L’Oraison funebre de Jean-George II, Prince Danhalt-Dessau, offre le portrait d’un Prince Chrétien, bien supérieur à ce vain étalage de vertus équivoques & fragiles, que la Philosophie moderne préconise si fort dans les Princes qu’elle regarde comme ses disciples…. […] C’est un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand & du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour soutenir le poids d’une grande autorité & d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere & impérieuse qui regle ses désirs & ses actions.
C’est ainsi qu’on parvient à cette prétendue élévation d’ame, ou plutôt à cette insouciance destructive de tout sentiment noble, & dans laquelle on ne s’endort avec complaisance, que parce que, n’écoutant que soi-même, on ne trouve pas de Contradicteurs : espece de mort morale, dont on ose faire une vertu sublime, tandis qu’elle anéantit toutes les vertus.
Le christianisme, au contraire, en nous instruisant de la vraie constitution des êtres surnaturels, nous a montré l’empire de la vertu, éternellement séparé de celui du vice. […] La magie des anciens différait en ceci de la nôtre, qu’elle s’opérait par les seules vertus des plantes et des philtres, tandis que parmi nous elle découle d’une puissance surnaturelle, quelquefois bonne, mais presque toujours méchante.
Cet anneau a la vertu de faire disparaître celui qui le met dans sa bouche. […] Ces perspectives du cœur sont les beaux rêves de la vie : rêver beau, c’est le bonheur. — Et c’est aussi la vertu, dit le chanoine. — Rêvons donc », dit Léna. […] L’amour et la vertu l’inspirent mieux que la démence et le ridicule. […] La fidèle amante conçoit subitement l’idée d’une ruse pieuse qui sauvera sa vertu en sacrifiant sa vie. […] Rodomont pourra, ajoute Isabelle, en faire l’épreuve sur elle-même, avant d’éprouver la vertu de cette plante.
Muni de ces leçons si dures dans le rang suprême, dont sa vertu et son excellent esprit avaient su si bien profiter, il se trouva, à la mort d’un père que sa piété lui fit regretter, l’unique appui et repos de l’âge avancé du roi, qui n’eut plus pour lui de réserve, qui ordonna à tous ses ministres d’aller travailler chez lui, de lui rendre compte de tout sans exception, de recevoir même ses ordres comme les siens sur les affaires qu’il lui renvoyait et dont il se déchargeait sur lui en grand nombre. […] Le danger était qu’avec tant de vertus acquises, de pensées de mortification, une piété sincère, mais rétrécissante, on se trouvât n’avoir sur le trône, en fin de compte, qu’un séminariste couronné. […] Je lis, dans les Recueils divers que des témoins dignes de foi et amis du prince ont publiés de ses vertus, des détails tels que ceux-ci : « Ce grand prince ne faisait pas seulement sacrifice de son argent, mais encore de sa personne, particulièrement les jours de jeûne qu’il observait dans la dernière exactitude. […] Certes un prince ainsi disposé, devenu le maître, et nonobstant toutes ses vertus, ou, si l’on veut, à cause d’elles, aurait eu fort à faire avec les contemporains du Régent, de Montesquieu et de Voltaire. […] Mémoire des principaux actes de vertu qu’une personne de probité a remarqués en feu Monseigneur le Dauphin (1712).
Enfin, de quelque manière qu’on réfléchisse sur le sentiment de la pitié, on le trouve fécond en résultats prospères pour les individus et pour les nations, et l’on se persuade que c’est la seule idée primitive qui soit attachée à la nature de l’homme, parce que c’est la seule dont il ait besoin pour toutes les vertus, comme pour toutes les jouissances. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens. […] Sans l’exercice de cette vertu, quelle palme nouvelle vous resterait-il encore à recueillir ? […] Attachez-vous à l’avenir par la vertu, fixez la reconnaissance par les bienfaits qui durent ; il n’est point de capitole, il n’est point de triomphes qui puissent ajouter à votre éclat ; vous êtes au pinacle de la gloire militaire, la générosité seule plane encore au-dessus de vos têtes. Heureuse situation que celle de la toute-puissance, quand les obstacles n’existent plus au-dehors, quand la force est en soi-même, quand on peut faire le bien, sans qu’un motif étranger à la vertu vous anime, sans que le soupçon d’un tel motif puisse jamais vous approcher !
Il s’agit ordinairement, pour lui, de démêler la part d’égoïsme cachée partout, même dans les vertus. […] Il s’agit de trouver quatre sentiments, passions, vices, vertus, qualités, défauts, etc., dont les deux premiers soient entre eux dans le même rapport que les deux derniers. […] Voyons un peu : La pudeur est à l’innocence… mettons : ce que la modestie est à la vertu ; ou bien : ce que le duvet est à la pêche ; ou bien ce qu’un léger voile est à la beauté. […] Par exemple, on s’écrie tout à coup : Il n’est pire orgueil que l’humilité chrétienne, ou encore : La vertu est le plus odieux des calculs parce qu’il est le plus sûr. […] Ou bien on prend des vertus proches voisines ou des vices parents, et l’on s’évertue à saisir les nuances qui les distinguent.