Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques.
Bossuet et Fénélon, le premier dans son Histoire universelle, dans ses Avertissements et dans sa Politique tirée de l’Écriture-Sainte, le second, dans son Télémaque, ont dit sur les gouvernements toutes les choses essentielles.
Tirez de là ce qui vous conviendra.
En effet, un joüeur habile doué du talent de combiner aisément une infinité de circonstances, et d’en tirer promptement des consequences justes ; un joüeur habile, dis-je, pourroit faire tous les jours un gain certain en ne risquant son argent qu’aux jeux où le succès dépend encore plus de l’habileté des tenans, que du hazard des cartes et des dez : cependant il préfere par goût les jeux où le gain dépend entierement du caprice des dez et des cartes, et dans lesquels son talent ne lui donne point de superiorité sur les autres joüeurs.
La ressemblance des idées que le poëte tire de son génie, avec les idées que peuvent avoir des hommes qui se trouveroient être dans la même situation où ce poëte place ses personnages, le pathetique des images qu’il a conçûës avant que de prendre la plume ou le pinceau, font donc le plus grand mérite des poëmes, ainsi que le plus grand mérite des tableaux.
Ces exemples, dont ont sçait les circonstances plus distinctement, frapperont mieux que les exemples tirez des siecles passez ; et l’on croira facilement que ce qui est arrivé à nos poëtes, est arrivé aux poëtes de tous les temps.
Dès que les jeunes gens sont arrivez au temps où il faut penser de soi-même, et tirer de son propre fonds, la difference qui est entre l’homme de génie et celui qui n’en a pas, se manifeste et devient sensible à tout le monde.