Ayant à parler d’une tragédie de Philoctète par Châteaubrun (mars 1755), il y relève tous les défauts, et surtout la fausseté, le manque absolu du génie. Il y a, selon lui, trois choses mortelles, une tragédie dont le discours est faux, un tableau dont le coloris est faux, un air d’opéra dont la déclamation est fausse : Et celui qui peut y tenir, déclare-t-il, peut prendre son parti sur ses plaisirs et sur ses goûts ; il ne sera jamais vivement affecté par ce qui est véritablement beau et sublime. […] Il ne dit jamais aux Français d’abandonner leur tragédie pour l’imitation des beautés étrangères : « Nous dirons au contraire : Français, conservez vos tragédies précieusement, et songez que, si elles n’ont pas les beautés sublimes qu’on admire dans Shakespeare, elles n’ont pas aussi les fautes grossières qui les déparent. » En jugeant la tragédie française de son temps, il en sait toutes les faiblesses et toutes les langueurs ; il a des réflexions à ce sujet, qui lui sont suggérées par le Timoléon de La Harpe, mais qui remontent et portent plus haut. Ces quatre ou cinq pages de Grimm (1er janvier 1765) établissent les vrais rapports et les différences fondamentales entre la tragédie des anciens et la nôtre. […] Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?
La tragédie est donc une forme vraie. […] Or, en quoi le drame diffère-t-il de la tragédie et de la comédie ? […] Ne faut-il pas chercher en quoi la tragédie et le drame diffèrent, en quoi la tragédie et le drame se ressemblent ? […] Nous pouvons donc sans injustice étudier la tragédie dans Sophocle et le drame dans Shakespeare. […] C’est dans Sophocle qu’il faut chercher le type le plus élevé de la tragédie antique.
Deux Tragédies oubliées, quelques Poésies fugitives aussi oubliées, sont les présens qu’il a faits au Public, toujours ingrat pour ce qui porte le caractere de la médiocrité. Deux ou trois scènes intéressantes dans sa Tragédie de Cléopatre, ne sont pas suffisantes pour lui donner le droit de se plaindre de cet oubli.
Ce que je traduis, ou plutôt ce que je paraphrase de la manière suivante : « Après s’être essayée dans bien des directions, la tragédie se fixa, quand elle eut enfin reconnu sa nature. » Tout aussi bien et même mieux que l’histoire de la tragédie grecque, dont encore aujourd’hui trop de parties nous échappent, l’histoire de la tragédie française peut servir à la fois de commentaire, d’illustration, et de preuve à cette phrase de la Poétique. […] Tout ce que l’on pouvait faire alors pour préparer la tragédie de Corneille ou de Racine même, il l’aurait fait. […] Sera-ce la tragédie ? […] On a peine à saisir la différence que Hardy a mise ou cru mettre entre ses tragédies et ses tragi-comédies. […] Il n’a pas su ou il n’a pas pu, comme le faisait précisément alors la tragédie, sa rivale en popularité, se différencier des espèces littéraires voisines : épopée, tragédie, comédie, satire.
Pater, René = Peter, René (1872-1947) [Bibliographie] La Tragédie de la Mort (1899). […] Pierre Louÿs, n’était qu’écrite en prose, la Tragédie de la Mort eût échappé à une critique et que je n’aurais pas eu le très vif plaisir de saluer le nouveau venu qui promet d’être un bon écrivain.
Voltaire envoie à Bernis quelques-uns de ses écrits avant la publication ; il le consulte sur ses tragédies, sur celle de Cassandre, autrement dite Olympie ; il lui demande ses avis, que Bernis lui donne fort en détail avec conscience et sincérité. […] Voltaire, le voyant toujours dans cette inaction de la vie privée, et lui-même s’excusant de ne trouver rien de mieux pour tromper les années que de faire des tragédies, lui disait : Mais qu’a-t-on de mieux à faire ? […] Consulté par Voltaire sur la tragédie du Triumvirat, il lui fait une bonne réponse fondée sur des raisons historiques, et qui n’est point du tout fade. […] Mais Voltaire est tenté, à tout moment, d’envoyer à Bernis autre chose encore que des tragédies ; il veut lui envoyer ses contes, ses légèretés, Ce qui plaît aux dames : « Mais je n’ose », ajoute-t-il en se retenant à peine. […] Il lui fait d’abord quelques critiques sur sa tragédie des Scythes.
Notre tragédie classique était prédestinée à en subir l’empreinte ineffaçable. […] En un mot, que la scène soit à Rome, à Athènes, chez les Barbares ou chez les Turcs, elle est toujours un salon : la politesse y est de rigueur. « La politesse, a dit Alfred de Vigny, est la Muse de la tragédie française. » Gestes et paroles trahissent le perpétuel souci des convenances. […] Certes, la tragédie obtient de la sorte une pureté de lignes, une harmonie d’ensemble, une beauté calme et imposante pareille à celle qui nous frappe dans certaines statues antiques. […] La tragédie, à son souci perpétuel d’élégance et de noblesse, a dû, il faut l’avouer, une fâcheuse monotonie. […] Conséquence extrême, mais logique, de l’idéal aristocratique que poursuivit toujours et réalisa parfois notre tragédie classique !