/ 2783
1539. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

La boue est destinée à vivre quelques jours, le marbre dure à jamais. […] Tout le reste de ses écrits politiques, d’ambition ou de circonstance, est mort avant lui, et ne méritait pas de vivre. […] Ajoutez-y la douleur de vivre sur cet océan d’ignorance et d’incertitude, sur cet infini du doute, qui est le supplice de la vie.

1540. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Nous nous battons, il s’agit d’abord de vivre, puis de vaincre. […] Mais nous vivons à une telle époque d’utilitarisme, de commercialisme, de matérialisme et de mufflisme que fatalement un tel culte devait sembler dangereux ou superflu. […] [Conclusion] Le Temps (du 8 avril) a publié, à propos de notre questionnaire, un article, dont nous détachons ce passage : Si l’égalité absolue, géométrique implique la suppression des humanités et de bien d’autres choses encore, cet égalitarisme outrancier n’est pas nécessairement contenu dans l’idée d’une démocratie, parce qu’une démocratie qui veut vivre doit, comme tout autre régime, se plier aux conditions de la vie.

1541. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

La première scène s’est encore une fois terminée par trois superbes mesures que Wagner, s’il vivait, regretterait de ne pas avoir écrites ; et l’on a immédiatement entamé le monologue de Siegmund (Siegmound à l’Eden-Théâtre) : Ô glaive promis par mon père ! […] Schopenhauer dit « Rien n’est plus foncièrement différent de la Négation de la volonté de vivre que le suicide. Celui qui se suicide veut la vie, il se plaint seulement des conditions spéciales qui l’entourent… C’est parce qu’il ne peut cesser de vouloir qu’il cesse de vivre… (I, 471, et dans presque tous les écrits de Schopenhauer).

1542. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Tantôt, entraîné par cette gageure, il brouille le peu de notions qui nous restent, il confond les âges si divers du monde qu’il prétend reconstruire, il invente ce qu’il ignorera toujours, il décrit ce qui n’a jamais pu vivre, il donne la même valeur aux conjectures plausibles et aux imaginations hasardées, il noie quelques débris de vérités dans un océan d’erreurs, et, tâchant de tromper le lecteur, il finit par se tromper lui-même ; tantôt, dans cette lutte contre un sujet qui sans cesse lui échappe, il s’emporte, il s’enivre de sa parole, de ses images, de ses héros, de ses dieux, de ses monstruosités de toute espèce, il se livre au Dévorateur et devient comme un prêtre de Moloch. […] que ce bon chevalier de Folard n’ait pas vécu de nos jours ? […] Celui-là seul qui aime et respecte l’humanité est assuré de vivre dans la mémoire des siècles.

1543. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Cette pédale est l’appétit, c’est-à-dire la vie tendant à persévérer dans le plaisir de vivre. […] La vraie conscience primordiale et continue, c’est donc celle de l’appétit : vivre, c’est désirer, et désirer, c’est vivre ; l’effort est déjà chose dérivée, ainsi que la résistance, à plus forte raison la perception très complexe du mouvement dans l’espace.

1544. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Ce groupe ancien, par le fait même qu’il est parvenu à se constituer et à vivre, témoigne qu’il a su, au moyen de sa religion, puis de sa coutume morale, inventer les freins nécessaires pour coordonner son énergie. […] Alors que les groupes humains qui deviendront par la suite les sociétés distinctes de l’Inde, de la Grèce et de Rome vivaient sur un territoire commun, quelle fut donc la croyance, également accréditée auprès de tous, qui se pétrifia par la suite dans la lettre des formules hiératiques et dans le texte de la loi, contraignant par des liens immobiles et fixes l’esprit mobile des hommes ? […] Mais ils se persuadaient qu’il continuait à vivre sous terre, qu’il demeurait uni au corps avec lequel il était né, et que l’homme après la mort continuait d’être animé des mêmes besoins qu’il avait ressentis durant la vie.

1545. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Le gastrique qui suit une bonne hygiène peut vivre tout aussi vieux que l’homme sain. […] Il n’y a, en effet, qu’une manière objective de prouver que des êtres, placés dans des conditions définies, ont moins de chances de survivre que d’autres, c’est de faire voir que, en fait, la plupart d’entre eux vivent moins longtemps. […] Car il servait à préparer une morale et une foi nouvelles dont les Athéniens avaient alors besoin parce que les traditions dont ils avaient vécu jusqu’alors n’étaient plus en harmonie avec leurs conditions d’existence.

/ 2783