/ 2310
1159. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il est mort en chrétien, c’est la vérité, affirmant, devant l’hostie que le prêtre allait lui mettre dans la bouche, que Dieu était réellement, virtuellement et substantiellement là pour lui. […] Le stoïcien avait traversé toute la vie dans le respect historique et social des institutions et des idées chrétiennes, mais sans aller plus loin du côté du ciel, et il retrouva peut-être, à l’heure de mourir, sur son âme, la bénédiction paternelle du mendiant qui avait répondu de lui devant Dieu.

1160. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Dieu ne leur a pas donné pour consigne de faire le ménage des peuples, mais le leur. […] Tous ces bonheurs, qui ressemblent à des moqueries du hasard, tous ces royaumes que Dieu lui jette dans les jambes et qui finissent par le faire tomber, ne mettent en lumière que son impuissance à les garder.

1161. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

L’existence en dehors de Dieu (comme la veut la science moderne) s’explique par la liberté, mais la liberté ne s’explique que par la douleur. […] Sans croire, comme Alphonse Jobez, que la terre, avec toutes les richesses qu’elle pourrait donner, renferme assez de biens pour assouvir cette âme de l’homme qui n’a point été faite avec une si grossière substance, mais avec un souffle de Dieu ; sans avoir cette mysticité du sol, nous croyons aussi, pourtant, que les peuples et les hommes dépendant de leurs besoins et de leur bien-être, — quoique ces besoins et ce bien-être soient le plus petit et le plus bas côté de leur destinée, — la voie de prospérité la meilleure est encore la culture du morceau de globe sur lequel ils sont nés.

1162. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Le divorce, que Bellegarrigue, dans son style mécanique, appelle un mariage à soupape, pour l’opposer au mariage en cul-de-sac, ainsi qu’il nomme ignoblement la sainte indissolubilité du mariage contracté, en vue des enfants, pour l’éternité, devant Dieu. […] » Telle est, selon Bellegarrigue, la destination de l’homme fait à l’image de Dieu.

1163. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Dieu sait si j’ai toujours recherché les portraits ressemblants de madame de Maintenon, — de cette femme si difficile à peindre, parce qu’on ne peut s’empêcher de la voir à travers cette monstrueuse et scélérate caricature de Saint-Simon, qui ne nous lâche pas les yeux et qui nous fait trembler la main quand nous voulons la corriger ! […] Son histoire, à celle-là, — oubliée par la grande Histoire, — est assez obscure devant les hommes ; mais elle éclate devant Dieu, et Babou a su nous dégager de cette obscurité visible le rayonnement intérieur.

1164. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Je laisse cela aux gens qui ne croient pas au Dieu qui a fait le ciel et la terre. […] En métaphysique, je trouve simplement ici un athée qui a peur de se compromettre et qui se roule dans cette toile d’araignée pour se cacher : « Je crois — dit-il, page 191, — Dieu incompréhensible, et l’homme ne peut avoir de lui qu’une idée vague, une idée approximative… » Pour la question pendante sur tout cerveau humain comme un glaive, la question de notre immortalité : « Je crois — dit-il avec une impertinence nonchalante — qu’il faut y croire, mais qu’il ne faut pas y penser (page 34).

1165. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Pour nous taire sur un pareil ouvrage, nous pensons trop que le xviiie  siècle, dont Voltaire fut le chef et presque le Dieu, a été l’un des siècles les plus funestes à la France et au monde. […] Exceptez un gouvernement où la main de Dieu a été évidente, nous l’avons encore au milieu de nous, ce siècle vivace, et quelques changements à la clef ne sauraient nous faire illusion sur l’affreuse musique qu’il a chantée et que nous exécutons après lui !

1166. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Edmond de Goncourt et à sa réédition de La Duchesse de Châteauroux et de ses sœurs, une idée plus profonde que celle que j’avais déjà (et Dieu sait pourtant qu’elle l’était !) […] Quand son infernale sœur eut pris sa place dans ce lit de roi qui allait devenir une place publique, madame de Mailly mourut, ce cilice ensanglanté de la pénitente pour toute peau de tigre, embaumant et purifiant sa mémoire souillée dans le mot sublime d’humilité qu’elle dit, un jour, sous l’atroce injure qui la nommait : « Si vous la connaissez, priez Dieu pour elle ! 

1167. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Elle n’avait rien de cette fameuse et fière Bacchante de sa famille, qui disait au régent lui-même, son amant : que Dieu, ayant dépensé toute son argile à créer l’homme, prit de la boue et du crachat pour faire les princes et les laquais ! […] Il tournait la chanson comme il tournait les têtes, — comme il tournait ses pouces, — et elle voulut aussi tourner la chanson, et il y en a deux, dans ses lettres, qui ne sont pas trop mal tournées ; mais, Dieu soit béni !

1168. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Il est, pour moi, et il sera, pour tous les romanciers et tous les moralistes qui savent ; comme Dieu, tout le prix d’une âme, dans le sentiment individuel très complexe et très passionné que Madame Geoffrin eut pour Poniatowski toute sa vie, et qui, sous le nom d’amitié, cachait peut-être le plus bel amour de tout le xviiie  siècle, qui, le fat ! […] Elle vint romanesquement enivrée, mais s’en retourna triste d’une mystérieuse tristesse que la correspondance n’explique pas, et dans laquelle on peut voir encore de l’amour… Qu’on l’y voie ou qu’on ne l’y voie pas, du reste, il y en a assez dans ces lettres, où elle parle à Stanislas-Auguste comme à Dieu, pour qu’on soit sûr qu’elle a aimé, Madame Geoffrin !

1169. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Il ne le fut point à la manière du chaste Newton, ce célibataire sublime, qui n’aima que Dieu et ses lois. […] Parmi tous les bonheurs et toutes les somptuosités de cette prodigieuse destinée que Dieu, après sa mort, continue à cet heureux, qui aurait pu jeter sa bague aux poissons du Jardin des Plantes, le meilleur, c’est cette gloire plus intelligente et plus pure, incarnée dans l’admiration d’un rare esprit qui sait, lui, pourquoi il admire, et qui se détache de ce fond d’éloges traditionnels et de sots respects qui compose le gros de toute renommée.

1170. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Comme la Sensation est en l’homme le représentant et la voix de la nature, la Raison est dans sa conscience le représentant et la voix de Dieu. […] La fonction de la Raison, en un mot, est de rappeler constamment l’homme des perceptions contingentes et personnelles aux perceptions impersonnelles et immuables ; de la nature physique où le retient le corps, à la Raison éternelle d’où lui descend la vérité. » Une telle faculté, qui soude presque l’homme à Dieu, s’il est permis de parler ainsi, devait être la première que la philosophie du dix-huitième siècle, la philosophie du moi et de la chose exclusivement humaine, dût fausser.

1171. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Eh bien, le libraire qui, comme l’écrivain, se fait la courtisane des fantaisies de son époque et n’ose prendre aucune initiative en dehors de ce que ces fantaisies lui imposent, encourt un peu de ce mépris qui revient aux hommes littéraires, profanateurs de leur génie, qui ont mis en petits morceaux, dans des compositions proportionnées à la taille de leur époque, cet arbre merveilleux que Dieu leur avait planté dans la tête et qui devait s’épanouir et fleurir dans quelque beau livre, orgueil de la patrie et de la postérité ! […] Mais à cela près de cette nappe de lumière qu’un homme de génie versa, comme un Dieu bienfaisant, sur la tête d’un homme de talent trop obscur, Henri Beyle n’aurait été, aux yeux des hommes de son temps, qu’un dilettante supérieur d’art et de style, et non l’homme qui, dans cette première moitié du xixe  siècle, devait, après Balzac, marcher à la tête des artistes, des observateurs et des écrivains.

1172. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

A Dieu ne plaise ! […] Shakespeare, portant Cordelia dans sa pensée, a créé cette tragédie comme un Dieu qui, ayant une aurore à placer, ferait tout exprès un monde pour l’y mettre. […] Gazier, par ailleurs, dit que, sans aucune intervention de qui que ce soit, Corneille et Racine ont bien pu traiter le même sujet par émulation et rivalité, Dieu me garde de dire qu’il n’a pas raison. […] Champfleury oublie de se négliger, et cela arrive fort souvent, Dieu merci, sa forme devient charmante ». […] Seulement, comme il arrive aux convertis, Sainte-Beuve pénètre trop de ce nouveau côté, va à l’outrance dans cette direction nouvelle et prétend trop prouver qu’Athalie est uniquement spiritualiste, à tel point que le principal personnage, que l’unique personnage, c’est Dieu, c’est Dieu lui-même : « Le grand personnage ou plutôt l’unique d’Athalie, depuis le premier vers jusqu’au dernier, c’est Dieu. » S’il en était ainsi, ai-je besoin de dire qu’Athalie ne serait pas du tout dramatique, puisqu’il n’y aurait aucune incertitude sur l’issue de l’événement ?

1173. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Paul Chalon »

Un Dieu moissonne les adolescents de génie et les belles jeunes filles, afin que ses élus soient un jour réjouis par leur beauté et par leurs chants ; et le printemps éternel sera fait de ces printemps humains brusquement interrompus… Je livre cette idée consolante et déraisonnable à quelque poète spiritualiste.

1174. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sardou, Victorien (1831-1908) »

 » Sardou ne meurt pas, Dieu merci !

1175. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

« Seulement à le voir, dit-il, on démêloit un étourdi, un fou, un insensé, un furieux, un enragé, un glorieux, un impertinent, un menteur, un débauché, un méchant, un querelleur, un impie, un Ecrivain sans Dieu, sans foi, sans religion quelconque ; & l’on voyoit si bien tout cela, que ni le bronze ni la toile n’eussent jamais pu être, comme son visage, l’image d’un monstre.

1176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 369-371

Elle n’a point attaqué, comme on l’a fait depuis, l’existence de Dieu, l’immortalité de l’ame, la nécessité d’un Culte ; elle ne s’est point élevée contre certains préceptes de la Morale chrétienne, tels que le pardon des offenses, &c. ; elle ne s’est point consumée en raisonnemens en faveur du suicide, de l’adulterre, de la vengeance ; au contraire, elle ne s’est jamais écartée d’un caractere de modération, de respect, à l’égard du plus grand nombre des vertus religieuses & sociales.

1177. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre IV. Suite des Philosophes chrétiens. — Publicistes. »

Il serait bien à désirer, si l’on s’occupe encore d’écrits de politique (ce qu’à Dieu ne plaise !)

1178. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Roslin  » pp. 149-150

Mais pour Dieu, dites-moi un peu comment il se fait que ce griffonnage peut vous servir aujourd’hui, et vous serait inutile demain.

1179. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

C’est le chansonnier de Lisette, de Margot, de Catin et du Dieu des bonnes gens. […] Le poète se demande à satiété ce que peuvent être le temps, le passé, Dieu et l’éternité ; mais il ne se répond jamais, par l’excellente raison qu’il s’en inquiète assez peu. […] J’entends parler ici d’un public choisi, lettré, et qui, plus est, doué d’une certaine compréhension du Beau ; car les Méditations ne sont pas moins inaccessibles que les Harmonies elles-mêmes aux adorateurs du Dieu des bonnes gens. […] Jocelyn n’aime ni son Dieu ni sa maîtresse ; ses actes ne sont déterminés ni par la volonté ni par la passion ; il cède à tous les souffles qui l’atteignent et flotte perpétuellement du désespoir à la résignation, sans se résoudre à rien. […] Dieu, pour lui, est tantôt l’Être infini, indéterminé, le monde intellectuel et le monde moral, la nature tout entière, la vie universelle avec ses maux et ses biens ; tantôt Dieu se distingue des êtres et des choses, affirme sa personnalité, veut, agit, détermine les pensées, les actes, amène les catastrophes physiques, relève les faibles et punit les oppresseurs en les incarnant de nouveau dans les formes les plus abjectes de l’animalité ou dans celles de la matière inerte.

1180. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leygues, Georges (1857-1933) »

Ô vous qui reniez le Dieu de la jeunesse Et qui croyez pouvoir, sans qu’un jour il renaisse, Enfermer au tombeau l’immortel tant aimé !

1181. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

Jules Barbey d’Aurevilly Dieu, qu’ils nient fous, ces athées, a encore pour lui de plus grands génies qu’eux.

1182. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 484-486

La premiere de ces Vérités est, qu’il n’y a qu’un Dieu & qu’une vraie Religion ; la seconde, que de toutes les Religions, la Chrétienne est la seule qui soit divine ; la troisieme, que de toutes les Communions du Christianisme, il n’y a que la Catholique Romaine qui soit la véritable Eglise.

1183. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 301-304

Qu’on imprime des inepties, à la bonne heure ; le Sage en rit, & prend quelquefois la peine de les réfuter : mais qu’on imprime des atrocités contre Dieu & les Hommes ; le Sage en gémit, & regarderoit alors la Tolérance comme une foiblesse & une trahison.

1184. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Préface (1859) »

Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence ; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu ; commencer à Foule et finir à Solitude, n’est-ce pas, les proportions individuelles réservées, l’histoire de tous ?

1185. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Il faut qu’avec un goût exquis, le poète sache faire distinguer le tonnerre du Très-Haut, du vain bruit que fait éclater un esprit perfide ; que le foudre ne s’allume que dans la main de Dieu ; qu’il ne brille jamais dans une tempête excitée par l’enfer ; que celle-ci soit toujours sombre et sinistre ; que les nuages n’en soient point rougis, par la colère, et poussés par le vent de la justice, mais que leurs teintes soient blafardes et livides, comme celles du désespoir, et qu’ils ne se meuvent qu’au souffle impur de la haine.

1186. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Cette pusillanimité a paru indigne de Dieu à M. 

1187. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Crétineau-Joly (1re partie) I Quelle que soit l’opinion qu’on se fasse du principe divin ou humain de l’autorité spirituelle ou temporelle de la papauté en Europe, il est impossible de nier que les papes soient des souverains, soit en vertu d’un mandat de Dieu, soit en vertu d’une antique tradition humaine ; qu’en vertu du titre surhumain, leur autorité, sous le rapport spirituel, soit sacrée ; et qu’en vertu du titre de possession humaine et traditionnelle, leur gouvernement soit respectable. […] Ce n’était pas seulement un grand ministre, c’était un grand cœur ; j’ai passé avec lui en 1821 les semaines glissantes où l’armée napolitaine de Pépé et l’armée autrichienne de Frimont allaient s’aborder à Introdocco et se disputer les États romains envahis des deux côtés, et où Rome attendait des hasards d’une bataille son sort et sa révolution ; il était aussi calme que s’il avait eu le secret du destin : « Experti invicem sumus ego et fortuna », nous disait-il. « Quant au pape, il a touché le fond de l’adversité à Savone et à Fontainebleau ; il ne craint pas de descendre plus bas, laissant à Dieu sa providence. » N’est-on pas trop heureux, dans ces agitations des peuples et dans ces oscillations du monde, d’avoir son devoir marqué par sa place, et ne pouvoir tomber qu’avec son maître et son ami ? […] Ô Dieu ! […] Quant au cardinal qui en était l’inventeur, s’il ne rencontra pas de difficultés pour faire accepter à son conclaviste le rôle qu’il devait jouer auprès du chef de la faction Mattei, afin de la disposer en faveur de Chiaramonti, ce conclaviste n’en éprouva pas davantage (grâce à Dieu qui nous aidait) pour faire adopter l’idée à ce chef dès qu’il lui en ouvrit la bouche. […] Il ajouta qu’il adorait les jugements de Dieu ; qu’il était confondu et tremblant à l’aspect d’un si lourd fardeau et à la vue de son insuffisance ; qu’il comptait sur l’aide et sur le concours du Sacré-Collège dans l’exercice du pontificat, auquel il ne croyait pas devoir renoncer dans les circonstances actuelles de l’Église, et dans la nécessité de ne plus prolonger son veuvage.

1188. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Et si la terre que tu cherches n’a pas été créée encore, Dieu fera jaillir, pour toi, des mondes, du néant, afin de justifier ton audace !  […] Ensuite, tourmenté du désir de plus savoir, Wotan s’unit à Erda : les Walküres naquirent, Brünnhilde, Forte par Wotan, Sage par Erda, esprit de Wotan et d’Erda, essence pure de la Divinité. — Brünnhilde se sépara de Wotan : la Divinité, condamnée, se détruisait : le Dieu s’abdiqua, par la désobéissance, châtiée, de Brünnhilde. […]   Alors, le triste Dieu revient vers la Sachante, l’Erda dormeuse, et l’interroge. […] Le Voyageur — Ô Mère, je ne te laisse pas aller, — puisque je suis maître du Charme. — Première-Sachante, — tu as piqué, jadis, — la pointe du souci — dans le hardi cœur de Wotan : — la crainte de la honteuse Fin ennemie — lui a été donnée par ta Science, — pour que l’inquiétude enchaînât son esprit. — Si tu es de la Terre — la plus sage Femme, — dis moi donc — comment le Dieu peut vaincre le souci. […] … — pour accomplir, aussi, cela, — en l’Eternel Jeune Homme — se retire, joyeusement, le Dieu… — Or, descends, Erda, — Première-Originelle-Crainte, — Premier-Souci, — à l’Eternel Sommeil, — descends, descends !

1189. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Dans la cabane de quelques pêcheurs des premiers âges et de quelques vagues pêcheurs lointains aux quels Dieu eût donné l’âme d’un artiste, on peut rêver qu’en ces très légendaires jours ces choses-ci eussent été. […] Exclu du Mont-Salvat pour le sacrilège méfait dont Dieu jadis châtia mortellement Onan (car ainsi satisfaisait-il à la règle de virginité des Graliens), ce Klingsor suscita par magie, sur le versant de monts opposés au Mont-Salvat, un château et un beau jardin d’été, lieux d’enchantements et perditions. […] — L’être tend à croître dans son être ; et cette tendance, tantôt elle se nomme tendance à la perfection, tantôt désir du salut, tantôt progrès ; c’est la montée vers l’idéal, la recherche de l’absolu, le besoin de l’assouvissement, la complétude des fonctions ; encore, l’entrée en Dieu, l’absorption en l’infini, l’effacement en le néant ; encore, la suprême sagesse, l’ataraxie ; et cet éternel formulement, l’aspiration à l’idéal ; la nommerons-nous encore le désir de l’accomplissement. […] Troisième acte : dans un passage de nimbes et d’aube précurseur du soleil de Dieu, l’âme de Kundry erre silencieuse ; Parsifal, vêtu des armes chevaleresques et de la croix, lui dit le die Taufe nimm und glaub’an den Erloeseraj. […] Parsifal (vêtu de lys et de sang ; il chante d’une voix ferme) : Issu de l’inconscience des possibilités premières, un jour je fus mené par Dieu dans un temple de révélation, et dans le rougeoiment d’un Gral je vis le cœur vif de l’Amante et combien, en les souffrirs, aimer et l’aimer était bon.

1190. (1910) Rousseau contre Molière

Dans Tartuffe, il fait intervenir le roi ; dans Don Juan, Dieu. […] Don Juan demandait à ce pauvre à quoi il passait sa vie dans la forêt : « A prier Dieu, répondait le pauvre, pour les honnêtes gens qui me donnent l’aumône. — Tu passes ta vie à prier Dieu, disait Don Juan ; si cela est, tu dois donc être bien à ton aise. — Hélas, Monsieur, je n’ai pas souvent de quoi manger. — Cela ne se peut pas, répliquait Don Juan ; Dieu ne saurait laisser mourir de faim ceux qui le prient du soir au matin. […] En civilisation avancée, il arrive, rarement Dieu merci, mais enfin il arrive qu’une jeune fille s’éprenne d’un homme âgé à cause de son intelligence, de son talent, etc. […] Pour mon compte, je gagerais que sa tirade maîtresse (épouser une sotte… De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer) a été applaudie vigoureusement. […] Quand cette religion serait fausse, la docilité qui soumet la mère et la fille à l’ordre de la nature efface auprès de Dieu le péché de l’erreur.

1191. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Non, il ne faut pas être ingrat envers Dieu ! […] — Dieu a parlé par la bouche de cet enfant, dit Théodosie. […] — Non, Dieu ne l’a pas permis. […] Dieu ! […] Nous allons te tuer, parce que tu es maudit de Dieu.

1192. (1886) Le naturalisme

Le caractère du héros, versatile et médiocre, est essentiellement Gaulois, et en cela, vive Dieu, ils ont raison ! […] Il sait ce qu’il lui faut savoir, ni plus ni moins ; le reste, il l’imagine et à Dieu va ! […] Je sais qu’il est à la mode d’être habillé par un tailleur anglais, mais la littérature, Dieu merci ! […] Mais nous, les écrivains du camp ennemi, nous demandons à Dieu qu’il ne renonce pas à écrire comme il en a annoncé l’intention. […] Dieu veuille que l’enthousiasme ne soit pas dissipé aussi vite que l’écume du Champagne des toasts !

1193. (1898) Essai sur Goethe

[…] Le patriotisme romain, que Dieu nous en préserve ! […] Que Dieu me pardonne les mauvaises pensées et arrête la volonté ! […] Dieu, qui l’as faite si belle, ne pouvais-tu la faire bonne ? […] J’espère bien revenir, mais Dieu sait quand ! […]Dieu !

1194. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Toussaint Galabru, Dieu veut qu’au milieu de vos remords vous soyez consolé. […] Dieu merci ! […] — Si Dieu veut, je veux ! […] — Si Dieu veut, je veux. […] Dieu oblige alors le corps à « rendre l’âme ».

1195. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Le bon Pepys, en dépit de son cœur monarchique, finit par dire : « Ayant entendu le duc et le roi parler, et voyant et observant leurs façons de s’entretenir, Dieu me pardonne, quoique je les admire avec toute l’obéissance possible, pourtant plus on les considère et on les observe, moins on trouve de différence entre eux et les autres hommes, quoique, grâce en soit rendue à Dieu, ils soient tous les deux des princes d’une grande noblesse et d’un beau naturel !  […] Il renverse en six mots l’autorité de cette révélation et de toute autre : « Dire que Dieu a parlé en rêve à un homme, c’est dire simplement qu’il a rêvé que Dieu lui parlait. […] Au fond, ses sophismes et son impudence sont pour Dryden un moyen de décrier par contre-coup les théologiens et leur Dieu arbitraire. « Un pouvoir absolu, dit Jupiter, ne peut faire de mal. […] Dieu ! […] Il compose de bons mots, il les remplace par de meilleurs, il aiguise toutes ses railleries, il les serre comme un faisceau de dards, et met de sa main au dernier feuillet : « Fini, grâce à Dieu. —  Amen ! 

1196. (1902) Le critique mort jeune

Quelques grandes abstractions — Justice, Devoir, Solidarité — jouent pour lui le rôle d’un Dieu qui commanderait le bien sans punir le mal. […] Lanson écrit très justement : « Pour Voltaire, Dieu est une idée, produit du raisonnement philosophique, ou suggestion de l’utilité sociale : pour Rousseau, Dieu est. Voltaire démontre Dieu et Rousseau croit en Dieu. […] Dieu habitait le cœur de Rousseau : ainsi tout ce que pensait, faisait et disait Rousseau participait du divin. […] » « C’est l’avilissement de la Religion, Dieu mis en tiers dans tous les mouvements auxquels il plaît au cœur de se laisser entraîner.

1197. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Quels mouvements de foi et d’amour vers le Dieu qu’ils lui avaient enseigné ! […] Dumas les punit par le coup de fusil de quelque envoyé de Dieu. […] Dieu soit loué ! […] Je me crois, avec la grâce de Dieu, tout à fait incapable de tuer par cupidité. […] Est-ce pour « aimer Dieu, le servir et par là mériter la vie éternelle » ?

1198. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

Son Ovide Chrétien est dans le même goût ; tout y change de face : les Héroïdes sont des Lettres pieuses ; les Fastes, les six jours de la création ; les Tristes, les Lamentations de Jérémie ; un Poëme sur l’amour de Dieu, remplace celui de l’Art d’aimer, l’Histoire de quelques Conversions tient lieu des Métamorphoses.

1199. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Châtiments » (1853-1870) — Au moment de rentrer en France. — 31 août 1870 »

Qui peut en ce moment où Dieu peut-être échoue,                                Deviner Si c’est du côté sombre ou joyeux que la roue                                Va tourner ?

1200. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

Le jour où cet époux, comme un vendangeur ivre, Dans son humble maison t’entraîna par la main, Je m’assis à la table où Dieu vous menait vivre, Et le vin de l’ivresse arrosa notre pain.

1201. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

Cette femme, qui se consolerait d’une éternité de souffrance, si elle avait joui d’un instant de bonheur, cette femme n’est pas dans le caractère antique : c’est la chrétienne réprouvée, c’est la pécheresse tombée vivante dans les mains de Dieu ; son mot est le mot du damné.

1202. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

Je ne me rappelle plus ce que Monsieur Francisque a fait ; c’est, je crois, une fuite en égypte , ce sont les disciples allant à Emmaüs , c’est l’aventure de la samaritaine, cette femme dont le fils de Dieu lisait dans les décrets éternels de son père qu’elle avait fait sept fois son mari cocu, ô altitudo divitiarum et sapientiae dei !

1203. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

— Le point de départ de la science nouvelle est la première pensée humaine que les hommes durent concevoir, à savoir, l’idée d’un Dieu. == Cette science emploie d’abord des preuves philosophiques, ensuite des preuves philologiques.

1204. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il était bon, bienfaisant, il aimait à donner, et il ne voyait là qu’une qualité et un don de la nature et de Dieu : « Les hommes généreux craignent de dépenser et aiment à donner, ils se privent avec délices et se donnent (à eux-mêmes) avec chagrin. […] Dieu a fait ces machines à bienfaits ; ils obéissent à leur instinct. » Voyez comme il aime à matérialiser les choses dans l’expression ! […] Il pensait que les abus et les maux de l’ancien régime étaient venus au point d’exiger qu’on tirât la France, « non de dessous ses rois, à Dieu ne plaise !

1205. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

. —  L’amour s’en est allé Dieu sait où. — Ma princesse, Comme un beau papillon qui s’enfuit et ne laisse Qu’une poussière rouge et bleue au bout des doigts, Pour ne plus revenir a déployé son aile, Ne laissant dans mon cœur, plus que le sien fidèle, Que doutes du présent et souvenirs amers. […] je ne sais pas à quoi il ne croyait pas, tout esprit fort qu’il était : il est vrai qu’il ne croyait pas en Dieu ; mais, en revanche, il croyait en Jupiter, en M.  […] Il a en lui l’orgueil et les ambitions d’un Dieu : tantôt il voudrait faire rentrer dans sa propre nature et absorber en soi, sentir soi tout ce qu’il désire, et il se demande par moments si le monde n’est pas une ombre et si rien de ce qui n’est, pas lui existe ; tantôt il n’aspire, au contraire, qu’à sortir et à s’échapper de lui-même, à traverser les autres existences, à les revêtir et à les user par une suite d’incessantes métamorphoses.

1206. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

. — La dernière lettre en trio chantait tout ce que je demande à Dieu : l’espoir et l’harmonie ! […] Moi je ne peux pas même me coucher, il faut chercher… souvent pour le jour même, afin que moi seule je sache que c’est l’abîme », En lui rappelant les premiers mots d’une ancienne romance : « (Le 19 avril 1856)… Tu sais la suite dont les mots m’échappent, mais qui devaient dire : Nous pleurerons toujours, nous pardonnerons, et nous tremblerons toujours. — Nous sommes nées peupliers… » « (Mercredi 27 novembre 1850)… Je reste à coudre près de lui (mon mari), car je maintiens tout ce que je peux d’un sort si délabré qui ne touche personne… Dieu et toi exceptés, je le sais bien, va ! […] J’ai horreur d’interrompre ces grands missionnaires de Dieu. » Quant à Brizeux, sa personne, son profil reparaît et disparaît sans cesse dans la correspondance.

1207. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Pour Dieu, ne calomniez point la France à qui vous pouvez faire tant d’honneur. » Et il l’engage à choisir dorénavant dans Shakspeare, mais à, relire toute Athalie. […] « C’est celle-là qui est les délices des mourants. » « Dieu, ne pouvant pas départir la vérité aux Grecs, leur donna la poésie. » « Qu’est-ce donc que la poésie ? […] Il a dit de ce siècle-ci, bien avant tant de déclamations et de redites, et avec le plus sublime accent de l’humilité pénétrée qui a foi en la miséricorde : « Dieu a égard aux siècles.

1208. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Dieu me garde de croire qu’un tel système de société soit actuellement applicable, ni même que, actuellement appliqué, il servît la cause de l’esprit. […] Alors ce serait réellement le règne de l’esprit, la religion parfaite, le culte du Dieu esprit et vérité. […] Mais nous, nous tenons Dieu quitte de son paradis, puisque la vie céleste est transportée ici-bas ! 

1209. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Selon ces beaux récits, qui ont charmé des siècles, l’homme ne trouve sur la terre que l’épreuve ; cela est tout simple, il aura un jour la vie éternelle ; mais l’animal, qui n’a point de place dans l’éternité, est toujours récompensé ici-bas de ce qu’il fait pour le bien ; car enfin il faut que Dieu soit juste. […] Maintenant la bénédiction de Dieu est sur moi. » Dans la clientèle de madame Gros, il y une catégorie que madame Gros appelle, on ne voit pas bien pourquoi, la « série des Mongols ». […] « Les larmes les plus amères que cette enfant verse secrètement dans le sein de Dieu, dit M. le curé de Château-l’Évêque, ne viennent pas de ce que nous avons dit mais de ce que nous ne pouvons dire sans blesser l’amour-propre, la discrétion, le mutisme de notre protégée… Malgré l’espèce de violation du domicile de l’amitié que nous avons dû commettre pour apprendre ce que nous vous écrivons, il restera beaucoup de choses dans l’oubli et dans le secret de la conscience. » Emmeline ne se plaint jamais et, si elle ouvre son cœur ulcéré, c’est seulement à la sœur de Saint-Vincent-de-Paul de Château-l’Évêque.

1210. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Au moment où le roi abjure, le Christ descend sur l’autel Et lui découvre un Dieu sous un pain qui n’est plus. […] Il faut toujours chercher, pour chacun de ces petits milieux fermés, quel en a été le grand homme, le favori, le Dieu mortel ; si la préoccupation dominante y fut politique, littéraire, philosophique  ; si la société qu’il admit fut triée sévèrement ou mêlée, nationale ou cosmopolite, parisienne ou provinciale, etc. […] L’âme s’y appelle Margot ; la religion, Javotte ; la liberté, Jeannette ; Dieu, M. de l’Être.

1211. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

La pluie qui tombe du Ciel générateur féconde la Terre ; alors elle enfante, pour les mortels, la pâture des bestiaux et le grain de Déméter. » — Ailleurs, il pousse ce cri qui dissout l’Olympien sculpté par Phidias, et disperse dans l’infini son corps et son âme, sa foudre et son sceptre, sa barbe pluvieuse et sa chevelure rayonnante ; « Zeus est l’air, Zeus est le ciel, Zeus est la terre, Zeus est tout ce qu’il peut y avoir au-dessus de tout. » Dans un Chœur de l’Orestie, le Dieu qu’on invoque semble invité à choisir lui-même son nom, dont le poète n’est pas sûr. — « Zeus ! […] Il cherche le Dieu vrai dans la foule des divinités illusoires, une providence dans le désordre apparent des choses, la loi sous la fatalité, la justice à travers les talions barbares. […] Même pendant le sommeil, le souvenir amer des maux pleut autour de nos cœurs ; et, même malgré nous, la sagesse arrive, présent du Dieu assis sur les hauteurs vénérables. » De cette foi profonde jaillit la sève vertueuse qui circule partout chez Eschyle, sa flamme morale, son souffre sublime, son zèle de la justice, sa haine ardente de l’iniquité.

1212. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Suivent quelques autres traits que je relève comme tenant au ton de l’homme et au caractère : Vous avez l’âme bonne à l’égard de Dieu, et vous êtes pieux sans être fort dévot. La bonté de votre âme est pour les autres aussi bien que pour Dieu, car vous êtes commode, point critique, et si peu porté à juger mal, que je crois que votre bonté pourrait même quelquefois duper votre esprit. […] Il s’agissait du mot fameux de Moïse au commencement de la Genèse : Dieu dit : Que la lumière soit !

1213. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Ce pouvoir périt dans ses mains, par ses propres fautes ; aussitôt grande rumeur ; il faut que toute l’Europe s’arme pour le lui restituer dans sa pureté et sa plénitude… Quelque usage d’ailleurs que ses conseillers en fassent, à quelques excès qu’ils se portent, de quelques inepties ou de quelques violences qu’ils se rendent coupables, ils n’en seront responsables qu’à Dieu ; et si la nation espagnole, ruinée, persécutée, réduite aux abois, poussée au désespoir, se relève enfin, et, sans attenter à la personne de son roi, sans porter atteinte à ses droits héréditaires, invoque et consacre un nouvel état de choses, cette nation ne sera plus qu’un assemblage de bandits qu’il faudra châtier et museler de nouveau. […] M. de Broglie relève la naïveté de l’argument qui est tout en l’honneur des cadets : « Cet argument, dit-il, appartient en propre à M. le rapporteur, il est juste d’en prévenir ; car, même dans une discussion sur le droit d’aînesse, Dieu nous garde de ne pas laisser à chacun ce qui lui revient !  […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien.

1214. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Dieu, qui n’était qu’un père dans la première version, deviendra dans la seconde un père et un juge : les pauvres, qui étaient d’abord des créanciers et des juges, ne seront plus, toute réflexion faite, que des créanciers et des médiateurs auprès de Dieu. […] Une des meilleures épigrammes du poète Le Brun est contre l’abbé Maury ; elle a cela de piquant, qu’elle a, d’un bout à l’autre, un faux air d’éloge ou d’apologie, et que c’est le lecteur seul qui, en contredisant à chaque vers, est comme forcé de faire lui-même l’épigramme ; le satirique, dans ce cas, a besoin de compter sur la complicité de tout le monde : L’abbé Maury n’a point l’air impudent ; L’abbé Maury n’a point le ton pédant ; L’abbé Maury n’est point homme d’intrigue ; L’abbé Maury n’aime l’or ni la brigue ; L’abbé Maury n’est point un envieux ; L’abbé Maury n’est point un ennuyeux ; L’abbé Maury n’est cauteleux ni traître ; L’abbé Maury n’est point un mauvais prêtre ; L’abbé Maury du mal n’a jamais ri : Dieu soit en aide au bon abbé Maury !

1215. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Édition Gifford) : « Je me rappelle que les comédiens mentionnaient à l’honneur de Shakespeare que, dans ses écrits, il ne raturait jamais une ligne ; je répondis : Plût à Dieu qu’il en eût raturé mille !  […] Laissez passer la logique de Dieu. […] Il est de ces génies mal bridés exprès par Dieu pour qu’ils aillent farouches et à plein vol dans l’infini.

1216. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Le psalmiste a dit : Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’ouvrage de ses mains  : voyez comment un de nos plus grands poètes a défiguré cette pensée sublime en voulant l’étendre et l’orner. Les cieux instruisent la terre À révérer leur auteur ; Tout ce que leur globe enserre Célèbre un Dieu créateur. […] On connaît les éloges justement donnés par Longin à ce passage sublime de la Genèse : Dieu dit, que la lumière se fasse ; et la lumière se fit.

1217. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

Voici le début de sa préface : « Ce que l’avenir nous garde, Dieu le sait !

1218. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Alors, ami blessé, ton cœur serait guéri ; Chaque vivant objet, que la trame déploie, Te rendrait un écho d’harmonie et de joie ; Et soumis, adorant, tu sentirais partout Dieu présent et visible, et tout entier dans tout !

1219. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

l’auteur de l’Imitation a voulu se perdre en Dieu, Angellier a voulu s’abîmer en Burns.

1220. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Il se livre vraiment aux dieux qu’il ne connaît pas et qui sont les dieux de son cœur ; le Dieu qu’il connaît n’est que le dieu de sa raison.

1221. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

Poètes chrétiens, les prières de vos Nisus atteindront un Euryale au-delà du tombeau ; vos riches pourront partager leur superflu avec le pauvre ; et pour le plaisir qu’ils auront eu à faire cette simple, cette agréable action, Dieu les en récompensera encore, en retirant leur père et leur mère d’un lieu de peines !

1222. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

… Non… Ni moi non plus, et voilà pourquoi je m’essaie comme il me plaît, dans une chose qui n’a point de modèle en nature… Monsieur Boucher, vous n’êtes pas bon philosophe, si vous ignorez qu’en quelque lieu du monde que vous alliez, et qu’on vous parle de Dieu, ce soit autre chose que l’homme.

1223. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Et, Villon, si Dieu lui eût fait rencontrer un autre piteux Alexandre… C’est tout le reproche qu’il fait à Dieu ; et il sourit parce que l’histoire, malgré le témoignage de Valère qui fut nommé le grand à Rome, lui paraît un peu forte et qu’on ne saurait demander à Dieu ces fortunes. […] Une âme si préservée, si ingénue qu’elle est telle que Dieu l’a faite. […] Renée Néré, je ne sais pas si elle croit en Dieu. […] … Yvonne est loin, dans l’ineffable compagnie de Dieu et des anges. […] Il lui faut Dieu en théorèmes.

1224. (1897) Aspects pp. -215

Visionnaire, extatique, le poète entend Dieu lui parler, lui pardonner, l’encourager au bien. […] Dieu te rendra bon comme les hommes et doux comme le miel, la méture et les pommes où se collent les guêpes en or tout empêtrées. […] Mais l’homme gagnait toujours sur Dieu. […] La moisissure qui brûle le mur nous occupe autant que l’idée de Dieu. […] Au lieu d’être occupés de Dieu et de la lune, que chacun prenne garde à soi-même.

1225. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Dieu seul et le poëte savent comment naît et se forme la pensée. […] Adieu, mon bon ami, plût à Dieu que je pusse vous voir aussi souvent qu’on le croit ! […] Cette pièce singulière, intitulée Flux de mélancolie, commence de la sorte : « Dans l’état où je suis, il n’y a que Dieu qui puisse me consoler… Je suis si ennuyé du monde que, si ce chagrin me continue, j’espère au moins qu’il m’en tirera bientôt. […] Cela n’allait pas encore au suicide ; on ne se tuait pas, on priait Dieu qu’il vous fit mourir.

1226. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Et, près les vastes piliers forts, des hommes sont, mâles voix, âmes glorifiantes, en l’attente de la divine Venue : « venons vers Dieu ! […] … les voix qui tonnent et les silences qui formidablement retentissent, les voix et les silences dans l’âme qui les ouit sont murmures. — Venons à Dieu ! […] — voici le corps de nourriture, voici le sang de breuvage ; le mystique vase brillera, voici l’aliment ; sang de Dieu, voici le vin ; prenez, prenez, prenez ; pécheurs, voici le vin et le pain ; approchez, très mélancoliquement ; car le vin coulera en vos sangs, le pain se fera vos chairs, et le sacré sang coulera par votre cœur… Le sang sacré coule, ô Malade, par son cœur ; le sang du Souffrant en ses veines coule ; et c’est son propre sang, qui s’embouillonne, et qui coule, effroyablement ! […] Pour les mondes pécheurs Christ a agonisé, à cause qu’il avait la désirante pitié des Désirs… ô pitié du Seigneur, vois ton fils agonisant, palpitant, crucifié : il fut le Saint, et le Pur, et le Bon ; il chanta ton nom, lui qui pleure aujourd’hui ; agréable il te fut, ce réprouvé ; il fut ton garde, ton serviteur, ta force, ta splendeur, ta joie, lui qui presque blasphème, et qui se perd, l’affolé des sensuels souvenirs, et qui tournoie en la démence de sa chair, et se maudit, ne connaissant plus ta parole… ta divine parole sous l’effort des concupiscences se fait étrange, elle s’altère, elle se corrompt, voilà qu’elle se fait autre affreusement, et c’est des sons magiques : la prière à Dieu se tourne en suggestion d’enfer : rude, le sortilège ramène la mauvaise ; et elle est… Ô pensée toujours vive des délices coupables, inoubliable, inoubliable pensée !

1227. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

. — Amestris, la veuve de Xerxès, vieille et craignant de mourir, fait enterrer vifs quatorze enfants de race noble, « afin de racheter son salut du Dieu qui règne sous la terre ». […] Au même instant, un épervier s’est rué sur lui, et il lui déchirait la tête de ses ongles, et l’aigle se laissait faire, engourdi d’effroi. — Présage redoutable ; l’aigle figurait l’emblème et l’âme même de la Perse ; elle s’était personnifiée dans l’oiseau sublime qui seul pouvait fixer le soleil, regarder son Dieu face à face. […] Voilà la vérité, mais je n’ai point dit tous les maux dont un Dieu a accablé les Perses. » IV. — Évocation de Darius. — Le sacrilège du détroit. — Prédiction de L’Ombre. […] — Saül dit : Je suis très inquiet ; les Philistins me combattent, et Dieu s’est retiré de moi.

1228. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

L’ennui qui dévore les âmes promptement rassasiées des joies vulgaires, et éprises de l’idéal ; — les fureurs de l’amour que font naître non les transports des sens ou l’épanouissement d’un cœur jeune et crédule, mais les raffinements d’une curiosité maladive ; — l’expiation providentielle suspendue sur le vice frivole de l’individu, comme sur la corruption dogmatique des sociétés ; — la brutalité conquérante qui ignore les joies et la puissance du sacrifice ; — les âmes cupides qui fraudent et calomnient les âmes droites et contemplatives ; — enfin, l’orgueil qui se dresse contre Dieu, et qui même, foudroyé, respire avec délices l’encens des malheureux qu’il abuse, des sophistes qu’il enlace, des superbes qu’il enivre. […] Elle peint industrieusement les affres de la mort, le cadavre, le ver de la tombe, la décomposition de nos misérables restes ; en même temps elle éclaire toute cette pourriture d’un rayon d’immortalité1, et nous montre les héros abattus par la mort, mais relevés par Dieu qui pardonne, plus triomphants qu’à Rocroy ou Austerlitz. […] Dieu, c’est le talion infini. […] On peut la prendre pour une justice, — la justice de Dieu !

/ 2310