Venir à temps, voilà une grande chose ! […] Il y a, en effet, entre Caro, qui a fait ce livre que j’aime, et moi qui viens vous en parler, bien des différences de manière de sentir, de penser et d’être. […] Son volume n’est que le premier d’un ouvrage qui en aura deux et qui a l’ambition d’être l’Idée de Dieu conçue et exprimée par l’auteur à son tour, quand il aura achevé le balaiement des sottises et des absurdités de haute venue qui, de présent, encombrent la place.
« Après tout, — reprend Limayrac, — cette mauvaise fortune du livre de l’Amour n’est qu’apparente ; car, lorsqu’il aura conquis la popularité qui ne peut lui faire défaut et qui aura été longue à venir seulement, il ne l’aura pas achetée par des concessions, et il sera populaire en conservant sa qualité superfine. » Pour notre compte, nous ne savons pas si un esprit superfin comme Stendhal-Beyle, de cette saveur et de ce haut goût, sera jamais populaire, mais ce que nous savons, c’est qu’il a résolu le problème le plus difficile dans les lettres, comme dans les arts, comme dans la politique, et qui consiste à exercer une grande puissance sans avoir une grande popularité. […] D’abord, la Physiologie du mariage vient du livre de l’Amour en droite ligne. […] Une fois dans sa vie, dans sa jeunesse encore, quand les hommes de génie se grisent d’eux-mêmes et sont comme les Bacchantes de leurs propres facultés, il voulut procéder de Rabelais qu’il appelait son maître, et il fit un livre dans lequel il l’égala, ces Contes drolatiques 2 qui n’eurent aucun succès, comme l’Amour de Beyle, et qu’un éditeur courageux, Giraud, vient aussi de rééditer.
L’idée en est venue, après coup, ex post facto, comme disent les juristes. » Balzac fit l’échiquier pour les pions et non les pions pour l’échiquier. […] Poitou a relevées dans quelques fragments épars de La Comédie humaine, ne viennent guères que de sa propre manière de regarder, et à ces contradictions, qui sont le résultat d’une faiblesse d’yeux, impuissants à embrasser un ensemble et une perspective, le critique ajouté ses contradictions et ses titubations à lui-même. […] Tard venue, elle est la bienvenue !
On était en rivalité de tragédies, et dans ces luttes pacifiques on apportait la même passion que dans ces rixes terribles où, vingt ans auparavant, des villages entiers venaient offrir la bataille aux villages ennemis. » Or, à cette tragédie jouée à Montalric, il y avait, au milieu de la foule compacte, un homme qui assistait pour la première fois a cette solennité, et c’est de la rencontre et de la combinaison de la tête singulière de cet homme, simple potier-terrailler de son état, et de cette tragédie, dont l’impression le bouleversait, que va sortir tout le roman de M. de La Madelène. […] Elle est l’industrie et l’art en enfance, dans la pensée et sous la main de cet homme plongé encore dans la gaine du paysan, mais qui s’en détire comme le lion de Milton de son argile, et qui respire à pleines narines la civilisation qui s’en vient vers son pays et pour laquelle il est plus fait que les autres hommes qui l’entourent. […] Dans la littérature contemporaine, nous ne connaissons rien de plus habilement et de plus finement tracé que ce caractère d’Espérit, ce génie de village venu en pleine terre et qui n’est pas seulement le génie de l’industrie, moins étonnant et tout de suite compris parmi ces populations actives et âprement utilitaires, mais le génie, l’inutile et contemplatif génie de l’art, cette divine paresse, que, de tous les genres de génie qu’il a donnés aux hommes, Dieu a fait certainement le plus beau !
… Esprit ferme et rusé, plein d’entregent et de rétorsion, il se conduisit comme ces habiles coquettes qui quittent le monde avant que le monde ne les quitte, et il essaya de masquer, sous des travaux plus ou moins tourmentés d’art ou d’histoire, l’impuissance de l’inventeur qu’il sentait venir… II D’autant que l’inventeur, chez M. […] Mérimée, esprit excessivement cultivé, talent venu en pot, bien plus qu’en pleine terre, n’a-t-il pas commencé par s’inspirer du théâtre espagnol et à mêler du Musset et du Lesage dans l’imitation qu’il en a faite ? […] L’autre Mérimée, l’homme de la double vocation, l’historien et l’antiquaire viendront ailleurs… En ces derniers temps, celui-ci a publié deux livres d’histoire, où la vocation de l’ancien romancier, — indécise comme toute vocation partagée, — se trahit encore dans le choix des sujets qu’il a essayé de traiter.
Or, parmi ces œuvres, petites à dessein, alors même que leur manque de grandeur ne vient pas d’impuissance, ce qui domine le plus dans la littérature du quart d’heure, par le nombre autant que par la valeur relative, c’est encore le roman, le roman dont l’imagination publique n’est jamais lasse et ne peut l’être jamais ; car le roman, pour elle, c’est la vie qui soulage de l’autre, ou qui nous en venge ; c’est la vie vraie, mais arrangée par le génie pour n’être ni tout à fait si plate ni tout à fait si bête que la réalité. […] Eh bien, parmi les romanciers, plus sobres et tard venus, dont les œuvres méritent le regard, en voici un que beaucoup de raisons doivent mettre à part de tous les autres, et ces raisons, je les dirai ! […] Qu’il le veuille ou non, Wey procède par surprise, et cette surprise est d’autant plus vive qu’elle est plus lente à venir.
Je vois au contraire que le renouvellement des lettres a produit une quantité prodigieuse de poètes latins, que nous avons la bonté d’admirer : d’ou peut venir cette différence ? […] Les synonymes, en prenant ce mot dans le sens que nous venons d’expliquer, sont très fréquents dans notre langue. […] Venons présentement à la nature des mots qu’on doit faire entrer dans un dictionnaire de langue. […] Une seconde difficulté sur la réformation de l’orthographe, est celle qui est formée par les étymologies ; si on supprime, dira-t-on, le ph pour lui substituer l’f, comment distinguera-t-on les mots qui viennent du grec, d’avec ceux qui n’en viennent pas ? […] Venons à l’harmonie, une des qualités qui constituent le plus essentiellement le discours oratoire.