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1884. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Sa charité pourtant s’y sentait à l’étroit, et, dès les premiers temps de son installation dans la commune, elle s’annonça pour ce qu’elle devait être toute sa vie ; elle devint la sœur de charité ordinaire, une infirmière de bonne volonté, au service de tous. […] En peu d’années, la première impulsion était devenue une habitude, une direction constante, une nécessité : nous cherchons bien des noms à ce que les chrétiens appellent d’un mot abrégé, une grâce. […] Le bon curé se mettait sur les bras des entreprises énormes, en apparence impossibles, qui lui devenaient une source de tribulations. […] Vous qui ouvrez un journal, ou si le journal vous paraît chose trop légère, vous qui lisez ces recueils qu’on appelle des Revues, représentez-vous bien ce que vous devez, les longs soirs d’hiver au logis ou les après-midis d’été à la campagne, à ces esprits charmants, faciles, élevés, inépuisables, qui, depuis trente ans et plus, vous ont donné, dans des récits variés, de continuelles jouissances et des surprises de lecture devenues pour vous une habitude, — et qui vous les donnent sans trace d’effort, comme l’arbre donne ses fruits, comme la source verse l’onde.

1885. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Cependant le Gouvernement aurait bien tort de s’exagérer les conséquences de cet état de choses : la nation a été horriblement tourmentée ; elle jouit avec délices du repos qui lui est enfin donné ; mais l’expérience de tous les temps nous fait connaître que ce repos même peut devenir funeste à ceux qui la gouvernent. […] Le système d’administration pratiqué depuis dix-sept ans a tellement perverti la classe moyenne, en faisant un constant appel aux cupidités individuelles de ses membres, que cette classe devient peu à peu, pour le reste de la nation, une petite aristocratie corrompue et vulgaire, par laquelle il paraît honteux de se laisser conduire. […] L’échec du général Cavaignac au 10 décembre 1848 l’avait affligé sans l’étonner (disposition qui lui était devenue comme habituelle) ; cet échec, qui ne s’adressait, selon lui, qu’aux républicains de la veille, et qui prouvait seulement la répulsion du pays pour la république, n’avait à ses yeux qu’une signification négative. […] « Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.

1886. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle se disait quelquefois, à propos d’Ondine et pendant l’ennui qu’elle éprouvait de ses absences, ennui qui devenait par moments un cauchemar dans les insomnies : « Quoi ! […] Et maintenant laissons-la parler elle-même ; parcourons avec elle quelques-unes des branches les plus particulières et les plus intimes de sa correspondance, à commencer par celle qui s’adresse à ce frère si peu favorisé, Félix Desbordes, administré de l’hôpital général à Douai : « (14 janvier 1843)… L’aînée de mes filles est toujours en Angleterre, à ma grande affliction74, car cette absence commence à me devenir insupportable. […] Juge de quelle considération tu peux t’entourer jusque dans cette retraite, qui sera devenue le lazaret de ton âme… « … Mme Saudeur, arrivée il y a quatre jours, m’a remis ta lettre et tes manuscrits que je n’ai pas eu le loisir d’ouvrir encore, car je suis comme au pillage de mon temps : partout le travail, les correspondances, ménage, couture et visites, qui remplissent mes journées ; elles sont de huit heures jusqu’à minuit. […] Ce fils parfait, digne en tout d’une telle mère, et qui ne lui a donné que des consolations, est devenu l’un des plus utiles et des plus méritants employés du ministère de l’instruction publique.

1887. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Durant cette phase, qui est la seconde de la critique française, et qui se produit par madame de Staël, Benjamin Constant et leur école, le caractère de la critique, tout en gardant son but de théorie et son idée, devient déjà historique, elle s’enquiert et tient compte des circonstances dans lesquelles sont nées les œuvres. […] La difficulté, encore une fois, d’une édition des Pensées était extrême, en même temps que l’exécution en devenait plus urgente : « Nous croyons, a droit de dire M. […] On pourrait, sans trop de plaisanterie, soutenir que, pour que cette édition si conforme fût devenue possible et nécessaire, il fallait simplement une chose, c’est que Napoléon fût venu et qu’on eût dit de lui qu’il était le plus grand écrivain du siècle. […] Certes il eût été sceptique sans sa croyance en Jésus-Christ, et cela vous semble peu de chose, parce que, si nous n’y prenons garde, nous devenons sujets, tous tant que nous sommes, en parlant beaucoup de christianisme, à ne plus bien savoir ce que c’est que Jésus-Christ au sens réel et vivant où il le prenait.

1888. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Celui-ci y trouva même sujet d’écrire à celui qui pouvait devenir un juge l’un de ces rares petits billets qui semblèrent de tout temps la suprême faveur. […] Nous dirons tout à l’heure comment il conçoit ce système dans son universalité ; mais, à cette époque et en cette crise de notre révolution, cela lui devenait plus évident encore. […] Au reste, il n’est guère à craindre qu’un tel genre, excellent dans l’application présente, devienne bien contagieux. […] Antonio Perez, secrétaire d’État, favori brillant, complice de son maître dans l’exécution des plus secrets et des plus redoutables desseins, devint à un certain moment son rival en amour, et se perdit par ses dérèglements et ses imprudences.

1889. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

C’est par elle que la pensée a du cœur, et c’est par ce cœur immatériel de la pensée que l’émotion de l’âme devient plus vivante en nous et plus communicative hors de nous. […] Plus tard cette inspiration de l’enthousiasme chanté, descendit plus bas dans les littératures purement profanes, et, de sacrée qu’elle était, cette inspiration devint purement littéraire. […] Fils du prophète, il déteste en secret les prophètes de lumière, et il cherche à leur opposer les devins, prophètes de ténèbres. […] Aussi David est-il devenu le poète des âmes et le poète des temples.

1890. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

La part des clercs et de l’esprit clérical dans la littérature française devient de plus en plus grande, à mesure que la bourgeoisie prend de l’importance, réfléchit, s’éclaire, à mesure aussi que les écoles, et l’Université de Paris surtout, définitivement organisée au commencement du xiiie  siècle, jettent dans le monde et comme sur le pavé une foule de clercs qui ne sont plus ou sont à peine d’Église : ces clercs sans mission ni fonction répandront hors des écoles et des couvents, hors de la langue latine aussi, les idées, les connaissances, les habitudes intellectuelles, les procédés logiques du monde qui les a formés. […] Par une de ces méprises dont le moyen âge est coutumier, le libertin Ovide devint le maître de l’amour courtois. […] L’action allégorique que Guillaume de Lorris avait entrepris de déduire, devient, entre les mains de Jean de Meung, une sorte de roman à tiroirs, roman philosophique, mythologique, scientifique, universitaire, ou, pour parler plus justement, roman encyclopédique : car cette seconde partie du Roman de la Rose est en effet une encyclopédie, une somme, comme on disait alors, des connaissances et des idées de l’auteur sur l’univers, la vie, la religion et la morale. […] La démonstration devient une scène de comédie, une longue, puissante et comique apostrophe du jaloux à la femme qu’il a par folie épousée : le caractère dramatique se dégage du type abstrait et allégorique, par l’abondance des nuances, des traits particuliers, finement inventés et vigoureusement expressifs.

1891. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Les collèges deviennent les Écoles de la patrie. […] Rousseau et de Buffon des beautés de bon aloi ; il a marqué la limite où la peinture des choses visibles cesse d’être un art pour devenir un procédé. […] Mais combien qui, attirés d’abord par l’enchanteur, voulurent regarder de près les choses dont il parlait, en sentirent la vie, et y devinrent plus savants et plus croyants que lui ! […] Il nous a donné des goûts qui sont devenus des sciences.

1892. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Agamemnon, fils d’Atrée, devenu roi de Mycènes et d’Argos, rallie contre Troie, pour venger son frère Ménélas, les chefs épars de l’Hellade. […] Transformée par cette abréviation pathétique et remplie du génie d’Eschyle, l’antique légende est ainsi devenue la prodigieuse tragédie qui reste encore, après deux mille ans, le chef-d’œuvre de la terreur entre les drames de tous les pays et de tous les temps. […] Ce n’est qu’un souffle, qu’un point noir, et le palais d’Argos en devient tout sombre ; on entend remuer quelque chose d’effrayant dans sa profondeur. […] Mais d’éclatante qu’elle était cette voix devient bientôt lamentable, le clairon d’apothéose rend des sons funèbres.

1893. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Plus tard il reproduira admirablement cette même pensée dans le dernier chapitre de sa Monarchie selon la Charte : il se demande ce que devenaient en France autrefois les hommes qui avaient passé la jeunesse et qui avaient atteint la saison des fruits, et, les montrant privés des nobles emplois de la vie publique, oisifs par état, vieillissant dans les garnisons, dans les antichambres, dans les salons, dans le coin d’un vieux château, n’ayant pour toute occupation que l’historiette de la ville, la séance académique, le succès de la pièce nouvelle, et, pour les grands jours, la chute d’un ministre : Tout cela, s’écriait-il, était bien peu digne d’un homme ! […] Nous nous consolerons de n’avoir plus les illusions du premier âge, en cherchant à devenir des citoyens illustres : on n’a rien à craindre du temps, quand on peut être rajeuni par la gloire. […] Du moment que vous aspirez à gouverner les hommes et à devenir le pilote de la société, sachez du moins le vouloir avec suite et sérieusement. […] Bref, il y mit une vanité d’auteur, et une vanité telle qu’il fut choqué de n’en pas être complimenté à la Cour avant tous les autres, soit ministres, soit généraux, et qu’il devint dès ce moment un collègue intraitable.

1894. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Mardi 14 janvier Le directeur d’un de nos grands théâtres, auquel on apprenait qu’un de nos plus célèbres auteurs dramatiques était devenu impuissant, dit en soupirant : « Il est bien heureux, le voilà sauvé des horreurs de l’incertitude !  […] À mesure qu’elles se font fillettes, la respiration semble remonter, et le jour où elles sont tout à fait femmes, la respiration devient cet abaissement et ce soulèvement voluptueux des seins. […] Il a été élevé dans un manège et destiné à devenir un écuyer. […] Un cabaret dans un terrain vague de Vaugirard, à l’entrée des carrières, devenues des champignonnières, et tout étincelant de beaux cuivres, de reflets de bouteilles aux formes trapues, d’un tas de vieilleries bien luisantes, qui semblaient le mobilier retrouvé d’une auberge de l’ancienne France… Là-dedans, un cuisinier, qui faisait un poulet sauté, une matelote, un certain plat de champignons, comme nul cuisinier au monde, et qui, vous apportait à voir des aquarelles de gazons émaillés de fleurettes, naïves et précieuses, comme ces tapis de fleurs que les Primitifs étalent sous les pieds de leurs martyres, et puis qui, tirant un orgue d’un vieux bahut, servait aux gens appréciant sa cuisine, des airs séraphiques.

1895. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Si l’on écarte la science, il ne reste que deux signes de capacité : la naissance et la fortune, et ainsi la souveraineté des capables deviendra la souveraineté des nobles et des riches. […] En outre, dans un pays industriel, l’État lui-même se fait industriel et tend à devenir le chef de toutes les industries. […] Pourquoi, à mesure que les hommes devenaient individuellement plus humains, plus justes, plus tempérants, plus chastes, paraissaient-ils devenir chaque jour plus étrangers à toutes les vertus publiques ?

1896. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Les prétendants de Fatoumata — Le couard devenu brave). […] Le langage des animaux devenu intelligible grâce a un aliment-talisman. — Cf.  […] L’autre devient de plus en plus gras quoiqu’il n’ait rien à manger auprès de lui. […] Le conteur, pour les chanter, adoucit la rudesse de sa voix masculine en prenant une voix de tête dont l’effet devient assez comique, par contraste, lorsque c’est, par exemple, un garde-cercle qui raconte.

1897. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Par suite des temps et division de branches, ces Guérin sont devenus seigneurs d’Ols en Quercy, de Rinhodes en Rouergue, d’Auchier dans le Gévaudan, de Laval, de Saignes et du Cayla dans le Languedoc. […] Elle ne lui lisait pas la Bible, en hébreu, comme les filles du poëte anglais la lisaient à ce grand Attentif qui roulait, sous l’arcade pure et fière de son front éteint, les rêveries qui devaient plus tard devenir le Paradis perdu ; mais, plus âgée que Maurice de quelques années, elle apprenait à l’auteur futur de la Bacchante et du Centaure à épeler ses premiers mots dans la Bible de la nature. […] Elle quittait parfois sa terrasse et sa tourelle du Cayla, et s’enfermait une huitaine à ce Rayssac, par exemple, qu’elle nous a peint en trois coups, à la manière noire de son frère : « Rayssac, montagnes aux croupes de chameau, au front hérissé de forêts et de rochers, nature agreste et sauvage » Elle avait même ailleurs que dans son voisinage des amies épistolaires, qui devinrent plus tard des amies complètes, et c’est ici que nous touchons au grand événement et au seul bonheur, très vif, de cette existence que Dieu s’était, à ce qu’il semblait, particulièrement réservée : nous voulons dire au voyage à Paris de la bergère du Cayla et au mariage de son frère. […] Elle est devenue un bas-bleu de sœur affligée qu’elle était.

1898. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

L’animal humain ainsi largement développé devient l’animal-dieu. […] d’une vigueur nouvelle, quand les extrémités deviennent actives, quand les torrents de la vie chaude ruissellent dans les mains et dans les pieds. […] N’entendons-nous pas là, chaleureusement exprimée, la défense de ce sentiment nouveau, qu’il n’y a dans la nature et dans l’être, ni rupture, ni opposition, ni séparation radicale, que chaque parcelle du tout poursuit silencieusement sa lente genèse infaillible, prenant sa part du devenir commun ; que l’intelligence, loin d’être une faculté d’origine spéciale, hors de l’animalité, prend sa source, plonge ses racines dans le monde de l’instinct, dans les entrailles du sol ? […] L’autorité devient avertissement.

1899. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? […] Mais, qu’on l’envisage au début ou au terme de son évolution, toujours la vie dans son ensemble est un double travail d’accumulation graduelle et de dépense brusque : il s’agit pour elle d’obtenir que la matière, par une opération lente et difficile, emmagasine une énergie de puissance qui deviendra tout d’un coup énergie de mouvement. […] Mais ces événements monotones et ternes, qui rempliraient trente siècles d’une matière devenue consciente d’elle-même, n’occupent qu’un instant de ma conscience à moi, capable de les contracter en une sensation pittoresque de lumière. […] Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu’elle s’éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l’esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s’entrepénétraient.

1900. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Si, comme on peut le croire, dans le paysage probablement décrit d’après nature par Saint-Amant, il y avait en effet un coin de ruine mal famé, où l’on montrait encore de loin avec effroi ce qu’il appelle le squelette d’un amant qui s’était pendu par désespoir, je ne vois pas pourquoi il ne l’aurait pas conservé : mais autre chose est ce trait trop important pour être omis dans un paysage de ce caractère, et qui n’en occuperait dans tous les cas qu’un côté funeste et maudit, autre chose est la limace et le crapaud qu’il s’amuse à nous montrer dans la strophe suivante sur les parois de la cave ou du souterrain effondré du château : Le plancher du lieu le plus haut Est tombé jusque dans la cave, Que la limace et le crapaud Souillent de venin et de bave… Ce qui paraît d’autant plus choquant que cette cave, ainsi présentée de si laide façon, devint chez lui tout aussitôt la grotte sacrée du Sommeilq : Là-dessous s’étend une voûte Si sombre en un certain endroit, Que, quand Phébus y descendroit, Je pense qu’il n’y verrait goutte ; Le Sommeil aux pesants sourcils, Enchanté d’un morne silence, Y dort, bien loin de tous soucis, Dans les bras de la Nonchalence, Lâchement couché sur le dos, Dessus des gerbes de pavots. […] Saint-Amant était dominé par son humeur, par son tempérament : homme de plaisir et de table, il vivait avec des grands seigneurs qu’il égayait, dont il animait les festins et bombances, et l’improvisation devint bientôt sa seule muse. […] [1re éd.] devient chez lui tout aussitôt la grotte sacrée du Sommeil r.

1901. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il eut besoin de quelque apprentissage pour devenir grand orateur ; il n’en eut pas besoin pour être le théoricien politique qui présenta aussitôt la Révolution accomplie de la façon la plus monarchique et la plus digne. […] Il classe volontiers le monde en honnêtes gens et en ceux qui ne le sont pas ; sa morale sociale admet essentiellement le bien et le mal, dont les noms reviennent sans cesse à sa bouche d’une manière qui, à la fin, devient provocante : les instincts conservateurs, à ses yeux, sont les seuls bons ; les autres instincts plus actifs et plus remuants sont vite déclarés pervers. […] Quand devint-il décidément orateur ?

1902. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

L’acier manquait, on n’en pouvait tirer du dehors, l’art de le faire était ignoré ; on demanda aux savants de le créer, ils y parvinrent ; et cette partie de la défense publique devint indépendante de l’étranger… La poudre était ce qui pressait le plus : le soldat allait en manquer. […] Biot trouve de nobles paroles pour caractériser ce nouvel effort héroïque d’où sortirent l’École polytechnique dans sa première forme plus ouverte et plus libre que depuis, et surtout l’École normale d’alors qui dura peu, mais qui donna, dans cette résurrection des esprits, une impulsion puissante et décisive, — assez pour que sa destinée fût remplie : « On voulut qu’une vaste colonne de lumière sortit tout à coup du milieu de ce pays désolé, et s’élevât si haut, que son éclat immense pût couvrir la France entière et éclairer l’avenir… Ce peuple, qui avait vu et ressenti en peu d’années toutes les secousses de l’histoire, était devenu insensible aux impressions lentes et modérées ; il ne pouvait être reporté aux travaux des sciences que par une main de géant. » Ces géants civilisateurs et pacifiques qui remirent alors en peu de mois l’édifice entier sur ses bases, se nommaient Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet… moment immortel ! […]  » Et il en prend occasion d’exprimer à ce sujet ses propres idées et les conditions qu’il estime indispensables au progrès, à savoir : — alliance et union étroite des sciences et des lettres : « Sans les sciences la nation la plus lettrée deviendrait faible et bientôt esclave ; sans les lettres la nation la plus savante retomberait dans la barbarie ; » — enchaînement des sciences les unes aux autres : « Cette union fait leur force et leur véritable philosophie ; elle seule a été la cause de tous leurs progrès » ; — une certaine liberté et latitude laissée aux professeurs dans la pratique : « Il faut, disait-il, que les professeurs soient guidés et non pas asservis.

1903. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les dieux ont placé la sueur avant la vertu : il faut gravir ; mais, une fois le sommet atteint, tout devient facile. […] heureux qui l’invoque et le prie à chaque accident de la saison, qui compte sur lui seul comme aux jours de la manne dans le désert qui suit en fidèle ému, entre deux haies en fleur, la procession d’une Fête-Dieu champêtre, ou qui prend part avec foi et ferveur, le long des blés couchés ou desséchés, aux cantiques d’alarmes et aux pieux circuits des Rogations extraordinaires ; qui sait le chemin qui mène à la statue de la Vierge dressée au sommet du rocher ou logée au cœur du chêne antique où hantaient jadis les Fées ; qui ne méprise pas le Saint même du lieu et le miracle d’hier qu’on en raconte, toutes croyances et coutumes innocentes et charmantes, si, au lieu de devenir des affaires de parti, elles restaient ce qu’elles devraient être toujours, de touchantes religions locales et rurales !  […] Il est des œuvres qui sont faites pour orner les voies sacrées, les voies triomphales, pour décorer les avenues et les degrés des Panthéons et des Capitoles, pour devenir à leur tour les exemplaires classiques de l’avenir.

1904. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Lors même qu’on lui eut assigné un rayon où il pût tourner à son gré, ce rayon trop étroit lui devint vite un cercle d’enfer. […] À l’armée, on dit à des poltrons qu’ils sont des braves, et on les amène ainsi à le devenir. […] Napoléon avait achevé, ou à peu près, de dicter à bâtons rompus ce qui concernait son histoire, celle de ses campagnes, lorsqu’en 1819, des livres qui traitaient des grands capitaines de tous les temps tombèrent sous sa main, et il s’en saisit avec avidité ; il eut, à l’instant, l’idée de devenir historien et critique des autres.

1905. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Comment ce qui était particulier et en vue surtout d’auditeurs galiléens à l’origine est-il devenu général et universel ? Comment ce royaume de Dieu que beaucoup des premiers disciples interprétaient au sens étroit, au sens judaïque, et comme devant se réaliser prochainement sur la terre, a-t-il reculé peu à peu et à l’infini, et est-il devenu simplement le royaume des Cieux, le royaume invisible et d’en haut ? […] Puis, quand la doctrine fut sortie de dessous terre et eut levé en mille endroits à la fois, comment devint-elle en peu d’années un ferment et une matière politique, un danger ou une ressource, une force avec laquelle il fallut compter et qui, non sans se modifier elle-même quelque peu dans le sens social, s’imposa enfin aux Empereurs eux-mêmes ?

1906. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

« Il consulta l’un après l’autre tous les devins de l’armée, ceux qui observent la marche des serpents, ceux qui lisent dans les étoiles, ceux qui soufflent sur la cendre des morts. […] Son cœur débordait en paroles furieuses… » Qui serait étonné de voir ce qu’est devenu son Mâtho ou Mathos ? […] Spendius, qui méprise les dieux étrangers et qui ne croit qu’à l’oracle de son pays, lui persuade qu’une fois maître du mystérieux péplum, il deviendra presque immortel et invincible, et par conséquent possesseur aussi de Salammbô.

1907. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Il est certes des natures merveilleusement douées en naissant, des êtres (surtout femmes) revêtus de dons singuliers, d’aspirations pures, tendres, poétiques, idéales, et qui semblent vouloir glisser, s’élever au-dessus de la terre : ici, chez Sibylle, cette faculté éthérée, cette tendance au sublime est jointe à une fermeté de volonté qui devient le trait caractéristique et qui, dans plus d’un cas, ira jusqu’à la dureté. […] Le pauvre fou Jacques Féray, objet de sa pitié, subit son ascendant, se voue à elle et devient son serf et sa chose. […] La question de foi et d’orthodoxie s’introduit à un certain moment dans l’action et en devient le nœud.

1908. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Son intimité avec Berthaud et surtout avec Hégésippe Moreau, avec qui il vécut quelque temps, je l’ai dit, rue des Beaux-Arts, et à qui même il prêta plus d’une fois sa grande redingote verte d’un vert clair, pourra devenir l’objet d’un chapitre intéressant. […] Son regard vif devenait presque caressant dans l’intimité et d’une douceur incroyable. […] On raconte qu’à mesure que Charles-Albert lisait cette Épître qui lui fut remise par un respectable prélat, son émotion devenait visible, et qu’elle se trahit surtout à ce vers : Je venais contempler mon Paradis perdu.

1909. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Charles Loyson, né en 1791 à Château-Gontier, dans la Mayenne, après des études faites au collège de Beaupréau, et devenu déjà professeur, obtint en 1811 la faveur d’entrer à l’École normale pour y fortifier et y compléter son éducation classique, qui avait été un peu hâtive. […] Mais puisque celle-ci est devenue décidément un objet de controverse, puisque c’est la première chose, et la seule, que cite plus d’un de nos beaux esprits du jour quand il s’agit de Loyson, force m’est bien d’en parler. […] On en pourrait détacher quelques paroles éloquentes et tristes sur l’état moral de la France à cette époque, état moral agité et fébrile, suspendu entre des fautes et des excès contraires, donnant d’un extrême à l’autre sans trêve ni raison, et que nous avons vu se renouveler tant de fois depuis : un mal à désespérer les sensés et les clairvoyants, à faire douter de l’avenir et du bon génie de la France, et qui est devenu proprement le mal français périodique.

1910. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Son génie, naturellement recueilli et paisible, eût-il suffi à cette intensité d’action que réclame notre curiosité blasée, à cette vérité réelle dans les mœurs et dans les caractères qui devient indispensable après une époque de grande révolution, à cette philosophie supérieure qui donne à tout cela un sens, et fait de l’action autre chose qu’un imbroglio, de la couleur historique autre chose qu’un badigeonnage ? […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas. […] Plus tard, surtout quand sa tante fut abbesse, il devint à Versailles le chargé d’affaires en titre des pauvres persécutées.

1911. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

S’il se rencontre surtout dans une nature aimable, facile, qui n’a en rien l’ambition de ce rôle et qui ignore absolument qu’elle le remplit ; s’il se produit en œuvres légères, courtes, inachevées, mais sorties et senties du cœur ; s’il se termine en une brève jeunesse, il devient tout à fait intéressant. […] Il reste plaisant toujours que le personnage qu’était là-bas M. le Duc, se trouve ici devenu le citoyen Cambacérès. […] Il ne devint malade de la poitrine qu’un an avant sa mort ; jusque-là il était seulement délicat et volontiers mélancolique, bien qu’enclin aussi à se dissiper.

1912. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Alors le discours d’affaires peut devenir une œuvre qui vaut et qui dure, même après que son utilité réelle et directe est épuisée. […] Quand l’ordre de succession traditionnel appela Henri IV au trône, les protestants quittèrent leurs doctrines, qui furent recueillies par les catholiques, et le régicide devint pour un temps la propriété des théologiens de la Compagnie de Jésus. […] Michel de l’Hôpital, né en Auvergne vers 1505, fut emmené en Italie par son père qui suivit le connétable de Bourbon, étudia à Padoue ; et, revenu en France, devint conseiller au Parlement, président du conseil de la duchesse de Berri, président de la Chambre des comptes, enfin chancelier de France en 1500.

1913. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

De gras rédacteurs dûment appointés, ayant tout juste produit deux mille chroniques dans leur existence, s’attendrirent ou devinrent lyriques devant la force de la belle jeunesse qui sait rester joyeuse au milieu de la misère, et qui, et que… La Vie de Bohème est, malgré tout, un livre rebutant et désolant, et je ne crois pas qu’il y ait un écrivain vrai, un homme de talent et de cœur qui n’ait la nausée devant ces plaisanteries vieillies alternant avec ces crachats de phtisique et ce dépenaillement. […] Murger devient son plus précieux allié contre l’élégance hautaine de Baudelaire, le purisme de Gautier, l’aristocratisme de Vigny et de Lamartine, le sombre génie de Delacroix, le lyrisme éperdu de Berlioz, la fière intransigeance de Gustave Flaubert. […] Si sa place dans l’État était nettement délimitée, il deviendrait immédiatement homme du monde, il ne permettrait même pas à un bourgeois riche de revendiquer sur lui cette pauvre supériorité des « manières », l’élégance qu’il donne à ses peintures ou à ses poèmes rehausserait immédiatement son attitude.

1914. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

La comédie des Chinois, de Dufresny et Regnard, jouée par les Italiens le 13 décembre 1692, contient plus d’un trait qui témoigne de la rivalité des deux théâtres, depuis que leur domaine était devenu à peu près le même. […] On ne sait pas ce que ces messieurs-là peuvent devenir un jour. […] Ils étaient devenus plus Français que nous-mêmes.

1915. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Avant que la morale devienne un genre, elle se montre, par pensées détachées, dans les autres genres. […] Ces personnes auxquelles l’avaient lié des goûts et peut-être des préventions communes, c’étaient Mme de la Fayette et d’autres dames de la cour, dont l’esprit délicat aiguisait le sien, et au tact desquelles il éprouvait, comme à une pierre de touche, la vérité de ces réflexions qui, sous le nom de Maximes, allaient devenir des vérités immortelles. […] En s’éloignant des événements, La Rochefoucauld s’élève tout à la fois et devient meilleur.

1916. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Il s’acquit l’estime publique et devint chancelier de l’Église et de l’Université de Toulouse. […] Janin a pris la plupart des noms qui figurent dans son livre ; je dis les noms, car il a donné aux personnages un tout autre caractère, et les a complètement métamorphosés. à partir d’un certain moment, l’institut de l’Enfance étant devenu suspect, la Cour donna ordre de le surveiller étroitement et d’y introduire des espions, ce qu’on appelait dès lors des mouches. […] À la Cour, ce fut toujours une note fâcheuse contre M. d’Aguesseau d’avoir eu une de ses filles à l’Enfance, et on crut que, sans cette circonstance qui lui donnait une couleur aux yeux de certaines gens, il aurait été chancelier, comme son fils le devint depuis.

1917. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Le 13 août 1548, Marie Stuart, âgée de moins de six ans, débarqua à Brest ; fiancée au jeune Dauphin qui devint François II, et élevée avec les enfants de Henri II et de Catherine de Médicis, elle resta en France, soit comme dauphine, soit comme reine, jusqu’à la mort si prématurée de son mari. […] Elle ne devient politique, comme cela est le propre des femmes passionnées, que dans l’intérêt de sa passion même et de sa vengeance. […] Cette faculté d’espérance, qui l’a tant de fois trompée, lui devient ici une grâce d’état et une vertu.

1918. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Si quelqu’un entre alors pour une affaire particulière, quelque subalterne surtout, on le retient, on amène la conversation sur la chute récente, sur l’ingratitude des hommes, sur l’état général des affaires publiques qui se gâte et devient tout à fait affligeant : on s’épanche, on cherche de l’écho. […] Il devenait même poète du coup, et rimait l’éloge de Henri IV et son propre Adieu à la Cour en deux pièces de vers qui se sont conservées. […] Je suis bien aise de voir l’État respirer un moment, et je souhaite que le remplacement de nos ministres fasse un bon effet dans les affaires, que ceux qui leur succéderont soient meilleurs et ne deviennent pas pires.

1919. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

On a beau reproduire textuellement la note du passé, le sens littéral n’est pas le sens profond ; celui-ci échappe si le génie ne le retrouve pas, et il ne l’obtient souvent qu’en l’arrachant : les âges d’autrefois, en s’éloignant de nous et en retombant dans leur immobilité, deviennent des sphinx ; il faut les forcer à rendre leur secret. […] Le Voyage d’Anacharsis avait paru depuis quelques mois, et le succès allait aux nues : une place devint vacante à l’Académie française par la mort du grammairien Beauzée, et Barthélemy, choisi tout d’une voix pour lui succéder, fut reçu dans la séance publique de la Saint-Louis (août 1789). […] Dans tous les établissements publics où il s’emploie un certain nombre d’hommes, il s’en trouve toujours un qui, d’ordinaire placé dans les rangs inférieurs, a amassé durant des années en silence des trésors de fiel et d’envie ; et, le jour d’une révolution survenant, cet homme se lève contre les autres qui ne le connaissaient même pas jusque-là, il devient leur ennemi ulcéré et leur dénonciateur.

1920. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Elle aperçoit et rend la vie à la façon d’une vision lointaine, vaguement inexplicable et confuse sur l’horreur de laquelle elle se penche et s’apitoie ; elle médite en des hallucinations extériorisées l’infini labyrinthe du raisonnement humain, et perçoit en elle la sourde agitation des instincts, des douleurs, des passions et des rages, de tout ce qui est des nerfs et du sang ; elle est imbue de pitié, débordante d’amour pour tous ces êtres faits de péché et de souffrance, et prise alors entre son épouvante et son amour, il fallait que par un effort et une sorte de folie, pareil au coup de poing d’un exaspéré joueur d’échecs près de perdre, elle brouillât et tranchât tout dans une étrange aberration qui la fait s’incliner devant l’être même que cet acte de foi constitue l’auteur des maux dont il devient le recours. […] De là, si l’on amplifie ces aptitudes au degré où elles deviennent géniales, le merveilleux dessin de ses personnages ; de là surtout leur caractère charnel, farouche, violent, brutal et inintelligent, que Dostoïewski dut découvrir latent dans sa nature fruste d’homme plus animal que spirituel. […] Il renia son esprit, abjura sa raison, exalta la folie, l’idiotie, l’imbécillité, la candeur des idiots et la bonté des criminels ; il devint mystique, l’on a vu par quelle angoisse, et avec quelle ferveur.

1921. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Que l’on note encore le chapitre de A Rebours, où, par une boueuse nuit d’automne, le duc erre par tout le quartier anglican de Paris, des bureaux de « Galignani » à la taverne de la rue d’Amsterdam  dans Les Sœurs Vatard, le tumultueux intérieur d’atelier de femmes par un matin de paye après une nuit blanche, la plaisante énumération des manques de tenue de l’ouvrière Céline devenue la maîtresse d’un monsieur à chapeau de soie  le bruissant tableau des Folies-Bergère dans les Croquis parisiens, et les vues en grisaille de certains sites dolents de la banlieue  enfin, dans tous ses livres, cette qualité que M.  […] Toutes les réalités y deviennent légères et flatteuses, depuis le vermeil expirant des cuillères, à thé, jusqu’à la coupe bénigne de la coiffe de la domestique, depuis la splendeur assourdie des ameublements, les gaufrages des tentures, le mystérieux rayonnement des tableaux, à cette bibliothèque enfermant sous la beauté des reliures d’inestimables livres à l’exquisité des liqueurs bues, des parfums inhalés, des pensées évoquées et contemplées. […] Il s’enrichit et s’affermit au contact de la réalité, se colore, s’infléchit et s’agite, pour rendre l’infinie complexité de délicates visions, s’irrite et s’énerve devant certains spectacles détestés, se subtilise, s’adoucit et s’enrichit encore, devient opulent et onctueux pour rendre la grâce resplendissante d’une certaine beauté supérieure, extraite et sublimée.

1922. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Zola, avec de l’application, aurait pu devenir Chateaubriand, ou si M. Quesnay de Beaurepaire, avec des soins, aurait pu devenir Rabelais. » Pas du tout. […] On prétend que le livre a réussi parce qu’il a trompé l’acheteur et que tous les lecteurs se sont crus capables de devenir bons écrivains.

1923. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Il n’y a point d’effets sans causes, et les effets, à leur tour, deviennent causes ; mais, le plus souvent, il est impossible de distinguer les effets et les causes. […] Ainsi encore ces mêmes peuples de la Grèce, souvent dispersés par des malheurs qui sont devenus l’héritage exclusif des muses, jettent à toutes les époques et sur tous les rivages de fabuleuses ou d’héroïques colonies destinées à perpétuer les souvenirs brillants de la gloire ou les rêves aimables de l’imagination. […] Dans de si sublimes théories, Dieu même, source et modèle de toutes les perfections, devint aussi la source merveilleuse, le modèle incompréhensible du dévouement.

1924. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

À eux deux, en attendant le troisième, qui viendrait ou qui ne viendrait pas, ils étaient devenus la plus éclatante expression de la poésie moderne. […] Il ne pouvait pas être un succès uni comme le plat de la main, facile à enlever comme un ballon dans lequel il n’y a personne, fluant, sans rencontrer d’obstacle, comme une inondation de bêtise satisfaite rappelant, par exemple, le grand succès de feu Ponsard, dont la Lucrèce fut d’abord un succès de lecture dans je ne sais plus quel salon et qui devint célèbre du soir au matin, tant cet adorable médiocre de Ponsard était délicieusement en accord parfait avec la médiocrité universelle, qui décide de tout dans un pays où la majorité fait loi. […] Maurice Rollinat en ses Névroses, C’est le démoniaque devant l’Inconnu embusqué derrière tout comme une escopette du Diable, devenu le seul Dieu, et qui a le tremblement du démoniaque devant le démon.

1925. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Il fut président du Conseil de la guerre, membre du Conseil de régence, puis du Conseil du roi. « C’était, a dit Saint-Simon à qui je n’emprunte que cette peinture physique, un assez grand homme, brun, bien fait, devenu gros en vieillissant sans en être appesanti, avec une physionomie vive, ouverte, sortante, et véritablement un peu folle, à quoi la contenance et les gestes répondaient. » D’humeur gaie, l’air franc, spirituel et commode à vivre, il n’avait pas de près tout ce qui commande le respect ou ce qui concilie un entier attachement. […] Pendant ces années 1718-1724, le château de Villars était devenu comme la maison du poète.

1926. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Ampère, Albert Stapfer ; dans une correspondance curieuse et touchante que j’ai sous les yeux, et qui, entre les mains de l’ami qui me la confie, pourra devenir un jour la matière d’un beau livre de souvenirs, je lis d’autres noms encore de cette jeune intimité ; j’en lis un que j’efface, parce que l’oubli lui vaut mieux ; j’en lis deux inséparables, qui me sont chers comme si je les avais connus, parce qu’un grand charme de pureté les enveloppe, Edmond et Lydia, amants et fiancés. […] La lecture d’Oberman, quand ce livre leur tomba par hasard dans les mains, fit sur eux l’impression qu’on peut croire ; cette mélancolie austère et désabusée devint un moment comme la base de leur vie ; la philosophie platonicienne eut tort ; Jules Bastide fut celui peut-être qui se pénétra le plus profondément de cette âpre et stoïque nourriture.

1927. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Quelques écrits ont hérité avec bonheur de ceux que la ruine a engloutis ; quelques noms glorieux, plus nettement dessinés, et répétés sans cesse, sont devenus pour nous la représentation et comme le symbole subsistant des autres à jamais perdus en eux. […] Dans le volume de reliques dites alexandrines, que j’ai sous les yeux, Parthénius de Nicée y est pour sa part ; ce Parthénius qui, jeune, avait été fait prisonnier dans la guerre de Mithridate, devint à Naples le maître de Virgile.

1928. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Tel était Louis XV dans toute sa force et dans toute sa virilité, à la veille de ce qu’on a appelé son héroïsme : ce qu’il devint après trente années encore d’une mollesse croissante et d’un abaissement continu, on le va voir lorsque, dans sa peur de la mort, il tirera la langue quatorze fois de suite pour la montrer à ses quatorze médecins, chirurgiens et apothicaires281. […] La duchesse du Maine avait parmi ses femmes cette spirituelle Delaunay qui a écrit : « Les grands, à force de s’étendre, deviennent si minces, qu’on voit le jour au travers ; c’est une belle étude de les contempler, je ne sais rien qui ramène plus à la philosophie. » Et encore : « Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique : on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes. » C’est en effet dans cet esprit qu’il faut étudier les grands, surtout depuis qu’on a appris à connaître les petits : ce n’est pas tant comme grands que comme hommes qu’il convient de les connaître.

1929. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Charette, d’une part, et le journalisme, de l’autre, devinrent leurs ressources, et prêtèrent des armes à leur cause. […] Il n’est pas jusqu’à ses disgrâces naturelles qui n’influent sur le ton de son récit, et comme le disait il y a peu de temps notre poète populaire, le portrait mis en tête du livre en devient la pièce justificative, le commentaire essentiel.

1930. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Rédigeant ses Mémoires au temps où le roi de Prusse cajolait Voltaire, il y notait l’envoi eu exil d’un certain « Arouet, fils, écrit-il, d’un notaire qui l’avait été de mon père, et de moi » ; il n’eût pas parlé de cette bagatelle, « si ce Arouet n’était devenu une sorte de personnage dans la république des lettres, et même une manière d’important dans un certain monde ». […] Il y perdit, s’il l’eut jamais, la capacité des grandes affaires ; il y devint incapable de jugement et de justice.

1931. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Il n’en faudrait pas plus dans certaines circonstances pour devenir à votre insu le fondateur d’une religion qui serait embrassée par des millions d’hommes, qui massacreraient en votre nom des milliers d’autres hommes. — Il faudrait donc mourir pour être innocent et tranquille ? […] Et par la suite il devient odieux.

1932. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Il ne crut pas humiliant d’être, à Charlemagne, un élève correct, non plus qu’il ne jugea superflu de devenir, à Carnavalet, un assidu bibliothécaire. […] C’est la vie, dans son complexe mouvement physiologique, dans son devenir incertain et émouvant que ses livres savent évoquer.

1933. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Mais ces lois ne sont-elles pas locales, variables d’un point à l’autre, comme celles que font les hommes ; ce qui est la vérité dans un coin de l’univers, sur notre globe, par exemple, ou dans notre petit système solaire, ne va-t-il pas devenir l’erreur un peu plus loin ? […] Habitués à contempler l’infiniment grand, nous sommes devenus aptes à comprendre l’infiniment petit.

1934. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

« Il ne se fera, quoi qu’on en ait dit, l’organe d’aucune coterie, d’aucune secte : il n’a pas de couleur littéraire ; il est et restera ouvert à toute tentative originale, il prêtera son concours le plus entier à tous ceux qui luttent pour arriver au jour, à une époque où il devient de plus en plus difficile de percer la couche épaisse de sottise qui sépare les jeunes écrivains du grand public. ». […] Alfred Vallette, qui devait devenir l’éditeur et, par ainsi, le propagateur des poètes symbolistes, s’y montrait pourtant assez tiède à leur endroit.

1935. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Cette institution antique et excellente était devenue un prétexte pour de misérables disputes de casuistes et une source de croyances superstitieuses 642. […] Mais l’éclair deviendra le plein jour, et, après avoir parcouru tous les cercles d’erreurs, l’humanité reviendra à ce mot-là, comme à l’expression immortelle de sa foi et de ses espérances.

1936. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Ce jeune homme deviendra un bon soldat et un courtisan d’adresse moyenne. […] Où Jules devient particulièrement intéressant c’est lorsque, quittant les livres, il parle de la vie de son héros.

1937. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Quant à cette raison qu’on croyoit sans réplique, qu’il faudroit jetter au feu les meilleurs livres, comme devenus inutiles par la nouvelle orthographe, ils répondirent que, pour remédier à cet inconvénient, on n’avoit qu’à les faire imprimer de nouveau. […] Appel sur le champ de la part de l’abbé au parlement : l’affaire alloit devenir sérieuse ; mais les professeurs royaux, engagés d’honneur à ne pas laisser condamner le plus zèlé défenseur de leur opinion, allèrent en corps à l’audience, représentèrent avec éloquence à la cour l’injustice des procédés de la Sorbonne.

1938. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Charrière — est devenu dans notre traduction les Mémoires d’un seigneur russe, c’est pour prendre avec ce titre le caractère du témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine. » Aveu plus forcé que naïf, et qu’il fallait bien faire tout d’abord pour expliquer ce changement de titre qu’on ose se permettre, mais qu’on expie presque immédiatement par un embarras qui commence : « Quelques fragments de cet ouvrage — ajoute le traducteur — avaient paru dans un journal de Moscou et frappé l’attention, quoique venant d’une plume inconnue et qui n’avait pas fait ses preuves devant le public… On était loin de prévoir l’impression que devait produire la réunion de ces morceaux, lorsque ayant été mis en volume et complétés dans leur ensemble, on put saisir la donnée supérieure qui s’en dégageait et qu’on vit s’y manifester la pensée intime de l’auteur ou plutôt l’inspiration sociale à laquelle il avait involontairement cédé… » Certes ! […] Quand un livre n’est qu’impressions et détails, quelques hachures inspirées, quelques morsures d’une plume métallique qui sait enlever un profil d’horizon ou un profil de visage, quand il manque, enfin, comme celui-ci, de plan, d’ordonnance et d’architecture, l’analyse devient impossible.

1939. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Orgueilleux, mobile, fantasque et farouche, qui de bonne heure avait porté au pouvoir, pour lequel il n’était pas fait, une instabilité d’opinion qui était comme la nostalgie de son génie même, ce prieur de Florence qui ne devait être que le poète de Florence, ce Guelfe devenu Gibelin sans motif que puisse articuler l’Histoire, ce sombre déserteur qui passa à l’ennemi et mérita bien l’exil contre lequel il a rugi comme il aurait rugi contre toute autre chose, ce lion inévitable, s’il n’avait pas été exilé, enfin ce majestueux Dante, idéalisé par son poème, était au fond une assez insupportable réalité. […] Devenir de plus en plus solide, se caler et à la solidité par la masse ajouter le pénétrant, l’affiné, l’aigu, voilà ce à quoi le critique doit viser ; car la Critique est particulièrement en ces deux choses : la pénétration et le poids.

1940. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Après les malheurs de Ménilmontant, les prêtres de Saint-Simon étaient, comme on le sait, devenus laïques, et ils avaient même grimpé en quelques années, avec beaucoup d’agilité, à des positions qui ne manquaient ni d’élévation ni d’influence. […] prenez-en aujourd’hui toutes les forces vives, et demandez-vous ce qu’elles deviennent avec ce panthéisme charnel que M. 

1941. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Même l’égoïsme de son parti, qui sentait bien de quelle ressource un tel homme pouvait être dans un moment donné, lui épargna l’angoisse des commencements qui durent… Ce qu’on reconnaît le plus facilement, d’ailleurs, ce sont les facultés qui sont des armes ou qui peuvent le devenir. […] Mais sous la main féconde et puissante d’un véritable romancier, ce sujet, lieu commun d’histoire, pouvait devenir une grande œuvre, humaine, profonde et palpitante.

1942. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Que si, au contraire, ce titre d’Aventures parisiennes donné à un livre d’observation d’intérieur, de coin du feu, de sentiment raffiné, est une ironie détournée contre cette société devenue si uniformément plate à force de civilisation, et dans laquelle chacun de nous n’a plus d’autres aventures à courir que dans les deux pouces cachés de son propre cœur, elle est vraiment trop détournée, cette ironie ; c’est là une intention qui ne sera pas aperçue, et l’auteur aura manqué son trait, comme le joueur au billard manque la bille pour avoir voulu la prendre trop fin. […] Antoinette, la spirituelle, la raisonnable, la vertueuse Antoinette, s’éprend d’un adolescent de l’âge de sa fille, qui commence, à son tour, la vie, et c’est cet amour tardif, ce contresens du cœur et de la destinée, ces curiosités d’Eve condamnée à mourir, les espoirs fous qui unissent par une douleur folle, les pudeurs qui deviennent des hontes de toute cette passion forcenée et vulgaire, que M. 

1943. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Le plus souvent elles réagissent incessamment l’une sur l’autre, et deviennent tout à tour, par une sorte d’échange perpétuel des rôles, cause et effet l’une de l’autre. […] En un mot, si l’on voulait expliquer pourquoi nos sociétés occidentales sont devenues à la fois très unifiées et très compliquées, très hétérogènes et très homogènes, très denses et très étendues, c’est toutes les espèces de transformations qu’y ont subies les âmes et les corps, les choses et les personnes, la nature et l’humanité qu’il faudrait énumérer ; et il ne suffirait nullement de dire que les hommes y ont voulu vivre en égaux.

1944. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

La tendresse la plus ardente devient agaçante et irritante : l’oiseau bleu s’est envolé pour ne plus revenir. […] Dans deux mois, la Faustin débutera dans Phèdre et deviendra célèbre en une nuit. […] Dès que Veranet n’est plus là, prêt à la secourir, prêt du moins à la réconforter de sa présence, elle devient folle. […] Ce qui serait remarquable chez un écrivain de second ordre devient faible chez un maître, car maîtrise oblige plus que noblesse. […] Le fils, Pedro, devint dès lors l’unique espoir de la famille.

1945. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Brun, [Guillaume le] Jésuite, né en 1674, mort en 1758, a plus que le précédent des droits à la reconnoissance publique, pour avoir composé un Dictionnaire François-Latin qui est devenu classique dans tous les Colléges de France.

1946. (1886) Le roman russe pp. -351

Le réalisme devient odieux dès qu’il cesse d’être charitable. […] Mais à mesure que sa vision se fait plus exacte, elle devient plus limitée et plus triste ; aucun ressort moral ne le soutient. […] Ces petits deviennent hommes, et l’on reconnaît en eux les enfants de la tempête. […] Mais je le vis devenir soucieux, son visage s’assombrit par degrés. […] On sera plus curieux d’apprendre ce que devenait le pauvre écrivain au milieu de la tempête qu’il avait soulevée.

1947. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 538

Tout le monde connoît son Dictionnaire François-Latin, devenu un Ouvrage classique.

1948. (1876) Romanciers contemporains

Le disciple, devenu bientôt un émule, a marché d’un pas mieux assuré. […] Eux partis, il a imaginé leurs aventures ; il leur a donné leur nom ; ils sont devenus Bois-Rosé et Pepe. […] Aussi, dès l’apparition du Coureur des bois, a-t-il pu devenir l’émule de Cooper. […] C’est elle qui en a fait les honneurs à l’étranger devenu par adoption un compatriote. […] C’est ainsi que la vie cléricale et les Cévennes sont devenues le domaine exclusif de M. 

1949. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bonaparte-Wyse, William-Charles (1826-1892) »

L’archéologie y est devenue une vérité, une actualité ; si l’on n’était homme du Nord et sceptique, on se croirait tout de bon à une renaissance.

1950. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Peyrey, François (1873-1934) »

Au fil de l’eau, dont j’aime à détacher trois vers en l’honneur du crépuscule : Doucement l’heure s’envole, mélancolique, Le jour descend et la brume devient mystique ; Il semblerait qu’un grand lis noir vient de fleurir.

1951. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hubert, Paul »

Il semble que ce poète n’aurait qu’à gagner à s’abandonner davantage, à devenir plus spontané, forme et fond, et que, dégagé de quelque afféterie, il apparaîtrait plus nettement ce qu’il est, un spirituel artiste.

1952. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Supprimez l’un des deux termes, que devient le rapport ? […] Dès là ce spectacle nous devient insupportable. […] Que sont-ils devenus ? […] Depuis, qu’est devenue l’architecture française ? […] L’action devient donc bonne ou mauvaise selon l’événement.

1953. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais passons ; tout cela est changé pour le paysan devenu libre. […] Que veux-tu que je devienne sans cheval ? […] Qu’est-elle devenue ? […] Iakof jouissait de son triomphe comme un enfant ; il était devenu méconnaissable : ses yeux étincelaient de bonheur. […] On ne lui répondit plus, et il se remit à appeler de plus belle ; mais ses cris devenaient moins distincts.

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