Dans ce paradis terrestre, que les grandes révolutions de l’histoire avaient jusque-là peu atteint, vivait une population en parfaite harmonie avec le pays lui-même, active, honnête, pleine d’un sentiment gai et tendre de la vie. […] Leur vie peu occupée laissait toute liberté à leur imagination. […] Nés à Bethsaïde 420, ils se trouvaient établis à Capharnahum quand Jésus commença sa vie publique. […] On ne les nommait qu’en compagnie des assassins, des voleurs de grand chemin, des gens de vie infâme 469. […] La circonstance rapportée dans Jean, XIX, 25-27, semble supposer qu’à aucune époque de la vie publique de Jésus, ses propres frères ne se rapprochèrent de lui.
Il a mis dans sa préface : les auteurs qui vont louer leurs livres au cabinet de lecture… Et ce Pyat… J’ai voulu devant les magistrats dire toute ma conduite, montrer toute ma vie… Mais quand on me dit que je ne sais pas le français, moi, qui ne sais que cela… car je ne sais ni l’histoire, ni la géographie, ni rien… mais le français, cela me paraît prodigieux… Tout de même, ils ne m’empêcheront pas d’avoir tout Paris à mon enterrement ! […] De sa vie je ne l’ai jamais entendu parler d’une chose qui ne fût pas aussi matérielle que le temps du jour ou le plat du dîner. […] Il avait une vieille livrée, une vieille voiture, et un vieux nègre qu’il avait rapporté des colonies, où il mena joyeuse vie pendant l’émigration : ce nègre était comme un morceau du xviiie siècle et de sa jeunesse à côté de lui. […] » * * * — Nos soirées, presque toutes les soirées, où nous ne travaillons pas, nous les passons dans le fond de la boutique d’un singulier marchand de tableaux, dans la boutique de X…, qui, sous le prétexte d’occuper l’oisiveté de sa vie, va encore manger une cinquantaine de mille francs à son père. […] * * * — Le travail et les femmes, voilà ma vie !
Chez les anciens, un philosophe rencontrait toujours quelque divinité sur sa route ; il était, sous peine de mort ou d’exil, condamné par les prêtres d’Apollon ou de Jupiter, à être absurde toute sa vie. […] « Il ne trouvait rien effectivement, dit le savant auteur de sa vie, qui lui parût moins solide que de s’occuper de nombres tout simples et de figures imaginaires, comme si l’on devait s’en tenir à ces bagatelles, sans porter la vue au-delà. […] Il est vrai que les esprits géométriques sont souvent faux dans le train ordinaire de la vie ; mais cela vient même de leur extrême justesse. […] En outre, est-il bien vrai que l’étude des mathématiques soit si nécessaire dans la vie ? […] Un poète avec quelques vers passe à la postérité, immortalise son siècle, et porte à l’avenir les hommes qu’il a daigné chanter sur sa lyre : le savant, à peine connu pendant sa vie, est oublié le lendemain de sa mort.
Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti ! […] Il paraît que les derniers moments de la vie de Carpeaux ont été consacrés à Mme Gustave Haller ; car sur la couverture du Bluet, il y avait déjà un bluet dessiné par le célèbre sculpteur, qui faisait peu de bluets, quand il se portait bien. […] L’analyse la plus attentive et la plus patiente se perdrait dans cet enchevêtrement d’incidents que rien n’explique, si ce n’est le train des choses, — ce hasard des circonstances, qui peuvent très bien exister — c’est vrai, — aussi bêtes ou aussi étranges que cela, dans la vie, mais qui, dans une œuvre littéraire, n’ont pas le droit de se montrer dans leur bêtise ou leur étrangeté natives, comme dans la vie, puisque l’art, c’est la vie arrangée, sublimée par l’intelligence, en vue d’obtenir un effet quelconque de puissance, de pathétique et de beauté ! […] Mme Gustave Haller ne paraît pas se douter d’une loi souveraine en matière de roman, c’est qu’il faut que les événements sortent des développements et du choc des passions et des caractères, et non pas que les passions et les caractères y soient, comme dans les sots hasards de la vie, emboîtés dans les événements… III Quant aux passions et aux caractères qui pourraient exister fortement même dans un roman dont la trame serait aussi mal faite que celui de Mme Haller, les uns et les autres y sont posés, oui !
Pour avoir vécu avec eux, il avait pris un peu de la sagesse des derviches, qu’il appelle des sages, et même de l’art des derviches tourneurs, qu’il appelle de grands artistes ; car s’il y a un homme qui ait jamais tourné dans ce monde qui tourne, c’est lui, le comte de Gobineau, diplomate toute sa vie : en Perse, en Suède, au Brésil, partout, et montrant partout, sans cesser de tourner, — ce brillant valseur diplomatique ! […] Son petit consulat fut comme une stalle de chanoine où ses facultés de diplomate purent dormir… Et Gobineau, l’esprit le plus chaud que j’aie connu, l’homme qui avait le plus de verve, de profusion intellectuelle, d’expression en dehors, — poète, même en vers, — artiste, même de main, — toute sa vie, en a été un. […] Quand, sur le tard de sa vie, ce mâle portail un corset sur son torse d’Hercule et teignait ses favoris, comme Maxime de Trailles, dans Balzac, il faisait de la diplomatie contre la vieillesse, — de même que Mazarin, qui mettait du rouge sur ses joues mourantes, en faisait, lui, contre la mort ! […] Le poète, l’historien, le savant dans tous les genres, l’homme surtout qui a pratiqué toute sa vie les hommes et les choses de la politique, ont contribué à faire et à parfaire ce livre de La Renaissance. […] Dans les derniers temps de sa vie, Gobineau se reposa à Rome de la plume par le ciseau.
C’est pour me faire place que ces monarques d’un jour sont tombés, depuis les trilobites cuirassés, depuis les royales ammonites, jusqu’aux grands vertébrés… « Moi seul je suis le dominateur suprême en qui s’achève toute vie », — ce qui ne l’empêche pas de dire, quelques lignes plus haut ou plus loin, que l’homme pourrait bien n’être qu’un monarque éphémère, et que le temps approche où il sera détrôné. […] Je suis des yeux cette immortelle vie qui s’enferme un moment, des siècles, des myriades de siècles, dans une forme, pour briser cette forme. […] — je retrouve en moi cette même vie. Armé de cette puissance qui est la somme de vie de tous les êtres apparus sur le globe, je défie la mort, je brave le néant… Lorsque je vois cette lente progression, depuis le tribolite, premier témoin effaré du monde naissant, jusqu’à la race humaine, et tous les degrés vivants de l’universelle vie s’étayer l’un sur l’autre, et tous ces yeux ouverts, ces pupilles d’un pied de diamètre qui cherchent la lumière, toutes ces formes qui s’étagent l’une sur l’autre, tous ces êtres qui rampent, nagent, marchent, courent, bondissent, volent au-devant de l’esprit, comment puis-je croire que cette ascension soit arrêtée à moi, que ce travail infini ne s’étende pas au-delà de l’horizon que j’embrasse ? […] Le fossoyeur d’Hamlet disait ce qu’il y avait eu dans le crâne d’Yorick, parce qu’il l’avait connu durant sa vie ; mais Quinet, le fossoyeur des cimetières antédiluviens, raconte tout le monde… qu’il ne connaît pas. « Dans le crâne surbaissé du Néanderthal », dit-il, il voit apparaître « les premières opinions grossières de l’esprit, de l’homme, les embûches tendues aux espèces gigantesques, l’émulation avec l’elephas antiquus — (le bonus, bona, bonum de Sganarelle !)
Il ne s’agit plus que de savoir si le souffle de la Critique fera ce que fit le souffle du Prophète, et communiquera à ces ossements assez de vie dans la Gloire pour devenir une Immortalité, Toute la question est là maintenant. […] Indépendamment de sa valeur poétique, qu’il ne faut pas outrepasser, mais qu’il ne faut pas diminuer non plus, d’Aubigné, ce poète guerrier, ce poète d’action, à l’antipode du rêveur que sont tous les autres poètes, a dans ses vers comme dans sa vie un charme de violence irrésistible. […] … II Il a lui-même écrit sa vie, et elle ouvre le premier de ces quatre volumes que nous avons là sous les yeux. […] Plus heureux en cela qu’André Chénier, le guillotiné de génie dont toute la vie fut dans la mort, Agrippa d’Aubigné eut une vie poétique jusqu’à sa dernière heure, et cette heure fut tardive. […] Il n’y a plus qu’une corde de la lyre, — la corde d’airain ou de fer, mais, après tout, une seule corde de l’instrument qui en a sept, — tandis qu’en ce troisième volume il y a toutes les faces de d’Aubigné, toutes les cordes de sa lyre, toutes les palpitations de son âme, de sa vie, — plus poétique encore que son âme !