page prouvant à quel point Nautet a compris et su mettre en lumière le génie des Russes. […] On ne saurait passer sous silence l’ouvrage mi-historique, mi-physiologique d’Eugène Baie sur la sensibilité collective, dont la première partie L’Épopée flamande 178 reconstitue le génie du peuple flamand d’après sa manière de sentir adaptée aux diverses manifestations de son existence.
— Sans doute le malade n’était qu’un singe ; mais quel singe de génie ! […] Enfin, à tous les dons heureux que lui avait prodigués les bons génies, le jour de sa naissance, une méchante fée, arrivée la dernière, avait opposé ce correctif inquiétant ; « Avec tout cela, tu ne plairas pas. » En effet, lorsqu’il voulut faire la cour à la fille de son voisin, le riche fabricant de quincaillerie de Fürth, Mlle Emilia ne répondit à ses compliments que par une incrédulité railleuse et affectée. […] Nous les suivions profondément émus nous-mêmes de cette scène, que le génie d’un grand artiste devrait transmettre à la postérité, ne fût-ce que comme une leçon éclatante pour les peuples et pour les rois. […] Peut-être même s’expliquera-t-on plus tard bien des déceptions, des effondrements en relisant ces quelques lettres et en constatant que trop de grands esprits de notre époque firent comme Mérimée et se bornèrent à constater la décadence de leur pays alors qu’il avait le droit de de toutes les clartés de leur intelligence et de leur génie pour se guider.
Aujourd’hui encore, si, à la campagne, un jour de pluie, vers une fin d’automne, reprenant le volume négligé, on retrouvait tout d’abord (sujet de circonstance) le Coin du feu, celui de l’Homme des Champs ou celui des Trois Régnes, diversement spirituels ou touchants, on serait charmé à bon droit, on s’étonnerait d’avoir pu être si sévère pour le gracieux poëte, et l’on s’écrierait en relisant la page : Son génie est là ! […] Mais le prestige de la renommée et l’idée de génie rachetaient tout.
Pourtant, dans cette Sicile heureuse, bien que tant de fois bouleversée, il avait été témoin d’une vie réellement pastorale ; il avait, dans sa jeunesse, entendu de vrais chants qu’accompagnait la flûte de vrais bergers, et il n’en fallut pas davantage à son génie inventif pour saisir l’occasion d’une poésie neuve. […] Ce Daphnis qu’il célèbre sans cesse, et qui apparaît comme l’inventeur à demi divin du criant bucolique, nous figure le génie même d’une race douée de légèreté, d’allégresse et de mélodie.
De la gloire, il n’eut que la passion ; Du civisme, il n’eut que l’affectation ; Du génie, il n’eut que la prétention ; De l’amour, il n’eut que l’ostentation ; Ostentation peut-être sincère, mais suspecte au moins, comme nous allons le montrer dans la suite de ce commentaire. […] Nous allons examiner en détail ses œuvres, et prouver qu’il n’eut d’un grand poète que la manie et non le génie, que l’Italie s’est trompée en le prenant pour un grand homme, et qu’il ne fut en réalité qu’un pédant magnifique.
On comprend le génie qui est personnel ou qui n’est pas dans un seul homme ; mais on ne le comprend pas dans deux hommes égaux en facultés et en aptitudes. […] Il faut, pour les écrire, autant de talent qu’il faut de génie naturel pour les concevoir.
Mais il veut dire aussi que les Eglises sont des livres de pierre où les générations d’autrefois écrivaient leur pensée pour l’éternité ; qu’elles ont été des symboles compliqués, où le plan, les sculptures, les plus minces détails exprimaient des idées ; que, parlant ainsi aux initiés un langage mystérieux, elles parlaient en même temps aux yeux de la foule par leurs vitraux, leurs fresques, leur peuple de statues ; qu’elles ont matérialisé durant des siècles le génie poétique et les aspirations populaires ; que les cathédrales gothiques en particulier, par leur élan vers le ciel, par la hardiesse de leurs lignes verticales, ont rendu à merveille les espérances et les envolées mystiques d’un âge de foi tourné presque tout entier vers l’au-delà ; seulement que, l’imprimerie étant inventée, la pensée, au lieu de se pétrifier, devient oiseau, vole d’un bout du monde à l’autre, se rit du temps et de l’espace, sûre qu’elle est de pouvoir se multiplier à l’infini ; que désormais la Bible de marbre et de granit est vaincue et destinée à être remplacée par la Bible de papier, plus claire, plus mobile et, malgré l’apparence, plus durable. […] M. de Talleyrand disait un jour à des personnes que Napoléon Ier avait invitées à une représentation théâtrale : « Messieurs, l’Empereur entend qu’on s’amuse. » — L’Empereur entendait aussi qu’on fût inspiré pour chanter ses exploits ; mais le génie, assez indocile de sa nature, ne répondait pas toujours à l’appel.
Emile Verhaeren l’a re-créé si intensément en le développant en son propre génie verbal direct, non nuancé, et en son énormité de vision, que son œuvre est cependant puissamment homogène. […] De l’intuition et de la science en poésie Si nous nous en tenons à l’acception vulgaire et d’ailleurs originelle du mot : « inspiration », pour caractériser le suprême, le plein et comme impersonnel instant du chaleureux travail poétique, nous le trouvons l’expression d’une sorte de désordre vaticinateur que l’on entend encore du génie, d’un enthousiasme surnaturel, et comme d’une horreur sacrée de Visitation divine.
Une création de génie, et du génie le plus moderne.
Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons.
Mais celui des Anglais qui lui rend le plus bel hommage, c’est un génie facile, un peintre au large et courant pinceau, qui n’est pas sans de grands rapports de parenté avec lui, Walter Scott, en ses Puritains d’Écosse.
Théophile Gautier, je n’ajouterai rien à ce que notre spirituel collaborateur a dit du peintre ; il l’a jugé en le peignant à son tour : « La moitié du génie est faite, comme on l’a dit, de patience, et le laurier de la gloire couronne le front de cet amant obstiné du beau. » Cette conclusion est notre point de départ.
que l’on sent bien que si Louvois est un ordonnateur habile, il manque ici un génie supérieur pour le diriger lui-même et lui donner l’ordre !
Ce qui lui manque, c’est ce qui fait l’âme et l’honneur, je ne dirai pas de la méthode (elle peut paraître hasardeuse), mais de la doctrine et du génie de Pascal, ce qui en fait la puissance et l’attrait : c’est le désir et le tourment, c’est le cœur.
Henri IV (et cela me plaît en lui) n’est pas un de ces génies et de ces grands hommes qui jaillissent tout formés des mains de la nature et de la fortune.
Et puis, j’ai surtout pensé aux génies nos contemporains qui, en ceci, n’offrent pas tous l’exemple d’un parfait équilibre.
C’est une des beautés et l’un des charmes de la jeunesse et du génie que de se produire et d’éclater avant tout raisonnement, et de s’élancer vers son objet par une impulsion première irrésistible.
La Bruyère, chargé de raccommoder ces petites déchirures, écrivait à Santeul, ou le chapitrait quelquefois dans l’embrasure d’une croisée ; mais Santeul était difficile à former, et il fallait toujours en revenir sur son compte à cette conclusion du grand moraliste et du censeur amical, qui lui disait : « Je vous ai fort bien défini la première fois : vous êtes le plus beau génie du monde et la plus fertile imagination qu’il soit possible de concevoir ; mais pour les moeurs et les manières, vous êtes un enfant de douze ans et demi. » Cette insigne faveur de Santeul à Chantilly faisait grand bruit dans la rue Saint-Jacques et ailleurs, et ne laissait pas de donner quelque jalousie : « Santeul est fier, Santeul nous néglige depuis que des altesses lui font la cour ; il ne daigne plus venir même à Bâville, il ne s’abaisse plus jusqu’à nous. » Ainsi disait-on en bien des lieux.
Ronsard, qui n’avait pas le génie et qui n’était qu’un homme de talent poussé d’érudition, prit la poésie française au point où elle était, et vit, avant tout, un progrès à faire, une victoire à remporter sur Marot et sur Mellin de Saint-Gelais.
Il y a maintenant de grands poètes, des poètes de talent, des poètes de génie, des poètes d’art, ou des poètes qui veulent être quelqu’un de ceux-là ; mais ce qui constituait autrefois le poète agréable, ce mélange d’esprit, d’imagination, de facilité, de négligence et de bonne humeur, cette absence de prétention en rimant ou cet air de n’en pas avoir, ce demi-ton de conteur qui était de plain-pied avec la conversation du salon, cet à-propos de menus sujets, cette adresse à trousser en vers un compliment ou une épigramme qui circulait aussitôt et faisait fortune, et parfois aussi la fortune de son auteur, tout cela existe-t-il encore ?
Un grand génie comme le vôtre trouve des ressources quand même tout est perdu… Voltaire écrivait à Frédéric dans le même sens, et rachetait tous ses torts passés par le bon sens et la franchise de ses remontrances.
Ces paysages si vrais, si francs, et où respire l’agreste génie des lieux, ne lui serviront qu’à encadrer des êtres vulgaires, plats, sottement ambitieux, tout à fait ignorants ou demi-lettrés, des amants sans délicatesse.
Mme Elliott l’a instinctivement en horreur et nous le dénonce comme le mauvais génie du lieu.
Ce maniaque de génie ne s’est pas trompé sur tout.
Je sais qu’on a déjà opposé spirituellement à mes raisons que nous sommes suffisamment informés par rapport à notre objet ; que nous n’en sommes pas à découvrir un génie ni même un grand talent nouveau ; que la voix publique ne nous impose impérieusement aucun de ces choix dont la notoriété éclatante est comme en droit de faire violence à l’esprit naturellement conservateur et aux préventions mêmes des compagnies.
Après l’apothéose, après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l’humble arbrisseau ; Vous dont nul n’a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d’un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si quand l’immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d’un noir mystère, L’irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers !