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1575. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

La matière mise en délibération, nous, comédiens du roi, avons de grand cœur donné notre consentement au projet énoncé ci-dessus, quoiqu’il ait été agité par deux de nos camarades qu’il serait peut-être plus convenable que la Société fît seule les frais d’un si noble monument. […] Édouard Thierry, dont l’érudition fait loi en matière théâtrale, aura publié le Manuscrit de La Grange (Varlet), — cet honnête homme et loyal artiste qui a écrit, jour par jour, la chronique du théâtre de Molière, — nous saurons au juste comment fonctionnait ce théâtre qui s’ouvrait pour le public tous les mardis, vendredis et dimanches21. […] On peut vraiment affirmer qu’en matière d’art il n’est point de génération spontanée.

1576. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Le vraisemblable en ces matières est peut-être plus large qu’on ne se le figure d’ordinaire.

1577. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Et la matière sociale n’est pas inerte, elle vit et réagit, sa masse est énorme, peu plastique souvent et réfractaire.

1578. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Après avoir déclaré qu’en pareille matière il préfère la tradition orale aux livres, Papias mentionne deux écrits sur les actes et les paroles du Christ : 1° un écrit de Marc, interprète de l’apôtre Pierre, écrit court, incomplet, non rangé par ordre chronologique, comprenant des récits et des discours [Greek : lechthenta ê prachthenta], composé d’après les renseignements et les souvenirs de l’apôtre Pierre ; 2° un recueil de sentences [Greek : logia] écrit en hébreu 22 par Matthieu, « et que chacun a traduit comme il a pu. » Il est certain que ces deux descriptions répondent assez bien à la physionomie générale des deux livres appelés maintenant « Évangile selon Matthieu », « Évangile selon Marc », le premier caractérisé par ses longs discours, le second surtout anecdotique, beaucoup plus exact que le premier sur les petits faits, bref jusqu’à la sécheresse, pauvre en discours, assez mal composé.

1579. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

L’abondance des matières nous oblige à remettre, au prochain numéro l’article deM. 

1580. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Si d’ailleurs il est vrai que la causalité implique le déterminisme, il n’est pas vrai qu’elle implique, comme on l’a soutenu, une illégitime traduction de l’inétendu en étendu, « du temps en espace », du conscient en matière ; la notion d’espace n’est pas le moins du monde impliquée dans celle de cause, qui implique seulement les idées plus générales de succession et d’activité.

1581. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Mais loin d’être simple et ductile sous l’action des forces brutes, la matière organique est au contraire celle où la correspondance entre le dehors et l’équilibre intérieur se fait le plus difficilement.

1582. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

À mon avis, ce que nous connaissons des lois imposées à la matière par le Créateur s’accorde mieux avec la formation et l’extinction des êtres présents et passés par des causes secondes, semblables à celles qui déterminent la naissance et la mort des individus.

1583. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Qu’est-ce donc qu’Orphée, si ce n’est celui qui voulait substituer l’esprit à la matière, la lyre à la flûte, Apollon à Bacchus, et qui paya de sa vie ses efforts courageux ?

1584. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Voyez la manière dont Hérodote raconte et explique les grands événements qui font la matière de son histoire.

1585. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Car, en admettant que chaque molécule soit douée d’un ton particulier, il faudrait que la matière fût divisible à l’infini ; et d’ailleurs, l’art n’étant qu’une abstraction et un sacrifice du détail à l’ensemble, il est important de s’occuper surtout des masses. […] Bien des gens, partisans de la ligne courbe en matière d’éreintage, et qui n’aiment pas mieux que moi M. 

1586. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Son fils lui ressemblait beaucoup, dit-on ; quelqu’un qui avait bien connu Mme Sainte-Beuve, et qui a le droit d’avoir un avis sur ces matières de santé, répétait souvent à M. 

1587. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

C’est la même matière religieuse, littéraire, le même fonds d’inspiration mélancolique ; c’est quelque chose d’harmonieux, de lyrique, d’élégiaque. » Retournons donc, s’écrie le jeune auteur, retournons, il en est temps, aux idées religieuses ; les littérateurs et les artistes ne peuvent rien sans elles. » Et ce sont çà et là, en accompagnement de cette croyance, des couleurs de mythologie grecque, des essais de peintures homériques, évandriennes, pastorales ; Antigone, Eurydice, tous ces noms favoris y ont des autels.

1588. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Et c’est bien tard et à grande peine que la jeune fille parla… » Ce premier discours de Médée, si lentement amené, débute et se déroule avec un naturel infini : elle va droit au fait du premier mot : « Écoute bien à présent, lui dit-elle, comment je viendrai à bout de te secourir… » ; et elle entre immédiatement en matière sur l’herbe magique, sur l’usage qu’il en faut faire et sur les diverses circonstances de l’épreuve à laquelle le héros s’est soumis.

1589. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Matière délicate, vous le savez, sur laquelle souvent un faux bruit fait autant d’effet que la vérité même.

1590. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Quant aux éventualités que peut faire naître le départ de Rome du souverain-pontife et son arrivée en France, je puis d’autant moins vous en entretenir en ce moment, qu’avant de rien arrêter sur une matière aussi grave, nous aurions à prendre les ordres de l’Assemblée nationale.

1591. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Il s’était voué de bonne heure à ce rôle de l’espérance et de l’activité dans les causes en apparence perdues ; il avait conspiré avec les flatteurs de la haute émigration en Suisse, en Russie, en Angleterre ; il s’était lié avec M. de Blacas, homme plus sérieux, mais moins aimable que lui ; Louis XVIII l’aimait pour sa légèreté, il tenait tête à ce monarque en matière classique et épigrammatique ; il avait écrit en 1814 des brochures royalistes qui lui avaient fait un nom d’homme d’État de demi-jour, à l’époque où une brochure paraissait un événement ; il n’était point ennemi des transactions avec la révolution pacifiée ; il savait se proportionner aux choses et aux hommes ; il n’avait aucun préjugé, grande avance pour faire sa place et sa fortune ; mais il la mangeait à mesure qu’il la faisait.

1592. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La socialité est pour lui le principe de spiritualisation par excellence ; c’est elle qui fait sortir notre pensée des limbes de la matière.

1593. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Il y a la mise en œuvre de la matière poétique et musicale, et ce point de la question ne manque pas d’importance.

1594. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Quel changement de la matière artistique est recouvert par ce changement des formes et des noms ?

1595. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

— On ne sait pas, pour un passionné de mobilier, le bonheur qu’il y a à composer des panneaux d’appartements, sur lesquels les matières et les couleurs s’harmonisent ou contrastent, à créer des espèces de grands tableaux d’art, où l’on associe le bronze, la porcelaine, le laque, le jade, la broderie.

1596. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Le seul principe qui puisse dériver de ce résumé essentiel de tout l’être, est le même que celui qui découle de la réalité brute qui meut toute matière, qui attise toute vie, et que commence à déduire de l’ensemble dont il est l’âme, la philosophie naturaliste en posant la vertu de toute expansion et la peine de toute contraction, l’identité fondamentale de la force et de la bonté.

1597. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

« Madame de Maintenon, qui avait pour lui une estime particulière, ne pouvait le voir trop souvent, et se plaisait à l’entendre parler de différentes matières, parce qu’il était propre à parler de tout.

1598. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Dans de pareilles matières les causes agissantes sont si variées et si nombreuses, que leur résultat complexe peut toujours avoir été le résultat de très différentes combinaisons de circonstances semblables ou dissemblables.

1599. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Richelieu doit donc rester tout entier ce qu’il est dans l’histoire, et se consoler de n’être que cela aux yeux de ceux qui, en toutes matières, ont juré la mort de l’autorité !

1600. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Decamps — c’est pour cela que nous le classons dans les peintres d’histoire ; il ne s’agit pas ici de la matière avec laquelle on fait, mais de la manière dont on fait.

1601. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Un homme du monde est presque toujours incompétent en matière littéraire. […] Les qualités qui caractérisent aujourd’hui notre manière de comprendre et de juger font le plus grand honneur à la souplesse et à la profondeur de la pensée française en matière d’art. […] Il n’admit, en matière littéraire, que son propre idéal technique. […] Que l’esthétique accepte ou non la question de moralité en matière d’art, les conséquences de cette question sont indiscutables comme résultats sur le public. […] Voilà ce qu’un spectateur impartial en matière littéraire est obligé d’avouer.

1602. (1923) Au service de la déesse

Voyez comme il entend les « matières d’érudition » : louange, dit-il, « à tous ceux qui cultivent les sciences et les belles-lettres, de rechercher quelques agréables curiosités et de les communiquer aux autres avec plaisir » ! […] C’est la faute que l’on commet le plus souvent, en pareille matière ; mais Tournier ne l’a point commise. […] Le néo-darwinisme n’explique pas le passage du monde inorganique au monde vivant : « avec de la matière inerte on n’a jamais pu faire la moindre particule de protoplasma vivant ». […] Quelle que fût sa largeur d’idées en matière d’art, il avouait que certaines, riches en détails physiologiques, n’eussent pu figurer que dans ces recueils secrets qu’on se passe sous le manteau ». […] Et se dissout en mots insonores et sans issue de la bouche cette pensée, que, de même que cette perception consciente, en qui d’une âme avec un corps je suis moi, l’origine du mouvement est dans ce frémissement qui saisit la matière au contact d’une réalité différente : l’Esprit. » Cette métaphysique vous décourage ; elle vous impatiente.

1603. (1774) Correspondance générale

Quelle force n’ajouterait point à ce raisonnement l’opinion qui vous est commune avec Locke : que la pensée pourrait bien être une modification de la matière ! […] Je viens de recevoir de bien loin une autre lettre sur la même matière, et l’on me propose à cette occasion cinq ou six questions bien délicates à discuter ; mais comment faire au milieu des énormes occupations dont je suis accablé ? […] Monsieur, C’est dans l’état où était votre manuscrit sur la matière étymologique et non dans celui où vous vous proposez de le porter que j’en ai été enchanté. […] Quant à la loi qu’il vous impose de renfermer toute la matière dans le nombre de volumes annoncés, ou de distribuer l’excédant pour rien, on ne répond pas à cela, messieurs ; on en rit.

1604. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Delille ne fit autre chose, toute sa vie, que travailler, polir, tourner, vernisser, monnayer, mieux qu’aucun de ses contemporains, les matières de ce genre, y tailler, pour ainsi dire, des meubles Louis XV et Louis XVI, des ornements de cheminée et de toilette, bons pour tous les boudoirs, pour Bagatelle, je l’ai dit, pour Gennevilliers et Trianon.

1605. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Cette différence de caractère entre ces deux amours se remarque aussi dans les poètes qui ont célébré l’un ou l’autre de ces amours ; amours qui portent le même nom, mais qui sont en réalité aussi différents que l’esprit de la matière, que le corps de l’âme.

1606. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Ce simple exposé suffirait pour faire porter un jugement sans appel, et sur leur nature, et sur l’objet qu’on se propose en les pratiquant ; mais, comme on a déjà beaucoup écrit sur cette matière, et que le pour et le contre ont eu des partisans outrés, je crois, tout bien considéré, qu’il est inutile de redire ce qui a été dit cent et cent fois. » Il les caractérise néanmoins parfaitement, dans un autre volume de ses Mémoires, comme des rites purement civils et honorifiques, n’impliquant d’autre culte que le culte des souvenirs et de la vénération pour la mémoire de Confucius.

1607. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Mais cette fois j’ai été invité en personne par le maître de la maison ; je lui dis en riant : Mais, Monsieur, il faudra que vous ayez la bonté de me présenter de nouveau à madame comme un homme qui arrive ; ce qui fournit la matière à un badinage aimable lorsque j’entrai.

1608. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Vous m’avez fait réellement comprendre que tout est contemporain pour celui qui comprend la notion de l’éternité ; vous m’avez expliqué Dieu avant la création de l’homme, la création intellectuelle de celui-ci, puis son union à la matière par sa chute, quand il crut se faire un destin de sa volonté.

1609. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Excepté sa voix grave et façonnée par l’exercice, toute son apparence extérieure était celle d’une pure intelligence qui n’aurait emprunté de la matière que la forme strictement nécessaire pour se rendre visible à l’humanité.

1610. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Et maintenant, grande âme, dépaysée dans un corps infirme et dans la région des faux jugements, des fausses gloires et des faux mépris de ce bas monde, tu as secoué vigoureusement ce vil tissu de matière, ce manteau de plomb qui t’embarrassait dans ton essor, et que tu soulevais à chaque pas comme une lourde chaîne dont les anneaux te retenaient au sol !

1611. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mais ce sculpteur, à cette seconde époque, avait confondu dans ses œuvres la matière avec l’âme.

1612. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Cacault ajoutait que le genre des matières traitées, fort peu comprises par les séculiers et par ceux surtout qui professaient des principes différents, offrait un obstacle de plus à cette persuasion.

1613. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il est sans doute à quelque degré de la famille des Brossette et des Boswell, de ceux qui se font volontiers les greffiers et les rapporteurs des hommes célèbres ; mais il choisit bien son objet, il l’a adopté par choix et par goût, non par banalité ni par badauderie aucune ; il n’a rien du gobe-mouche, et ses procès-verbaux portent en général sur les matières les plus élevées et les plus intéressantes dont il se pénètre tout le premier et qu’il nous transmet en auditeur intelligent.

1614. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Il y en a sur presque toutes les matières qui peuvent faire l’objet de traités, et recevoir la forme d’un enseignement.

1615. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

La physique et la chimie ont plus fait pour la connaissance de la constitution intime des corps que toutes les spéculations des anciens et modernes philosophes sur les qualités abstraites de la matière, son essence, sa divisibilité.

1616. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

C’est ce qui fait qu’il est si foncièrement différent des mythes germaniques, par exemple, et aussi de toutes ces légendes formées d’un amalgame de traditions teutonnes, arabes, pseudo-classiques, — qui sitôt formèrent la matière de toute la poésie européenne, soit orale, soit écrite.

1617. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Toute matière organisée croit par diffusion, c’est-à-dire en absorbant et en appropriant, pour sa croissance, les matériaux nécessaires à la vie.

1618. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Et pendant ce, la vie augmente, double, triple, décuple, les matières premières de l’alimentation manquent ou se détériorent, la mort même à la guerre ne progresse pas, — on l’a bien vu à Sébastopol, — et le bon marché est toujours le plus mauvais marché du monde.

1619. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

les belles existences dans l’ordre de la matière et de la gueule qui ont dû être vécues au xvie  siècle !

1620. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

L’idolâtrie de la forme aboutit le plus souvent au mépris pour le fond : tout devient matière à beau style, même le vice, surtout le vice.

1621. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

dans une époque où tout se fait matière et se pétrifie à force de regarder la pierre, le fer, le tissu, et de se désintéresser des idées ?

1622. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse.

1623. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Le soleil le sait bien, qu’il n’est sous sa lumière Qu’une immortalité, celle de la matière.

1624. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Il peint l’âme du même pinceau qu’il peint la matière.

1625. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

« Conçoit-on bien ce que serait une scène de la nature si elle était abandonnée au seul mouvement de la matière ?

1626. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Il aurait fait école…   Pierre de Querlon : « mort si prématurément le 7 juin 1904 à l’âge de vingt-quatre ans, laissa la matière de trois volumes… Vivre peu, vivre bien, intensément, se condenser en un art très pur de fond et de forme, très humain, mais aussi élégant que possible (car il n’avait pas le temps de commettre des fautes de goût), telle était la religion de cet écrivain charmant.

1627. (1884) La légende du Parnasse contemporain

En matière d’élections, par exemple ! […] Passant, arrête-toi, et cueille ces fruits brillants, parfois étranges, toujours savoureux et d’une senteur énergique. » Et plus loin : « C’est l’hymne antique dans la bouche d’un moderne, c’est-à-dire l’enivrement de la matière chez un spiritualiste quand même, qu’on pourrait appeler le Spiritualiste malgré lui, car, en étreignant cette beauté physique qu’il idolâtre, le poète crie et pleure. […] N’est-il pas vrai que la non satisfaction des joies que donne la seule matière, que le désir déchirant d’un au-delà, quel qu’il soit, est visible dans ces magnifiques vers ?

1628. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Avec celui-ci, il joue la familiarité brutale qui s’exprime sans ambage ; avec tel autre, il fera arriver son compliment par les sinuosités d’une périphrase habilement ménagée ; avec celui-là, qui affecte l’indifférence ou le dédain en matière d’éloge, il trouvera, pour irriter cet amour-propre sincèrement ou faussement blasé, des expressions qui sont, pour ainsi dire la sauce anglaise de l’enthousiasme ; avec un autre, il emploiera le système de la comparaison et lui dira, par exemple, à propos d’un roman récemment publié : « Mon cher, je ne puis vous dire que cela, c’est du Balzac écrit. » Comme il a fait une étude spéciale du cœur humain des gens de lettres, il a surtout remarqué que la meilleure manière de leur dire du bien d’eux-mêmes était de leur dire du mal des autres. […] Il existe, de même, à Paris, des journaux peu riches— pauvreté n’est pas vice— ou n’ayant pas le moyen de subventionner un spécialiste pour chacune des matières que sa feuille est appelée à traiter, le propriétaire prend un rédacteur pour tout faire. […] Tous les jours il va à la Bibliothèque, et y prend un picotin d’érudition, pour les besoins de la matière dont il aura à s’occuper dans son numéro.

1629. (1925) Proses datées

Or peu d’existences offrent une plus riche matière à ce genre d’investigations que celle de Lamartine. […] Scrupuleux, méticuleux, très strict en matière d’argent et ayant besoin pour produire d’une tranquillité d’esprit propice, Baudelaire souffrit cruellement de sa pénurie et des efforts nécessaires pour s’en affranchir. […] En effet, les adversaires même du romantisme reconnaissent la nécessité et l’utilité de sa présence et admettent les ressources qu’il apporte en sensibilité, en pittoresque, en mouvement, la riche et abondante matière qu’il offre, la liberté d’expression qu’il permet, et dont c’est au classicisme à tirer parti en imposant à ces éléments de vitalité et de passion sa discipline et sa méthode, son ordre et son harmonie, en refrénant ses écarts et en modérant ses audaces.

1630. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

C’est une pièce de forme racinienne, et de contenu antiracinien ; une pièce où la matière et le moule appartiennent à des genres dramatiques différents, et même contraires ; bref, un monstre. […] Maintenant (car je crains toujours qu’en ces matières mes plus vives et mes plus sincères impressions ne soient injustes), on peut commettre une pièce médiocre et rester visiblement un esprit distingué, et je pense que c’est le cas de M.  […] Les théologiens distinguent, dans le péché, la matière, c’est-à-dire ce que le péché est extérieurement, et la forme, c’est-à-dire ce que le péché est en nous. Or, la matière des péchés de Victoire, de Raymonde et d’Alphonse peut être sensiblement la même ; la forme, non. […] Même, il réjouit la nature, puisque la vie sort de la mort, et que le meurtre en masse hâte et facilite l’admirable jeu des transformations de la matière.

1631. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Les dieux eux-mêmes sont de leur monde  Enfoncée par l’effort de toute une société et de tout un siècle, l’empreinte de la cour est si forte, qu’elle s’est gravée dans le détail comme dans l’ensemble et dans les choses de la matière comme dans les choses de l’esprit.

1632. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Le roman de Volupté fut aussi une diversion puissante, et ceux qui voudront bien y regarder verront que j’y ai mis beaucoup de cette matière subtile à laquelle il ne manque qu’un rayon pour éclore en poésie.

1633. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il soutient que, grâce à l’éducation, il ne faudra point dans sa République tous ces règlements sur la police, la tenue des marchés et autres matières aussi peu importantes ; et cependant il ne donne d’éducation qu’à ses guerriers.

1634. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

vous paraissez en ces matières n’être pas tout à fait un apprenti.

1635. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Cela aurait été une pauvre distraction pour lui de combiner quelques éléments pour fabriquer notre monde informe, et de le faire rouler tous les ans sous les rayons du soleil, s’il n’avait pas eu le plan de faire de cet amas de matière la pépinière d’un monde d’esprits.

1636. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Tel quel, il aura l’avantage d’une sorte de résumé philosophique et qui ne surcharge point l’esprit de plus de matières qu’il n’en peut recevoir en deux heures d’attention.

1637. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Dire que nous imposons nos farines à l’Univers n’avance à rien, car rien n’oblige la matière de l’Univers à se mouler si docilement sui nos formes, ni le soleil à s’éclipser pour faire honneur aux formes de notre sensibilité, ni notre corps à mourir et à se décomposer selon les prévisions de la science, uniquement pour se conformer à notre intuition du temps. » Voir notre Introduction à la Genèse de l’idée de temps, p. 11 et suiv.

1638. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

On a prétendu que le Coucou d’Amérique pondait aussi ses œufs dans le nid d’autres oiseaux ; mais je tiens du docteur Brewer, dont le témoignage fait autorité en pareille matière, que cette opinion est erronée.

1639. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Avec une gravité et une simplicité soutenues, il montre aux puritains que les lois de la nature, de la raison et de la société sont, comme la loi de l’Écriture, d’institution divine, que toutes également sont dignes de respect et d’obéissance, qu’il ne faut pas sacrifier la parole intérieure, par laquelle Dieu touche notre intelligence, à la parole extérieure, par laquelle Dieu touche nos sens ; qu’ainsi la constitution civile de l’Église et l’ordonnance visible des cérémonies peuvent être conformes à la volonté de Dieu, même lorsqu’elles ne sont point justifiées par un texte palpable de la Bible, et que l’autorité des magistrats, comme le raisonnement des hommes, ne dépasse pas ses droits en établissant certaines uniformités et certaines disciplines sur lesquelles l’Écriture s’est tue pour laisser décider la raison. « Car si la force naturelle de l’esprit de l’homme peut par l’expérience et l’étude atteindre à une telle maturité, que dans les choses humaines les hommes puissent faire quelque fond sur leur jugement, n’avons-nous pas raison de penser que, même dans les choses divines, le même esprit muni des aides nécessaires, exercé dans l’Écriture avec une diligence égale, et assisté par la grâce du Dieu tout-puissant, pourra acquérir une telle perfection de savoir que les hommes auront une juste cause, toutes les fois qu’une chose appartenant à la foi et à la religion sera mise en doute, pour incliner volontiers leur esprit vers l’opinion que des hommes si graves, si sages, si instruits en ces matières, déclareront la plus solide366 ?  […] Son plus éminent docteur, John Hales369, « déclare plusieurs fois qu’il renoncerait demain à la religion de l’Église d’Angleterre, si elle l’obligeait à penser que d’autres chrétiens seront damnés, et qu’on ne croit les autres damnés que lorsqu’on désire qu’ils le soient370. » C’est encore lui, un théologien, un prébendiste, qui conseille aux hommes de ne se fier qu’à eux-mêmes en matière religieuse, de ne s’en remettre ni à l’autorité, ni à l’antiquité, ni à la majorité, de se servir de leur propre raison pour croire « comme de leurs propres jambes pour marcher », d’agir et d’être hommes par l’esprit comme par le reste, et de considérer comme lâches et impies l’emprunt des doctrines et la paresse de penser.

1640. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

 » Les plus avancés gagnaient fort à cet état de choses, ils y trouvaient matière à censurer les gens dont la modération avait de si fâcheux résultats. […] Vert est aussi l’étourneau, à peine sorti de son nid, qui, sur toute matière, jase comme un fou ; mûr, celui qui s’en moque, mais qui pour l’encourager, l’admire, le loue et le range entre Sénèque et Solon. […] L’ouvrier, en mûrissant, produit des œuvres mieux ourdies ; le musicien, qu’il y a en Daudet, mêle moins de fugues inattendues à ses symphonies ; on se sent marcher vers le dénouement dès cette entrée en matière exquise : le concours aux arènes de Nîm… non, d’Aps-en-Provence. […] Un des jeunes gens qui occupaient un rôle dans la troupe qui interpréta le drame d’Aubanel, Paul Gaussen (Veranet), poète déjà goûté des lecteurs de la Cigale d’or et des autres organes félibréens, se mit à l’œuvre ; et, peu après une deuxième représentation, à Alais, de la pièce d’Aubanel55, il jouait sa Camisardo, œuvre plus froide et plus classique d’allures, dont un critique bienveillant pouvait écrire : « Tout ce qui y fournit matière à développement lyrique est digne de grand éloge.

1641. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Je la dépouille, il est vrai, du charme de la diction ; mais, dans de pareilles matières, ce n’est pas l’élégance d’Isocrate qu’il faut chercher, c’est la sagacité de Montesquieu. […] J’en suis vraiment fâché pour les dames de Paris ; mais la réputation exagérée qu’elles ont faite au Vase étrusque me prouve très clairement qu’elles ne se décident pas toujours, en pareille matière, par des raisons littéraires. […] La matière poétique n’a pas manqué, et ne menace pas encore de s’épuiser. — Mais le point culminant des poèmes consacrés à l’amour de tête a toujours été le désappointement. […] Sa préoccupation de l’idée, en tant qu’idée, l’entraîne souvent dans de singuliers égarements ; il prend le vice ou le crime comme matière à discussion : il en fait la théorie, il en développe les principes, et tout cela avec un sang-froid, avec un calme imperturbable.

1642. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Heureux lui-même, sauf quelques accidents, — et qui encore furent ou des gloires ou des malheurs domestiques, dans quoi il a su trouver matière à d’admirables œuvres d’art, ce qui console presque, — il a vu sur la terre et infiniment plus de bonheur que de malheur et infiniment plus de bien que de mal et infiniment plus de vertus que de crimes, puisque les peuples sont vertueux, et criminels seulement leurs chefs, ce qui fait beaucoup plus de justes que de pervers. […] N’êtes-vous pas heureux que les choses, en matière si importante, soient précisées dans votre esprit ? […] Personne ne met plus de passion à rassembler, autour de lui, la matière historique et à la critiquer. […] Luchaire, desquelles chacune pourrait servir de matière à une chronique.

1643. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Il avait commencé ce cours de littérature étrangère par Goethe, auquel il devait encore revenir plus tard ; mais après ce prélude, qui était une entrée en matière relativement facile, il aborda la difficulté de front, par les sommets, et s’attaqua à Dante.

1644. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Les pierres pour lui prennent une voix, les murs blancs s’allongent comme de grands fantômes, les puits noirs bâillent hideusement et mystérieusement dans les ténèbres ; des légions d’êtres étranges tourbillonnent en frissonnant dans la campagne fantastique ; la nature vide se peuple, la matière inerte s’agite.

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