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1329. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Le premier venu qui a de l’audace et un chiffon de papier met ce qui lui vient dessus, et le voilà journaliste, tandis que pour être homme de lettres il faut évidemment un peu plus. […] Adam a acheté l’hôtel de Μ. le comte de La Rochetravers, contigu au sien, et voilà par quelle invention et quelle porte la société de l’avenir, de l’écu, des parvenus, représentée par les Adam, vient s’aligner visage à visage avec la société du passé, des traditions et des déchus, représentée par les La Rochetravers. […] Il vient dans notre voie.

1330. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

La solidité ne serait pas venue, ni la force simple, ni la sincérité. […] Son mérite le plus net, à nos yeux, le plus grand honneur de sa pensée, c’est d’avoir ajouté à une preuve infinie ; c’est, après tant de penseurs et d’apologistes, qui, depuis dix-huit cents ans, ont dévoilé tous les côtés de la vérité chrétienne, d’avoir montré, à son tour, dans cette vérité, des côtés que le monde ne voyait pas ; c’est, enfin, d’avoir, sur la Chute, sur le Mal, sur la Guerre, sur la Société domestique et politique, été nouveau après le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces imposants derniers venus ! […] On pourrait dire de Donoso Cortès qu’il a de l’aperçu par développement, tandis que pour de Maistre, l’aperçu point d’abord et le développement vient ensuite, s’il en est besoin. […] Il ne l’eut point, et comme tant d’autres, il vint trop tard : mais n’admirez-vous pas cette louange amère ?

1331. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Mais ici les insectes qui menacent seraient très gros, s’ils venaient à naître… La philosophie de M.  […] Comte quelque chose d’aussi vieux et d’aussi borné que la première méthode venue d’observation, pratiquée dans les sciences physiques ! […] Comte, dans M. de Blignières, et qui vient après les escamotages de toutes les questions vraiment philosophiques, théodicée, métaphysique, vérités abstraites, comme les ombres chinoises venaient après les tours de gobelet, chez l’autre escamoteur.

1332. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Puis il était venu à Weimar, selon son devoir d’Allemand, s’imprégner de Goethe, dit M.  […] Mais l’idée du système qui allait succéder aux défunts, et qui doit être arrachée à son tour de cette terre stérile où rien ne vient des semences qu’y jette la métaphysique, n’était prise ni à Kant, ni à Hégel, ni à personne. […] Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu ! […] Il croit, comme Littré et peut-être même avant Littré, que l’homme vient du singe, et voici ses propres paroles, recueillies par M. 

1333. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Aux termes presque désespérés où nous en sommes avec la philosophie, c’était une bonne nouvelle, en effet, que la venue d’un vigoureux esprit qui la relevât, cette agonisante, du grabat d’erreurs et de misères sur lequel elle expire, et lui fit faire ce pas en avant dont la trace doit rester, comme un sillon glorieux, sur le chemin du xixe  siècle ! […] Il n’en restera pas moins acquis comme un enseignement qui vient à temps, que cette faiseuse de découvertes, la métaphysique du xixe  siècle, représentée par une intelligence très digne d’elle, est arrivée à confesser tout simplement au nom de la science ce que la philosophie moderne regardait de fort haut, c’est-à-dire la vieille induction tirée des facultés de l’homme aux attributs de Dieu, et le grand raisonnement, mêlé de raison et de foi, des causes finales. […] En faisant précéder le système qui viendra plus tard par une théodicée, l’abbé Gratry a suivi la marche de la Nature et l’ordre des vérités prises en elles-mêmes. […] N’est-il pas des esprits dont la misère est d’avoir besoin d’une tautologie pour comprendre, et qui n’entendraient rien aux mots les plus profonds dits par la religion aux hommes, si la philosophie ne venait les leur répéter ?

1334. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Après Lamartine, humilié dans ses imitateurs, vinrent d’autres poètes inférieurs à cet incomparable. […] Le vent n’est pas venu caresser leur poitrine, L’abeille s’en détourne, et je les vois mourir Dans le corsage bleu de mes vases de Chine ! […] Un jour, son compatriote Hégésippe écrivit la délicieuse romance dont le refrain s’est, je crois, mêlé aux vers de Saint-Maur : L’oiseau que j’attends ne vient pas ! […] Mais c’est la mort qui est venue·

1335. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Louise est l’histoire d’un amour venu à Paris dans les circonstances assez ordinaires de la vie qu’on y mène, partagé d’ailleurs, filant dans le bleu sans obstacle, heureux d’un bonheur complet et au seul endroit où il soit complet : à la campagne ; puis se brisant tout à coup, comme un verre éclate. […] Après avoir savouré les détails de son livre, qui sont jolis souvent et parfois touchants, après avoir admiré l’adresse et la délicatesse de touche avec laquelle l’auteur, qui est l’amant de son histoire, sauve sa maîtresse de la vileté ordinaire aux femmes comme elle, — car, il faut bien le dire, Louise est de la race aux camélias, dont on abuse vraiment trop dans les romans et au théâtre, et qui fera, si on continue, appeler la littérature française du xixe  siècle la littérature des filles entretenues, — on est tout étonné de cette rupture peu intelligible qui vient brusquement clore le livre, et on voudrait se l’expliquer. […] Il est tout entier dans la figure de Jean Gigon, type du soldat français en ces dernières années12, et qui n’est plus du tout, quoiqu’il y ait identité de cette bravoure qui est venue des Gaulois à nous et qui s’appelle la furie française, qui n’est plus du tout la figure connue des soldats français des autres temps. […] un Shakespeare fait bien partout, et il y eut vraiment quelque chose de digne de son génie dans cette foule de soldats de toute arme venus, par une pluie battante, enterrer leur compagnon au bord de la mer qui le séparait de son pays, et qui, après lui avoir tourné le visage du côté de la France, lui versèrent, chacun avec sa main nue (détail vraiment antique !)

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