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805. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il aime les ardents, les tendres, les indisciplinés : et les tristes qui voient tout en beau en pleurant sur tout. […] On y lisait les impressions, comme les vibrations et les colorations successives d’une âme tendre et noble. […] Un stoïcisme actif et tendre, voilà en somme où aboutit le pessimisme de Vigny. […] Il a le don de rapetisser, d’enniaiser tous les grands sujets, quand il y touche : la religion, par son Dieu des bonnes gens, ami de la joie et tendre aux mauvais sujets, par son agaçante conception d’un christianisme de pacotille qui met à l’aise tous les instincts matériels, par ses curés bénisseurs et bons vivants dont la perfection suprême est de ne pas être des gêneurs ; — le patriotisme, par un chauvinisme de méchant aloi, par l’exploitation fastidieuse de la gloire napoléonienne, avilie, vulgarisée, réduite aux puériles légendes de la redingote grise et du petit caporal ; — l’amour, par une sentimentalité frelatée, un mélange de grivoiserie et d’attendrissement qui exclut à la fois l’intensité de la passion sensuelle et la hauteur du sentiment moral ; — la morale, par une étroite et basse conception de la vie, mesquine dans la vertu, mesquine dans la jouissance, bien aménagée en un confortable égoïsme sans excès et sans danger.

806. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Dans les considérations qui vont suivre, je ne me renfermerai pas dans les limites de la seule question de dispersion ; mais j’examinerai quelques autres faits qui tendent à bien établir de quel côté est la vérité entre les deux théories de création indépendante et de descendance modifiée. […] La sélection naturelle doit donc tendre souvent à augmenter la stature des plantes herbacées croissant sur une île encore dépourvue d’arbres, quel que soit l’ordre auquel elles appartiennent, et à les convertir ainsi d’abord en arbustes, puis enfin en arbres. […] La concurrence vitale devait donc tendre à cette époque primitive autant à unifier les caractères organiques qu’à les faire diverger, ou du moins elle peut avoir eu à la fois l’un et l’antre résultat, et dès le principe produit la diversité des types, des plans ou des formes de l’organisation en maintenant l’uniformité de ces lois générales. […] Chaque souche, c’est-à-dire chaque individu, tendit par cela même à faire race, et par suite espèce ; de sorte qu’il en dut résulter une différenciation infinie mais peu importante des formes extérieures ou plutôt des groupements, avec une grande ressemblance intérieure et essentielle, et, par le fait, une grande identité d’habitudes sous des conditions de vie par tout le monde uniformes.

807. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Il n’en est pas moins vrai que ces sciences tendent de plus en plus, par la réduction des phénomènes à des lois vers ce déterminisme qui fait le caractère propre de toute œuvre scientifique. […] Au siècle dernier, l’école de la sensation, qu’elle admette ou non la spiritualité de l’âme, tend, en vertu de son principe, à exagérer l’influence du physique sur le moral. […] Une jouissance vive et continue tend à épuiser le fond de l’activité nerveuse, de même qu’un affaiblissement de cette activité causé par un certain état pathologique amène une éclipse de la sensibilité. […] Toujours est-il qu’il tend à une fin, laquelle n’est autre que la vie, l’être vivant.

808. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Elle était étonnante l’influence que les principaux médecins exerçaient dans ce temps-là en France sur leurs malades de la haute société, et surtout sur les personnes du sexe ; elles avaient pour eux une confiance tendre et soumise, et leur admiration sans bornes était accompagnée des attentions les plus recherchées. […] Son imagination tendre, aux prises avec des tableaux constamment funestes, s’en imbut et se terrifia.

809. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Roger jeune, aimable, élégant et gracieux, un peu faible, a été distingué et aimé par Fanny, qui, en femme du monde habile et aussi expérimentée que tendre, a pris sur elle toutes les difficultés de la situation et ne lui en veut laisser que les douceurs. […] Suit un portrait en pied, ou du moins en buste, où le rival est peint dans sa majesté virile et sa forte placidité, avec tous les avantages qui peuvent inquiéter et humilier un être susceptible et faible, et encore plus nerveux que tendre : Lorsque le dîner fut fini et que les convives eurent été s’asseoir dans le grand salon autour des tables de whist, lentement je me rapprochai de Fanny qui se chauffait les pieds devant le feu.

810. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’ai vu de ces autres chrétiens et catholiques libéraux qu’on lui oppose et que j’honore, de ces hommes d’une certaine sagesse : les jours où l’on ne prenait pas le Mamelon-Vert, l’un d’eux me disait avec un petit ris sardonique : « Et cela prouve qu’il ne faut pas aller à Sébastopol. » Courte sagesse, qui tendrait à priver une nation de ses tressaillements les plus sublimes ! […] Il n’entend pas certaines allusions que lui font les beaux esprits convertisseurs avec qui il cause, et qui tendraient à le ramener aux effrois et aux pratiques d’un bourgeois de Paris du temps de Robert le Pieux.

811. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

De même que, dans le sein de la mère, à l’état d’embryon, l’enfant parcourt rapidement, avant de naître, tous les degrés de l’organisation animale, de même, éclos et né, il tend à parcourir en abrégé les premiers âges de l’histoire et d’avant l’histoire. […] Je ne demande pas, remarquez-le bien, qu on opprime l’enfance de contes prolongés et de terreurs superstitieuses : de tendres esprits trop frappés d’abord peuvent rester gravés à jamais, et on a peine souvent à se relever d’un premier pli.

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