Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel.
C’est la région des vérités abstraites, des lois, des formules, accessible seulement à l’esprit pur, le domaine mystérieux de l’impalpable et de l’invisible où règnent les principes de toutes choses comme les Mères du second Faust « qui trônent dans l’infini, éternellement solitaires, la tête ceinte des images de la vie, actives, mais sans vie. » Tous deux créateurs à leur manière : l’un parce qu’il sait manier les couleurs, les mots, les formés pittoresques qui donnent aux idées le vêtement et la vie ; l’autre parce qu’il croit avoir saisi les ressorts cachés qui font mouvoir le monde, les formules fécondes qui traduisent les lois de l’univers et d’où le flot des phénomènes s’échappe comme d’une source indéfectible.
Si nous prenons au hasard, les raisons de notre mouvement seront toutes mécaniques ; si nous choisissons, nous serons alors déterminés par un jugement de préférence fondé sur la grosseur, la couleur, le poids, la qualité de telle orange.
« Tout est neuf, le site, les personnages et les couleurs », s’écriait Fontanes.
Je ne trouvais dans cette indigente nature aucune des couleurs poétiques que la nudité de la terre et l’éraillement de mes roches décrépites me refusaient.
Je sais bien que c’est une des tendances d’à présent d’envisager sous les plus noires couleurs les vingt-cinq dernières années de notre histoire, et le monde est plein de gens qui ne se consolent pas d’y être nés.
Et pourtant ils sont partout ; ils se tiennent ensemble, ils sont comme une petite armée ; mais leur drapeau a si souvent changé de couleur qu’on ne distingue plus rien sur ce haillon vendu ; ils se reconnaissent à leur cri de ralliement : Gardons-nous bien !
Parce qu’elle y éclate en traits de feu, parce qu’on y retrouve le mouvement, la couleur, l’accent, la passion, tous les caractères de la vie, en est-elle moins féconde en explications, en révélations sur le fond des choses ?
Toujours ce peuple aimable aura de nouveaux droits sur nos cœurs ; chez lui, les grâces s’allient à la grandeur ; la raison n’est jamais triste ; la valeur n’est jamais féroce, et les roses d’Anacréon se mêlent aux panaches guerriers des Du Guesclin… » M. de Maistre pensera toujours, plus qu’il n’en voudrait convenir, à la France et à Paris, à cette Athènes absente qu’il saluait si gracieusement au début ; mais il la peindra tout à l’heure moins anacréontique et un peu moins couleur de rose. […] Chez lui, l’imagination et la couleur au sein d’une haute pensée rendent à jamais présents les éternels problèmes.
Ce qu’on appelle une réalisation est un véritable problème de rendement dans lequel n’entre à aucun degré le sens particulier, la clef que chaque auteur attribue à ses matériaux, mais seulement la nature de ces matériaux et l’esprit du public. » Le rôle de l’artiste est d’établir la communication entre l’être de sa matière artistique (couleur, formes, vers) et l’être du spectateur ou du lecteur. […] « Le réel d’un discours, dit Valéry, c’est après tout cette chanson, et cette couleur d’une voix, que nous traitons à tort comme détails et accidents. » Jusqu’à un certain point !
Dès que les auteurs de ces machines-là sont dans le passé, ils se croient tout permis, les invraisemblances, les poupées de carton, les sottises énormes, les barbouillages criards d’une fausse couleur locale. […] On ne chicane pas au peintre ses couleurs, au romancier son encre et son papier, à l’auteur dramatique sa rampe et ses pendules qui ne marchent pas. […] Le carnaval romain, ce décor large et à style sévère, ces personnages aux draperies de couleur tendre, me reposaient du carnaval romantique, des guenilles et des armures du moyen âge. […] Le premier acte de Garin a de la couleur, et ça et là on peut citer quelques beaux vers ; mais c’est tout. […] Le style ne consiste pas en belles images, pas plus que la peinture ne consiste en belles couleurs.
Beauzée Articles de l’Encyclopédie Compilation établie à partir de l’édition numérisée de l’ARTFL Beauzée, articles de l’Encyclopédie FORMATION Formation (Grammaire) FORMATION, s.f. terme de Grammaire, c’est la maniere de faire prendre à un mot toutes les formes dont il est susceptible, pour lui faire exprimer toutes les idées accessoires que l’on peut joindre à l’idée fondamentale qu’il renferme dans sa signification.
Mon teint devint bien des fois de la couleur du thapse109 ; tous les cheveux me coulaient de la tête, et il ne me restait plus que les os mêmes et la peau.
Ballanche lui ayant mis des lunettes sans trop de dessein, un cri d’admiration lui échappa comme à une seconde vue tout d’un coup révélée : il contemplait pour la première fois la nature dans ses couleurs distinctes et ses horizons, comme il est donné à la prunelle humaine.
Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas.
Horace et La Fontaine sont de charmants tableaux de cabinet par le dessin, la touche, la couleur, mais ce sont des tableaux licencieux en face desquels on ne doit conduire ni sa femme, ni sa sœur, ni son fils.
Ce sont des pages de cette candeur et de cette sensibilité qui feront de Rousseau écrivain le charmeur de la sensibilité, dont il a les couleurs sans en avoir la réalité.
La littérature va se teindre de couleurs nouvelles.
Les prédécesseurs de Beethoven nous montraient un tableau que la lumière du jour, passant au travers de la toile, semblait éclairer : et, cependant, le dessin, la couleur n’y étaient point comparables aux œuvres du peintre ; et c’était, en somme, un art inférieur, et méprisé, comme tel, des vrais connaisseurs, et un Pseudo-Art, seulement ; et cela était fait pour égayer les fêtes aux tables des princes, pour distraire des sociétés frivoles ; et l’adresse du virtuose était la lumière la meilleure à éclairer ce tableau.
Baudelaire décrit en images ses impressions musicales et établit une relation entre l’intensité de la couleur et celle de ses émotions.
Les fantasmagories de son imagination insatisfaite, les sourds élans de son âme vers des bonheurs plus profonds, les gouttes de joie qu’elle parvient à exprimer de la sécheresse de sa vie, culminent en cette scène d’amour où l’ineffable est presque dit : « La lune toute ronde et couleur de pourpre se levait à ras de terre au fond de la prairie.
Tout à coup je tombai sur un fragment de trente ou quarante lignes qui étincelèrent à mes yeux comme si ces lignes avaient été écrites, non avec le pinceau du poète trempé dans l’encre, mais avec la poussière de diamants et avec les couleurs de feu des rayons que le soleil levant étendait sur la page ; ce fragment était un éblouissement de l’âme mystique, appelant, cherchant, trouvant, embrassant son Dieu à travers l’intelligence, la vertu, le martyre et la mort, dans l’ineffable élan de la raison, de la poésie, de l’extase.
Créer est un mot impropre ; il n’est donné à personne de créer l’idiome d’une nation : c’est le travail et la gloire de tous ; mais il est vrai de dire que c’est le moment où les grands poètes et les grands écrivains façonnent la langue, lui donnent le pli, la forme, la flexibilité, la sonorité, la couleur, et l’approprient aux usages intellectuels auxquels cette langue est prédestinée par cette providence qui assigne leur mission aux peuples.
Autant que de Joad l’inflexible rudesse De leur superbe oreille offensait la mollesse, Autant je les charmais par ma dextérité, Dérobant à leurs yeux la triste vérité, Prêtant à leurs fureurs des couleurs favorables, Et prodigue surtout du sang des misérables.
Soit dit sans blesser le dernier traducteur français de Lucrèce68, les meilleures traductions qu’on en a faites ne sont que des copies sans couleur, sans force et sans vie ; en parler sur ces ébauches, c’est juger Raphaël ou le Titien d’après une description.
Or, ne vous y méprenez pas, le fantastique dans l’histoire ne veut pas dire le faux dont tout le monde a la triste puissance ou plutôt la triste infirmité, mais c’est le faux qui fait l’effet du vrai, tant le talent lui a communiqué de mouvement, de couleur et de vie !
Aussi ce ne fut qu’après avoir bien vu la cour et Paris, et bien connu les hommes, que Molière les représenta avec des couleurs si vraies et si durables.
Benjamin ne ménage ni la couleur ni les gros coups de pinceau. […] L’humanité, il la peint de couleurs vives et crues, sans douceur ; ni les détails ne sont arrangés avec complaisance, ni les nuances ne sont ménagées avec gentillesse. La nature, il la peint de couleurs ravissantes, avec un souci de grâce et de poésie. […] Elle est, dans une tempête qui souffle, une petite fleur, de couleur claire ; elle lutte : elle sera brisée. […] Le peintre n’a épargné ni les vives couleurs, ni les lignes hardies.
Ce sont des images diaprées, brillantes, de couleurs vives, analogues à celles que nous pouvons concevoir en contemplant des points lumineux et scintillants ou les braises incandescentes du foyer ; il est assez vraisemblable que nous y faisons entrer les bluettes lumineuses qui fourmillent dans le champ rétinien7. […] C’est la zone indécise où les couleurs des objets s’effacent, où les colorations deviennent étranges et fantastiques, où la terre se fond en couches vaporeuses et rejoint le ciel ; c’est la région enchantée vers laquelle s’en vont nos rêves. […] Je puis me représenter très nettement un objet coloré sans trouver aucun terme qui explique sa forme ou sa couleur ; je puis éprouver un sentiment passionné et être incapable de le formuler en phrases.
Enfin il n’est pas jusqu’au détail puéril de la couleur de sa perruque où nos souvenirs ne diffèrent. […] Pour n’en pas être tentés, ils en achètent deux de la même couleur, et derrière la feuille déployée chacun lit en se cachant de l’autre. […] La chose a servi aux uns de couverture pour leur abstention, sinon pour les secrètes joies de leur jalousie ; aux autres de couleur pour leur usurpation bâtarde.
Écoutez-la gémir devant cette opaque atmosphère, couleur de chrome, qui s’infiltre entre la ville et les nuages : « Il n’y aura pas de jour ! […] » Et, s’adressant à un passant imaginaire qui n’est autre qu’elle-même : « Fuis », s’écrie-t-elle, « réfugie-toi dans une chambre bien fermée et de tendre couleur, et le remède que tu préfères, tu le prendras, que ce soit le feu de bûches, un cœur ou des livres, ou ton violon. » Et voici qu’elle est, par réaction, presque reconnaissante à la ville sans lumière d’exalter ainsi en elle l’ardeur du songe. […] Dites à ce monsieur, fait-il au garçon, que j’ai quelque chose d’important à lui communiquer. — Quand j’aurai fini ma partie, — répond l’interpellé, qui gagne, puis vient causer avec mon malade, car je l’avais déjà dans mon service, lequel lui énumère les symptômes qu’il doit avoir, d’après la couleur bronzée de sa peau.
En revanche, il se complaît dans la description minutieuse, presque pâmée, des appartements somptueux qui servent de décor à ses romans, des jolis objets que manient les fines mains de ses héroïnes : « Elle était paresseusement couchée sur le divan de son salon intime, dans une robe de chambre à volants, toute blanche, en train de fumer des cigarettes d’un tabac de la couleur de ses cheveux, qu’elle prenait dans une boite du Japon laquée d’or, et, sur la même table, à côté de la petite boîte, un porte-cartes en cuir noir, qui se maintenait par un double reploiement sur lui-même, montrait quatre photographies de ses amies préférées… » J’ai pris cet exemple au hasard, on n’a que l’embarras du choix : Un cœur de femme, raffinant sur ses aînés, est une espèce de code d’élégance, lance des toiles, commande des menus. […] Elle s’est attachée à la description des mœurs plutôt qu’à celle des sentiments et des idées ; le monde extérieur l’a plus intéressée par ses aspects pittoresques que la vie intérieure avec ses mouvements abstraits ; les couleurs de la nature l’ont plus préoccupée que son mystère. […] » Aussi est-elle en train de disparaître. « Il y a encore de l’orthographe dans les livres et dans les journaux, parce qu’il y a des protes pour l’y mettre ; mais il n’y a plus de grammaire. » Quant aux sujets, ils n’ont chance de réveiller « l’apathie des masses » que s’ils sont grossiers et libidineux, sous fausse couleur de hardiesse8. […] Il le trouve « le moins personnel des écrivains », n’ayant « ni dessin, ni couleur, ni relief, ni mouvement.
« Baron représentait, dit-on, le rôle de Sganarelle, avec un habit de velours noir, plus négligé que celui de son frère, mais fait de manière à marquer la bizarrerie, et non l’extravagance. » Je doute que Baron ait représenté le rôle de Sganarelle, celui d’Ariste lui convenait mieux ; et d’après cette dernière supposition, puisque Baron était bon comédien, je devine non seulement comment il était mis, mais je vois encore d’ici la couleur de sa perruque, l’âge qu’il se donnait, la mine, le caractère qu’il prenait ; j’entends même jusqu’au son de sa voix. […] Les caractères. — Tous variés, et tous les personnages bien fâcheux, quoiqu’avec des formes et des couleurs différentes. […] L’usage, dans la plupart des fêtes qu’on donne à Barcelone, est de tirer au sort des rubans ; le cavalier qui a la couleur d’une dame, est obligé de lui dire des douceurs, et la dame ne peut se dispenser d’y répondre ; l’on se doute que, grâce aux soins de la princesse, Carlos a un ruban semblable au sien ; il en profite avec tant de vivacité que Diane, satisfaite, croit pouvoir reprendre toute sa fierté, lorsqu’il déclare froidement ne s’être efforcé de paraître tendre que pour céder aux lois de la fête. […] Les caractères accessoires. — Molière n’ayant pas donné à son Alceste des couleurs assez fortes, pour qu’il pût être l’unique objet d’une pièce en cinq actes, le met en opposition avec une prude, un bel esprit, quelques petits maîtres de cour, l’indulgent Philinte ; et surtout avec la coquette Célimène ; et ces divers caractères lui donnent occasion de développer le sien.
Ceux qui ne voient pas l’astre du jour au firmament, ne l’aperçoivent point à travers le prisme qui le décompose en sept couleurs.
Sur les gerbes brille la guirlande de diverses couleurs, et les jeunes gens de la moisson courent à la danse.
— « Je pense, répondit-elle, qu’à l’exception de quelques couleurs trop chaudes dans certaines parties descriptives de ce vaste tableau d’histoire, c’est le livre le plus utile qui ait encore paru pour préparer le jugement dernier des choses et des hommes de la Révolution ; car c’est le livre où il y a le plus de justice pour les oppresseurs et le plus de pitié pour les victimes. » Et comme le groupe des hommes d’État debout auprès de la cheminée s’étonnait en affectant de s’indigner contre ce jugement de faveur sur ce livre, madame Récamier reprit la parole, seule contre ses amis, et me défendit avec une chaleur de discussion et une intrépidité d’amitié qui attestaient en elle autant d’impartialité que d’énergie dans le jugement.
Il ne voulait pas que les couleurs, en attirant les yeux, donnassent des distractions aux oreilles.
Cette invasion très bien prévue et si fort détestée, l’invasion des Français à Florence, eut lieu le 25 mai 1799, avec toutes les circonstances que chacun sait ou ne sait pas, et qui ne méritent pas d’être sues, la conduite de ces esclaves partout la même n’a en toute occasion qu’une couleur.
« Toujours s’enflammant de plus en plus dans l’irritation de sa parole et dans la violence des expressions, il accumula tant de reproches contre moi que mes amis en furent consternés et me crurent tôt ou tard perdu sans rémission, tant étaient noires et terribles les couleurs sous lesquelles l’Empereur dépeignait l’acte que j’avais commis, ainsi que les autres, pour accomplir mes devoirs.
L’art, qui s’attache à exprimer la nature participe de son caractère inaltérable, et, comme il représente ce qui n’est pas sujet au changement, ses couleurs ne passent point.
Ce ne sont pas des doctrines, mais des passions, sous les couleurs de l’amour du genre humain.
Il se chante lentement, et on se souvient que la mélodie en est très expressive et d’une couleur pénétrante ; on ne l’oublie plus.
On donne des couleurs aimables aux actions les plus basses, & les plus noires : on peint en beau l’ingratitude, la supercherie, la fraude, la trahison : on court après les tableaux satyriques, ou les tableaux licentieux.
C’était un habit d’été gris bleu, comme on les portait alors, et dont la forme et la couleur me sont restés dans la mémoire, depuis que j’en ai usé tant d’autres, comme un monument de toilette et d’élégance qu’aucun autre n’a jamais égalé à mes yeux.
» L’ami respira et se tut longtemps comme Hafiz, après avoir respiré le bouquet de fleurs. « Je ne sais pas ce qui est sain ; je ne sais pas ce qui est méphitique, dit-il au poète, je ne puis pas décomposer ce qui échappe à mes yeux et à mes doigts, mais les couleurs sont ravissantes et le parfum est délicieux. » — « Laisse-moi donc vider ma coupe et regarder Leïla », poursuivit Hafiz, et il acheva nonchalamment de savourer son double délire.
Audin sait étendre les couleurs de Velasquez sur sa palette et tirer d’un clair-obscur à la Rembrandt, aussi nette que la face pourprée de Luther, bombant dans la lumière, cette autre face hâve, bilieuse, au front proéminent sous sa calotte noire, et dont les yeux, qui n’ont jamais connu les larmes, distillent infatigablement, dans leur méditation immobile, la lueur jaune des regards du tigre et des lampes.
C’est l’herbe en général qui attire l’herbivore : la couleur et l’odeur de l’herbe, senties et subies comme des forces (nous n’allons pas jusqu’à dire : pensées comme des qualités ou des genres), sont les seules données immédiates de sa perception extérieure.
Cette « couleur locale », que Mérimée et Hugo se flattaient d’avoir dérobée à l’Espagne, n’est-elle que du placage et de l’enluminure ? […] La comparaison ne peut sans doute blesser personne… Qu’importe, en effet, qu’il y ait eu des casuistes de toutes les robes et de toutes les couleurs ; qu’il y en ait eu de « déchaussés » et « d’encapuchonnés » ; qu’on en put découvrir au besoin jusque parmi les jansénistes, si nul ordre ou nulle famille religieuse n’en a compté de plus nombreux, de plus accommodants, et de plus justement fameux que la Société de Jésus ? […] On sait, au surplus, que le style de Descartes, un peu long et traînant, sans relief ni couleur, sans creux, pour ainsi parler, et sans ombres, toujours également éclairé de la même lumière18, n’ayant aucune des qualités qui forcent l’attention, n’en avait aucune aussi de celles qui attirent les imitateurs. […] L’intention est sans doute évidente ici ; Tartufe est bien la satire ou la charge de l’hypocrisie ; les termes dont il use ne sauraient faire un instant illusion à personne ; et si l’on osait adresser une critique à Molière, ce serait, avec La Bruyère, de l’avoir peint de couleurs trop crues.
Les marches couvertes de parures, d’écharpes, de plumes, de fleurs, de rubans ; les marches étincelantes de bijoux, de regards, de sourires, d’épaules qui se cachent, ressemblaient à ces larges gradins de nos serres-chaudes, où sont échelonnées mille plantes précieuses, des couleurs les plus vives et de l’aspect le plus éblouissant. […] C’est que rien ne manque à ces nombreux costumes : l’escopette du bandit calabraisak est en sautoir sur le costume complet, qui commence par des guêtres de cuir et finit par des plumes de coq ; les sandales, les dolmans, les basquines, les écharpes, les feutres emplumés, les résilles, les turbans, les genouillères, les fustanelles, les armes de toutes sortes, les ajustements de toutes couleurs se confondent dans ce salon oriental.
— Pourquoi mettez-vous une robe bleue, quand vous savez que je n’aime pas cette couleur-là ? […] Adopter en tout, et proclamer partout et toujours le système du maître qu’il veut suivre ; avoir dans sa poche du drap de toutes les couleurs, afin de changer de cocarde littéraire en même temps que celui-ci. […] Le bonheur forcé est si vif qu’on en voit qui changent de couleur.
Les choses débordent l’homme jusqu’à l’étouffer, mais les choses sont animées et vivantes ; jamais elles n’ont été mieux comprises, jamais dépeintes avec autant d’intensité et de couleur. […] Mais souvent aussi l’oreille se fatigue de tant de résonnance et l’œil de tant de couleur. […] L’éclat des couleurs, l’harmonieux accord des surfaces et des lignes, toute la fantasmagorie des choses sensibles ne l’enchante point assez pour que, à l’exemple de l’auteur des Poèmes barbares, il en grise uniquement son imagination.
L’absence même des qualités de forme sculpturale, de couleur éclatante, de sonorité, de suave harmonie, qui allaient devenir communes, aurait dû avertir le public de 1830 qu’on se trouvait en présence d’un effort très particulier et très intéressant pour introduire dans notre langue poétique les nuances, les demi-teintes, l’allure variée, familière et souple, la psychologie tout intime d’une Muse domestique et bourgeoise, à l’instar des Anglais. […] Schelandre est un écrivain amusant, ingénieux et même poétique par endroits, dont la verve et la couleur tranchent fort sur la plate et incorrecte prolixité de son fameux contemporain, Alexandre Hardy ; mais, eut-il tout le génie que lui prêtent ses admirateurs et fût-il un Shakespeare français, le pauvre grand poète ne sera jamais qu’une curiosité fossile, et l’histoire de notre littérature a le droit de continuer à ignorer un auteur dramatique dont l’influence est restée, nulle sur les destinées du théâtre et de la poésie. […] J’avoue que je ne comprends pas toujours comment leur destruction s’opère : les taches, couleur de rouille, dont se couvre si vite l’abominable papier de nos in-douze à 3 francs et de nos in-octavo à 7 fr. 50, s’étendront-elles jusqu’à réduire littéralement toutes les pages en pourriture et en miettes ? […] Tous les critiques contemporains ont senti et ont regretté ce qu’un souci excessif des vérités de la philosophie ôte à la poésie du noble penseur Sully-Prudhomme de couleur brillante et de grâce légère.
Nicoloz)) : … Non seulement je me rappelle les temps, les lieux, les personnes, mais tous les objets environnants, la température de l’air, son odeur, sa couleur, une certaine impression locale qui ne s’est fait sentir que là, et dont le souvenir vif m’y transporte de nouveau. […] Dans le désordre qui suit cette mort, Jean-Jacques vole un « petit ruban couleur de rose et argent, déjà vieux ». […] Ne nous y trompons pas : bonnes ou mauvaises, c’est peut-être la première fois qu’on ait écrit des paroles de ce sentiment, de cet accent, de cette couleur. […] Grimm nous donnait chez lui un dîner toutes les semaines, et à ce dîner de garçons régnait une liberté franche, mais c’était un mets dont Rousseau ne goûtait que fort sobrement… Il n’avait pas encore pris couleur, comme il a fait depuis, et n’annonçait pas l’ambition de faire secte. […] Du reste l’urine diminue en quantité de jour en jour, et sort plus difficilement, excepté quand elle est tout à fait crue et couleur d’eau claire : alors elle sort avec un peu plus d’abondance et de facilité.
Notons cette remarquable déclaration de Racine : « Quand je ne devrais à Euripide que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois peut-être ce que j’ai mis de plus raisonnable au théâtre. » Signalons ces vers, si nombreux dans l’Art poétique, où Boileau revient et insiste sur le prix, la dignité, l’importance de la raison dans l’art : Mais la scène demande une exacte raison… Et souple à la raison, corrigez sans murmure… Mais nous, que la raison à ses règles engage… Considérons un peu ces épithètes abstraites et décolorées dont se sert l’auteur de la Princesse de Clèves, — et non pas pour analyser le sentiment, mais pour peindre le portrait, c’est-à-dire ce qu’il devrait y avoir en art de plus caractérisé, de plus concret, de plus individuel : « Mme Élisabeth… commençait à faire paraître un esprit surprenant et cette incomparable beauté… Marie Stuart était une personne parfaite pour l’esprit et pour le corps… Le duc de Nevers avait trois fils parfaitement bien faits… Le duc de Nemours était un chef-d’œuvre de la nature… » N’est-il pas vrai que leur souci semble être à tous d’écarter la couleur et la forme, la succession et l’accident, — comme disent les philosophes, — de ne retenir de l’homme ou des choses que leur essence, et de résoudre, comme dit M. […] Chateaubriand, plus poète cependant que Prévost, en imitant dans son Atala le récit ou le tableau des funérailles de Manon au désert, non seulement ne l’a pas surpassé, mais au contraire l’a gâté, et uniquement pour avoir voulu, si je puis ainsi dire, le charger en couleur et le monter en sentiment. […] Évidemment, son imagination aimait à se figurer de pareils spectacles ; et, avec les traits qu’il trouvait dans les récits des voyageurs, il aimait à former des tableaux de la couleur de ses pensées.
Or, réfléchissant au moyen de le réfuter et songeant à une pièce-réplique, il se dit : mais cet homme, c’est le Philinte de Molière, c’est l’homme que rien n’émeut ; il faudrait le représenter sous des couleurs par où serait bien montré qu’au fond c’est un pur égoïste ; mais… il n’y a qu’à suivre l’indication de Rousseau et à mettre en présence le Philinte et l’Alceste que Rousseau aurait voulu que, pour être vrais, Molière dessinât ; la pièce est conçue, il n’y a qu’à la disposer et à l’écrire. […] Le Seigneur Jupiter est le dernier des drôles et, de plus, c’est bien ici que Rousseau pourrait dire que le scélérat est présenté sous les couleurs qui doivent le rendre le plus sympathique du monde au public. […] Est-il bien sûr que le simple récit de ces forfaits nous en donnerait moins d’horreur que toutes les couleurs dont il nous les peint ? […] Et nous voilà revenus à nos conclusions : le peuple n’a presque jamais un beau rôle dans Molière, et le plus souvent, tout au moins, il y est représenté sous de très déplaisantes couleurs.
Il en va de même de ces peintures de la vie humaine, romans ou comédies, dans lesquelles l’auteur a tenté de se réduire au rôle d’enregistreur, de plaque photographique posée devant un objet dont elle retient le dessin, le relief, la couleur, sans rien éprouver elle-même. […] Il faisait venir son frugal repas d’un petit restaurant de la rue de Sèvres et mangeait le plus souvent sur le coin du même bureau où il travaillait et où se voyaient les précieux flacons de ses encres de couleur. […] Ses encres de couleur lui servaient à parer son écriture, superbe d’affirmation et de clarté.
C’est tout un petit roman finement touché, tendre et discret, un tableau peint de couleurs du temps, qui, à demi passées, font sourire et plaisent encore.
La satire, qui retrace avec d’énergiques couleurs le tableau du monde réel dans son opposition avec la vertu, nous en donne une preuve manifeste.
Devant les chevaux marchent les Cent-Suisses en costume du quinzième siècle, avec la pertuisane, la fraise, le chapeau à panache, l’ample pourpoint bariolé de couleurs mi-parties, à côté d’eux les gardes de la prévôté, à brandebourgs d’or et parements d’écarlate, avec des hoquetons tout hérissés de bouillons d’orfèvrerie.
Immobile, sans couleur et sans voix, rien ne vit plus en lui que son désespoir.
Que saurais-je moi-même sur les plantes, sur les couleurs, si j’avais reçu ma science toute faite et si je l’avais apprise par cœur ?
Il attacha son heaume ; son costume de bataille était d’une magnifique couleur.
Pour ne rien laisser perdre de l’intérêt de ce drame réel, dans le supplément du dimanche, des images en couleurs exagèrent l’atrocité de la scène, les convulsions de la victime, le geste de l’égorgeur.
Et sans balancer davantage, ils achetèrent les plus larges galons d’or de la paroisse et se promenèrent beaux comme des seigneurs. » Le testament fut soumis à d’autres épreuves ; il fut allongé d’un codicille qui autorisait une doublure en satin couleur de flamme.
Elle fouille dans les coffres de ses mansardes pour y trouver la veste noire, le chapeau de feutre, le morceau de crêpe qu’elle réserve aux tristes solennités de ses propres convois ; elle les étale sur le lit ; elle se promet de les revêtir en masse au lever du soleil, pour que la ville ait changé de couleur pendant cette triste nuit.
J’y ai toujours cherché, mais en vain, la précision, la couleur, la simplicité, la vie, c’est-à-dire ce qui constitue la saveur d’une langue, et je n’y ai trouvé, en échange qu’un pâle ressouvenir de la Bible.
En revanche, et justement en vertu de cette même structure d’esprit, Taylor imagine les objets, non pas vaguement et faiblement par quelque indistincte conception générale, mais précisément, tout entiers, tels qu’ils sont, avec leur couleur sensible, avec leur forme propre, avec la multitude de détails vrais et particuliers qui les distinguent dans leur espèce. […] Comme les enfants, les paysans et tous les esprits incultes, il change les raisonnements en paraboles ; il ne saisit les vérités qu’habillées d’images ; les termes abstraits lui échappent ; il veut palper des formes et contempler des couleurs.
Le Journal d’après-souper se termine par une page de fureur contre l’esprit français, contre le peuple de l’apparence et du faux plaqué, ces logiciens, absolus comme l’ignorance, qui ne comprennent rien « que le noir et le blanc, le oui et le non, omettent ainsi toutes les couleurs d’une part et d’autre part tous les degrés intermédiaires entre l’affirmation et la négation… Leur casier de catégories est d’une simplicité sauvage. […] Toutes tendent à reconstituer la sphère et à reproduire soit les couleurs du prisme, soit l’image du monde circonvoisin.
Homme de quelle couleur ? […] Quelle que fût sa couleur ou même sa forme anatomique, l’animal qui venait de découvrir le moyen de faire du feu à volonté s’élevait très au-dessus de tous les autres primates. […] Un bon guide reconnaît à la couleur la résistance de la glace ou de la neige, exactement comme un bon pilote distingue d’un regard les hauts-fonds, et les passes.
Ce sont des ouvriers qui ont improvisé ces strophes comme celle-ci, admirable de vaillance gaie, que Cladel justement met sur les lèvres de son Montauban-tu-ne-le-sauras-pas : « J’ai souvenir de mes jours les meilleurs Quand je portais la canne et les couleurs… » Ces beaux génies inconscients enrichissaient l’âme de leur classe de toute leur supériorité, inconnue d’eux-mêmes. […] Lui, l’habile entre les habiles, il ne se vante pas d’être un thaumaturge, mais il pourrait se vanter d’être un poète, et nous ne connaîtrions pas de lui de très beaux vers, que nous le devinerions capable d’en écrire, rien qu’au ton et à la couleur de ces deux récits. […] Un tableau, ce n’est pas seulement de la couleur sur un panneau ou sur une toile.