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575. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Il en est résulté un jour de fond qui a éclairé le devant, c’est-à-dire qui a fait mieux voir dans toute la vie ultérieure et dans les mobiles habituels de cet homme plus distingué qu’heureux et plus intéressant que sage. […] La vie, en allant, se gâte assez. […] Ai-je d’ailleurs fait un crime au jeune Benjamin de ce malheur de sa vie première ? […] On accuse la fatalité, on voit à chaque coup le destin marqué dans les phases successives d’une vie qui revient opiniâtrement se briser aux mêmes écueils. […] Quand un personnage public passe sa vie dans le monde et dans les salons, ce qu’il y dit soir et matin est tout aussi authentique que le discours écrit qu’il apporte une fois par mois à la tribune.

576. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Elle ne se figure donc pas le moins du monde un avenir riant de vie champêtre, de domination amoureuse et de bergerie dans ces belles prairies à foin, partagées par un ruisseau qu’elle a sous les yeux, ou dans quelque rocher ténébreux de la vallée de Villar, qui n’est qu’à deux pas : elle ne rêve pas son Ernest à ses côtés pour la vie. […] Pour ne pas nous apparaître poétisées à la manière de Laure ou de Médora, elles n’en demeurent pas moins adorables toutes les deux, et on ne s’en estimerait pas moins fortuné pour la vie de leur agréer à l’une ou à l’autre, et de les obtenir, n’importe laquelle. […] » Et pourtant dans l’histoire de Mlle de Liron, comme dans la vie habituelle, cela arrive, cela est, et il faut bien le croire. […] Caliste, qui avait gardé ce nom pour avoir débuté au théâtre dans The fair Penitent, vendue par une mère cupide à un lord, était promptement revenue au repentir, et à une vie aussi relevée par les talents et la grâce qu’irréprochable par la décence. […] Il approcha de Mlle Aïssé, et s’enflamma pour elle d’une passion qui désormais fut son unique objet et l’occupation du reste de sa vie.

577. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

L’argent n’est rien pour eux, pourvu qu’ils aient exactement la vie. […] Quand un homme à la vie, l’habit, une chambre et du feu, les autres maux s’évanouissent. […] La vie est douce avec la nature. […] Il marcha résolûment au supplice, donnant sa vie pour la vie du roi. […] Elle était un hors-d’œuvre dans sa vie ; elle disparut pour longtemps.

578. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

C’est enfin un de ces sublimes Ennuyés de la vie, un de ces Antées de la jouissance humaine qui ont touché et mordu cette poussière, et, à cause de cela, doivent un jour remonter vers Dieu ! […] Mais la philosophie de Hegel n’est pas même la mort de la vie : elle en est la négation, l’absence, le néant, l’impossibilité ! […] le déisme vit ; il vit de sa vie la plus véritable, la plus éternelle. […] Chose sublime et presque incompréhensible, tant elle est le renversement des lois ordinaires qui régissent l’humanité et la vie ! […] Mais, né malingre, il prétendit toujours qu’il était né mort et que sa vie n’était que le galvanisme de la volonté et des nerfs.

579. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Il ne savait donc pas ce qui se passe dans la vie ? […] Ernest Hello l’aime, lui, cette religion, comme la source de sa vie, comme la moelle de son cerveau, comme le battement de ses artères. La vie chrétienne décuple sa puissance et multiplie en lui les facultés. […] En effet, quand on compare la Vie de Saint Dominique à ce livre, qu’elle vous paraît décharnée ! […] … Dans sa Vie de Saint Dominique, le P. 

580. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

C’est un témoignage du poëte sur lui-même : « Trois dames », dit-il, « me sont venues, s’approchant de mon cœur et s’arrêtant au dehors, parce qu’au dedans est entré l’amour qui règne sur ma vie. […] De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal. […] Elle flétrit Te vice, comme elle exaltait la vertu ; elle mit sur les actions des hommes le stigmate de la honte ou la lumière de la gloire, et fit elle-même, dans cette vie, les rétributions pénales qu’elle a décrites pour l’autre. […] La poésie du Dante alla plus loin : tel homme pervers, qu’elle avait désigné, n’osa se tuer, par effroi même des peintures du poëte, mais traîna la vie sous la damnation de ses remords, dans la solitude que lui faisait la juste horreur de ses concitoyens. Ce poëte, inexorable pour le vice, la cruauté, la bassesse, est un peintre sublime des plus douces vertus : il est, par moments, le moraliste mélodieux que charment l’innocence de la vie, la simplicité des champs, la pureté des mœurs antiques.

581. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Là même où il s’élève jusqu’à cette troisième et haute région où tout semble écraser l’homme et où la vie sous toutes ses formes se retire, Töpffer trouve encore un sens correspondant au cœur en ces effrayantes sublimités. […] Töpffer nous montre, chez ces familles fidèles au cul le du passé, la vie paisible, régulière, patriarcale, l’oubli du siècle qui serait amer à trop regarder, et qui n’émancipe les uns qu’en froissant les autres. […] se demandait le voyageur jeune encore et plein de jours : la vie lui est donnée, et il est un insensé s’il s’y attache, puisqu’elle va lui être retirée : la mort lui est imposée irrévocablement, et il est un insensé encore s’il y sacrifie la vie, puisqu’elle est un bienfait de Dieu ! […] et comment concilier cette contradiction fatale, comment caresser tout ensemble et la vie et la mort ? […] Renoncer au monde, si l’on prend le précepte dans son esprit, c’est faire en toutes choses une part à la vie et une part à la mort, et cela jusqu’au dernier soupir. » — Dans la première partie de son explication, Töpffer n’a pas assez senti, je le crains, tout le mystère de la vie cachée, de la vie des antiques ermites et des Pères du désert ; mais il est impossible de mieux faire la part de l’homme de la société et du père de famille mourant.

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