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446. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Le trait distinctif et caractéristique de Mme Récamier est d’avoir inspiré de l’amour, un amour très vif, à tous ceux qui la virent et la cultivèrent, et, en ne cédant à aucun, de les avoir conservés tous, ou presque tous, sur le pied d’amis. « Il n’y a guère que vous dans le royaume, écrivait Bussy à sa charmante cousine, qui puissiez réduire un amant à se contenter d’amitié. » Mme Récamier, plus belle, et d’une beauté plus irrésistible, que Mme de Sévigné, peut-être aussi un peu plus coquette et plus irritante au temps de ses élégances, eut bien plus à faire qu’elle pour réduire ensuite au devoir et à la douceur d’un commerce uni ceux qu’elle enflammait. […] C’est dans les lettres qu’il écrit à Mme Récamier que l’on trouverait le plus de traits exquis pour la peindre sous la forme idéale et symbolique qu’il ne cessa de lui prêter. […] Si elle intervenait, c’était discrètement, pour glisser une remarque fine, pour placer une anecdote choisie et dont le trait d’ordinaire amenait un sourire.

447. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Despréaux le satirique avait un frère aîné, satirique également, mais un peu plat, un peu vulgaire ; un autre frère chanoine, très gai, plein de riposte ; riche en belle humeur, mais un peu grotesque, un peu trop chargé et trop enluminé ; la nature avait combiné en Despréaux les traits de l’un et de l’autre, mais avec finesse, avec distinction, et avait aspergé le tout d’un sel digne d’Horace. […] « Il y a dans les caractères une certaine nécessité, certains rapports qui font que tel trait principal entraîne tels traits secondaires. » Goethe.

448. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Ce qui hier encore s’appelait défaut dans un auteur, change aussitôt de nom et devient, une fois le type admis, un simple trait de signalement et de caractère. […] Notre âme s’étend sur ce qu’elle voit ; elle change comme les horizons, elle en prend la forme… » C’est joli et gracieux sans doute, remarque le critique anglais ; mais quelle différence avec le pinceau de Maurice peignant la nature en traits profonds, trouvés et neufs, disant au retour d’une course où il a vu les rives de la Loire, Chambord, Blois, Amboise, Chenonceaux, les villes des deux bords, Orléans, Tours, Saumur, Nantes et l’Océan grondant au bout : « De là je suis rentré dans l’intérieur des terres jusqu’à Bourges et Nevers, pays des grands bois, où les bruits d’une vaste étendue et continus abondent aussi. » Et ailleurs il parle de ce beau torrent de rumeurs que roule la cime agitée des forêts. […] Pics, dents, gigantesques épaules, tout s’enlève d’un trait.

449. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

C’est un trait essentiel en lui et qui a frappé tous ses contemporains. […] » — « Non, répondit Bailly ; mais je vous ai donné l’exemple de ne jamais désespérer des lois de votre pays. » Il donnait de plus le bien rare exemple, lui, victime de la Révolution, de ne pas la calomnier : « L’orage qui gronde en ce moment, disait-il, ne prouve rien sans doute, et fera tomber bien des feuilles de la forêt ; il arrachera même quelques arbres ; mais il emportera aussi de vieilles immondices, et le sol épuré peut donner des fruits inconnus jusqu’ici. » L’agonie de Bailly était comme épuisée et consacrée dans toutes ses circonstances : elle s’augmente et se couronne de deux ou trois traits sublimes, grâce à M.  […] Sans chercher à se grandir ou à s’ennoblir, il a peint quelques-uns de ses contemporains tels qu’il les a vus ; il l’a fait avec une plume qui, au milieu de quelques défauts, a des qualités rares et des traits ineffaçables.

450. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Les paysages sont dessinés d’un trait fin et rapide : ce sont des impressions nettement et sobrement notées. […] C’est, dans un rythme facile et rapide, une causerie agréable, piquée de traits délicats ou spirituels424, comme une quintessence de l’esprit de salon. […] Mme Deshoulières (vers 1638-1694), avec qui Fléchier fut intimement lié, est le trait d’union entre les précieux de l’Hôtel de Rambouillet et les précieux de l’Hôtel Lambert et de Sceaux.

451. (1890) L’avenir de la science « XII »

En histoire, le trait est grossier ; chaque linéament, au lieu d’être représenté par un individu ou par un petit nombre d’hommes, l’est par de grandes masses, par une nation, par une philosophie, par une forme religieuse. […] Il n’est pas bien sûr qu’un tel travail amenât aucun résultat sérieux ; n’importe ; la simple possibilité d’y trouver quelque fine induction, qui, entrant comme élément dans un ensemble plus vaste, révélât un trait du système des choses, suffirait pour hasarder cette dépense. […] Dans les écrits anciens, ce qui nous intéresse le plus est précisément ce à quoi les contemporains ne songeaient pas : particularités de mœurs, traits historiques, faits de linguistique, etc.

452. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image De leurs traits oubliés. […] Ils gardent des traits qui révèlent leur filiation et ils profitent, en les enrichissant par de nouveaux apports, d’acquisitions ancestrales dont ils n’ont pas toujours conscience. […] » Flaubert, les Goncourt sont des traits d’union plus visibles encore entre les deux écoles.

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