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867. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

L’édifice ne serait jamais construit, qu’il n’importerait guère : la création de l’artiste est entière et parfaite sur le papier ; il pouvait, s’il voulait, indiquer la dimension de chaque pierre.

868. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Je connais peu de livres, parmi tous ceux de notre temps et de notre âge, qui donnent, autant que celui-ci, l’impression d’une âme géniale, et je crois bien, en effet, que, parmi tous les jeunes artistes de sa génération, Laforgue seul a eu du génie.

869. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Saint-Georges de Bouhélier est un artiste comme je les rêve.

870. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Oui, c’est un sujet à tenter le pinceau d’un grand artiste : Prendre huit verres, remplis chacun d’un vin différent, et les peindre avec une telle vérité qu’on puisse dire, au premier coup d’œil jeté sur la toile, le cru de chaque vin et l’année !

871. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

C’est un habile artiste qui sait qu’il a tout fait quand il a donné la vie. […] Il est artiste et philosophe. […] Tout son génie est là : c’est un grand visionnaire et un incomparable artiste. […] Et, quand l’artiste est, comme M.  […] Elle ne mit plus d’amazones de chez Laferrière et porta gaiement le sarreau noir des femmes artistes.

872. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

La science a besoin de nous autres artistes. […] Il a traité de l’art en penseur et de la pensée en artiste. […] C’est un parfait artiste, et le plus subtil analyste de maintenant. […] Ainsi le grand artiste dramatise ses conceptions, où plutôt celles-ci le possèdent. […] L’artiste qui recherche les effets de terreur devient un anxiomane.

873. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

De l’hôpital, il saute soudain au portrait d’un de ses amis, un vrai peintre, qu’il a rencontré, un jour, dans le jardin du Luxembourg, mangeant sur son pain, des pousses de tilleul du jardin, et si artiste, ajoute-t-il, que lorsque je l’aidais d’une pièce de quarante sous, il achetait trente sous d’eaux-fortes de Tiepolo. […] Samedi 12 avril Peut-être l’artistique dans la littérature, sera-t-il un appoint futur de succès, un appoint, apporté par l’éducation artiste des hommes et des femmes de ces années, par les conférences, par les promenades dans les Musées, par la diffusion de l’enseignement des arts plastiques, en un mot par la création de générations plus amoureuses et plus chercheuses d’art dans leurs lectures. […] Ils n’ont pas davantage observé que la cervelle d’un artiste occidental, dans l’ornementation de n’importe quoi, ne conçoit qu’un décor placé au milieu de la chose, un décor unique ou un décor composé de deux, trois, quatre, cinq détails se faisant toujours pendant et contrepoids, et que l’imitation par la céramique actuelle, du décor jeté de côté sur les choses, du décor non symétrique, entamait la religion de l’art grec, au moins dans l’ornementation. […] * * * — Je rencontre Burty, fort humilié, comme inspecteur des Beaux-Arts, d’avoir été envoyé par Kaempfen à la Chapelle, pour faire un rapport sur une cave à liqueurs, fabriquée de petits barillets, qu’un marchand de vin artiste et patriote, veut offrir au Louvre ou au moins à la nation.

874. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Si on cherchait cet effet dans les mots, la couleur, le style, enfin tout ce qui constitue, sous la plume d’un grand artiste, la réalité visible du talent, on ne le trouverait pas davantage. […] IX Et, en effet, l’originalité vraie d’Edgar Poe, ce qui lui gardera une place visible dans l’Histoire littéraire du xixe  siècle, c’est le procédé qu’on retrouve partout dans ses œuvres, aussi bien dans son roman d’Arthur Gordon Pym que dans ses Histoires extraordinaires, et qui fait du poète et du conteur américain ce qu’il est, c’est-à-dire le plus énergique des artistes volontaires, la volonté la plus étonnamment acharnée, froidissant l’inspiration pour y ajouter. […] Aristocrate, — comme tout grand artiste doit l’être, — même malgré lui, — il n’était pas fait davantage pour une République où le Nombre — l’odieux Nombre ! […] été créé non plus pour tourner, de ses délicates et suzeraines mains d’artiste, les grossières manivelles de la mécanique sociale qui a fini par le broyer sous ses rouages aveugles et sourds.

875. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

… J’aime le pouvoir, moi ; mais c’est en artiste que je l’aime… Je l’aime comme un musicien aime son violon. Je l’aime pour en tirer des sons, des accords, de l’harmonie ; je l’aime en artiste.

876. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Les dessins sont d’un jeune artiste, M.  […] Le caractère des dessins que je n’ai pas qualité pour juger est pur, simple, linéaire ; l’artiste, évidemment, s’est attaché à interpréter le plus possible son auteur dans le sens délicat et chaste, dans l’intention du beau pur ; il ne faut chercher ici rien de ce que les gravures du Régent faisaient saillir, l’ingénuité traduite spirituellement, galamment, et même avec une pointe de libertinage.

877. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Jasmin n’avait guère faibli d’ailleurs, et il soutenait jusque dans son dernier volume, avec une sorte d’aisance et une verve de tempérament, cette dureté de condition qui condamne les artistes toujours en scène à se répéter, à repasser sur les mêmes tons, à tirer de leur chanterelle jusqu’à la dernière note, à jouer de leur voix jusqu’à la dernière corde.

878. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Au fond, je crois sentir en lui certaines directions d’esprit très précises, certaines tendances morales très nettes : c’est un Français, et un Beauceron, de ferme sens, amoureux de clarté, de vérité, défiant de tout ce qui est trouble, lointain, hors de prise et de portée, de l’exotisme et du symbolisme, très positif, en somme, en même temps que très artiste. […] Chacun de ses sonnets est comme un admirable plat, dans le champ limité duquel la fantaisie d’un artiste aurait enfermé des sujets mythologiques ou historiques.

879. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Comme l’artiste crée ses personnages, le critique crée en quelque manière et façonne l’artiste qu’il définit.

880. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

C’est un geste, une coiffure, c’est un port de tête, un mot, une piété en commun pour un nom d’artiste nouveau ou oublié, et ce signe, qui symbolise leur supériorité, reçoit son efficacité et sa puissance de suggestion de l’unanimité de leur accord. […] D’une façon générale ce qui détermine le suffrage des snobs lorsqu’ils s’attachent soit à quelque opinion, soit à quelque nom de philosophe, d’écrivain ou d’artiste, c’est la nouveauté et la rareté du choix, c’est l’obscurité de l’objet sur lequel il se fixe.

881. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Procéda de même, mais pourtant avec une logique due à sa très originale sentimentalité ironique et douloureuse, Jules Laforgue, mort si tristement à vingt-cinq ans : car l’on ne peut concevoir autres les vers aux fuyantes et sursautantes allures funambulesques de l’auteur personnel des Complaintes…   Avec ces trois poètes, dont les deux premiers très profonds et dignes de tous les respects artistes, MM.  […] Stuart Merrill, Achille Delaroche, Albert Saint Paul, Georges Khnopff, Émile Verhæren, Albert Mockel, tous si fièrement sincères et artistes orgueilleux bellement, dont malheureusement la place me manque pour parler comme le voudraient mon amitié et mon admiration… Bien que tout individualiste soit mon Art.

882. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

— ayant toujours sous sa diable de plume, qu’on ne peut s’empêcher d’aimer, le mot impertinent, très réussi, quand il s’agit des choses religieuses, Droz, qui a même trouvé dans la monotonie de son procédé contre la dévotion du xixe  siècle la punition de s’en être moqué, Droz, qui prononce le nom de Dieu vers la fin de son livre, quand il est ému, aussi bêtement qu’un bourgeois, lui, le spirituel artiste ! […] Mais pour un artiste qui se sent, est-ce là l’idéal du succès ?

883. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Cette belle poésie grecque, si négligée alors, hormis par quelques éditeurs allemands, si mal jugée et si défigurée dans les préfaces ou les imitations tragiques de Voltaire, il la connut à fond, en antiquaire, en artiste, en poëte. […] Mais ce n’est encore que l’étude contemplative de l’artiste ; ce n’est pas l’ode épique et dramatique, comme Pindare l’a conçue dans son récit du voyage des Argonautes et de la fondation de Cyrène, ou dans ses allusions au combat de Salamine.

884. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Plus avancés intellectuellement que les visuels, ces individus privilégiés se groupent au pôle négatif de l’aimant dont les artistes occupent le pôle positif. […] Saint-Simon, extraordinaire artiste de style, est pur de toute rhétorique. […] Peut-être pourrait-on dire qu’il est plus artiste que poète, car chez lui l’émotion est rare et toujours fort discrète. […] Non, mais plutôt la prétention de quelques marchands et le poncif immédiat de quelques faux artistes. […] Des artistes, des poètes, après un long hiver, découvrent la nature, un beau matin, et ils veulent cueillir toutes les fleurs, casser des rameaux à tous les arbres.

885. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

La justice immanente et implacable qui gouverne secrètement l’histoire des familles et de leurs générations successives, le conflit de la personnalité humaine et des fatalités de l’atavisme ; « les responsabilités solidaires » transmises par les pères aux enfants, le problème de la suggestion … tels sont quelques-uns des sujets qui s’offrent aujourd’hui aux méditations et aux divinations de l’« artiste penseur ».

886. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Mais la vérité, c’est qu’ils assemblent les couleurs au hasard, absolument au hasard, et que ces assemblages, où l’intelligence et le choix ne sont pour rien, peuvent quelquefois, par rencontre, former des harmonies plaisantes et singulières — surtout quand le temps a fané les étoffes et adouci les teintes… Les appellerai-je pour cela des artistes ?

887. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Préliminaires S’il est un fait établi par les lois les plus constantes de l’histoire, c’est que les grands poètes et les grands artistes n’ont pas été en leur temps des accidents fortuits, des phénomènes isolés.

888. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Le platonisme se figurait des modèles éternels sur lesquels la nature règle la production des êtres, comme l’artiste règle son œuvre sur un idéal préconçu.

889. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

Chez les poètes, chez les artistes de tous ordres, que possède à quelque degré le Génie de la Connaissance, il existe une tendance à faire de leurs émotions des spectacles, et, cette transformation de leur activité les dispense parfois de la satisfaire, d’une façon durable, sous sa première incarnation.

890. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Et alors viennent les vrais artistes français, La Fontaine, Watteau, les auteurs, les vaudevillistes, les chansonniers, tous gens qui cherchent à égayer, demeurent, écrivant à point nommé pour les « langoureux malades ou autrement faschez et désolez. » *** Aujourd’hui beaucoup de choses ont varié, et la question de Panurge se pose plus inquiétante.

891. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Ce repertoire des artistes, en deux vol.

892. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Comme un homme atteint d’une folie terrible, il passe ses jours, les minutes de ses jours, à enterrer son crime et à le déterrer, n’allant jamais qu’à moitié de cette horrible besogne, réveillé toujours à temps, épouvanté de ses mains qui creusent, soit pour cacher la vérité, soit pour la faire sortir ; et c’est ainsi qu’écartelé à deux idées d’une égale énergie, qui le déchirent sans le tuer et ne peuvent pas plus sur cette organisation vigoureuse que le rasoir du bourreau sur les articulations de Damiens, il offre le spectacle le plus émouvant qu’un artiste puisse offrir à la contemplation intellectuelle.

893. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Dupe, ou, pour dire un mot moins dur, victime du génie de Cooper, Ferry a cru qu’on pouvait reprendre la création achevée d’un immense artiste, et il ne s’est pas aperçu que dans Fenimore Cooper le véritable personnage, le vrai héros des poèmes que nous avons sous les yeux, c’est l’Amérique elle-même, la mer, la plaine, le ciel, la terre, la poussière enfin de ce pays qui n’a pas fait son peuple et qui est émietté par lui… Il n’a pas vu qu’en ôtant Bas-de-Cuir lui-même des romans de Fenimore, — cette figure que Balzac, qui avait le sens de la critique autant que le sens de l’invention, a trop grandie en la comparant à la figure épique de Gurth dans Ivanhoe et qui n’est guères que le reflet du colossal Robinson de Daniel de Foe, — il n’a pas vu qu’il n’y avait plus dans les récits du grand américain qu’une magnifique interprétation de la nature, que l’individualisation, audacieuse et réussie, de tout un hémisphère, mais que là justement étaient le mérite, la profondeur, l’incomparable originalité d’une œuvre qui n’a d’analogue dans aucune littérature.

894. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

Cette école, qui a sa petite cohérence, mettrait-elle de l’imagination dans ses théories contre l’imagination, et ne les dresserait-elle que par précaution contre de trop fougueux tempéraments d’artiste dont elle redouterait les ardeurs ?

895. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

… Quel artiste ! […] Leur écriture artiste n’a point cessé de s’adresser à une élite, et La Faustin est encore pour elle. […] C’est dans le réveil lent et invincible de l’artiste, de la tragédienne qui n’est point morte dans la femme et qui se révèle surtout — hideuse oubliance ! […] Tout le monde n’écrit pas Arbogaste, tandis que, pour écrire un des livres que je citais tout à l’heure, il suffit d’être artiste. […] Comme si vraiment, il était rien de plus enivrant que la réalité récréée par un tempérament d’artiste !

896. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Cette fécondité effraye un peu tout le monde : public, critiques, artistes même. […] J’ai pris la chose en mauvaise part, et à toutes ces louanges j’aurais préféré une leçon de modestie donnée à nos artistes — la théorie avec l’exemple, comme dit M. le ministre. […] Dans les longs épanchements de l’amitié qui les unissait, ces deux grands artistes ont dû souvent s’inspirer l’un de l’autre. […] Ce beau dessin suffirait seul pour faire la réputation d’un artiste. […] Seront-ce nos artistes d’aujourd’hui ?

897. (1923) Nouvelles études et autres figures

Un paysan, très paysan et un artiste presque impeccable dans le même homme : c’est une rencontre rare. […] Mais ce n’est pas seulement l’artiste que cette thèse grandit encore. […] Il fut aussi heureux que peut l’être un artiste épris de perfection. […] il est bien de la même époque que les Flaubert et les Leconte de Lisle, de cette époque où l’artiste est complètement détaché de la chose publique ! […] Quel pouvoir a l’artiste !

898. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Un cas peut se présenter d’ailleurs, où l’art nous révélera la poésie des choses et nous la fera mieux sentir : c’est le cas où l’artiste sera plus poète que nous ne le sommes nous-mêmes. […] Comment l’artiste produira-t-il cet effet ? […] L’essentiel est que l’artiste nous donne la première impulsion, en accentuant dans son œuvre les traits expressifs, qui entraîneront notre pensée dans un sens déterminé. […] La sensibilité indispensable au poète est une sensibilité d’artiste, qui dans ses émotions les plus sincères garde le besoin de l’harmonie et le sens de la beauté. […] Ce que l’artiste nous apporte, ce n’est pas de la douleur, c’est une magnifique et douloureuse vision.

899. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Nous avons donc ici au moins trois termes en présence : l’idéal conçu et aimé par l’artiste, la langue dont l’artiste dispose, et enfin toute la société d’hommes à laquelle l’artiste veut faire partager son amour du beau. […] L’interprétation et l’application de ces lois générales du style varient d’ailleurs suivant les artistes et les œuvres. […] L’artiste fait sonner ce carillon intérieur auquel Taine compare le système nerveux : il a pour cela cent moyens, car la vibration invisible court d’une clochette à l’autre ; que l’une d’elles soit tirée de main de maître, toutes les autres se mettront en branle.

900. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Pour beaucoup de personnes, amies des nigaudes symétries, un poète est un artiste qui ne sait rien, un historien est un savant qui écrit mal. […] La plupart de ces « intérieurs » d’artistes, de savants ou de praticiens indiquent des mœurs régulières, des vies convenables, des positions cossues, des budgets solidement équilibrés. […] Il ne croit qu’aux artistes solitaires et inquiets. […] Il faut donner vingt sous au tourniquet des Champs-Élysées, sans quoi la Société des artistes français se fâche. […] Mais il sait que « l’artiste peut passer sa vie à la même place et regarder autour de lui sans épuiser le spectacle sans cesse renouvelé ».

901. (1902) Le critique mort jeune

En artiste plus qu’en grammairien il analyse les mystérieux chants liturgiques, les compare et recherche leur origine. […] Sans doute il raille cruellement, pour satisfaire son sentiment d’artiste, les impuissants et les gâcheurs. […] Il est cela, beaucoup plus que poète ou artiste. […] On aime que sans fausse modestie, et dans la conscience de ses forces, il se soit rangé parmi les grands artistes qui ont célébré la gloire de Venise. […] Figurez-vous ce reproche fait à Chardin, si cet artiste eût commencé par être académique et docte.

902. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Décidément, doué d’une âme d’artiste, et pressé de la produire, tour à tour peintre, sculpteur, graveur, c’est-à-dire toujours poète, il semblait essayer tous les langages imparfaits de la poésie, comme s’il n’en trouvait aucun d’assez expressif et qui lui allât à son gré.

903. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Dupin s’est terminé par un avertissement aux gens de lettres et aux artistes de tout espérer d’un prince qui n’a cherché, dans l’exil, d’autre ressource que celle de devenir un modeste professeur ; d’un prince qui sait toutes les langues de l’Europe, et qui pourrait parler à chaque ambassadeur la sienne, s’il n’aimait mieux parler français à tous.

904. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Car non seulement il a, en quelque sorte, charge d’âmes, mais aussi et surtout, en qualité de penseur, d’artiste, de citoyen, d’homme, il a son rôle à jouer dans la bataille des idées, dans le conflit des écoles, dans la lutte des différents genres de beauté.

905. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

C’est ainsi que tant d’écrivains & d’artistes, blanchis dans l’art, & enivrés des plus grands succès, en usent à l’égard des jeunes gens qui s’élèvent jusqu’à devenir leurs rivaux.

906. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Deshays me rappelle les temps de Santerre, de Boulogne, de Le Brun, de Sueur et des grands artistes du siècle passé.

907. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Le futur cardinal et l’immortel compositeur ne firent plus qu’un cœur ; il s’attacha à la femme et à la fille de Cimarosa, il s’incorpora à ce génie, et ne cessa, pendant toute sa vie, de prodiguer aux divers artistes les occasions et les faveurs que son rang dans l’Église lui permettait de prodiguer à son ami. […] Elle était en réalité la reine de l’Italie ; son palais sur la place de la colonne Trajane était le palais des artistes et l’hospice de tous les voyageurs illustres. […] Le soir, quand le Pape était couché et que les heures de loisir avaient sonné pour lui, sa voiture le ramenait régulièrement, de dix à onze heures, chez la duchesse environnée alors d’une étroite société d’artistes ou d’hommes politiques étrangers, composée de cinq ou six personnes agréables au cardinal.

908. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Si, pour le peindre exactement d’un mot, il fallait, le comparer à l’un d’eux, nous dirions qu’il est le Jules Janin de l’Université et de l’Académie ; et encore un Janin sérieux et guindé, par conséquent bien moins artiste à sa façon que Jules Janin ne l’est à la sienne. […] Artistes en mots, et, puisque nous avons écrit ce mot-là, modistes de phrases, l’un est la modiste pur sang, l’autre n’est que l’industrielle. […] Ces six cents pages ne sont pas même le tour de force sur le vent que nous attendions d’un si grand artiste en vide que Villemain ; car, au bout de quelques haleines, il clôt, épuisé, la dissertation sur Pindare, et se met à pourchasser la poésie lyrique partout où elle s’est montrée dans la littérature des peuples, afin de nous prouver (dit-il) qu’elle fut toujours en harmonie avec l’élévation morale et religieuse des nations !

909. (1896) Écrivains étrangers. Première série

D’artistes admirant le confrère qui avait si bien su garantir l’indépendance de sa vie. […] Il affirme que Néron était un pur artiste, et il poursuit cette thèse, que devait reprendre M.  […] « Y a-t-il beaucoup d’artistes, demande à ce propos M.  […] Le premier faisait métier de critique, l’autre d’historien ; mais tous deux étaient surtout des artistes. […] Ceux-là sont des auteurs dramatiques, des artistes, et ils trouvent au théâtre tout le succès qu’ils méritent.

910. (1896) Le livre des masques

On donne encore dans des manuels une définition du beau ; on va plus loin : on donne les formules par quoi un artiste arrive à l’expression du beau. […] On ne peut comparer un artiste qu’à lui-même, mais il y a profit et justice à noter des dissemblances : nous tâcherons de marquer, non en quoi les « nouveaux venus » se ressemblent, mais en quoi ils diffèrent, c’est-à-dire en quoi ils existent, car être existant, c’est être différent. […] Ayant tué volontairement en lui la spontanéité de l’être impressionnable, les dons de l’artiste remplacèrent peu à peu en lui les dons du poète ; il aima les mots pour leur sens possible plus que pour leur sens vrai et il les combina en des mosaïques d’une simplicité raffinée. […] Il est toujours parmi nous et il est en nous, par son œuvre et par l’influence de son œuvre, que subissent et avec joie les meilleurs d’entre les écrivains et les artistes de l’heure actuelle : c’est qu’il a rouvert les portes de l’au-delà closes avec quel fracas, on s’en souvint, et par ces portes toute une génération s’est ruée vers l’infini. […] Kahn est avant tout un artiste : il est quelquefois davantage.

911. (1886) Le roman russe pp. -351

Mais il ne faut pas confondre cette beauté spirituelle, qui naît d’une certaine illumination du regard chez l’artiste, avec l’habileté de main du prestidigitateur. […] Comme Atala, la pauvre Lise inspira tous les artistes, depuis les peintres jusqu’aux porcelainiers. […] Dans ses poèmes plastiques, on surprend la réaction continue de la raison contre le sentiment lyrique, l’effort obstiné de l’artiste, contrariant et contenant sa nature. […] C’était toujours la grande et triste symphonie de la terre russe ; mais cette fois l’interprétation de l’artiste était autre. […] En outre, le procédé de l’artiste est modifié.

912. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

. —  Quels sujets conviennent à l’artiste dilettante. —  The Princess. […] Adeline, Éléonore, Lilian, la Reine de Mai, étaient des personnages de keepsake, sortis de la main d’un amoureux et d’un artiste. […] III La grande affaire pour un artiste est de rencontrer des sujets qui conviennent à son talent. […] Une causerie d’artistes qui plaisantent dans un atelier, une belle jeune fille qui se penche au théâtre sur le bord de sa loge, une rue lavée par la pluie où luisent les pavés noircis, une fraîche matinée riante dans les bois de Fontainebleau, il n’y a rien qui ne nous le rende présent et comme vivant une seconde fois.

913. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Cette cour ressemblait à une colonie de la cour d’Auguste, de Léon X ou des Médicis, transplantée dans la basse Italie ; des princes lettrés, des princesses héroïnes d’amour, de poésie ou de romans, des cardinaux aspirant à la papauté, des érudits, des artistes, des poètes moitié chevaliers moitié bardes, s’y réunissaient tous les soirs dans les salles somptueuses d’Hercule d’Este à la ville et à la campagne. […] — Vous oubliez, belle Léna, dit gravement le professeur, qu’alors il ne serait plus l’Arioste, car le caractère de son génie est précisément de nager entre deux eaux, comme on dit en français, d’être un poète amphibie, si vous aimez mieux, et de passer du rire aux larmes ou de l’esprit au cœur, comme le parfait musicien passe d’une gamme à l’autre sur le même instrument : c’est le caractère du souverain artiste […] — C’est vrai, répondit Léna, il serait moins artiste peut-être ainsi, mais il serait plus homme et par cela même plus pathétique ; et tenez, voulez-vous que je vous dise pourquoi son chant de Ginevra nous touche et nous ravit plus que toutes les amusantes folies que nous avons lues jusque-là ? […] C’est que Voltaire écrivait en grand artiste, et qu’Arioste chantait l’amour en grand amoureux.

914. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les sources littéraires sont en effet plus abondantes ; plus nombreux les artistes littéraires. […] Renan, et même Flaubert et Taine, veuillez remarquer qu’ils ont tous pâti de n’être presque jamais considérés, par leurs amis ou leurs détracteurs, comme des artistes. […] Jean Royère Un artiste préférera, d’ailleurs sans autre raison, le xixe  siècle aux précédents, uniquement, je le répète, parce qu’il est le plus récent et qu’une grande part de lui survit. […] Dans cette éclipse quasi totale, l’honneur revient à ses artistes, à ses écrivains d’avoir maintenu la France au rang des grandes nations.

915. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Niel s’est attaché dans sa collection à ne reproduire que ce qu’il y a de plus authentique et de tout à fait original, et il s’en est tenu à une seule espèce d’images, à celles qui sont dessinées aux crayons de diverses couleurs par les artistes du xvie  siècle : « On désignait alors par le nom de crayons, dit-il, certains portraits sur papier exécutés à la sanguine, à la pierre noire et au crayon blanc ; teintés et touchés de manière à produire l’effet de la peinture elle-même. » Ces dessins fidèlement reproduits, et où la teinte rouge domine, sont dus primitivement la plupart à des artistes inconnus, mais qui semblent être de la pure lignée française.

916. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

André Lefèvre, avec cette pensée philosophique qu’il met en avant, est un artiste, un savant artiste de forme.

917. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

On a souvent accusé Gœthe d’immoralité, parce qu’il avait une très grande étendue de coup d’œil jointe à une très grande sincérité d’artiste. […] Gœthe, qui connut et ne goûta que médiocrement Mme de Staël, ne paraît pas avoir eu une bien haute idée de Chateaubriand, le grand artiste et le premier en date de la génération nouvelle.

918. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

allez, quelque jour de fête, entendre à la cathédrale une messe en musique de quelque compositeur en renom, avec les chœurs et l’orchestre et les premiers artistes de l’Opéra ; puis ensuite retournez dans la Semaine Sainte, écoutez le Stabat, le Vexilla régis ou la Passion, ou, à quelques cérémonies funèbres, le Requiem, du lutrin ou les Litanies chantées non par de grands artistes, mais tout simplement par des chantres ou des enfants de chœur ; et puis, en sortant, demandez-vous qui vous a le plus profondément ému, qui a laissé dans votre âme une impression plus religieuse et plus mélancolique, qui vous a rappelé que vous étiez venu pour prier, des chanteurs ou des chantres, de la musique fuguée ou du plain-chant, de l’orchestre ou de l’orgue.

919. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

— Mais n’ai-je pas eu raison de dire que Ducis a trop de sensibilité d’homme et de père pour un artiste ? […] Le grand artiste, le grand tragique, au contraire, l’homme « au front de marbre et aux mains en feu », dominera même les douleurs ; s’il doit les ressentir pour son compte, il est fait encore plus pour les couler dans son génie, pour les rendre ensuite, transposées et transformées, aux yeux de tous, et les étaler avec des attitudes apitoyantes ou terribles.

920. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il a causé, disserté, avec des amis de son âge, avec des artistes, des médecins ; il a échangé, dans de longues conversations à deux, des vues infinies sur le fond des choses, sur les problèmes qui saisissent et occupent de jeunes et hautes intelligences : il n’a pas assez vu les hommes eux-mêmes des diverses générations, des diverses écoles et des régimes contraires, et ne s’est pas rendu compte, avant tout, du rapport et de la distance des livres ou des idées aux personnes vivantes et aux auteurs tout les premiers. […] Émile Deschanel, sous le titre de Physiologie des Écrivains et des Artistes , ou Essai de Critique naturelle (1 vol. in-18, librairie Hachette) ; il mérite un examen tout particulier.

921. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Seulement, de très-bonne heure, il paraît avoir fait entre les hommes la distinction qu’il a posée au commencement de son discours : il a mis d’une part les nobles songeurs, les penseurs, comme il dit, c’est-à-dire surtout les artistes et les poëtes, et d’autre part il a vu en masse les hommes d’action, ceux qu’il appelle les improvisateurs, parmi lesquels il range les plus grands des politiques et des chefs de nations. […] Il en est sorti toutefois, il s’est mêlé depuis aux émotions contemporaines par son drame touchant de Chatterton et par ses ouvrages de prose, dans lesquels il n’a cessé de représenter, sous une forme ou sous une autre, cette pensée dont il était rempli, l’idée trop fixe du désaccord et de la lutte entre l’artiste et la société.

922. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Pudeur d’artiste, peut-être, n’aimant pas à étaler ses outils, mais surtout emploi restreint chez lui de ladite méthode. […] Mais alors que Zola y abondait en sincère et truculent artiste, M. 

923. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Je ne pense pas qu’on ait jamais vu chez un artiste un plus bel effort de l’imagination sympathique, un tel parti pris de laisser façonner son âme aux influences du dehors comme une matière infiniment impressionnable et malléable et, pour cela, de borner sa vie aux sensations, ni, d’autre part, une si merveilleuse aptitude à les goûter toutes. […] Si je ne puis être de ces privilégiés qu’on appelle des artistes et qui reflètent en eux et décrivent ce qui s’agite à la superficie de la terre, j’aime mieux être de ceux qui vivent tout près d’elle et qui en sont à peine sortis.

924. (1890) L’avenir de la science « V »

Les prêtres, ce sont les philosophes, les savants, les artistes, les poètes, c’est-à-dire les hommes qui ont pris l’idéal pour la part de leur héritage et ont renoncé à la portion terrestre 59. […] Le bon sens a fait justice de cette singulière école esthétique de l’ironie, mise en vogue par Schlegel, où l’artiste, se drapant fièrement dans sa virtuosité et sa génialité, faisait exprès de ne présenter que des choses fades et insignifiantes, puis haussait les épaules sur le sens obtus du public, qui ne pouvait goûter ces platitudes.

925. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Pendant que les rois promènent leur cour dans les châteaux merveilleux qui se nomment Blois, Amboise, Chambord, Chenonceaux, écrivains et artistes sont nés en foule dans ce coin de terre privilégié. […] Elle a été le refuge des druides et la forteresse inexpugnable des Celtes ; fidèle à elle-même, elle se cramponne aujourd’hui d’une étreinte désespérée au catholicisme qui décline et à la monarchie qui s’en va ; et en même temps vaincue dans sa lutte contre les vagues, perdant chaque mois, presque chaque jour, quelques-uns des siens au milieu des écueils, elle a peur encore des sorciers et des korrigans ; elle est convaincue que tous les ans, à la Toussaint, les noyés remontent à la surface des eaux et pour rien au monde elle ne mettrait une barque à flot ce jour-là ; elle abonde en légendes tristes ; elle est pleine de fantômes vagabonds ; et par cela même elle a gardé une physionomie archaïque, qui, non seulement se reflète dans les œuvres de ses enfants, mais l’a rendue chère aux écrivains et aux artistes de notre siècle.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

s’il y a, dans ce regret de quitter de si belles choses et de si beaux tableaux, un semblant de la passion de l’Italien et du noble amateur, il y a un autre sentiment encore : si le premier mot semble d’un artiste, le second est d’un avare. […] Est-ce en artiste, est-ce parce qu’il aime ces tableaux en eux-mêmes que le maître les regrette ?

927. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Mais j’exige pourtant que l’on sente à quelque chose dans la peinture qu’une conscience morale s’agite dans le peintre ; qu’il y ait, enfin, dans l’artiste, l’être moral sans lequel même le grand artiste n’existe pas.

928. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Aussi Stello, qui vint après Cinq-Mars, Stello, qui est l’effort puissant et couronné du poète devenu enfin un grand artiste en prose, n’eut pas le succès colossal de Cinq-Mars, et vraiment ne pouvait pas l’avoir ! […] — dans l’ordre le plus aristocratique de la pensée ; car il s’agit dans ce livre de poètes, d’artistes, d’êtres exceptionnels, dont la cause est plaidée dans un langage exquis contre la société que Vigny accuse.

929. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Regardez maintenant le grand artiste du siècle, un laborieux et consciencieux ouvrier, un partisan de Luther325, un véritable homme du Nord, Albert Dürer. […] Au contraire, chez les nobles d’Élisabeth et de Jacques Ier, comme chez les cavaliers de Charles Ier, elle tolère les goûts de l’artiste, les curiosités du philosophe, les façons mondaines et le sentiment du beau. […] Chez le prédicateur comme chez le poëte, comme chez tous les cavaliers et tous les artistes de l’époque, l’imagination est si complète qu’elle atteint le réel jusque dans sa fange, et l’idéal jusque dans son ciel. […] C’est que le fond du protestantisme est la doctrine du salut opéré par la grâce, et que, pour rendre cette doctrine sensible, nul artiste n’a égalé Bunyan. […] Cette imagination, puissante comme celle des artistes, mais plus violente que celle des artistes, agit dans l’homme sans le concours de l’homme, et l’assiége de spectacles qu’il n’a ni voulus ni prévus.

930. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Considérez, en effet, les conditions que la vie imposait à Molière, et quelle conquête sur le sort aura été son travail d’artiste littéraire. […] Celle de l’artiste de génie obligé d’improviser pour vivre. […] De chacun de ces artistes, vous pouvez dire que son œuvre est belle, mais en employant un mot identique, vous entendrez des qualités bien différentes. […] Ce travail, lui aussi, comme celui de l’artiste ou du littérateur, intéresse l’homme tout entier. […] Son génie de gouvernement lui avait fait comprendre que l’artiste littéraire, individualiste par nature, est toujours près de devenir un fauteur d’anarchie.

931. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

) me saisit, m’entraîne par des passages mystérieux, et me dépose au foyer des artistes. […] Il dédaigne les artistes : c’est qu’il n’entend rien à l’art. […] Et, après avoir montré aux bourgeois ce que sait faire un artiste quand il daigne se mêler d’affaires, souriant et dédaigneux, il revient à sa chère peinture. […] Pourquoi l’« écriture artiste » serait-elle incompatible avec la religion de la souffrance humaine ? […] Assurément, il ne tuerait pas un moujick ; il ne tuerait même pas un riche qui aurait de la bonté, ni un artiste ou un savant qui se trouverait être riche.

932. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

De ce jour commence le rêve de la jeune fille ; elle aime un jeune artiste qu’elle ne sait pas être le fils de l’évêque. […] On allait cependant débarquer le corps, lorsque la municipalité s’y opposa sous prétexte que l’artiste était mort du choléra. […] Il restait donc en mer, berçant sur la vague le cadavre du grand artiste bizarre que les hommes repoussaient de partout. […] Mais celle-ci devient une grande et belle jeune fille très parisienne, très artiste. […] Mais ils nous ramènent bientôt à Paris, en pleines coulisses de la Porte-Saint-Martin, car Marguerite Méryem s’est faite auteur et artiste dramatique pour arriver à son but.

933. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Le Moi de l’artiste, en essayant d’empiéter sur celui des autres, l’irrite, et le provoque aux représailles. […] Dans ce bourgeois il y a un artiste, je veux dire à la fois un remarquable ouvrier et un théoricien scrupuleux de son art. […] Assurément, il ne serait pas bon que les artistes, ni même les antiques, fussent les seuls juges de l’art. […] Chateaubriand, lui, n’est pas seulement l’un des grands écrivains, il faut dire qu’il est l’un des grands artistes de la prose française, artiste jusqu’à nous donner trop souvent, par le moyen du prestige ou de la magie des mots, l’illusion d’une pensée qu’il n’a point. […] Il ajoute encore : « Les artistes sont les juges compétents de l’art, il est vrai ; mais ces juges sont tous corrompus… ».

934. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Peu d’artistes avaient reçu sa forte éducation morale ; peu d’artistes ont travaillé plus patiemment, plus constamment que lui à la perfectionner encore ; et c’est pourquoi peu d’artistes ont laissé une œuvre plus noble en son ensemble et où l’on voie plus distinctement ce que peuvent, dans un même écrivain, l’alliance du talent et du caractère. […] qui conduit l’artiste ou le poète non seulement à s’isoler de ses semblables, mais à s’opposer lui tout seul à eux tous ! […] Après cela, discuterons-nous le talent de l’artiste ? […] Une polémique n’est donc jamais « vaine », qui peut servir à préciser l’esthétique d’un artiste ou d’un genre ; si M.  […] Le psychologue ou le moraliste qu’il est ne m’en démentira pas, ni l’artiste, non plus, qui connaît le pouvoir de l’inconscient.

935. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Je demanderais la même faveur — et aussi le droit d’être en velours — pour le veston, cher aux poètes et aux « artistes », et qui peut être charmant : les gens du temps de Louis XIII le savaient bien.

936. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Et, par conséquent, il dépend de vous de devenir, aux yeux de Dieu et même des hommes, des créatures d’une qualité pour le moins égale à celle d’un grand savant, d’un grand capitaine ou d’un grand artiste.

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