/ 2260
818. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Avec quel serrement de cœur il dut voir qu’une correspondance obligée de plus de 2 000 lettres par an ne lui laissait plus le temps de se livrer à son travail particulier ! […] Il s’agit de porter l’ordre et la lumière dans l’immense richesse des matériaux qui s’offrent à la pensée, sans ôter aux tableaux de la nature le souffle qui les vivifie ; car, si l’on se bornait à donner des résultats généraux, on risquerait d’être aussi aride, aussi monotone qu’on le serait par l’exposé d’une trop grande multitude de faits particuliers. […] Tout ce qui tient au détail des observations des faits particuliers, et aux souvenirs de l’antiquité classique, source éternelle d’instruction et de vie, est concentré dans des notes placées à la fin de chaque volume. […] « Les moyens propres à répandre l’étude de la nature consistent, comme nous l’avons dit déjà, dans trois formes particulières sous lesquelles se manifestent la pensée et l’imagination créatrice de l’homme : la description animée des scènes et des productions de la nature ; la peinture de paysage, du moment où elle a commencé à saisir la physionomie des végétaux, leur sauvage abondance, et le caractère individuel du sol qui les produit ; la culture plus répandue des plantes tropicales et les collections d’espèces exotiques dans les jardins et dans les serres.

819. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il l’a définie excellemment quand, justifiant un mot de l’Ecole des Femmes, il disait : « L’auteur n’a pas mis cela pour être de soi un bon mot, mais seulement pour une chose qui caractérise l’homme », l’homme qui parle, bien entendu, dans son humeur particulière. […] Pareillement, la comédie de mœurs et la comédie de caractères se pénètrent : la satire la plus particulière est toujours un trait d’humanité ; Molière s’est défendu énergiquement de faire des personnalités : et ce qu’on en a trouvé chez lui, atteste seulement la vérité précise des types. […] Par contre, il n’y a pas de comédie de caractères qui le soit purement, qui exprime les caractères généraux sans les formes particulières des ridicules contemporains : voyez les Femmes savantes, le Misanthrope, Tartufe. […] Il n’y a de peinture des mœurs, dans tout cela, que pour les travers les plus particuliers de certaines professions, ou classes, qui sont les plus faciles à charger : médecins, gentilshommes campagnards, fanfarons de Gascogne.

820. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

La modernité, c’est d’abord, si l’on veut, dans l’ensemble et dans le détail de la vie extérieure, le genre de pittoresque qui est particulier à notre temps. […] Il y a là (et ces débauches sont fréquentes chez MM. de Goncourt et constituent presque leur ordinaire) l’ivresse d’une rhétorique particulière, un soûlerie de mots, une orgie de virtuosité. […] Ce n’est plus la « douce terreur » et la « pitié charmante » dont parlait Boileau : c’est quelque chose de plus désolé et de plus poignant ; c’est ce que je voudrais appeler une émotion pessimiste, une compassion qui, par-delà les souffrances particulières, va à la grande misère humaine, une sensation des fatalités cruelles. […] Ce goût malsain s’explique si l’on considère que ce qui nous attache à un grand artiste, c’est ce qu’il a de particulier, ce sont ses qualités propres et vraiment originales, c’est-à-dire précisément celles qui, développées à outrance et sans contrepoids, deviendront des défauts aux yeux des critiques non prévenus et des esprits amis de la mesure ; mais les initiés ne s’en apercevront point, ou bien, comme ces défauts ne font qu’accentuer la marque personnelle par où ils ont été séduits, s’ils les sentent, ils les aimeront comme des qualités de plus en plus singulières.

821. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Depuis cinquante ans que la philosophie du Dix-Huitième Siècle a porté dans toutes les âmes le doute sur toutes les questions de la religion, de la morale et de la politique, et a ainsi donné naissance à la poésie mélancolique de notre siècle, deux ou trois génies poétiques tout à fait hors de ligne apparaissent dans chacune des deux grandes régions qui composent l’Europe, c’est-à-dire l’Angleterre et l’Allemagne, qui représentent tout le nord, et la France qui représente toute la partie sud-occidentale, le domaine particulier de l’ancienne civilisation romaine. […] Byron, par la nature particulière de son génie, par l’influence immense qu’il a exercée, par la franchise avec laquelle il a accepté ce rôle de doute et d’ironie, d’enthousiasme et de spleen, d’espoir sans borne et de désolation, réservé à la poésie de notre époque, méritera peut-être de la postérité de donner son nom à cette période de l’art : en tout cas, ses contemporains ont déjà commencé à lui rendre cet hommage. […] Il est évident, en effet, que celui qui contemple toujours la vie universelle symbolisera ses idées et les rythmes tout autrement que celui qui contemple la vie dans ses formes particulières. […] Ainsi ils arrivent tous deux au même vide et au même néant, par des routes diverses : : l’un par la contemplation de la vie universelle, l’autre par la contemplation de la vie dans ses formes particulières : l’un ne voyant que la vie générale, l’infini, l’absolu, l’éternel, Dieu enfin, sans l’Humanité, et en Dieu même une œuvre de génération et de destruction perpétuelle, sans but et sans résultat ; l’autre ne voyant que des êtres jetés dans l’espace et le temps, sans lien, l’Humanité sans Dieu, et dans l’Humanité même des forces isolées, des phénomènes transitoires, des générations sans succession, des hommes enfin sans vie humanitaire, une Humanité sans but et sans résultat.

822. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Le résultat final dépend d’abord de la nature des variations et des avantages qu’elles peuvent offrir aux individus chez lesquels elles se produisent sous leurs conditions de vie particulières, ensuite de la plus ou moins grande faculté de croisement, de la raison progressive de multiplication, du changement lent des conditions physiques de la contrée, et surtout des nombres proportionnels et de la nature des autres habitants de cette même contrée avec lesquels l’espèce variable entre en concurrence. […] Du reste, que les espèces ainsi supplantées par d’autres, mieux adaptées aux conditions locales, appartiennent à la même classe ou à des classes distinctes, néanmoins il se peut toujours que quelques-uns des vaincus survivent et se perpétuent longtemps, grâce à des habitudes particulières, ou grâce à ce qu’ils habitent quelque contrée distante et isolée où ils ont échappé à la concurrence de leurs ennemis. […] Mais il faut aussi faire une part à l’entière extinction de quelques-unes des formes antérieures, et dans chaque région particulière à l’immigration de nouvelles formes venues d’autres régions. […] On pourrait encore citer beaucoup d’autres cas particuliers, tels que le rapport observé entre les coquilles terrestres éteintes et vivantes de Madère et entre les coquilles éteintes et vivantes des eaux saumâtres de la mer Aralo-Caspienne.

823. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Si des sciences particulières la pensée s’élève à la spéculation générale qui embrasse tout l’ensemble des connaissances humaines et tout le système de la réalité universelle, on est bien plus frappé encore du caractère de nécessité logique ou métaphysique que présente l’enchaînement des idées, des principes et des conclusions dont se compose chacune de ces grandes et vastes synthèses. […] Vulpian et Lhuys, embrassé dans une doctrine générale l’ensemble des phénomènes de la vie psychique ; mais presque tous, même les moins disposés en faveur des idées matérialistes, appliquent ce que nous appelons la méthode physiologique aux diverses questions de psychologie particulière, comme le libre arbitre, la moralité, la folie, le génie, l’éducation. […] Littré conserve le mot de moralité, comme il conserve le mot d’éducation, mais en leur assignant un sens tout particulier. […] Beaucoup ont leur définition particulière du vice et du crime qui n’a rien de commun avec celle des moralistes et des magistrats ; ils font de l’homme vicieux ou criminel un malade qu’il s’agit non de punir, mais de guérir, et auquel il y a lieu d’appliquer tout un système de thérapeutique physique et morale.

824. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Lorry qui l’accusaient de trop efféminer la science et d’amollir le caractère de la profession en vue du succès : Mais s’il ne devait cet accueil, remarquait-il, qu’aux impressions d’une âme douce et compatissante, à cette pénétration, à cette sagacité particulières qui font deviner aux uns ce que les autres n’apprennent que par de longs discours, à cet art d’interroger la nature sans soulever le voile de la décence et sans alarmer la pudeur, combien ces considérations ajouteraient à notre estime pour M.  […] Je n’ai point parlé de lui comme savant, comme anatomiste ; ceux qui sont compétents en ces matières lui accordent de l’étendue, des vues comparatives, et une faculté de généralisation qui ne nuisait nullement chez lui à l’examen du détail et à ses travaux particuliers comme observateur.

825. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il raconte une action particulière ou faction (c’est son terme habituel pour un fait d’armes) où il se distingua et rendit un service signalé à toute l’armée : sa réputation était dès lors établie auprès des chefs qui le voyaient de près. […] Il sied mal de dérober l’honneur d’autrui ; il n’y a rien qui décourage tant un bon cœur. » Dans les diverses guerres auxquelles il prend part et qu’il nous décrira, il est de certains faits qu’il aura ainsi trop de curiosité et de plaisir à raconter, à déduire au long et par le menu, pour qu’on n’y voie point se déceler et se déclarer le genre de talent militaire particulier et propre à Montluc : c’est ordinairement dans ce qu’il appelle une faction ou fait d’armes à part, dans un coup de main, un stratagème bien ourdi, une escarmouche bien menée, une attaque de place réputée imprenable, ou une défense déplacé réputée intenable, quelque entreprise soudaine et difficile, une expédition en un mot qui fasse un tout, à laquelle il commande, sans qu’il soit besoin d’avoir sous sa main autre chose qu’une élite, c’est là qu’il se complaît et où il excelle.

826. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

J’allais (tant l’art de l’arrangeur est parfait, et tant il a mis d’attention à se dérober), — j’allais oublier d’avertir que le tout est lié par un récit biographique rapide, par des transitions indispensables, par des fils adroits et légers ; que toutes les explications nécessaires au lecteur lui sont agréablement et brièvement données, qu’elles viennent à propos au devant de lui ; que tous les petits faits, toutes les anecdotes qui se rattachent au cercle de Mme Récamier, celles qu’elle aimait à raconter elle-même, nous sont rendues avec ce tour net et dans cette nuance qui était le ton particulier de son salon ; qu’une fine critique, toujours convenable, corrige et relève, par-ci par-là, le trop de douceur dans les portraits. […] Ballanche, y disait-on, est l’homme le plus avancé de l’Abbaye-au-Bois. » Il n’en doutait pas lui-même, et se considérait comme ayant sa destinée particulière et grandiose, toute une mission d’initiateur à remplir.

827. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Cela est très-délicat et demanderait à être éclairci par des noms propres, par quantité de faits particuliers ; j’en indiquerai quelques-uns. […] À propos d’une de ces associations dont faisait partie Thomas Moore dans sa jeunesse, à l’université de Dublin, un critique judicieux a dit : « Toutes les fois qu’une association de jeunes gens est animée d’un généreux souffle et se sent appelée aux grandes vocations, c’est par des associations particulières qu’elle s’excite et se féconde.

828. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Habitant à côté des prêtres eunuques consacrés à la déesse et qu’elle convoque souvent dans sa maison, Salammbô s’est tenue isolée et s’est fait un asile tout particulier de rêverie, d’innocence et de mysticisme. […] Il renouvelle à son tour ce grand effort, dans des conditions particulières, bien moins avantageuses à ne considérer que les sources, la matière et l’intérêt, et cependant avec une intention et une prétention plus marquée, plus formelle, de tout restaurer du passé.

829. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Cervantes y devint l’un des principaux commis du chef des approvisionnements ou du munitionnaire général pour les armées et flottes des Indes, et, cet emploi cessant, il fut ensuite une espèce d’homme d’affaires qui se chargeait d’administrer des biens, de faire des recouvrements pour des municipalités ou pour des particuliers. […] On suppose avec vraisemblance que c’est dans ces années de séjour à Séville qu’il commença à écrire quelques-unes de ses Nouvelles publiées bien plus tard (1613), et où il devait montrer un talent particulier et tout nouveau, vérité d’observation, vivacité de descriptions, esprit, grâce, et une richesse native d’idiome qui n’a pas été égalée.

830. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il me semble que quand on sait quelque chose de particulier et d’un peu nouveau sur Racine, on n’est pas libre de le garder pour soi et qu’on le doit à tous. […] Vuillart est d’autant plus à écouter en cette occasion, que ce fut lui qui ménagea le parti le plus sortable à la fille de son illustre ami : « Mais voici, dit-il (31 décembre 1698), une nouvelle particulière qui va vous faire un vrai plaisir : c’est le mariage de Mlle Racine avec le fils du bonhomme99 M. de Moramber.

831. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Dans tout ce qu’on vient de lire sur  Sénancour, il y a l’étude du génie de l’homme, de son talent d’écrivain, et presque rien sur les faits particuliers de sa vie. […] « Il ne faut pas dire : « Il n’y a pas eu d’hommes d’État dans tel pays, car s’il s’y en était trouvé, ils se seraient élevés comme Cromwell, lequel a prouvé, ainsi que d’autres, qu’il n’était pas nécessaire d’être né sur le trône. » Cela n’était pas nécessaire pour lui, mais l’était pour d’autres qui, moins en état de s’élever comme lui, ou plus scrupuleux sur le choix des moyens, sont restés simples particuliers.

832. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Cette renommée particulière du poëte a comme insensiblement transpiré. […] Dans le rhythme, il a introduit une forme de tercet, à lui particulière, afin qu’il y eût, jusqu’au courant du flot, une réverbération et un reflet du chiffre mystérieux.

833. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il ne fallait pas moins que les circonstances particulières à l’ancienne France, et dans la France, à Paris, pour atteindre à ce charme de grâce et de gaieté qui caractérisait quelques écrivains avant la révolution. […] Ne vous permettez jamais une action que la morale puisse réprouver ; n’écoutez point ce que vous diront quelques raisonneurs misérables sur la différence qu’on doit établir entre la morale des particuliers et celle des hommes publics.

834. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

J’ai vu dix fois, à la fondation d’un journal, dans le brouhaha de la première réunion de ceux qui « en seront », le futur secrétaire de rédaction se tourner vers un ami quelconque et dire, du ton désinvolte particulier à la profession : « Dis donc, un tel, tu veux faire les livres ?  […] Brunetière est un critique, comme il y en a eu beaucoup, et il n’a rien de particulier.

835. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Mais elles reparaissent avec un accent plus personnel en des vers comme ceux-ci : Ils sont passés en riant près de moi, Au chemin creux du val, Des rubans flottants jaunes et roses Et deux sur chaque cheval… ou bien c’est une page tout entière d’un coloris vénitien très particulier ; bien différente des œuvres de MM.  […] Mais le geste particulier, le mouvement qui indique l’état d’âme d’un instant laissent croire qu’une action nouvelle suivra l’instant d’après, avec son geste et son mouvement nouveaux ; il y a en eux de l’inachevé et lorsqu’ils se montrent dans la sculpture surtout, ils contredisent l’essence de cet art en un rythme qui suppose le temps11.

836. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Depuis ce temps-là jusqu’à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière ; le monde, qui le sut prétendait qu’Arlequin le dressait aux mimes, et qu’il était plus savant que le magistrat ; mais que celui-ci était aussi bien meilleur comédien que Dominique. » Dominique modifia très sensiblement le caractère d’Arlequin. […] Allez vous promener. » Dans Le Médecin volant, le capitan vient consulter Arlequin qui fait le médecin, et lui demande un remède pour le mal de dents : « Prenez une pomme, répond Arlequin, coupez-la en quatre parties égales : mettez un des quartiers dans votre bouche, et ensuite tenez-vous ainsi la tête dans un four, jusqu’à ce que la pomme soit cuite, et je réponds que votre mal de dents se trouvera guéri. » Voilà qui prouve bien ce que dit un de ses panégyristes : « qu’il avait plusieurs connaissances particulières des secrets de la nature52 ».

837. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Mais, pour être littéraire} il faut qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, provoque ce genre de plaisir particulier qu’on a nommé le plaisir esthétique ; il faut qu’elle éveille, de façon forte ou légère, un sentiment qui a mille formes et mille degrés, le sentiment du beau. […] Je veux dire que tel écrivain aimera à considérer le détail, à étudier les infiniment petits, à décrire avec un soin minutieux un coin de nature ou une particularité de caractère, à débattre une question microscopique, à couper, suivant l’expression consacrée, un cheveu en quatre ; que tel autre, au contraire, se plaira aux grandes généralisations hâtives, aux considérations philosophiques hasardeuses, aux vastes systèmes embrassant l’univers ; qu’un troisième, réunissant les qualités de l’un et de l’autre, essaiera de concilier l’exactitude et la précision dans les moindres choses avec les vues d’ensemble suggérées par l’étude des faits particuliers.

838. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il écrit du philosophe : « La danse est son idéal, son art particulier, et finalement aussi sa seule piété, son culte »… Son Zarathoustra « ne s’avance-t-il pas comme un danseur » ? […] Arréat refuse de le suivre « dans cette région philosophique, où les sciences particulières trouvent leurs points de rencontre, où les définitions deviennent explicatives, quoique avec un inégal succès, et plus larges aussi que les événements positifs qui ont servi à les construire ».

839. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Ces sortes d’ouvrages qu’une génération accueille à leur naissance, qu’on peut lire à deux, et avec lesquels, pour ainsi dire, on aime, sont très délicats à analyser ; il semble que le critique, en venant y relever ce qui le choque et ce qui détonne, s’immisce plus ou moins dans des sentiments particuliers et chers, et qu’il fasse le rôle d’un trouble-fête. […] Du moment que la pensée est obligée de s’arrêter sur des circonstances particulières aussi désagréables, on a droit de s’étonner lorsqu’on entend tout à coup cette femme matérialiste déclamer contre l’abjecte nature des sensations, et faire appel à une pureté surnaturelle : « … Vous trouveriez ce que vous appelez un bonheur, dit-elle à son amant ; mais ce bonheur serait une faute pour vous !

840. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

La bienveillance, mais une bienveillance sentie et nuancée, je ne sais quoi de particulier qui s’adressait à chacun, mettait aussitôt à l’aise, et tempérait le premier effet de l’initiation dans ce qui semblait tant soit peu un sanctuaire. […] C’était le caractère de cette âme si multipliée de Mme Récamier d’être à la fois universelle et très particulière, de ne rien exclure, que dis-je ?

841. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Et cette direction prenait un caractère d’éloquence persuasive et de grâce qui se répandait à distance, en raison d’une faculté particulière de diction qui était en lui. […] En métaphysique, Anselme se flattait d’avoir fait une découverte, d’avoir inventé un argument tout particulier pour démontrer l’existence de Dieu.

842. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Simple particulier, perdu dans la foule où je me suis fait une véritable solitude, je ne puis, pour justifier mes raisonnements et mes assertions, m’entourer du cortège imposant des faits et des témoignages. […] Chaque siècle a sa physionomie particulière, son caractère distinctif, son génie propre.

843. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Remarquons toutefois que cette littérature nouvelle doit avoir pour caractère particulier d’être européenne, en même temps qu’elle sera tout à fait française ; car la France ne peut qu’être à la tête des destinées de l’Europe. […] L’exemple que l’illustre auteur des Martyrs a donné, en prenant un simple particulier pour héros d’une épopée, est un grand fait littéraire.

844. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Ainsi sa vanité qui faisait roue de paon éternelle avec tout, même avec ce qu’elle eût dû cacher, lui dicta son roman intitulé Lui comme sa haine révolutionnaire lui fit écrire ses deux romans, les Derniers Marquis et les Derniers Abbés, et son livre qui veut être de l’histoire et qui n’est que du pamphlet, l’Italie des Italiens… Seulement, chose très particulière ! […] Son livre de l’Italie des Italiens n’est en somme, politiquement et historiquement, que l’opinion révolutionnaire, la passion révolutionnaire, la déclamation révolutionnaire augmentée de la déclamation particulière à cette Enflée qui se croyait grandiose, et qui se boursoufle pendant quatre volumes d’une prose ressemblant à de mauvais vers et de vers ressemblant à de la mauvaise prose.

845. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Est-ce dans la Rome impériale, au moment où toutes les races de l’antiquité se mêlaient, que vous irez chercher la preuve que l’idée de l’égalité résulte d’une disposition anatomique particulière ? […] N’allons pas jusqu’à ces affirmations mystiques : « C’est la société qui pense dans l’individu. » Seul l’individu pense, seules les consciences particulières ont l’unité, condition de ces synthèses qui sont les idées.

846. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

On se souvient de l’admirable étude de Théophile Gautier qui précède l’édition des Fleurs du Mal et où Gautier développe la beauté particulière et chatoyante du style aux époques de décadence. […] C’est donc une des plus belles périodes du développement de l’initiative particulière échouant toute, c’est un des plus beaux temps de détraquement général, constitué par tous ces échecs particuliers ; et ceci légitime dans la tentative de M.  […] Mais n’est-ce point choisir, pour chanter la province natale, le, moment où elle va cesser d’être particulière et tranchée, de par les communications nombreuses, et la centralisation des intelligences à Paris. […] La sélection était juste, significative ; elle eût été complète si Verlaine eût goûté à sa valeur la saveur des vers de Charles Cros et le particulier de sa vie. […] avec autant de nuances que vous voudrez, selon le goût particulier que vous portez non à tel écrivain, mais à telle théorie, plus ou moins brillante.

847. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Cette tristesse particulière qui ressort de vos pages et où je reconnais le dernier symptôme d’une génération malade, dont les aînés nous sont très connus, est aussi ce qui vous sera compté.

848. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Une circonstance toute particulière nous rapprocha : je fus mis en répétition, moi troisième, chez le bon abbé Jouffroy.

849. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Au reste tous les exilés en sont là, et, dès qu’on émigre, on ne voit plus les choses du dedans qu’avec une lorgnette toute particulière.

850. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Son livre de poésie, qui le classe véritablement, La Comédie de la Mort, s’intitule ainsi, non-seulement à cause de la première pièce qui porte ce titre particulier, mais aussi, sans doute, à cause d’une impression générale de mort qui réside au fond de la pensée du poète, qui ne le quitte pas même aux plus gais moments, et qui ne fait alors que le convier à une jouissance plus vive de cette terre et de ses couleurs.

851. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

. — Le Roi a reçu hier, en audience particulière, M. 

852. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Vous êtes poète, j’ai voulu surtout marquer votre place, à ce titre, dans la grande littérature, honorer en vous cette constance qui vous porte à chercher les succès difficiles, et vous inviter à marcher résolument dans ce véritable domaine de l’art, que les auteurs comme le public semblent tentés d’abandonner : non que je porte à la comédie en vers une préférence académique et que je lui croie plus de dignité qu’à la comédie en prose ; une grande comédie en prose est assurément une œuvre très littéraire, surtout si elle est l’œuvre d’un seul auteur ; mais la comédie en vers a cet avantage d’une langue particulière qui parle à la mémoire, et d’un art choisi, précis, délicat, et d’autant plus difficile que les esprits auxquels il s’adresse sont plus cultivés.

853. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Tous aussi avaient besoin l’un de l’autre, et pour se soutenir contre les malveillances particulières, et pour se fortifier réciproquement dans la bienveillance royale.

854. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Dorat n’eût du mérite & du talent : ses Pieces fugitives ont un ton & une physionomie qui lui sont particuliers & le distinguent honorablement de la foule des Poëtes de nos jours.

855. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Mais, abusant de la liberté que sa position lui donnoit de se plaindre, & n’écoutant que son amour propre irrité, on l’a vu se venger du crime de quelques particuliers, & envelopper, dans son ressentiment, des hommes dignes de son respect.

856. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

En faisant abstraction du génie particulier des deux poètes, et ne comparant qu’homme à homme, il nous semble que les personnages de la Jérusalem sont supérieurs à ceux de l’Iliade.

857. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Ce long enchaînement des causes particulières qui font et défont les Empires, dépend des ordres secrets de la divine Providence.

858. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Avec tout ce que nous savions de l’auteur, nous pouvions craindre que ces livres, d’une spécialité si restreinte et d’une technologie presque savante, pensés par un talent très fin, très particulier, très genuine, — comme ils disent si bien en Angleterre, — lequel ajoutait son originalité native à tous les schibboleth d’une société très élevée qui a aussi son genre de langage, ne franchît pas les limites de cette société et y concentrât son succès.

859. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Seule, la connaissance des lois particulières nous donnera une idée de la mesure dans laquelle la nécessité se réalise. […] Il consiste à généraliser avec force démonstrative le résultat d’une démonstration particulière. […] Il y a induction, car la démonstration porte ici tout d’abord sur le particulier, et la généralisation ne vient qu’après. […] Par l’induction dite scientifique, laquelle n’aurait à peu près rien de commun avec l’induction ancienne, on prétend tirer du contingent l’universel, du particulier le nécessaire. […] Pourquoi la sociologie ne réclamerait-elle pas des postulats particuliers et une méthode propre, comme le pensait Auguste Comte ?

860. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Au contraire, il n’est pas inutile de préciser le dessein plus particulier de ce premier volume, sur l’intention duquel, à le lire ainsi séparé et en avant des autres, je souhaiterais qu’on ne se méprît point. […] Prenons un autre exemple, un exemple plus particulier, plus précis, plus démonstratif, et plus éloquent par cela même : soit l’histoire ou la succession des formes du roman français. […] Revenons maintenant sur ces divisions, comme on fait sur une carte, après en avoir tracé le contour, pour y dessiner l’orographie, l’hydrographie, la configuration particulière du pays. […] Et, en général, il n’est qu’une âme, une forme particulière d’esprit pour faire tel ou tel chef-d’œuvre. […] Renan l’art de « rendre une voix aux races qui ne sont plus » ; et, jusque dans l’étude particulière des individus, c’est à peine eux qu’il a cherchés, mais bien plutôt les traits de la race dont ils furent les représentants.

861. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

De là vient aussi à Lamartine son christianisme et l’espèce particulière de ce christianisme. […] Cette morale, il ne se soucie pas d’en donner une interprétation très particulière ; il se méfie des opinions particulières, qui sont dangereuses et qu’il flétrit du nom de paradoxe. […] Son essence lui est particulière. […] Alfred de Vigny s’est servi de ce procédé pour mettre en vers, dans une série de pièces composant le recueil des Destinées, une philosophie qui lui est particulière. […] Vigny pense que nous sommes malheureux ; malheureux, non par suite de tel accident particulier, mais malheureux d’une façon générale, par une nécessité de notre condition, parce que nous sommes des hommes.

862. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il avait flairé ce vaste et attrayant sujet de la Smalah dès son voyage de Russie ; il avait henni à cette nouvelle comme le coursier au clairon : « Oui, oui, écrivait-il de Pétersbourg (23 juin 1843), oui, voilà un tableau à faire, mais il faudrait l’avoir vu pour représenter un tel fait d’armes ; car ça devait avoir un caractère tout particulier. […] Je suis donc entré dans le camp comme un simple particulier, au grand désappointement du commandant supérieur ; mais hier, au moment de mon embarquement, je n’ai pu éviter les honneurs rendus par l’armée à son peintre. […] Quant à nous, mon cher Delaroche, je ne vous offre pas notre secours… Depuis longtemps je déplore qu’un autre ordre de choses n’ait pu s’établir entre nous, et je vous jure que je n’éprouve aucun sentiment de jalousie pour ceux qui, plus heureux que nous, seront à même de vous donner des marques de dévouement ; tout en enviant leur sort, dites-leur que nous les bénissons, que nous les bénirons, s’ils aiment nos enfants comme les leurs… » Nous, public, qui ne nous trouvons introduit que par accident et par faveur dans ces discussions si particulières et qui, sous une forme ou sous une autre, se rencontrent dans presque toutes les familles, notre rôle n’est pas, on le pense bien, d’avoir le moindre avis sur le fond ; faisons la part de ce qu’il peut y avoir d’exagération naturelle dans l’expression d’Horace, dans cette émulation et cette rivalité de tendresse, et disons-nous que, si nous entendions Delaroche, il aurait sans doute, pour répondre, son éloquence à lui, et il en avait beaucoup.

863. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Romilly, dans son Journal particulier, invoque, à cette occasion, le témoignage de Sismondi lui-même, qui lui avait certifié que, dans la seule ville de Pescia qu’il connaissait bien, le chiffre des assassinats, avant l’intervention de la France, et depuis qu’on était délivré du joug français, avait été et était redevenu, terme moyen, de un par semaine, tandis qu’il ne s’en était commis presque aucun tant que la ville avait été sous l’autorité française. […] Les idées des Thierry, des Guizot, ont peu influé sur lui ; on trouve, à le lire, un goût particulier de naturel et de sincérité ; c’est une lecture judicieuse, copieuse et saine. […] Cependant, quand d’autres le raillaient là-dessus, il les reprenait avec vérité, en faisant remarquer que « le bonheur de 30,000 âmes est aussi important que celui d’un grand État. » Son économie politique, telle qu’il l’avait adoptée et qu’il la prêchait en dernier lieu, est toute particulière et le caractérise.

864. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Elle aime à associer les noms de l’amitié aux émotions publiques qui envahissent son âme et la transportent : « C’est ajouter, » dit-elle en un style plein de nombre et dont le tour accompli rappelle le parler de Mme de Wolmar, « c’est ajouter au grand intérêt d’une superbe histoire l’intérêt touchant d’un sentiment particulier ; c’est réunir au patriotisme qui généralise, élève les affections, le charme de l’amitié qui les embellit toutes et les perfectionne encore. » Les lettres du 24 et du 26 janvier 91 à Bancal, alors à Londres, par lesquelles elle essaie de le consoler de la mort d’un père, méritent une place à côté des plus élevées et des plus éloquentes effusions d’une philosophie forte, mais sensible. […] Étant reparti bientôt, il écrivit une lettre commune à M. et à Mme Roland ; mais celle-ci, à qui son mari absent (il était à Lyon ou à Villefranche) l’envoya, y saisit quelques expressions qu’elle interpréta d’une manière plus particulière, et elle se hasarda à écrire de la campagne, dans l’absence et à l’insu de M. […] Un éloge bien rare à donner aux grandes et glorieuses existences, tout à fait particulier à Mme Roland, c’est que plus on va au fond de sa vie, de ses lettres, plus l’ensemble paraît simple : toujours le même langage, les mêmes pensées sans réserve ; pas un repli, nulle complication ou de passions ou de vœux et de tendances diverses.

865. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Diderot a cela de particulier entre les grands hommes du xviiie  siècle, d’avoir eu une famille, une famille tout à fait bourgeoise, de l’avoir aimée tendrement, de s’y être rattaché toujours avec effusion, cordialité et bonheur. […] Il essaya de se faire le précepteur particulier des fils d’un riche financier, mais cette vie d’assujettissement lui devint insupportable au bout de trois mois. […] Quels que soient ses goûts particuliers, ses caprices, son humeur de paresse ou ses fantaisies de hors-d’œuvre, il doit à la société un monument public, sous peine de rejeter sa mission et de gaspiller sa destinée.

866. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

(Le bruit des conversations particulières couvre la voix de l’orateur ; quelques sénateurs se groupent alors au pied de la tribune pour mieux l’entendre.) […] Je parlerai donc de l’article il comme j’en ai pensé le jour où il a inopinément surgi et où il a été si subitement accepté : Cet article (à l’attaquer au fond, et sinon dans l’esprit particulier qui l’a dicté, du moins dans les conséquences qu’il recèle) me paraît une garantie assurée sans doute contre l’indiscrétion des écrits, mais une garantie qui sera tout à l’appui et en faveur du dérèglement des actions. […] Or c’est là méconnaître le tempérament particulier aux écrivains, c’est le provoquer à l’endroit sensible que de le traiter d’avance en suspect.

867. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Ayons en nous l’émotion complète de la Chose vivante, et, dans nos œuvres spéciales de littérature ou de musique, il se trouvera que nous la mettrons ; ayant vu tous les reflets, notre unique langage en gardera la marque ; ayant connu toute l’impression, notre poème ou notre tableau en sera imprégné ; la Chose sera exprimée, très fortement ; et notre œuvre, tout particulière, aura de très mystérieux palpitements d’universelle Clairvoyance. […] La ville de Bayreuth, lieu des Représentations de Fête Wagnériennes, — le premier exemplaire et le modèle de toutes Représentations de Fête, — choisie par le Maître peut être pour quelque hasard, peut être, quoique admirable, pour quelque cause particulière, Bayreuth s’impose, aujourd’hui, nécessaire : site, édifice, théâtre miraculeusement propres aux artistiques jouissances, objet très convenant à sa fin, Bayreuth a cette éternelle consécration, l’agrément originel de Wagner ; et, s’il est bon que les Wagnéristes, en des temps fixes et réguliers, se réunissent de tous les pays, et qu’ils se réunissent au Théâtre de Fête, en un lieu absolument international, et Wagnérien, il est bon, aussi, qu’ils se réunissent auprès de la tombe du Maître. […] Nous trouvons bien ici l’idée que chaque forme d’art particulier peut, à sa manière, trouver l’union des arts.

868. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

L’absence de loges particulières et la riche décoration de la loge grand-ducale lui donnent tout à fait l’apparence d’un théâtre de cour, et l’effet général est loin d’y perdre. […] Wagner imagine une mise en scène particulière : c’est le décor qui change alors que les personnages marchent sur place. […] Dans cet article particulier, Chamberlain s’oppose ici aux opinions de Shuré et de Jullien ou de Glasenapp, autres grands wagnériens.

869. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Sans doute, comme elle ne parvient pas présentement à atteindre l’individu, elle ne peut nous fournir que des indications générales qui ne peuvent être diversifiées convenablement que si l’on entre directement en contact avec le particulier par la sensation. […] Les propositions scientifiques, relatives à l’état normal, seront plus immédiatement applicables aux cas particuliers quand elles seront accompagnées de leurs raisons ; car, alors, on saura mieux reconnaître dans quels cas il convient de les modifier en les appliquant, et dans quel sens. […] Le crime, nous l’avons montré ailleurs, consiste dans un acte qui offense certains sentiments collectifs, doués d’une énergie et d’une netteté particulières.

870. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Invoquant une opinion de Claude Bernard, d’après laquelle la méthode expérimentale exige trois facteurs, le sentiment, la raison et l’expérience, et, citant cette phrase de ce dernier : « C’est un sentiment particulier, un quid proprium qui constitue l’originalité, l’invention ou le génie de chacun », Zola s’écrie : « Voilà donc la part faite au génie, dans le roman expérimental… La méthode n’est qu’un outil ; c’est l’ouvrier, c’est l’idée qu’il apporte qui fait le chef-d’œuvre. » On peut se demander ce que vient faire là ce quid proprium, étant donné le principe de Claude Bernard et celui de Zola, calqué sur le premier ; je trouve ce sentiment particulier absolument incompatible avec la théorie générale de la vie incluse dans la méthode expérimentale. Si nous supposons, en effet, un expérimentateur pourvu de ce « sentiment particulier » jusqu’au génie, devenu lui-même sujet d’expérience pour un second expérimentateur, ce dernier pourra t-il analyser le génie de son sujet à l’aide de la méthode expérimentale ?

871. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Et d’abord, il n’est pas inutile de passer en revue quelques-unes des catégories innombrables auxquelles ils appartiennent, car, selon leur rang social, leur degré d’affinement ou de rusticité, ils offrent à l’écrivain des ressources ou des difficultés particulières, ils ont des qualités ou des défauts littéraires qui influent naturellement sur le choix du sujet. […] Nous avons déjà tant de peine à rendre l’aspect extérieur d’une terre étrangère, à comprendre à moitié les usages de ses habitants, leurs plaisirs, leur politesse et le goût particulier qu’ils trouvent à la vie ! […] Elle en avait aussi de plus particulières, de plus subtiles.

872. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Il renoncerait d’abord ainsi à rendre compte des habitudes motrices ; chacune de celles-ci implique en effet une combinaison particulière de mouvements, et ne peut se comprendre que par elle. […] Une force s’affirme, que nous avons appelée « le tout de l’obligation » : extrait concentré, quintessence des mille habitudes spéciales que nous avons contractées d’obéir aux mille exigences particulières de la vie sociale. […] Et néanmoins on se tromperait grandement si l’on voulait rapporter à l’instinct une obligation particulière, quelle qu’elle fût. […] Écoutons leur langage ; il ne fait que traduire en représentations l’émotion particulière d’une âme qui s’ouvre, rompant avec la nature qui l’enfermait à la fois en elle-même et dans la cité. […] La géométrie des anciens a pu fournir des solutions particulières qui étaient comme des applications anticipées de nos méthodes générales.

873. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Tous racontaient une destinée particulière ; par cela même, aucun d’eux n’était concluant pour ceux qu’envahissait le dégoût de la vie. […] Voilà comment ces humbles personnages réfléchissent dans leur vie particulière la vie générale du siècle. […] Suivant la théorie de Platon, le beau y est vraiment la splendeur du bien, et, suivant une théorie plus particulière à Goethe, l’utile y est l’essence du beau. […] L’intérêt particulier de ces Mémoires est de nous faire assister à la naissance des œuvres du poète et au développement de son génie. […] L’enthousiasme vide est une maladie d’esprit qui a été de tout temps particulière au peuple allemand ; le panthéisme n’est point fait pour la guérir.

874. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

On n’avait point encore imaginé de soutenir la curiosité par une intrigue romanesque ; l’intérêt des aventures particulières dépend absolument du rôle que jouent les femmes dans un pays.

875. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Ce décousu, dans une lettre, et dans tout écrit dont la matière est déterminée par des causes extrinsèques et particulières, comme dans les écrits périodiques, qui suivent forcément non pas la logique et la nature, mais la date des événements, ce décousu ne peut guère disparaître sans emporter le naturel.

876. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Il leur emprunte, à chacun, la qualité particulière de leur lyrisme, voire même des expressions qui leur sont propres, au point que, par exemple, lue isolément, la strophe que je signale serait attribuée au poète des Voix de la montagne .

877. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il paraît qu’il est d’usage de s’exprimer en termes particuliers quand l’on parle maintenant de cet écrivain.

878. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Sa maniere de traiter les matieres les plus abstraites a cela de particulier, qu’elle est à la portée de tous les esprits.

879. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Il est très probable qu’il serait devenu presque entièrement monosyllabique, suivant sa tendance initiale toujours combattue par la présence du latin, et d’un latin particulier dont la tendance contraire allongeait les mots par l’accumulation des suffixes.

880. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Mais tandis qu’il y a tant de manières différentes d’écrire qui chacune ont leur mérite particulier, n’y aurait-il qu’une seule manière de bien peindre [?]

881. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

C’est un travail commandé ; c’est un local qu’il faut rendre tel qu’il est, et remarquez que dans ces morceaux mêmes, Vernet montre bien une autre tête, un autre talent que Le Lorrain, par la multitude incroyable d’actions, d’objets et de scènes particulières.

882. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Le contour particulier du trait avec lequel chaque homme forme les vingt-quatre lettres de l’alphabet, les liaisons de ces caracteres, la figure des lignes, leur distance, la perseverance plus ou moins longue de celui qui a écrit à ne point précipiter, pour ainsidire, sa plume dans la chaleur du mouvement, comme font presque tous ceux qui écrivent, lesquels forment plus exactement les caracteres des premieres lignes que ceux des autres lignes, enfin la maniere dont il a tenu la plume, tout cela, dis-je, donne plus de prise pour faire le discernement des écritures que des coups de pinceau n’en peuvent donner.

883. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Le même Achille refuse, dans son obstination impie, d’oublier en faveur de sa patrie l’injure d’Agamemnon, et ne secourt enfin les Grecs massacrés indignement par Hector, que pour venger le ressentiment particulier que lui inspire contre Pâris la mort de Patrocle.

884. (1885) L’Art romantique

Comme un rêve est placé dans une atmosphère colorée qui lui est propre, de même une conception, devenue composition, a besoin de se mouvoir dans un milieu coloré qui lui soit particulier. Il y a évidemment un ton particulier attribué à une partie quelconque du tableau qui devient clef et qui gouverne les autres. […] Ce qui fait la beauté particulière de ces images, c’est leur fécondité morale. […] De quelques opinions particulières de Chenavard. […] Cependant quelques chants purs et frais commençaient à circuler dans des concerts et dans des sociétés particulières.

885. (1902) La poésie nouvelle

L’échec du Parnasse marque la fin d’une forme particulière de la poésie française, qui coïncide heureusement avec la naissance et l’épanouissement merveilleux d’une poésie nouvelle.‌ […] Elle fait de la rime un élément particulier dans la sonorité totale du vers. […] Pour cela, au lieu de ne considérer dans le vers que la finale rimée, il s’intéresse à tout le corps du vers et il l’organise en vertu d’un rythme particulier qui en est « l’accent d’impulsion ». […] Toutes ces régions, avec leurs nuances particulières et le spécial esprit de leur beauté, se caractérisent dans ces poèmes. […] Les Symbolistes, eux, cherchent, derrière les faits particuliers, « le pur concept ».

886. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Cette catastrophe, en effet, ne sortit pas d’une nécessité générale de situation ; elle vint d’un trait particulier du caractère de l’empereur Napoléon III. […] L’essentiel n’est pas que telle volonté particulière de la majorité se fasse ; l’essentiel est que la raison générale de là nation triomphe. […] La procuration électorale devrait être conférée pour quinze ou vingt ans ; si on forme le collège électoral en vue de chaque élection particulière, on perdra presque tous les avantages de la réforme dont il s’agit. […] Si le pape reste dans Rome, capitale de l’Italie, les non-Italiens souffriront de voir leur chef spirituel ainsi subordonne à une nation particulière. […] La grosse question est de savoir combien de temps elles dureront, quelles maladies particulières les affecteront, comment elles se comporteront à l’égard du socialisme, qui les a jusqu’ici peu atteintes.

887. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Geoffroy en avait fait une étude particulière, et rien n’a mieux caractérisé son talent pour la critique que les citations toujours spirituelles, et jamais pédantes, qu’il a su puiser dans une source aussi féconde et aussi pure. Ce fut sans doute pour donner plus d’essor à son goût particulier pour le théâtre qu’il renonça à cette époque à l’enseignement public, et qu’il se chargea de l’éducation des enfants de M.  […] « Les auteurs de nos jours nous sont chers, dit ce philosophe ; nos enfants, nos proches, nos amis nous sont chers ; mais la grande famille de la patrie renferme et réunit en elle seule toutes ces amitiés particulières. […] Cinna nous inspire un intérêt particulier ; nous y retrouvons ce que nous avons été, ce que nous sommes : un grand empire longtemps déchiré par les factions, enfin rendu à l’ordre, au bonheur, à la gloire. […] Avant la révolution, l’amour, établi sur la scène comme dans son domaine particulier, semblait avoir acquis le privilège exclusif de toucher les cœurs.

/ 2260