J’ai eu cette prudence contre l’enthousiasme des regrets et cette condescendance pour une mort si triste.
Triste destinée, mais touchante !
Levallois ; car pour les détails de ce triste amour du grand Corneille vieillissant et dédaigné pour le jeune Racine, beau alors comme le jour à son aurore et qui s’élançait dans la gloire, nous pourrions en suivre la trace dans les œuvres même de Corneille, à la piste de ses plus beaux vers.
Ils avaient vécu quarante ans dans l’union la plus étroite, l’orateur se plaint, en commençant son éloge, de ce qu’il rend un si triste devoir à un ami, dont il aurait voulu n’être point séparé, même à la mort ; et en finissant, il s’écrie, dans la manière antique : « Je te salue, ombre vertueuse !
on pleure quand on peut dans cette triste vie, ajouta-t-il, je n’avais que cette amie à pleurer : voilà ! […] Ils s’étaient adoptés l’un et l’autre ; ils ne se quittaient ni la nuit ni le jour ; elle le suivait paisible et roucoulante, et si triste, et si tendre ! […] « Nous, cependant, avertis par ces défaillances, par ces muets désespoirs, par cette ambition inavouée, honorons ce courage, et remplaçant par nos meilleures sympathies ces tristes funérailles d’un poète si malheureux, prions pour lui, veillons sur nous. » XXV Comme c’est senti, comme c’est dit, comme c’est écrit avec des larmes de pitié indulgente sur la plume !
On sait avec quelle ivresse Alfieri parle de cette période dans l’histoire de sa vie ; on se rappelle sa douleur quand la comtesse, encore soigneuse de sa renommée, revient passer l’hiver dans les États du pape, s’établit à Bologne, et oblige son compagnon à choisir une autre résidence ; on se rappelle aussi ses transports au moment où le mois d’août, trois ans de suite, le ramène à Colmar ; on se rappelle ces explosions d’enthousiasme, ce réveil d’activité poétique, cette soif de gloire qui le tourmente, sa joie de faire imprimer ses œuvres à Kehl dans l’admirable imprimerie de Beaumarchais ; puis ses deux voyages à Paris, son installation avec la comtesse dans une maison solitaire, tout près de la campagne, à l’extrémité de la rue du Montparnasse, et tous les soucis que lui donne la publication de ses œuvres complètes chez Didot l’aîné, « artiste passionné pour son art. » Tous ces détails sont racontés dans l’autobiographie du poète, nous n’avons pas à y revenir ici ; mais ce qu’Alfieri ne pouvait pas dire, et ce qui est pourtant un épisode essentiel de cette histoire, ce sont les dernières années de Charles-Édouard, ces années d’abandon et de malheur pendant lesquelles le triste vieillard, si longtemps dégradé, se relève enfin, et retrouve à sa dernière heure une certaine dignité vraiment noble et touchante. » III L’infortuné Charles-Édouard éprouva avant de mourir une consolation inattendue. […] Le roi lui ouvrit ses bras en lui disant avec une ironie triste : Ecco il tyranno ! […] Il tint parole ; et voilà comment j’échappai à un ennui pour moi plus pénible et plus triste que tout autre supplice que l’on eût voulu me faire subir.
« Ainsi se termina cette triste séance de vingt-quatre heures entières, commencée vers les quatre heures du jour précédent et close vers les quatre heures de ce malheureux jour, avec une grande souffrance physique, comme on le comprend du reste, mais avec une bien plus grande souffrance morale, et telle qu’il faudrait la ressentir pour s’en faire une idée. […] « Je ne raconterai pas comment je passai cette nuit douloureuse, mais je ne puis taire à quel point s’accrurent mes angoisses lorsque, le matin, je vis entrer dans ma chambre le prélat Spina, avec un air triste et embarrassé, et que je l’entendis m’avouer que le théologien Caselli sortait de sa chambre, où il était venu lui annoncer qu’il avait réfléchi toute la nuit sur les conséquences incalculables de la rupture ; qu’elles seraient on ne peut plus fatales à la religion, et qu’une fois arrivées, elles devaient être irrémédiables, comme le prouvait l’exemple de l’Angleterre ; que, voyant le premier consul déclarer qu’il restait inébranlable sur le point de ne pas admettre de changement dans l’article controversé, il était déterminé, pour sa part, à y adhérer et à le signer tel quel ; qu’il ne croyait pas le dogme lésé, et qu’il pensait que les circonstances, les plus impérieuses qu’on ait pu voir, justifiaient la condescendance dont le pape userait dans ce cas. […] « En somme, ce fut là un triste quart d’heure.
Trente ans après, grave et triste, bruyante et savante, avant tout théâtrale, c’est-à-dire aussi objective qu’elle peut l’être, la musique, avec Wagner et son école qui veulent réformer le drame lyrique et en bannir la convention, se rapproche, par cette recherche de la vérité, du roman naturaliste, qui est, lui aussi, violent, sensuel, pessimiste et scientifique. […] Est-on en présence d’un manoir du moyen âge, perché sur une montagne comme un nid d’aigle, emprisonné dans une triple enceinte, formé de murs si épais qu’un réduit de plusieurs mètres carrés est parfois taillé dans leur épaisseur ; pénètre-t-on dans les hautes salles, froides et nues, où la lumière et les meubles étaient également rares ; on reconnait dès l’abord une demeure calculée en vue de la sécurité, adaptée aux besoins d’une société où la guerre sévissait partout et toujours ; on se représente aisément en ce château-fort une vie large, puissante, batailleuse, mais aussi triste, d’horizon court, peu élégante, où les plaisirs de l’esprit et les goûts délicats trouvent une place des plus restreintes. […] Les femmes de la cour portent alors des habits de couleur brune, uniforme ; les cheveux se dissimulent sous une ample coiffe noire ; l’ensemble a quelque chose de triste et de monacal.
Mais il suffit de connaître un peu à fond l’Allemagne et ses tristes défectuosités artistiques, et de connaître en même temps Wagner qui sous tant de rapports fut l’artiste le moins allemand qu’on puisse rêver, pour se dire que cela doit avoir été pour lui la délivrance d’un vrai cauchemar, de pouvoir créer une œuvre sans se préoccuper de cet excellent peuple ! […] Si donc les tristes nécessités de mon intelligence me forcent à examiner dialectiquement, un à un, les éléments que ma raison perçoit comme divers, quoique mon sentiment me les indique comme sûrement un et indivisible : toujours est-il que je ne pourrai prendre comme mesure de la perfection de chaque élément, que le degré dans lequel il est adapté à concourir au but total de l’œuvre. […] La sensation, même superficielle, de la musique de Parsifal nous amène devant un monde de douleur et de péché ; la teinte triste et recueillie du prélude, cet espoir, au milieu de la souffrance, d’un sauveur attendu nous donne déjà le sens général de l’œuvre.
Mais, si elle n’est pas légitimiste, impérialiste, orléaniste, l’armée se fait tous les jours conservatrice dans le recrutement d’une jeunesse écartée du fonctionnarisme et de la magistrature, par les tristes choix faits par la République, et dont elle dote la province. […] Un moment même, elle célèbre le bonheur d’être seule dans la vie, et sur ce que je lui fais remarquer que c’est bien vide une maison, un grand appartement pour un être seul, elle m’interrompt, et s’écrie, que, lorsque dans cette maison, dans ce grand appartement, il y a deux êtres, comme elle en connaît, qui ne s’emboîtent pas, c’est encore plus triste. […] Jamais ne s’est montré aussi bien, en un événement triste, l’affamement de publicité qu’a le Parisien du xixe siècle.
On ne pouvait donc écrire sous Louis XIV que des satires tout à fait insipides et insignifiantes contre les embarras des rues de Paris, contre un mauvais cuisinier comme Mignot, contre un mauvais rimeur comme Chapelain, contre un mauvais traducteur comme l’abbé Cottin, tristes thèmes pour un vrai génie satirique. […] Celui-ci soupire après sa mère, qu’il n’a pas revue depuis trop longtemps ; triste, il regrette sa pauvre cabane et ses chameaux familiers. […] ……………………………………………………… À ce triste discours, qu’un long soupir achève, La Mollesse en pleurant sur un bras se relève, Ouvre un œil languissant, et d’une faible voix Laisse tomber ces mots, qu’elle interrompt vingt fois.
Le ciel, la mer, les montagnes, les fleuves, la race, la langue, les religions, les grandeurs et les revers de la destinée, le passé presque fabuleux, le présent triste, l’avenir toujours prêt à renaître, et toujours trompeur, la jeunesse éternelle de ce sang italien qui roule toutes sortes de royautés déchues dans ses veines, une noblesse de peuple-roi dans le dernier laboureur de ses plaines ou dans le dernier pasteur de ses montagnes, une rivalité de villes capitales, telles que Naples, Rome, Florence, Sienne, Pise, Bologne, Ferrare, Ravenne, Vérone, Gênes, Venise, Milan, Turin, ayant toutes et tour à tour concentré en elles l’activité, le génie, la poésie, les arts de la patrie commune, et pouvant toutes aspirer à la royauté intellectuelle d’une troisième Italie, voilà les explications de cette aristocratie indélébile de l’esprit humain au-delà des Alpes. […] Triste sort des émigrés, condamnés à avoir souvent pour amis les ennemis de leur pays ! […] » en révélant à cette Béatrice, par un regard et par un triste sourire, que ces bonheurs et ces consolations avaient été pour lui personnifiés en elle.
Les maîtres me reçurent des mains de ma mère avec une bonté indulgente qui me prédisposa moi-même au respect ; les écoliers, au lieu d’abuser de leur nombre et de leur supériorité contre les nouveaux venus, m’accueillirent avec toute la prévenance et toute la délicatesse qu’on doit à un hôte étranger et triste de son isolement parmi eux ; ils m’abordèrent timidement et cordialement ; ils m’initièrent doucement aux règles, aux habitudes, aux plaisirs de la maison ; ils semblèrent partager, pour les adoucir, les regrets et les larmes que me coûtait la séparation d’avec ma mère. […] … Je crois que mes sœurs absentes T’ont dit là-bas leur secret, Et que les airs que tu chantes Sont tristes de leurs regrets. […] Il était du pays de Calvin, de cette Picardie, pays âpre, où la terre froide, la culture uniforme, l’horizon bas, triste et sans autre borne que l’éternel sillon succédant à un sillon semblable, semblent refouler l’imagination de l’homme en lui-même et lui faire creuser l’infini, cet horizon intérieur de l’âme.
Je les prendrai dans le stile satyrique et plaisant, parce que je m’ennuye d’être triste. […] Elle est triste et pensive. […] La France triste et pensive est debout à son chevet.
les acteurs qui n’en ont nulle envie rient bien quand le rôle le commande ; mais le rire est faux, et rien n’est triste, pour des gens qui ne rient que rarement et de bon cœur, comme de voir des gens qui rient sans savoir pourquoi et parce qu’il doivent rire. […] Selon d’autres, la vie est triste et laide, il faut qu’on les en console par des fictions. […] Couture vient de peindre une chapelle de Saint-Eustache, où il a représenté l’Intercession de la Vierge ; la peinture catholique inspire toujours des idées tristes… sur le compte du peintre. […] pas si fragiles, pas si mous, pas si élégiaques : Goethe et Chateaubriand, les pères de ces Tristes, ont vécu avec activité, contentement et force. […] « “Rien de plus triste, dit Bacon, que d’entendre donner le nom de sage aux gens rusés.”
Il est juste de reconnaître qu’ils n’ont pas toujours oublié cette date à la fois glorieuse et triste. […] Reste à savoir s’il est bien triste d’être ainsi dupé. […] La scène prend aussitôt un triste aspect de cabanon. […] Ce qui est plus triste, c’est que ce ne furent pas seulement ces violents et ces méchants qui conspirèrent contre le comédien de génie. […] » Hélas, ils n’en sont venus à regarder les hommes avec ce regard profond et triste que parce qu’ils ont jeté un œil indulgent et confiant à l’humanité tout entière.
quel triste jour ! […] La maladie & la pauvreté affligent les bergers comme le reste des hommes ; cependant on écarte ces tristes images de la peinture de leur vie. […] Le premier genre sera triste, mais la tristesse & l’agrément ne sont point incompatibles. […] On est d’abord surpris d’y trouver plus de pathétique & d’intérêt, que dans les tristes. […] Ainsi Ovide est plus Briseis ou Phedre dans les héroïdes, qu’il n’est Ovide dans les tristes.
Il y avait retrouvé, sous le vocable falot de Pension Legnagna, le triste endroit qu’il avait peint lui-même sous le nom de Pension Carpentier. […] Ainsi le mot sur Adolphe, le jeune homme triste : « Pourquoi ne fait-il pas comme ces ouvriers ? […] que cette tête est triste ! […] À lire le récit de ces tristes années la pitié vient. […] Ils viennent s’agenouiller… Jamais », conclut le narrateur, « jamais Dieu ne descendit sur terre dans un plus triste réduit.
Mais Néron n’était pas d’un caractère à fléchir sous des esclaves, et il commençait à se dégoûter de la triste arrogance d’un affranchi qui se méconnaissait. […] « Mais il est triste de voir Sénèque à côté de Néron, après le meurtre d’Agrippine. » Mais Burrhus, qu’on n’a jamais accusé, ne se retira pas. « Il est triste de l’y voir occupé à apaiser les remords d’un parricide. » C’est ce que fit Burrhus, et ce que Sénèque ne fit point. […] La bassesse gagne jusqu’aux philosophes : des hommes à longue barbe, d’une morale austère, d’un triste maintien, se montrent, sans pudeur, au milieu des fêtes licencieuses de la cour. […] Le tribun répond185 qu’il ne lui a remarqué aucun signe d’effroi, rien de triste sur le visage, rien d’altéré dans les paroles.
Il a, sur ce point, une phrase singulièrement triste et profonde. […] Aperçue sous cet angle de fatalisme absolu, la vie humaine n’est plus qu’une aventure triste et dangereuse, un effort inutile et condamné par avance. […] Il brise un mariage, depuis longtemps arrangé, de la manière la plus triste ; et ce mariage une fois rompu, il n’a pas la force de déterminer chez celle dont il s’est de nouveau épris un sentiment assez fort pour qu’elle lui consacre sa vie. […] Et si mon cerveau, trop sillonné par le mal, se refusait à comprendre, et, cette supposition est plus triste encore, si je méprisais la vérité par orgueil de malade, lui, sans méchantes paroles, modifierait son traitement. […] … Quel vilain mot déjà et quel triste réveil pour un homme qui vient de se griser d’idéal et d’absolu.
Et pour ce que l’occasion, le lieu, le temps et commodité me sont rudes par triste prison, vous plaira excuser le fruict qu’a meury mon esperit en ce pénible lieu… » Cette lettre, avec la pièce de vers qui l’accompagne, se trouve aux pages 42 et 43 de la présente édition ; mais, en la lisant au début, on comprend mieux comment François Ier devint décidément poëte ou rimeur, et comment l’ennui l’amena à développer sinon un talent, du moins une facilité qu’il n’avait guère eu le loisir d’exercer jusqu’alors. […] Au reste, ce n’est pas nous qui refuserons à François Ier des traits d’emprunt ou de rencontre, des saillies heureuses, des maximes galantes et un peu subtiles, quand il suffit d’un petit nombre de vers pour les exprimer ; il n’y a rien là qui excède la portée de talent qu’on est en droit d’attendre d’un prince spirituel et qui avait eu de tristes loisirs pour s’exercer.
Princesse tragique dès son berceau, elle fut triste jusqu’à la mort. […] — De tristes souvenirs qui nous reprochent notre vieillesse. — Non !
« Le temps destructeur t’avait couvert de ses ombres affreuses ; la triste vieillesse s’était appesantie sur toi, et voici que tu reparais à nos yeux avec un visage aimable et riant, le front ceint de fleurs odorantes ! […] Le ton de ces lettres est triste comme les événements de cette saison : « Les seules nouvelles que je puisse vous apprendre d’ici, écrit-il à cette dame, c’est que la pluie est si continuelle qu’il est impossible de quitter la maison, et l’on est forcé de renoncer aux exercices de la campagne, pour se livrer, dans l’appartement, à des jeux tout à fait puériles.
Phèdre a une poésie plus prestigieuse encore : on ne saurait citer tous les vers qui créent, autour de cette dure étude de passion, une sorte d’atmosphère fabuleuse, enveloppant Phèdre de tout un cortège de merveilleuses ou terribles légendes, et nous donnant la sensation puissante des temps mythologiques : Noble et brillant auteur d’une triste famille. […] Et, pour doubler l’audace de la peinture, imaginez que ce prophète découvre les crimes futurs de Joas, et risque de rendre odieux le personnage sympathique : faute insigne pour un dramaturge adroit, trait admirable de vérité profonde et de large poésie, qui jette soudainement une vive lumière sur la sinistre histoire de Juda, et sur le triste, le pauvre fond de notre humanité.
Cependant il passait ses vacances, et, lorsqu’il eût échappé aux collèges, il fit un long séjour au triste château de Combourg ; le paysage avec ses forêts, ses landes, ses marais, était âpre et désolé ; le château était une autre solitude, plus écrasante : le soir, après avoir couru dans la campagne sauvage, le chevalier écoutait passer les heures, dans la vaste salle à peine éclairée, que son père parcourait en silence d’un pas invariable : puis il allait coucher dans une tourelle isolée, tout seul, face à face avec les terreurs de la nuit. […] L’égoïsme sensitif est triste.
Cette prudence ne contentait pas le plus notable de ses éditeurs Étienne Dolet, homme ardent qui avait soif de la triste fin qui l’attendait. […] On a remarqué de tous les grands écrivains comiques, qu’ils ont eu l’humeur sérieuse triste et mélancolique.
On le voit aider des fruits de ses épargnes … La triste veuve à qui l’heur d’être mère Étoit sujet de plainte et surcroît de misère ; Racheter des, captifs ; doter la chasteté De la vierge nubile, à qui la pauvreté Refusoit un mari, fanissant en tristesse La misérable fleur de sa verte jeunesse. […] Cette gravité qui n’a rien de triste, cette majesté sans affectation, ce grand air que tempère la grâce, sont d’un poëte qui n’a prétendu régler que la méthode de communiquer nos pensées par le langage, mais qui ne s’arroge aucun droit sur la liberté de notre esprit.
D’été 1845 en été 1848, trois bien tristes années ! Plus tristes, peut-être, que les trois années à Paris.
Soutenant que son ami, malgré ses souffrances, est « un des êtres les plus vivaces qui existent » : « La ténuité de votre charpente, lui dit-il, la délicatesse de vos traits, et la douceur résignée et même un peu triste de votre physionomie, lorsqu’elle est calme et que votre tête ou votre âme ne sont point en mouvement, alarmeront et induiront toujours en erreur vos amis sur votre force. » Et il en conclut que chez lui, loin que ce soit la lame qui use le fourreau, c’est l’âme, le vis ignea qui entretient la machine : « Comment son feu intérieur ne le consume-t-il pas ? […] L’ardeur révolutionnaire de Chamfort ne s’arrêta pas même au 10 août : il écrivait deux jours après à un ami, en lui racontant qu’il était allé faire son pèlerinage à la place Vendôme, à la place des Victoires, à la place Louis-XV, qu’il avait fait le tour des statues renversées de Louis XV, de Louis XIV : Vous voyez, disait-il en finissant, que, sans être gai, je ne suis pas précisément triste.
* * * — Je suis triste, et j’entends sur le marbre de la servante du salon tomber, une à une, avec un bruit mou et floche — une chute à voix basse — les feuilles d’un gros bouquet de pivoines — et, au-dessus et au-dessous de ma chambre, des éclats de rire de femmes. […] À droite, des bouts de jardins avec des tonnelles à demi effondrées et de petites allées à cailloux jaunes, tristes comme des jardinets d’invalides.
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre… M’enveloppant alors de la colonne noire, J’ai marché devant vous, triste et seul dans ma gloire. […] Selon Vigny comme selon Pascal, la nature cache Dieu ; au lieu d’avoir cet aspect consolateur que Lamartine lui prête, elle est triste.
Inégal, en un mot, en plaisirs, en affaire, Tantôt gai, tantôt triste, un jour il désespère, Un autre jour il croit que la chose ira bien. […] Triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai.
Le héron, le héron mélancolique, triste, dégoûté, je dirai presque neurasthénique et ce ne serait pas trop dire c’est le solitaire qui se complaît trop dans la solitude et qui finit par y contracter les vices que la solitude engendre, à savoir la mélancolie perpétuelle, puis le dégoût de toutes choses, le dégoût des aliments délicats eux-mêmes, le dégoût des plaisirs les plus honnêtes. Le héron, qui est triste, en effet, et qui fréquente les endroits solitaires, me paraît tout à fait bien attrapé.
L’éperdument de tête est si grand de l’homme qui a pu écrire, par exemple, cette partie du livre intitulée : Les offices de la Nature, qu’il n’est évidemment plus capable de cette triste chose qu’on appelle la logique de l’erreur. […] Triste !
Ambitio major vita tristior , disait Cicéron, qui en a menti, tout Cicéron qu’il était, car la vie de Feuillet n’a pas été triste. […] La marquise de Talyas, furieuse de voir sa triste marionnette d’amant aller d’elle, qu’il aimait tout à l’heure, à la femme qu’il n’aimait pas, sans transition, sans hésitation, sans la conscience du plus petit reproche, — la marquise de Talyas, outrée d’une si odieuse, d’une si froide, d’une si infâme infidélité, est, par vengeance, sur le point d’avouer son coupable amour à son mari, et de lui livrer les lettres qui la déshonorent et qui lui feront tuer son amant, après qu’elle-même se sera tuée, — la marquise de Talyas, ce monstre athée, corrompu, silencieux, beau et énigmatique comme la Joconde, se métamorphose tout à coup, foudroyée par la vue du sang qu’elle a versé, et rend les lettres, qui devaient tout perdre, à la fiancée de son amant : « C’est mon cadeau de noces », lui dit-elle.
Entendons-nous bien : ce ne serait pas d’avoir eu dans sa longue vie quelques amis attachés et fidèles qu’on pourrait raisonnablement lui faire un crime : le triste et le fâcheux, ç’a été la succession et le renouvellement à l’infini, c’est la liste et la kyrielle.
Depuis qu’évincé de la politique au 2 décembre, sorti pauvre des affaires industrielles où il s’était engagé, atteint de plus de la plus triste des infirmités qu’il tâcha longtemps de se dissimuler à lui-même, M. d’Alton-Shée s’est tourné vers les lettres et s’est mis à écrire, il avait d’abord pensé au théâtre.
Madame de Staël, dès 1796, avait un sentiment profond et consolant de l’humanité libre, de la société régénérée ; elle était poussée vers l’avenir par une sorte d’aspiration vague et confuse, mais puissante ; elle gardait du passé un souvenir triste et intelligent ; mais elle se sentait la force de s’en détacher et de lui dire adieu pour se confier au courant des choses et au mouvement du progrès, sous l’œil de la Providence.
Mais il s’arrête longtemps à ce qui précède l’accès : il nous fait revoir dans la rêverie du roi toutes les déceptions de son triste règne, les désillusions de son simple cœur ; ce sont les antécédents moraux de la folie ; il remet à deux fois sous nos yeux la température torride, les sables ardents, l’atmosphère étouffante, il note l’étrange apparition, quelque insensé sans doute : ce sont les antécédents physiques.
Sa tête, presque toujours inclinée en avant, a en général une expression triste, que parfois éclaire et déchire, en dépit de tout, le confiant sourire de la jeunesse, et, pour dernier trait, j’ajouterais, si ce n’était abuser même des privilèges excessifs de l’hypothèse, qu’en le regardant silencieux, je songe irrésistiblement aux quatrains adressés en 1829 à Ulric G.
Mais encore y inclura-t-il tout ce qu’il y veut mettre, et les petites phrases n’y parviendraient pas, qui disloquent les rapports que la période souligne : « … Car c’est moins le temps qui use nos sentiments que le crédit qu’on leur accorde et, si les raisons d’aimer sont en nous-mêmes, c’est d’autrui d’où proviennent d’ordinaire celles qui font que nous n’aimons plus. » M. de Régnier est triste, et la mélancolie des Contes qu’il s’est faits à soi-même nuira à leur succès.
Supprimer les Salons, les négliger, les faire tomber en désuétude, c’est mettre les peintres dans la triste position sociale des musiciens. « Se faire connaître », on sait, pour un musicien, c’est exactement impossible, sauf fortune ou bonne fortune.
Le sentiment âpre et triste de dégoût pour le monde, d’abnégation outrée, qui caractérise la perfection chrétienne, eut pour fondateur, non le fin et joyeux moraliste des premiers jours, mais le géant sombre qu’une sorte de pressentiment grandiose jetait de plus en plus hors de l’humanité.
« Sans une certaine mesure dans l’humeur, les assemblées seraient trop tristes ou trop gaillardes ; ce seraient des convois funèbres ou des spectacles licencieux.
On seroit aussi ridicule aux Indes en soutenant que le noir est une couleur gaïe, qu’on le seroit à Paris en soutenant que le verd-clair et la couleur de chair sont des couleurs tristes.
Au reste, la liberté de penser a été réclamée souvent par les peuples : c’est le désir de l’obtenir qui donna une si triste énergie à la révolution d’Angleterre.
Heureusement pour Rivarol, le mot que cite Quitard ne prouve qu’une chose, assez triste du reste : c’est que le talent le plus héroïquement et le plus fièrement spirituel put se laisser enfiler par une idée vulgaire, comme un grand homme par un goujat ; mais il ne détruit nullement cette certitude : que ce qu’on appelle le bon sens des peuples et des siècles, c’est l’intelligence des grands hommes — ignorés ou connus — qui ont fait tradition et rencontré leur écho.
Je puis trouver plus ou moins drôle… ou triste — et le garder pour moi — qu’un esprit, qui paraissait en bonne santé, en soit venu à ce point d’agacement et de révolte contre la réalité qu’il s’imagine que chaque semaine de ce temps, si peu exigeant et si tranquille !
Car ce fut inutile, et c’est l’inutilité de ce dévouement dont ce livre est la triste histoire désespérée.
D’abord la grande société monarchique du temps de Louis XIV est finie, et par le fait fatal et triste de cette âpre curiosité qu’on a pour les choses qu’il est impossible de revoir, et aussi par le fait du contraste de nos mœurs avec ces mœurs évanouies, nous nous attacherons pendant longtemps encore à remuer cette poussière et à lui demander ce qu’elle fut du temps qu’elle vivait.
C’est une chrétienne comme on ne peut se dispenser de l’être quand on est femme et à une certaine hauteur de société, mais c’est une chrétienne au type effacé, et nous savons bien pourquoi : elle ressemble à la tête d’où elle est sortie ; elle fait partie de cette triste majorité de chrétiens involontaires que nous sommes tous, malgré nos systèmes, nos passions, nos sottises et nos vices.
Nous l’avons cru et nous avons vécu dans l’émotion commune ; nous avons épousé l’intérêt triste et cruel de cette page d’Histoire, désespérée.
Quoique ardente d’amitié, elle sent jusque sur le cœur de ses amis cette misère… Elle pèse sur eux ; ils pèsent sur elle… Et sa gaieté mêlée à cette tristesse devient plus triste que la tristesse la plus désolée.
Elles sont, en effet, le contraire de ce qu’on attendait, ces pitoyables et tristes lettres… et personne n’aura d’admiration à leur service, personne excepté MM. de Goncourt, qui phrasent de ces marivaudages sur elles : « Ces lettres de Sophie avec leur tour, leur franchise et leur premier coup, leur agrément libre et poissard, leurs larmes de si belle humeur, leur philosophie en chansons, leur coquetterie à la diable, leur esprit au petit bonheur, leurs charmes à l’aventure, leurs grâces salées… peuvent être le mets des plus délicats. » Ah !
Paul Viollet, qui ne veut pas que cette ravissante Louise de Condé ait aimé au-dessous d’elle, comme si ce n’était pas la triste histoire de tous ceux qui ont immensément aimé, M.
Nous l’avons cru et nous avons vécu dans l’émotion commune ; nous avons épousé l’intérêt triste et cruel de cette page d’histoire, désespérée !
En proie aux titubations modernes, la plus triste maladie de ce temps, il n’aurait pas osé prendre sur la responsabilité de sa pensée d’affirmer qu’il y a des hiérarchies politiques et des hiérarchies de nations !
Virgile est depuis deux mille ans sur son socle, couronné de laurier par la sculpture de tous les temps qui ont suivi le sien, et Lamartine n’est que d’hier, et moi, qui écris ce chapitre, je l’ai vu dans le prosaïsme de nos plates mœurs et de nos tristes costumes, avec le chapeau blanc de Louis-Philippe et des épiciers endimanchés sur sa noble tête… Rapprochement de plus d’influence qu’on ne croit sur l’imagination déconcertée et qui compare deux poètes immortels !
L’amour-propre de l’homme a voulu tenir un engagement de jeunesse, et de toutes les conditions qui puissent être faites à l’inspiration, je n’en connais pas de plus triste.
Pour l’auteur de ces tristes Mémoires, le but évident, le but pourpensé et réfléchi de son livre, c’est ce coup de Jarnac du pamphlet, mais le roman y est aussi.
Il y a plus triste que le talent foudroyé, c’est le talent qui se fourvoie, et qui meurt de s’être fourvoyé.
Le texte de l’orateur semblait être une prédiction de l’événement, et il exprimait le triste spectacle qu’on avait sous les yeux, du père, de la mère et de l’enfant, frappés et ensevelis tous trois ensemble74.
» « Tout cela, dit Athénée, qui nous a conservé ces tristes vers, était chanté par les vainqueurs de Marathon, non pas seulement en public, mais dans les familles, par ceux qui jadis avaient puni de mort le prosternement d’adoration devant le roi de Perse, et tué des myriades de barbares. » 138.
Aujourd’hui la lutte est partout, et aussi le sérieux triste. […] « Quand les révolutions penchent vers leur déclin, c’est un triste ? […] Il a vu le triste « galant » flétri, gâté, balbutiant des phrases embrouillées, signant sans lire l’ordre de détruire les Vaudois, pendant que Diane de Poitiers et le dauphin jouent au roi de son vivant. […] Qui ne voit, sous cette main magique, l’automne des montagnes, les noires profondeurs des gorges où rampent des nuages, les crêtes arides qui s’éclairent à l’aurore d’un triste sourire glacé ? […] J’ai encore une autre excuse : ce monde moderne est fort triste, parce qu’il est fort civilisé.
Ce jeune et sérieux visage, d’une régularité parfaite, olivâtre de peau, doré de légers tons d’ambre comme une peinture de maître qui s’agatise, était illuminé de grands yeux, brillants et tristes, des yeux d’Abencérage pensant à Grenade. […] Espérons que les nombreux admirateurs du poète s’empresseront à cette triste vente qu’ils auraient dû empêcher, en achetant par souscription le mobilier et la maison qui le renferme, pour les rendre plus tard à leur maître ou à la France s’il ne doit pas revenir. […] Une fois que nous avions le cœur triste pour quelque absence, il vint demeurer de lui-même quinze jours avec nous, ne sortant pas, prenant tous ses repas à notre heure, et nous faisant bonne et fidèle compagnie. […] Mais elle a l’éclat d’une muraille peinte en rouge antique, à côté des grisailles si tristes et si froides à l’œil des pièces grecques ou romaines qu’on jouait auparavant. […] Sa foi ne reçut aucune atteinte, et, même aux plus tristes jours, malgré l’indifférence, malgré la raillerie, malgré la pauvreté, jamais ridée ne lui vint d’acheter la vogue par une mélodie vulgaire, par un pont-neuf rythmé comme une contredanse.
Son triste héros est un jaloux complet. […] Ils se rêvent rois et se réveillent pasteurs de quels tristes troupeaux. […] Il en est d’autres, les tristes privilégiés, auxquels elle paraît étroite, intolérable et dure, et qui se brisent la tête contre les barreaux, après des piétinements furieux. […] Sombre, désolé retour aussi triste que l’exil même. […] Que ces jeunes paroles sont nobles et justes, que ces jeunes réflexions cristallisent de graves axiomes dans les tristes songeries qui sont les jeux des enfants pauvres !
Ces inégalités peignent bien le Germain solitaire, énergique, imaginatif, amateur de contrastes violents, fondé sur la réflexion personnelle et triste, avec des retours imprévus de l’instinct physique, si différent des races latines et classiques, races d’orateurs ou d’artistes, où l’on n’écrit qu’en vue du public, où l’on ne goûte que des idées suivies, où l’on n’est heureux que par le spectacle des formes harmonieuses, où l’imagination est réglée, où la volupté semble naturelle. […] On ne peut souffrir un homme qui divague, se répète, revient sur les bizarreries et les exagérations qu’il a déjà osées, s’en fait un jargon, déclame, s’exclame, et prend à tâche, comme un mauvais comédien ampoulé, de nous faire mal aux nerfs. — Enfin, quand ce genre d’esprit rencontre dans une âme orgueilleuse des habitudes de prêcheur triste, il produit les mauvaises manières. […] Si vous avez le tempérament triste, vous le cherchez, comme les sectaires, douloureusement, parmi les prosternements et les angoisses. […] Nous considérions ces puritains comme des fous tristes, cerveaux étroits et à scrupules. […] Si l’enthousiasme est beau, les suites et les origines en sont tristes ; il n’est qu’une crise, et la santé vaut mieux.
Et nous serions pareils à ces tristes vieillards, qui après avoir épuisé toutes les sensations, toutes les pratiques et tous les vices, tombent en enfance, et, comme de petites filles, s’amusent à la poupée. […] Il les a regardés avec une sorte de tendresse mêlée d’une pitié vague, avec ce genre d’émotion triste et résignée qu’exprima dans des toiles mémorables le peintre François Millet. […] Et les larges seins roses de cette paysanne, courbée aux durs travaux, peut-être sont-ils gonflés du sang des doux martyrs et des tristes apôtres ! […] C’était donc une bien triste et misérable dépouille que reconduisait l’autre jour, au petit cimetière de Valvins, un groupe restreint et fidèle d’amis. […] Il n’aura été que le poète d’un moment de décadence et de lassitude, que le triste héraut d’une génération dégénérée.
Mais en même temps, nous dit-on, cet homme triste, ce songeur boréal, fait profession de regretter l’antique conception naturaliste de la vie humaine. […] C’est une destinée humble et triste que la sienne. […] Il redeviendra bon sous le regard miséricordieux et triste de Christiane. […] Elle a avec Piétrequin un entretien raisonnable et froid, — et triste ! mais triste !
Nous le voyons, ce François-René, croître et se former dans le milieu le plus sauvage, mais le plus inspirateur, en pleine Bretagne, devant la poésie puissante et profonde d’un ciel souvent triste et d’une mer fréquemment désolée. […] Seul, pauvre et triste, Chateaubriand n’eut d’autre refuge que le travail acharné. […] Il fut longtemps pauvre et d’une santé languissante, triste de son désœuvrement involontaire. […] Il est triste d’avoir à constater que l’œuvre poétique d’Alfred de Vigny ne serait peut-être pas sortie de l’ombre sans le succès retentissant d’un roman bien inférieur à ces poésies dédaignées. […] Il dénonçait cette tactique d’historiens complaisants qui, depuis 1812, avaient conspiré sans cesse à réhabiliter les plus tristes souvenirs du moyen âge ou de l’ancien régime.