Ce Charles de Sivry est une manière de grand artiste en voyage qui ne se serait jamais déplacé. […] « Monsieur, me disait un jour un voyageur turgide et grotesque, je fais dans la piété. » La jeune littérature en voyage pour le circulus positiviste, fait dans l’impiété. […] On leur a fait accomplir les « trois voyages », et ils ont monté les degrés de l’« échelle sans fin » ; on leur a fait faire « trois pas dans l’angle d’un carré long », on les a soûlés d’images symboliques, d’équerres, de compas, de glaives flamboyants, de lunes et d’étoiles, et ces superbes Capanées, qui n’ont pas assez d’injures pour la filiale soumission des chrétiens, font le serment de la plus aveugle obéissance à un pouvoir occulte qu’ils ne connaîtront jamais et qu’il leur faudra servir tant qu’ils vivront et quoi qu’il ordonne, jusqu’à répandre leur sang pour lui.
« Platon avait dit que l’âme est d’origine céleste, que son essence est de vivre d’une vie toute spirituelle, qu’elle est venue dans le corps par une chute mystérieuse (voyez le Phèdre), que sa destinée en ce monde est de s’affranchir des organes, et, à travers une série de voyages et d’épreuves corporelles, de reconquérir sa vie primitive en Dieu (voyez surtout le Phédon). […] Il se moule à nous, nous à lui. « Le vêtement, dit Shakespeare, révèle souvent l’homme. » C’est un passe-temps, en voyage, de deviner les gens à leur mise, autant qu’à leur physionomie. […] Dès l’enfance, il voyage avec son père, court tous les pays, l’Allemagne, la France, l’Angleterre, la Flandre, la Hollande, la Suisse, l’Italie excite partout l’étonnement et l’admiration par son exécution et par ses œuvres.
. — Gustave Vallat. » Autre lettre, très circonstanciée, et qui a ce mérite, avec d’autres, de me dispenser et de vous dispenser d’un voyage à travers les commentateurs, ce voyage y étant rapporté avec beaucoup de diligence : « … Ma première impression est que Philaminte parle très sérieusement. […] Rousseau ; mais il en faut faire un grand successeur de d’Assouci, lequel est un des rares représentants au dix-septième siècle du « sentiment de la nature » et de qui on pourrait et l’on devrait citer des « paysages » absolument délicieux et des « impressions de voyage à pied » tout à fait charmantes. […] La Fille de l’Exilé, de Pixérécourt, le sujet étant un voyage du fond de la Sibérie à Saint-Pétersbourg, ne pouvait pas, sans doute, rester à la même place et elle mettait huit mois à franchir neuf cents lieues. […] Voulant représenter une jeune fille dont l’acte héroïque se manifeste par l’entreprise d’un très long voyage, il a dû mettre une grande étendue de pays sous les yeux du spectateur : le terrain était ici la base du sujet.
Sortir de soi, et douter de soi, c’est douter, et le chemin est si long pour revenir, qu’on risque de rester en voyage. […] Il sait l’histoire, et fort bien, nous le verrons, et il la méprise : « Ceux qui, dans le gouvernement des affaires humaines, se dirigent uniquement par des faits historiques, et ce qu’ils appellent l’expérience, plutôt que par des principes qui apprennent à lier les faits et à en tirer l’expérience, ressemblent tout à fait à des navigateurs qui ne prendraient ni compas ni boussole, mais seulement des relations de voyages et des journaux de marins. » Bonald est convaincu qu’il a sous les yeux la boussole et entre les mains le compas. […] Je veux que la révolution soit la pensée de Voltaire, et, en vérité, il n’est pas impossible ; mais ce sera l’idée de la tolérance tellement changée en voyage qu’elle sera devenue à son arrivée la passion intolérante la plus absolue. […] Ce sentiment général que la distinction et la supériorité morale (Delphine), que la distinction et la supériorité intellectuelle (Corinne) ne sont pour tous, et surtout pour la femme, que des conditions d’infortune ; ce sentiment aussi que mieux vaudrait le bonheur obscur et tout simple que tant d’heureux dons qui vous font plus admirée que chérie ; cette sorte de colère enfin contre l’iniquité d’un tel sort, ces voyages, ces courses fiévreuses, ces poursuites du bonheur qui fuit, Corinne en Angleterre, Delphine en Allemagne, départs subits, arrêts, retours, images des agitations d’un cœur ardent et inapaisé ; tout cela est bien vivant et individuel, sent la confidence et presque la confession, fait entendre, tout proche, le battement du cœur. […] Il fallait dire cela, ce qui n’est pas très difficile ; mais, de plus, étudier, dans son lent progrès à travers les écrits philosophiques du xviiie siècle, et tout autant dans le Supplément au voyage de Bougainville que dans le Contrat social, et bien ailleurs, la formation de cette nouvelle croyance, si forte, si ardente, pleine du fanatisme à rebours qui caractérise l’incrédulité militante.
Je connais les comédiens ; ces messieurs-là ne font pas comme vous des voyages à pied ni des repas de saint Antoine, je doute même que vous mouchiez les chandelles. — Vous pouvez, repartit l’histrion, penser de moi ce que vous voudrez, mais je ne laisse pas que de jouer les premiers rôles ; je fais les amoureux. » Alors nos trois amis, le barbier, Gil Blas et le comédien, rongent leurs grignons à belles dents, puis, tout en mangeant, le barbier qui n’en revient pas de voir un comédien si pauvre : — « Pour un héros de théâtre, lui dit-il, vous avez l’air bien indigent. […] On l’avait rencontré donnant le bras à de belles dames qu’il avait ramenées de ses voyages. […] En preuve irrécusable de toutes ces aventures que l’on dirait copiées sur une nouvelle de Cervantes, il avait rapporté, bel et bien, de ce voyage interrompu, une grande belle chaîne en fer toute rouillée, que ses convives pouvaient voir suspendue dans la salle à manger de sa maison. — Même, il prétendait que cette chaîne avait servi bien longtemps à l’attacher. […] Ainsi préparé par toutes sortes d’aventures étranges, incroyables, par des amours tels qu’on n’en faisait plus depuis l’Astrée, et par un jeu de bassette comme on n’en faisait guère que sous la tente du chevalier de Grammont ; ainsi de retour de longs voyages jusqu’au bout du monde que signalait un beau distique latin dont le poète Santeuil eût été fier ; ainsi recommandé par sa bonne mine, ses beaux habits, ses longs dîners, son argenterie et son hôtel, le moyen qu’un poète, et un poète comique, ne fût pas le bienvenu dans cette ville avide de nouveautés ?
Les sujets qu’il préfère sont les sujets d’intérêt général et public, événements historiques ou lieux communs de morale ; Au roi Henri le Grand, allant en Limousin, ou : Au roi Henri le Grand, sur le succès du voyage de Sedan. […] D’autres, après lui, seront plus cyniques et plus orduriers que lui, je le sais, mais ils le seront autrement que lui : Swift, avec profondeur, dans ses Voyages de Gulliver, ou Voltaire, avec pétulance, en son Candide, ou Diderot encore avec fougue, dans ses Salons, dans ses articles de l’Encyclopédie, dans ses Lettres à Mlle Volland, … qui encore ? […] « C’est la nature qui communique et l’esprit vindicatif, et l’esprit de vanité et les passions impudiques ; et je suis sûr, indépendamment des relations de voyages, que ces désordres se voient dans tous les peuples du monde. […] Elle y demeura jusqu’en 1713, et pour amuser les longs loisirs de sa captivité, c’est alors, elle aussi, comme Mlle de la Force, qu’elle écrivit ses romans : les Mémoires de ma vie ; les Effets de la jalousie ; les Lutins du château de Kernosi ; le Voyage de campagne ; le Comte de Dunois ; et, pour obéir à l’usage, une douzaine de Contes de fées.
… Mais, avec son collier de grains d’aloès et puis avec une plaque d’or qui joint les deux bouts du collier, — sur la plaque d’or sont gravés en arabe un nom et un talisman, — cette gazelle de Chateaubriand, si jolie, nous paraît comme un peu habillée, un peu arrangée, prête à monter sur la pendule, en tout cas telle que nous ne l’avons pas rencontrée, fût-ce en nos voyages. […] Pierre Mille a parcouru la « vaste terre », l’Asie, l’Afrique ; et plusieurs de ses voyages lui mériteraient le renom d’un explorateur. […] Pierre Mille, au retour de ses longs voyages, a peint de la même façon la polémique des races et le malentendu, presque toujours crue et ridicule aussi, des âmes que l’amitié ou l’amour ne dispensent pas d’être ignorantes les unes des autres. […] Dans la relation de son voyage au Congo belge, il a noté ce qu’il a vu, il s’est méfié de ce qu’on lui racontait et il écrit : « Je ne comprends que ce que j’ai vu. » C’est pour avoir vu, pour avoir compris et pour être sûr, qu’il a subi les dures fatigues des chevauchées, des marches et des navigations en pays redoutables.