Ces cinq années sont cinq siècles pour la France.
Il nous en avait pourtant bien avertis, lui qui jugeait de ses vers par l’oreille et croyait les justifier assez en attestant qu’il n’en avait jamais fait de plus « sonores » ; lui qui défendait le mot de lubricité pour le bon son qu’il faisait à la rime ; lui qui tant d’années avant qu’on l’eût inventé, connaissait l’art de la lecture, et qui lisait ou disait les vers en perfection, de façon à transporter les plus froids auditeurs : il les débitait tout simplement en poète, rendant sensibles toute sorte d’effets d’harmonie et de rythme, qui échappent à la lecture des yeux.
Jacques trouve que « le divorce, dont on parle beaucoup cette année, enlève au mariage le sentiment de l’infini ».
Ce moment dura près de quarante années, les plus belles peut-être de l’histoire de notre nation, non seulement par la gloire des lettres et des arts, mais par l’emploi le plus complet de toutes ses facultés : au dedans, par les conquêtes pacifiques de l’unité sur les restes des institutions et des habitudes féodales ; au dehors, par des guerres glorieuses qui réunissaient au corps de la France des provinces qui en étaient comme les membres naturels.
Après ces deux années d’une douce vie passée en compagnie de deux amis dignes de lui, c’est-à-dire en compagnie plus intime avec lui-même, il revint à Paris, la tête débordant de poèmes, de plans, d’esquisses, où sont mêlées la science, la politique, la Bible, l’Amérique ; ambitieux de tout sentir et de tout rendre, de faire de la poésie l’organe inspiré de toutes les idées modernes, l’écho du passé et du présent, la voix prophétique de l’avenir.
C’est à la fin de cette même année que parut le numéro i du format revue, sous couverture jaune-citron, avec, au sommaire, les noms de Paul Verlaine, Maurice du Plessys, Laurent Tailhade, Jean Lorrain, Anatole Baju, Ernest Raynaud, auxquels se joindront, dans les numéros suivants, d’une façon régulière et continue, les noms de : Jules Renard, Albert Aurier, Pillard d’Arkaï, Georges Fourest, Boyer d’Agen, Édouard Dubus, Louis Dumur, André de Bréville, Louis de Saint-Jacques, vicomte Jean Vassili, Valère Gille, Martial Besson, Paterne Berrichon, Félix Noore, Norbert Lorédan, Émile Cottinet, Charles Darantière, A.
Bourget une des physionomies les plus palpitantes — sinon la plus curieuse — qui ait émergé de l’océan littéraire, ces trente dernières années.
Ainsi des tendances, qui sont en sous-ordre dans cette première moitié du règne de Louis XIV, s’apprêtent à reconquérir, après cette trentaine d’années, l’importance qu’elles ont eue auparavant.
. — Ils ne paraissaient pas moins amples ni plus grands que ceux qui sont dans mon beau Saint Jean, pour servir de fonts baptismaux : — L’un desquels, il n’y a pas encore beaucoup d’années, je brisai parce qu’un enfant s’y noyait ; et que cela soit occasion pour tout homme de se détromper. » L’un de gli quali, anchor non é molt’ anni Rupp’ io per un che dentro vannegava : E questo sia suggel ch’ ogni huomo sganni.
Qu’il y a loin de la grande fille déniaisée du château de Grandchamp aux deux sensitives frissonnantes du jardin de Laerte, et comme ces pudeurs positives et raisonneuses qui sentent le parloir et le pensionnat ressemblent peu aux rougeurs d’albâtre éclairée par dedans qui colorent ces strophes diaphanes, à travers lesquelles circule le sang ému et ivre de la seizième année !
Elle a passé dans la pauvreté les premières années de sa jeunesse, obscure et dédaignée, comme une Cendrillon.
Il y régnait, depuis quelques années, un goût de l’esprit, du bel esprit littéraire, dans lequel il entrait beaucoup plus de zèle et d’émulation que de discernement et de lumières.
Parvenu à sa soixante-dixième année, il écrivait au marquis de Bonneval, son frère, avec qui il avait eu souvent contestation, mais sans jamais rompre : « Je suis souvent bien loin de moi par des réflexions fatigantes ; de fréquentes attaques de goutte, d’autres infirmités réelles, me forcent à vous demander conseil, comme au chef de la maison, sur un parti à prendre. » Le marquis lui répondit cette fois en frère, l’engageant à prendre le parti le meilleur et lui promettant de tout son pouvoir de lui aider.
En ces années finales de la Restauration, il y avait un effort dans l’ordre de l’esprit, un essor marqué qui s’essayait en bien des genres.
Il n’y a pas longues années qu’un économiste anglais, homme d’autorité, faisant, à côté des questions sociales, une excursion littéraire, affirmait dans une digression hautaine et sans perdre un instant l’aplomb, ceci : — Shakespeare ne peut vivre parce qu’il a surtout traité des sujets étrangers ou anciens, Hamlet, Othello, Roméo et Juliette, Macbeth, Lear, Jules César, Coriolan, Timon d’Athènes, etc., etc. ; or il n’y a de viable en littérature que les choses d’observation immédiate et les ouvrages faits sur des sujets contemporains. — Que dites-vous de la théorie ?
Bertrand venait de crier, dix écrivains l’avait clamé en vain, au cours de ces dernières années.
Ce fut cette année que parut le Dictionnaire Etymologique, ou origines de la langue françoise, par Gilles Ménage, nouvelle édition, augmentée par l’auteur, & enrichie des origines françoises de Pierre de Caseneuve ; d’un discours sur la science des étymologies du P.
oui, dans les dernières années de sa vie, lord Byron était devenu d’une sécheresse, d’un égoïsme et d’une humeur affreuse.
à plusieurs années de distance, l’auteur des Récits encourt le même reproche.
Panizza, d’observer un jeune garçon, pendant ses années de développement, et de suivre les agitations de son âme : on le trouvera beaucoup plus intéressant que le jeune homme qui sort des bras d’une cocotte.
On sait que toutes, jusqu’à ces dernières années du moins, ont vu leur population se multiplier avec une rapidité inouïe ; phénomènes relativement récents et qu’on peut dire caractéristiques de l’époque moderne63.
Tel fut l’état de la nation française, depuis François II jusqu’à la douzième année du règne de Louis XIV, c’est-à-dire, pendant l’espace d’un siècle.
L’introduction de l’année précédente parut si bien exprimer alors les sentiments publics, qu’elle fut accueillie par des applaudissements à tous les principaux passages ; mais son effet n’égala pas pourtant celui de l’introduction suivante, qui fut couverte d’acclamations générales presque à toutes les phrases. […] N’eût-il pu le remplir en nous apprenant ce que devint son héros disparu jusqu’à sa trentième année ? […] Son courage lutte et résiste à ces détresses durant trois années. […] L’année 1572 devint célèbre par la publication de la Lusiade. […] Comment l’esprit humain n’a-t-il produit rien qui le surpassât, ou qui du moins l’égalât, depuis une succession de plus de trois mille années révolues ?
Vous trouverez de charmants ou sérieux portraits de femmes : celui de Dora, qui reste petite fille dans le mariage, dont les mutineries, les gentillesses, les enfantillages, les rires, égayent le ménage comme un gazouillement d’oiseau ; celui d’Esther, dont la parfaite bonté et la divine innocence ne peuvent être atteintes par les épreuves ni par les années ; celui d’Agnès, si calme, si patiente, si sensée, si pure, si digne de respect, véritable modèle de l’épouse, capable à elle seule de mériter au mariage le respect que nous demandons pour lui. Et lorsqu’enfin il faudra montrer la beauté de ces devoirs, la grandeur de cette amitié conjugale, la profondeur du sentiment qu’ont creusé dix années de confiance, de soins et de dévouement réciproques, vous trouverez dans votre sensibilité, si longtemps contenue, des discours aussi pathétiques que les plus fortes paroles de l’amour1342.
C’est pourquoi, dans une durée psychologique de quelques secondes, il pourra faire tenir plusieurs années, plusieurs siècles même de temps astronomique : telle est l’opération à laquelle il se livre quand il dessine à l’avance la trajectoire d’un corps céleste ou qu’il la représente par une équation. […] Nous nous trouvons donc ici dans la même position où se place l’astronome, quand il embrasse dans une seule aperception l’orbite qu’une planète mettra plusieurs années à parcourir.
Des demandes pressantes, voire des commandes, auxquelles, en nos dures années matérielles d’après-guerre, il fallait satisfaire, l’amenèrent à essayer d’une autre langue. […] Il faut prendre à la lettre les deux lignes de la dédicace à André Gide : « Depuis bien des années, j’avais laissé l’art des vers ; essayant de m’y astreindre encore, j’ai fait cet exercice, que je te dédie. » Une discipline, un exercice. […] Notons qu’il revint à l’art de vers, qu’il se retrouva poète (et poète autrement entier que dans les essais de ses vers anciens) pendant l’année la plus sombre de la guerre, lorsque l’âme pure de l’humanité se trouvait comme forcée à une invention désespérée, à un alibi autonome et créateur.
Les années n’effacent pas ce souvenir. […] Or, une heure par jour en moyenne, cela fait trois cent soixante-cinq heures en un an, ou mille quatre cent soixante heures en quatre années, de la troisième à la philosophie. […] Le vent du Sud, qui y règne presque toute l’année, n’y soufflait plus. […] Quelquefois un bison chargé d’années, fendant les flots à la nage, se vient coucher, parmi de hautes herbes, dans une île du Meschacebé. […] Il était descendu dans les cavernes de Proserpine ; il avait vu tourner les cinq cents colonnes du labyrinthe de Lemnos et resplendir le candélabre de Tarente portant sur sa tige autant de lampadaires qu’il y a de jours dans l’année.
Jusqu’à cette époque de son histoire, Froissart avait plus ou moins suivi la Chronique de Jean le Bel : c’est à partir de l’année 1356 et de la bataille de Poitiers seulement, qu’il commence à cheminer seul, et, dès les premières pages, il débute par un grand tableau digne d’un maître.
Le point de vue essentiel se rattache à la position que l’auteur a prise depuis plusieurs années, et à un rôle littéraire qui doit avoir de l’avenir en lui, nous le croyons.
Le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre, qui était d’année en 1774.
si l’on en excepte quelques amis inaltérables, la plupart de ceux qu’on se rappelle après dix années de révolution, consistent votre cœur, étouffent vos mouvements, en imposent à votre talent même, non par leur supériorité, mais par cette malveillance qui ne cause de la douleur qu’aux âmes douces, et ne fait souffrir que ceux qui ne la méritent pas.
Ce sont là les propres paroles de Siéyès Ailleurs il ajoute : « Les prétendues vérités historiques n’ont pas plus de réalité que les prétendues vérités religieuses. » (Papiers de Siéyès, année 1772, d’après Sainte-Beuve, Causeries du lundi, V, 194.) — Descartes et Malebranche avaient déjà ce mépris pour l’histoire.
XXI Maintenant, pour nous faire une idée juste de ce qu’est la poésie lyrique, écoutons chanter dans un même homme d’abord ce pauvre petit berger des montagnes de Bethléem ; puis cet adolescent armé de sa fronde, libérateur de son pays ; puis ce musicien favori de Saül assoupissant avec sa harpe les convulsions d’esprit de son roi ; puis ce proscrit cherchant asile dans les cavernes de Moab ; puis ce chef de bande et de parti courant les aventures sur les frontières de la Judée ; puis ce roi choisi par les prêtres et acclamé par le peuple pour éteindre la race de Saül et pour fonder sa propre dynastie ; puis ce souverain exalté par sa haute fortune, ne refusant rien à ses intérêts ni à ses amours, et ternissant ainsi sa vieillesse après avoir couvert d’innocence et de gloire ses jeunes années ; puis le vieillard puni, repentant, rappelé à Dieu par l’extrémité de ses châtiments, et convertissant encore ses sanglots en cantiques pour fléchir et pour attendrir son juge là-haut.
Eût-il perdu la foi (ce qui, je crois, vaudrait mieux pour son dessein), il faudrait que le romancier des mœurs cléricales eût conservé le don de s’attendrir au souvenir de ses années d’enfance et de jeunesse, de sentir en quoi les pratiques et les croyances qu’il a quittées peuvent être bonnes et douces aux âmes.
Enfin l’Esprit des lois parut, et entre l’éclat de son apparition et la mort de Montesquieu quelques années s’écoulèrent, pendant lesquelles il connut qu’il avait fait un chef-d’œuvre, comme on connaît qu’on a fait une bonne action, presque plus par l’ingratitude que par la reconnaissance de ceux qui devaient en profiter.
Dès les premières lueurs de l’intelligence, nous tirons des conclusions, mais des années se passent avant que nous apprenions l’usage des termes généraux.
Helvetius naquit à Paris, qu’il y fut élevé, qu’il y fit, tout le temps de sa vie, son séjour ordinaire, & l’Auteur de l’Ouvrage posthume déclare n’y avoir séjourné qu’un certain nombre d’années.
Il suffit de citer l'Arrêt du Conseil d'Etat du 10 Janvier, de cette année 1779, concernant les Enfans-Trouvés.
Ces choses, qu’il vive cent ans ou un petit nombre d’années, il les verra toujours les mêmes, et il ne verra rien de plus beau qu’elles.
Un emprunt prélevé sur la dot de la femme la tirerait du naufrage ; mais madame Fourchambault défend énergiquement cette dot lucrative de huit cent mille francs qui lui a rapporté le revenu d’un capital de deux ou trois millions, en vingt années de ménage.
Cinq années de passion, d’erreur, d’entraînement et de délire, mais aussi de dévouement, de souffrance et de persécution vaillamment endurée, en seront la preuve.
Il y a à cela une petite difficulté : il ne paraît pas que Saint-Just ait jamais été, même une seule année, au collège Louis-le-Grand.
A quoi vous êtes-vous occupés pendant dix années ?
Dans la même année il embarrassera ses revenus de délégations, il perdra sa place de professeur au collège royal, il s’excluera de l’académie, et achèvera sa ruine par la construction d’une machine à cribler le sable et n’en séparera pas une paillette d’or ; il s’en reviendra pauvre, déshonoré, en s’en revenant il passera sur une planche étroite, il tombera et se cassera une jambe. […] Pendant un assez grand nombre d’années, à chaque mot prononcé, l’idée ou l’image nous revenait avec la sensation qui lui était propre, mais à la longue nous en avons usé avec les mots, comme avec les pièces de monnaie : nous ne regardons plus à l’empreinte, à la légende, au cordon, pour en connaître la valeur ; nous les donnons et nous les recevons à la forme et au poids : ainsi des mots, vous dis-je ; nous avons laissé là de côté l’idée ou l’image, pour nous en tenir au son et à la sensation.
Depuis de longues années, nous ne la remarquons pas ; elle a dû, dès lors, en vertu des lois de l’habitude, descendre progressivement tous les degrés de la conscience ; elle ne peut en posséder aujourd’hui qu’un degré infinitésimal, inappréciable, subjectivement identique à zéro143. […] devons-nous croire que les premières générations humaines qui firent usage de la parole eurent une parole intérieure à demi tactile, à demi sonore, et qu’il fallut plusieurs siècles pour opérer cette purification de la parole intérieure qui, de nos jours, chez l’enfant, se produit vraisemblablement en quelques années ?
Me voici, Imbécile, ignorant, Homme nouveau devant les choses inconnues, Et je tourne ma face vers l’Année et l’arche pluvieuse, j’ai plein mon cœur d’ennui ! […] Aucun drame ni ne commence ni ne finit : ni exposition, ni dénouement définitif : tous les débuts poursuivent la tragédie immémoriale : l’angoisse de Cébès est ancienne déjà, et cette femme qu’enterre Simon, son rôle vient de se terminer : ce sont des passions depuis longtemps ardentes qu’apportent Avare et Lambert sur la terrasse de La Ville. — D’autre part, quand s’achève L’Échange, Thomas Pollock se lève et dit simplement : La journée est finie et une autre est commencée56… Enfin c’est bien la pérennité de l’Action tragique, la perpétuité du drame universel que suggèrent les derniers mots de La Jeune Fille Violaine : L’année change, et de nouveau se levant du noir hiver, cramoisi, tout d’or, De nouveau le nouveau soleil se peint sur les fleuves chargés de glaçons57. […] Le temps est le sens de la vie66. » Il est le mouvement du monde : et, comme tel, il est double : il y a un temps pur et uniforme, celui qui s’inscrit dans les signes célestes ou sur nos horloges terrestres et qui, régulier, procède par révolutions totales et recommencements ; il y a aussi un temps réel, qualitatif, qui est le progrès des êtres vivants et la modification continue de leurs rapports : celui-ci ne recommence jamais, il est autre chose que la reproduction périodique « du jour, du mois et de l’année, il est l’ouvrier de quelque chose de réel, que chaque seconde vient accroître, le Passé, ce qui a reçu une fois l’existence67 ». […] Je me souviens de cette longue année délicieuse, il me semblait que tout un paradis se fût épanoui en moi ; j’entendais son chant perpétuel dans mon cœur ; sur les routes les plus arides m’accompagnait une joie infatigable. […] « … Tocsin des souvenirs amoureux, ténébreux, des anciennes années. » (Ibid.
Ils sont pour les gens prévenus, comme ces geants dont parle Me D qui croissoient toutes les années d’une coudée en grosseur, et de deux en hauteur. à mesure qu’ils s’éloignent de nous, leur autorité s’augmente, nous ne nous accoûtumons pas assez à les entendre nommer, comme les écrivains de nôtre siécle : nous y attachons une idée de grandeur devant qui les noms modernes ne tiennent point. […] quelle honte pour nous parmi les races futures, qu’une armée de grecs, une armée si nombreuse et si belliqueuse, ait fait si long-temps inutilement la guerre, contre des ennemis si inégaux en nombre, et qu’après tant d’années, la fin paroisse aussi éloignée que le prémier jour. […] neuf années du grand Jupiter se sont écoulées ; le bois de nos vaisseaux est corrompu, leurs cordages usez, nos femmes et nos jeunes enfans nous attendent dans nos maisons ; et ici nous nous consumons après une entreprise que nous avons faite avec tant d’éclat, et qui ne peut être terminée. […] En second lieu, Agamemnon dit qu’après tant d’années, l’entreprise n’étoit pas plus avancée que le premier jour : nouvelle raison pour se décourager.
Goudot, qui a habité le Brésil pendant dix années, regarde le suc de liane épaissi comme jouant simplement le rôle d’un excipient dans lequel on introduit ensuite du venin de serpent. […] Il put le garder à son service pendant sept années, durant lesquelles il fit un très-grand nombre d’observations du plus haut intérêt pour la physiologie. […] Ce n’est que dans ces dernières années que l’expérimentation est venue en démontrer la fausseté. […] Quand Spallanzani a ressuscité, en les humectant, des rotifères desséchés depuis trente ans, il a simplement fait reparaître dans leur corps les phénomènes physiques et chimiques qui s’y étaient arrêtés pendant trente années.
Parfois, après un de ces découragements, dit Shakspeare, « je pense à toi, et comme l’alouette au retour du soleil s’élance hors des sillons mornes, mon âme s’envole et va chanter des hymnes à la porte du ciel207. » Puis tout s’affaisse, comme dans un foyer où un flamboiement trop fort n’a plus laissé de substance. « Tu vois en moi le moment de l’année — où les feuilles jaunes, rares et qui s’en vont, — pendent aux rameaux froids qui frissonnent, — arceaux dégarnis, nefs ruinées où tout à l’heure chantaient les doux oiseaux. — Tu vois en moi le crépuscule d’un jour — qui, après le soleil couché, s’évanouit à l’occident, — et que, par degrés, engloutit la nuit noire, — la nuit, sœur jumelle de la mort, qui clôt tout dans le repos208… Ne pleure pas sur moi quand je serai mort ; — du moins cesse de pleurer quand cessera de tinter la morne cloche morose, — avertissant le monde que je me suis enfui de ce monde abject pour habiter avec les plus abjects des vers. — Ne vous souvenez pas même, si vous lisez ces lignes — de la main qui les a écrites : car je vous aime tant — que je voudrais être oublié dans votre chère pensée, — si penser à moi vous a faisait quelque peine209. » Ces subites alternatives de joie et de tristesse, ces ravissements divins et ces grandes mélancolies, ces tendresses exquises, et ces abattements féminins, peignent le poëte extrême dans ses émotions, incessamment troublé de douleur ou d’allégresse, sensible au moindre choc, plus puissant, plus délicat pour jouir et souffrir que les autres hommes, capable de rêves plus intenses et plus doux, en qui s’agitait un monde imaginaire d’êtres gracieux ou terribles, tous passionnés comme leur auteur. […] Tous boiront et mangeront à mes frais, et je les habillerai tous avec la même livrée… Comme me voilà ici, assis sur la pierre de Londres, j’ordonne et commande que le conduit au pissat ne verse plus que du bordeaux, cette première année de notre règne, et cela aux frais de la ville… Et à présent toutes les choses seront en commun… Qu’est-ce que tu peux répondre à Ma Majesté pour avoir livré la Normandie à Monsieur Basimecu, le dauphin de France ? […] Je m’en souviens bien. — Cela fait onze ans aujourd’hui depuis le tremblement de terre. — De tous les jours de l’année, c’est justement ce jour-là, — je m’en souviens bien, qu’elle fut sevrée. — J’avais mis de l’absinthe au bout de mon sein, — et j’étais assise au soleil contre le mur du pigeonnier. — Monseigneur et vous, vous étiez alors à Mantoue. — Oh !
il s’agit de nos plaisirs, non de la plus grande commodité de celui qui aspire à nous les donner ; et ces plaisirs sont fondés sur une illusion qu’il doit craindre d’affaiblir, et dont il ne restera rien du tout, s’il prétend nous transporter à sa guise sur tous les points du globe, ou nous faire vivre, ainsi que ses personnages, plusieurs mois ou plusieurs années en deux ou trois heures.
Pour prendre la place qu’il laissait vide, deux hommes se présentèrent : l’année 1656 vit débuter dans la tragédie Thomas Corneille et Quinault.
La politique contemporaine en France m’en fournirait, je crois des exemples, et j’en trouverais parmi les hommes d’État les plus en vue et non les moins actifs de ces dix dernières années.
L’Europe eut beau subir son joug pendant une centaine d’années, l’heure de la révolte devait sonner tôt ou tard.
Des hommes l’entourent qu’il renvoie aux murs, annoncer à l’année l’assaut imminent.
On connaît des exemples frappants de cette reconnaissance, qui se produit parfois après de longues années.
Voyez, dans Jocelyn, les pages connues sur les étoiles : Celles-ci, leur disais-je, avec le ciel sont nées : Leur rayon vient à nous sur des milliers d’années.
J’ai donné mes plus fortes années aux affaires publiques.
Elle n’est pas assujettie à puiser éternellement l’existence dans le sein maternel de la sensation ; après l’allaitement quotidien des premières années, elle persiste à vivre dans des conditions nouvelles ; on la dirait douée, comme un animal adulte, d’une vitalité qui lui est propre.
Poussons ce raisonnement jusqu’au bout : supposons que mon discours dure depuis des années, depuis le premier éveil de ma conscience, qu’il se poursuive en une phrase unique, et que ma conscience soit assez détachée de l’avenir, assez désintéressée de l’action, pour s’employer exclusivement à embrasser le sens de la phrase : je ne chercherais pas plus d’explication, alors, à la conservation intégrale de cette phrase que je n’en cherche à la survivance des deux premières syllabes du mot « causerie » quand je prononce la dernière.
quelques strophes semblent surchargées ou faibles, malgré de grandes beautés ; la rouille du siècle se mêle encore au rayon naissant de la poésie ; et comme si, par une rencontre bien rare, le mouvement commun de la langue et des esprits, l’élan donné, à partir de Henri IV, au génie français, apportait plus à l’âme du poëte que le froid des années ne pouvait lui ôter, c’est vingt ans plus tard, et déjà tout vieux et tout chenu, que Malherbe enfantera, pour l’honneur de Louis XIII et de Richelieu, la belle ode.
L’inquiétude le prit ensuite sur le sort de cette nouveauté tragique, qui n’avait pas les dimensions prescrites par l’usage : autre sujet de chagrin ; Crébillon était sur le point de donner son Triumvirat ; l’auteur était protégé par madame de Pompadour ; il inspirait un grand intérêt : Voltaire craignait qu’on ne l’accusât de vouloir braver Crébillon, et, avec ses trois bataillons chinois, détruire cinq grands corps d’année romaine. […] Pour Bertrand, qui n’a jamais vu Childebrand-Adonis, qui ne l’a jamais cru Mars, mais tout au plus Mercure, il ne peut que se réjouir, avec tous les honnêtes Bertrands, de voir Childebrand dans l’opprobre qu’il mérite. » L’honnête Bertrand écrivait cela dans les premières années du règne de Louis XVI, qui commençait dès lors à écarter de lui ses amis, pour se livrer entre les mains des sophistes et des traîtres. […] Plusieurs années avant qu’il parût, Voltaire en avait sans doute entendu la lecture car en 1713, n’ayant encore que dix-neuf ans, il composa à la louange de cette comtesse de Fontaine et de son roman une fort jolie épître, où il lui reproche galamment de ne point sentir l’amour qu’elle sait si bien inspirer et peindre : il la compare à l’hérétique Marot, qui dans ses psaumes chante ce même Dieu dont il méconnaissait la véritable loi : déjà le jeune poète mêlait des idées religieuses à ses plaisanteries. […] L’auteur cependant, par prudence, garda plusieurs années dans son portefeuille cette esquisse de Shakespeare ; enfin, encouragé par le succès de Mérope, il crut pouvoir hasarder La Mort de César, comme si le triomphe de l’amour maternel eût pu disposer les cœurs au spectacle du plus atroce des parricides. […] Il ne commence plus par là depuis que les années l’ont rendu raisonnable ; il va épouser légitimement sa maîtresse, et, intérieurement, il donne au diable sa vieille Mélanide, dont il se croyait débarrassé, et qui ne lui paraît plus qu’un trouble-fête.
La science précédoit la connoissance du monde ; & loin de regarder comme perdues ces premières années consacrées à l’étude, & si nécessaires à bien employer pour fonder quelque espérance sur l’avenir, les heures n’étoient pas encore assez longues pour remplir un objet si essentiel & si intéressant. […] Le systême de Law qui changea, il y a quelques années, la fortune de presque tous les Citoyens, changea aussi les mœurs publiques & particulières.
Sans cela, je dirais tout ce qui m’est venu près de ce fourneau, en pensées religieuses, gaies, tristes ; ce que j’ai coulé d’années, de siècles, de baptêmes, de glas, de noces, d’incendies, avec cette cloche.
Henri Estienne avait une vue plus juste, quand, peu d’années après Du Bellay, il attaquait l’imitation de la littérature italienne.
En 1581, étant à Lucques pour sa santé, il fut nommé maire de Bordeaux, et, après deux années d’exercice, réélu pour le même temps.
Si l’on inventait pour le dix-septième siècle un titre supérieur à celui de grand, je dirais volontiers que les soixante premières années du dix-neuvième siècle sont plus de la moitié d’un grand siècle.
Le lecteur peut rejeter cette opinion ; mais elle lui est soumise après bien des années de méditation, et avec cette hésitation naturelle à produire tout ce qui n’est pas susceptible de preuve265. » Si nous cherchons maintenant266 sous quelles divisions principales peuvent se grouper les phénomènes psychiques, nous trouverons que la classification populaire en sentir et penser, ou esprit et cœur, indique en gros les premiers groupes.
Année 1740.
La Fontaine devait évidemment écrire une Astrée, puisqu’il en était hanté depuis sa dix-septième ou sa dix-huitième année jusqu’à l’âge de « la barbe grise ».
Je crois bien que dans peu d’années le talent et les œuvres de M.