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25. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Par ennui de la régularité imposée, il quitte l’air de cour, se fait vulgaire, emploie les mots des paysans, des ouvriers, les tours osés, vieillis, la conversation triviale qui rabaisse les belles choses jusqu’au niveau des mains sales. […] Encore faut-il qu’elle ne persévère point d’un bout à l’autre dans le même style, mais qu’elle change, qu’elle ondule, par toutes sortes de tours sinueux, de la joie à la tristesse, du sérieux à la plaisanterie. […] Il se commente subitement, en se reprenant, et, à ce qui semble, par pure bonhomie, pour nous éviter une méprise ; c’est pour nous jouer un tour et nous dire une méchanceté. […] La Fontaine n’a pas de visions complètes et durables : il n’est pas oppressé d’images absorbantes ; il entrevoit, il quitte, il vole, il revient, il est un moment en vingt lieux et en vingt sentiments ; pendant que vous achevez une de ses esquisses, il a fait le tour du monde et il est prêt à recommencer. […] La Fontaine approuve la perfidie, et, quand le tour est profitable ou bien joué, il oublie que c’est un guet-apens.

26. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Les tours que joue maître Renard à son compère le Loup dans le roman du Renard, ont amusé nos pères. […] C’est aux croisades que nos poëtes durent ce tour d’imagination qui leur est commun. […] Jean de Meung a trouvé l’amant se lamentant au pied de la tour où est enfermé Bel-Accueil. […] On se donnait à volonté ce tour d’esprit. […] Toutefois, il garda jusqu’à la fin les goûts délicats qu’il tenait de Valentine de Milan, sa mère, et ce tour d’esprit, plus léger que vif, qui le portait à rimer tous les incidents de sa vie.

27. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Du caractère et du tour d’esprit de Malherbe […] Marchez donc sur ses pas ; aimez sa pureté, Et de son tour heureux imitez la clarté. […] Du caractère et du tour d’esprit de Malherbe. […] Son caractère, son âge, son tour d’esprit convenaient admirablement à l’espèce de dictature qu’il exerça pendant vingt ans. […] De même, dans la langue, cette école avait choisi, parmi les tours et les combinaisons de mots, propres aux langues anciennes, ce qui s’en peut le moins imiter, et qui diffère le plus complétement du génie de la nôtre.

28. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VIII. Des Églises gothiques. »

Les forêts des Gaules ont passé à leur tour dans les temples de nos pères, et nos bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. […] Les deux tours hautaines, plantées à l’entrée de l’édifice, surmontent les ormes et les ifs du cimetière, et font un effet pittoresque sur l’azur du ciel. […] Mais tout à coup des rumeurs confuses s’échappent de la cime de ces tours, et en chassent les oiseaux effrayés.

29. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Chaque génération à son tour est au haut de l’arbre, voit tout le pays au-dessous, et n’a que le ciel au-dessus d’elle. […] Mais soyons comme un bon père de famille, accroissons à notre tour ce que nous avons reçu. […] — Je les suis, se répond-il, mais je m’accorde à moi-même de trouver à mon tour du nouveau, et de changer et de laisser ce qui n’est point à ma guise. […] Rigault, qui n’a jamais perdu de vue l’idée générale et la doctrine du progrès, a tenu, au contraire, à être le plus complet possible, à tout décrire successivement avec une curiosité égale, à suivre le fleuve, comme il l’appelle quelque part, dans toutes ses sinuosités, dans ses tours et retours, jusqu’à ce qu’il se perde dans l’idée générale et théorique qui est son océan. […] Je demande à plaider à mon tour ; je demande à présenter sous un jour un peu plus favorable ce petit personnage, très spirituel en effet, mais qui n’était pas si ridicule de vouloir paraître philosophe, car il avait l’esprit naturellement philosophique ; et s’il s’est trompé sur la question d’Homère et des anciens, il s’est trompé en homme de pensée et avec beaucoup de distinction.

30. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Entendons-nous bien encore : je crois qu’en France on sera toujours sensible au bien dire, à un tour vif, sémillant, spirituel, à une manière fine et piquante de présenter les choses ; on sait et l’on saura assurément toujours la distinguer. […] Autrefois, du temps de l’Empire romain, il y avait des rhéteurs ou sophistes qui couraient les provinces et les villes, et dont quelques-uns, par leurs tours de force et leur dextérité de parole, obtenaient de prodigieux succès. […] Profond mystère, féconde joie, réciprocité de la vie : le fils régénère le père et la mère, il les crée à son tour ! […] Chacun à son tour. […] qu’on voit bien, dirai-je à mon tour au spirituel Horace de Lagardie — car c’est bien un peu à lui que je pense en ce moment15, — qu’on voit bien, en vous lisant, Monsieur, que vous êtes une femme d’esprit, mais aussi que vous n’êtes des nôtres que par le piquant, la vivacité et le tour, par bien des qualités qu’on vous envie, et que vous n’en avez pas été de tout temps !

31. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Les prisonniers, auxquels s’en était joint un quatrième, le capitaine Villiers, recueilli à Badajoz, furent enfermés dans une tour de l’Alhambra. […] L’adjudant (du gouverneur de l’Alhambra) entre et nous conduit sur la terrasse de la tour. […] À notre vue, toute celle populace s’agite comme une mer en furie, pousse des hurlements, se porte sur la tour et menace de forcer la garde. […] Il fallut nous faire monter de nouveau sur la tour et employer ensuite la force pour dissiper ces forcenés. […] Le général de Saint-Joseph, avant de mourir, eut à cœur de consacrer la mémoire de son ancien chef, et cette pieuse pensée lui a porté bonheur : l’humble Notice honore aujourd’hui, à son tour, et protège la mémoire de M. de Saint-Joseph ; elle donne de lui et de sa manière de sentir la plus respectable idée.

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