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434. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cependant, au siège de Luxembourg, pendant la campagne de 1684, le roi étant venu en personne commander l’armée, « Sa Majesté, dit-il, me fit manger une fois avec elle, quoique sous-lieutenant, ce qui me fit un plaisir sensible : c’étaient autant d’amorces qui m’attiraient dans le piège dans lequel je ne demandais pas mieux que de tomber ». […] Bien longtemps après, quand Mme de Montespan, tombée en disgrâce et dans une entière retraite, eut pris ce fils légitime comme une partie de sa pénitence et qu’elle se fut mise, par manière de réparation, à vouloir lui fonder une fortune régulière, elle exigea de lui qu’il ne jouerait plus ; croyant mieux l’y obliger, elle obtint qu’il chargeât le comte de Toulouse, son demi-frère, de dire expressément au roi que lui, d’Antin, renonçait au jeu pour toute sa vie : sur quoi le roi fit cette réponse bien naturelle, mais désespérante d’indifférence : « À la bonne heure ! […] À l’instant, au signal d’un coup de sifflet, on vit tomber toute la forêt comme dans une décoration d’opéra. — « Ah ! Mesdames, s’écria la duchesse de Bourgogne qui était présente, si le roi avait demandé nos têtes, M. d’Antin les aurait fait tomber de même. » Je n’oserais affirmer qu’un peu de légende ne se soit pas glissé dans ces deux histoires qui se répètent un peu, en renchérissant l’une sur l’autre.

435. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Item, ce jour même 13 septembre 1515, entre sept et huit heures du soir, fut vu en plusieurs lieux en Flandres un flambeau de feu de la longueur d’une lance, et semblait qu’il dût tomber sur les maisons ; mais il était si clair que cent torches n’eussent rendu si grande lumière. […] Un jour, trois mois après cette mort, le capitaine Bourdeilles passant à Pau, et étant allé saluer la reine de Navarre comme elle revenait de vêpres, reçut d’elle un excellent accueil, et, de propos en propos, tout en se promenant, la princesse l’emmena doucement dans l’église, du côté où était la tombe de cette dame qu’il avait aimée : Mon cousin, lui dit-elle, ne sentez-vous rien mouvoir sous vous et sous vos pieds ? — Non, madame, répondit-il. — Mais songez-y bien, mon cousin, lui répliqua-t-elle. — Madame, j’y ai bien songé, mais je ne sens rien mouvoir, car je marche sur une pierre bien ferme. — Or je vous advise, dit alors la reine sans le tenir plus en suspens, que vous êtes sur la tombe et le corps de la pauvre Mlle de La Roche, qui est ici dessous vous enterrée, que vous avez tant aimée, et, puisque les âmes ont du sentiment après notre mort, il ne faut pas douter que cette honnête créature, morte de frais, ne se soit émue aussitôt que vous avez été sur elle ; et, si vous ne l’avez senti à cause de l’épaisseur de la tombe, ne faut douter qu’en soi ne se soit émue et ressentie ; et, d’autant que c’est un pieux office d’avoir souvenance des trépassés, et même de ceux que l’on a aimés, je vous prie lui donner un Pater noster et un Ave Maria, et un De profundis, et l’arroser d’eau bénite ; et vous acquerrez le nom de très fidèle amant et d’un bon chrétien.

436. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Portez-le sur un duvet de plumes légères ; elles s’attachent à lui et il s’en couronne ; tout à l’heure elles tomberont ; d’autres prendront leur place. […] J’ai vu plusieurs fois cette pierre tomber : donc elle peut tomber ; donc elle a le pouvoir de tomber.

437. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Nous ne voulons pas tomber tout à la fois dans le paradoxe et dans le lieu commun qui faisaient de Voltaire le Sénèque de la poésie moderne. […] Le venimeux serpent ne s’abrite pas sous un si frais bocage : fils du soleil, il aime à reposer sur une couche de feu allumé par la nature, un sol sec et brûlant, entre quelques débris de tours écroulées, au-dessus desquels le pepel étend son ombre ; ou bien, autour d’une tombe, il enlace ses écailles, gardien naturel des portes de la mort. […] ne pleure pas sur la tombe de tes enfants, Rachel ; ne pleure pas. […] « Ne pleure donc pas sur la tombe de tes enfants, ô Rachel !

438. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Le sujet de cette confession est celui-ci : Un jeune homme qui a dix-neuf ans au commencement du récit et vingt et un ans à la fin, Octave, né vers 1810, de cette génération venue trop tard pour l’Empire, trop tard (malgré sa précocité) pour la Restauration, et qui achève, en ce moment, son apprentissage dans le conflit de toutes les idées et sur les débris de toutes les croyances, Octave est amoureux ; il l’est avec naïveté, confiance, adoration, et, jusque-là, il ressemble aux amoureux de tous les temps ; mais au plus beau de son rêve, un soir à souper, étant en face de sa maîtresse, sa fourchette tombe par hasard, il se baisse pour la ramasser, et voit… quoi ? […] Il y est tombé tout d’abord, ce me semble, dans le premier chapitre, où le technique des expressions chirurgicales repousse et trompe même le lecteur : le reste de l’ouvrage, en effet, ne répond pas exactement à cette préface. […] J’ai noté, dans ce chapitre II, page 8, une phrase sur Napoléon, sur son arc, sur la fibre humaine qui en est la corde, et sur les flèches que lance ce Nemrod, et qui vont tomber je ne sais où ; une pareille phrase, si on la lisait dans la traduction du Titan de Jean-Paul, ferait dire : « Cela doit être beau dans l’original, » et ce demi-éloge de la pensée serait, à mes yeux, la plus sensible critique du style et de l’expression.

439. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Qu’une goutte de vin tombe dans un verre d’eau ; quelle que soit la loi du mouvement interne du liquide, nous le verrons bientôt se colorer d’une teinte rosée uniforme et à partir de ce moment on aura beau agiter le vase, le vin et l’eau ne paraîtront plus pouvoir se séparer. […] Si toute l’énergie issue de notre excitateur va tomber sur un récepteur, celui-ci se comportera comme s’il avait reçu un choc mécanique, qui représentera en un sens la compensation du recul de l’excitateur ; la réaction sera égale à l’action, mais elle ne sera pas simultanée, le récepteur avancera, mais pas au moment où l’excitateur reculera. […] De tous ces résultats, s’ils se confirmaient, sortirait une mécanique entièrement nouvelle qui serait surtout caractérisée par ce fait qu’aucune vitesse ne pourrait dépasser celle de la lumière2 pas plus qu’aucune température ne peut tomber au-dessous du zéro absolu.

440. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Ne jamais trouver le point d’arrêt, passer d’une spirale à l’autre comme Archimède, et d’une zone à l’autre comme Alighieri, tomber en voletant dans le puits circulaire, c’est l’éternelle aventure du songeur. […] Qui y descend est Kant ; qui y tombe est Swedenborg. […] Il se détache par moments de ces âmes une vérité qui brille sur les questions où elle tombe.

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