Le roi pendant le siège, et malgré la goutte dont il ressent quelque accès, persiste à monter à cheval et à aller à la tranchée : Il n’a mis pied à terre que vis-à-vis de la batterie, raconte Dangeau (27 mars) ; ensuite il a visité tout le travail qu’on a fait, et a été aux travaux les plus avancés. […] M. le Grand (le grand écuyer), qui était près de lui, a été renversé de la terre du parapet que le canon a percé, et en a été tout couvert sans en être blessé pourtant. […] Il n’avait jamais eu l’honneur de manger avec le roi. » La garnison, composée d’environ cinq mille hommes, sort de la place le lendemain 10 ; Monseigneur assiste au défilé : « Le gouverneur salua Monseigneur de l’épée, et sans mettre pied à terre ; il lui dit qu’il était bien fâché de n’avoir pu tenir plus longtemps, afin de contribuer davantage à la gloire du roi. » Ainsi tout se passait de part et d’autre en parfait honneur et en courtoisie. […] Il arrive là, à cette prise de Namur, ce qui est plus d’une fois arrivé à la France dans le temps d’une victoire remportée sur terre, c’est un désastre sur mer : on apprend la défaite de M. de Tourville à La Hogue.
Louise de Bayne en son château de Rayssac, passant de l’adolescence à la jeunesse, eut tout le temps de voir les saisons se succéder, les printemps courir, sa première fleur pâlir et se décolorer déjà, avant qu’un mariage sérieux la vînt prendre et enlever à sa terre natale. […] Oui, ma chère, j’ai prié pour vous, d’abord en m’éveillant, et puis à la messe, au memento des vivants, à cet endroit où Dieu permet à notre pensée et à notre cœur de redescendre un instant sur la terre pour s’y charger des besoins de ceux qu’on aime. […] Notre âme s’étend sur ce qu’elle voit ; elle change comme les horizons, elle en prend la forme… » C’est joli et gracieux sans doute, remarque le critique anglais ; mais quelle différence avec le pinceau de Maurice peignant la nature en traits profonds, trouvés et neufs, disant au retour d’une course où il a vu les rives de la Loire, Chambord, Blois, Amboise, Chenonceaux, les villes des deux bords, Orléans, Tours, Saumur, Nantes et l’Océan grondant au bout : « De là je suis rentré dans l’intérieur des terres jusqu’à Bourges et Nevers, pays des grands bois, où les bruits d’une vaste étendue et continus abondent aussi. » Et ailleurs il parle de ce beau torrent de rumeurs que roule la cime agitée des forêts. […] « La terre reste nue, on n’attend rien d’elle ; le ciel prend toute sa valeur.
Duveyrier78 S’il y a une chose évidente et certaine, c’est que l’homme en ce siècle est de plus en plus occupé de cette terre, du globe qu’il habite et de la manière d’y vivre le mieux possible, de l’exploiter le plus largement, de le maîtriser, de le posséder, de l’embellir aussi et de l’illustrer par des prodiges de créations civiles, scientifiques, industrielles. Ceux même qui ne bornent pas leur vue aux horizons terrestres et qui voient par-delà un avenir immortel ne sont nullement insensibles, comme autrefois, aux beautés et aux jouissances naturelles et légitimes : ils ne ferment pas les yeux à ce qui enchante et à ce qui plaît sur cette terre d’exil ; ils ne parlent plus même d’exil, mais seulement de préparation ; ils ne prétendent pas que la pauvreté et la misère soient tellement préférables à leurs contraires qu’il faille hésiter dès ici-bas à les combattre et à les détruire. […] Mais que de travaux souterrains, que de conduits obscurs, que de terres remuées, que de métaux extraits, élaborés et fondus, que de métiers malsains, pour arriver à faire jouir les étrangers, les bourgeois et les promeneurs, vous et moi, de ces résultats agréables et commodes ! […] Sachons qu’il y a solidarité d’action, unissons-nous pour travailler en vue de l’œuvre commune, pour accroître la part de l’influence humaine sur cette terre, pour diminuer l’empire des éléments aveugles.
Si l’Être Tout-Puissant, qui a jeté l’homme sur cette terre, a voulu qu’il conçut l’idée d’une existence céleste, il a permis que dans quelques instants de sa jeunesse ; il put aimer avec passion, il put vivre dans un autre, il put compléter son être en l’unissant à l’objet qui lui était cher. […] Cette dépendance d’un seul objet affranchit si bien du reste de la terre, que l’être sensible qui a besoin d’échapper à toutes les prétentions de l’amour-propre, à tous les soupçons de la calomnie, à tout ce qui flétrit enfin dans les relations qu’on entretient avec les hommes, l’être sensible trouve dans cette passion quelque chose de solitaire et de concentré, qui inspire à l’âme l’élévation de la philosophie, et l’abandon du sentiment. […] c’est dans la réalité des choses humaines qu’il existe un tel bonheur et toute la terre en est privée, et presque jamais l’on ne peut rassembler les circonstances qui le donnent ! […] À quel prix ne voudrait-on pas n’avoir jamais aimé, n’avoir jamais connu ce sentiment dévastateur qui, semblable au vent brûlant d’Afrique, sèche dans la fleur, abat dans la force, courbe enfin vers la terre, la tige qui devait et croître et dominer ?
Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte. […] Mieux leur valut les employer à bien : Car quand ils sont en terre ensevelis, Ne leur sert pins ni château ni cité. […] « L’amour est une grande chose, un grand bien, qui rend tout fardeau léger… L’amour pousse aux grandes actions, et excite à désirer toujours une perfection plus haute… Rien n’est plus doux que l’amour, rien n’est plus fort, ni plus liant, ni plus large, ni plus doux, ni plus plein, ni meilleur au ciel ni sur la terre… L’amour vole, court, il a la joie. […] Elle se fit par l’Orient ; ce fut en Terre Sainte à la croisade, que la Flandre et la Provence, la Lorraine et le Languedoc se rencontrèrent.
Un besoin de dévouement et de sacrifice semble nous avertir que toute notre destinée ne se joue point ici-bas et qu’il y a pour nous, sur terre, autre chose à conquérir qu’une vaine satisfaction physique. […] Ils savent que la terre n’est plus le centre de l’univers, comme l’attestait, à tort, l’Écriture. […] La terre est sa nourrice. […] Toi qui m’écoutes, sépare la terre du feu, l’esprit de la matière.
M. de Maistre peint quelque part la science moderne « les bras chargés de livres et d’instruments de toute espèce, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur le chemin de la vérité, en baissant vers la terre son front sillonné d’algèbre ». […] Il devait préférer la méthode plus commode de la « science orientale, libre, isolée, volant plus qu’elle ne marche, présentant dans toute sa personne quelque chose d’aérien et de surnaturel, livrant au vent ses cheveux qui s’échappent d’une mitre orientale, son pied dédaigneux ne semblant toucher la terre que pour la quitter ». […] La science se présente toujours à l’homme comme une terre inconnue ; il aborde souvent d’immenses régions par un coin détourné et qui ne peut donner une idée de l’ensemble. […] Voilà la loi de l’humanité : vaste prodigalité de l’individu, dédaigneuses agglomérations d’hommes (je me figure le mouleur gâchant largement sa matière et s’inquiétant peu que les trois quarts en tombent à terre) ; l’immense majorité destinée à faire tapisserie au grand bal mené par la destinée, ou plutôt à figurer dans un de ces personnages multiples que le drame ancien appelait le chœur.