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25. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

L’idée paraît alors une âme qui cherchant son corps l’a rencontré, elle pousse autour de l’image une cristallisation vivante. […] Mauclair transfigure l’idée de cristallisation en la transportant dans l’ordre du temps. " le spasme est une incursion momentanée dans la mort, un essai de mort permis à l’être vivant par la nature. […] L’artiste vrai est celui dont les œuvres vivantes sont cristallisées autour de ses moments d’inspiration, de façon à former une série, à remplir harmonieusement une durée. […] Et l’on montrerait de même que la réalité vraie dans l’art ce n’est ni l’artiste, ni l’œuvre, c’est l’artiste et l’œuvre présents l’un dans l’autre et vivant l’un pour l’autre. […] Camille Mauclair a montré que la cristallisation dans la durée consistait à relier ces instants pour les amalgamer à un tout vivant.

26. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

On pourrait même poser en règle générale que, moins une particularité d’organisation est en connexion avec les habitudes spéciales des êtres vivants, plus elle devient de haute valeur en matière de classification. […] On pourrait ainsi fournir d’innombrables exemples de l’importance variable, en matière de classification, d’organes parfaitement identiques, et par conséquent de même valeur physiologique chez le même groupe d’êtres vivants. […] Mais on peut supposer que le genre encore vivant, F14, ne s’est que légèrement modifié, et par conséquent il pourrait toujours être rangé avec le genre primitif F dont il est issu. C’est ainsi que quelques êtres organisés, encore vivants, sont arrivés jusqu’à nous depuis la période silurienne sans avoir subi de modifications d’une valeur générique. […] Cependant chez les êtres vivants il résulte de la grande loi d’hérédité, qui tend à perpétuer les caractères acquis, un parallélisme presque parfait des deux éléments hostiles de toute classification.

27. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « À Monsieur Théophile Silvestre »

À Monsieur Théophile Silvestre L’auteur des artistes vivants Mon cher Silvestre, L’abîme appelle l’abîme. […] J’ai donc pensé que je dégageais un sentiment et une ressemblance de plus entre nous, en dédiant à l’auteur des Artistes vivants, ces Romanciers vivants, qui sont aussi des peintres ou des sculpteurs, à leur façon, comme vos artistes, puisque, comme eux, mais avec des procédés différents, ils s’efforcent d’exprimer la Vie et veulent atteindre à la Beauté.

28. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Chez l’un comme chez l’autre, le didactisme tue l’art et la vie : il n’y a pas un seul être vivant ou harmonieux parmi tant de Rougon-Macquart, parmi tant de Cavrois-Héricourt. […] Mais, tandis que Paul Adam transforme en immobilités puantes et froides les idées, ces vivantes véhémentes ; Zola donnait une vie étrange, parfois vigoureuse et presque humaine, aux massives machines. […] Seulement, par instants, la petite fille tremble un peu : si les poupées étaient vraiment vivantes ; si elles allaient se révolter… Et elle leur recommande, d’une voix mal assurée, de rester bien sages. […] On finit par reconnaître que l’atmosphère est empoisonnée et que les vivants, aussitôt entrés ici, meurent. […] Malheureusement le sujet ne se développe pas de lui-même, comme un vivant.

29. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert, le premier qui nous permette de lire ce qui se professait hier encore dans une salle de la Sorbonne, est le plus propre aussi à donner l’idée de cet enseignement judicieux et vivant, proportionné à son but et de tout point irréprochable. […] Merlet : Extraits des Classiques français 9, et qui vient tout naturellement en aide à l’entreprise que nous recommandons ici, est un progrès marqué et offre comme un modèle en fait de choix ; mais l’enseignement même, le cours d’études lié et continu, ce qui constitue, à proprement parler, le corps de l’histoire littéraire ; ce corps vivant, animé, brillant, il faut nécessairement le chercher ailleurs, autre part que dans des extraits et des notices succinctes, même les plus exactes : or M.  […] Paul Albert n’a eu pour cela qu’à substituer la méthode vivante et historique aux formules et aux définitions de la vieille rhétorique qui, chassée déjà de partout ailleurs, s’était comme réfugiée dans les pensionnats et institutions de jeunes personnes. […] Paul Albert, lui, est debout, il parle, il est vivant de ton : il ne dit que ce qu’il veut, et quand il s’arrête, on sent qu’il en pourrait dire davantage. […] Paul Albert est une date ; c’est le premier d’une série, le premier jalon d’une route, d’une œuvre collective nouvelle que je définirai ainsi : la vulgarisation élégante et élevée des notions acquises par la critique littéraire la plus saine et la plus avancée ; le renversement ou plutôt l’annulation des vieilles rhétoriques ; une méthode vivante et naturelle substituée aux formules didactiques, — je dis une méthode et non pas de simples séances d’Athénée agréables et décousues, mais tout un mode d’enseignement suivi, et cela à l’usage spécial d’un sexe qu’on avait trop accoutumé jusqu’ici au décousu et à l’amusant.

30. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Là est donc, par hypothèse, un physicien « vivant et conscient ». Bref, Pierre est un physicien, un être vivant et conscient. […] Mais alors, Paul est bien un être vivant et conscient à l’instant où il quitte Pierre ; il est bien encore un être vivant et conscient à l’instant où il revient à Pierre ; (il resterait même un être vivant et conscient dans l’intervalle si l’on convenait, pendant cet intervalle, de laisser de côté toute considération de mesure et plus spécialement toute physique relativiste) ; mais pour Pierre physicien, prenant des mesures et raisonnant sur des mesures, acceptant les lois de la perspective physico-mathématique, Paul une fois lancé dans l’espace n’est plus qu’une représentation de l’esprit, une image — ce que j’ai appelé un « fantôme » ou encore une « marionnette vide ». C’est ce Paul en route (ni conscient, ni vivant, réduit à l’état d’image) qui est dans un Temps plus lent que celui de Pierre. […] L’heure de cette horloge réelle est précisément celle qu’y lirait Paul s’il redevenait réel, je veux dire vivant et conscient.

31. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Après avoir montré l’application de ce principe au corps vivant, nous étudierons successivement les diminutions, les déplacements, enfin les désintégrations de la conscience, soit sous l’action de la maladie, soit sous celle de l’hypnotisme et de la suggestion. […] I Ubiquité de la sensibilité dans l’organisme Un des points que nous considérons comme établis, c’est qu’un être vivant est, en réalité, une société d’êtres vivants serrés les uns contre les autres et en communication immédiate. […] Enlevez à la grenouille ses hémisphères cérébraux et placez-la sous la même vitre ; si vraiment il ne subsiste plus ni sensation ni appétition, s’il ne reste plus aucune trace d’intelligence, la machine vivante pourra bien encore frapper son nez contre la vitre et demeurer là jusqu’à ce qu’elle soit suffoquée ; mais ce n’est point ce qui se passe. […] Placez sur le dos une grenouille sans cerveau, après lui avoir attaché une de ses pattes, vous poserez à la machine vivante un petit problème de mécanique, car les mouvements nécessaires alors pour se remettre sur le ventre ne sont pas les mêmes que dans les circonstances ordinaires ; or, cette prétendue machine, dont vous croyez que toute idée et toute sensation est désormais absente, résoudra fort bien le problème et se remettra sur le ventre. […] Donc encore tout sent dans le corps vivant.

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