Un hasard nous rapprocha ; elle me tendit la main comme à un frère. […] Il ne devait pas en être ainsi, nous dit M. de Sainte-Beuve dans un tendre reproche à la destinée de cet ami mort. […] Si l’on entend par ce mot une nature saine, bonne, honnête, tendre même et capable de tous les excellents sentiments du cœur et de l’esprit dans la vie privée ; non, ce caractère-là n’a pas manqué au poète, c’est pour cela même qu’il fut aimé, et qu’il sera pleuré : sa physionomie seule révélait un homme de bien. […] Musset désirait mourir ; il disait à son excellent frère, homme d’une grâce aussi tendre, mais d’une raison plus saine que lui : « Je suis le poète de la jeunesse, je dois m’en aller jeune avec le printemps. […] Lui cependant avait les vagues pressentiments d’un adieu prochain, il s’entretenait souvent avec une tendre sollicitude de la douleur des siens, du sort de la pauvre femme qui le veillait, providence domestique de son foyer.
À Londres, Othello, quand sa jalousie est portée au dernier excès, s’approche du lit où Desdémona s’est couchée, la regarde avec un tendre regret, l’embrasse, l’envisage encore, et lui donne de nouveaux baisers. Il faut bien qu’elle s’éveille, elle reconnaît son époux, lui tend les bras, et lui dit naturellement will you come to bed, mylord ? […] Ce bal, où Henri VIII accable de son amour l’une de ses futures victimes, et celui où Roméo et Juliette conçoivent l’un pour l’autre les tendres sentiments qui les conduiront ensemble au tombeau, sont des inventions éminemment tragiques qu’on ne peut plus imiter, mais qui honorent le génie de Shakespeare. […] Racine même n’est pas plus tendre, et n’obtient la palme que par la sagesse des plans, l’harmonie et la constante perfection du style. […] Tout reste vague sur le théâtre romantique ; tout sur le classique tend à une précision sévère14.
. — Les Plus Jolies Chansons du pays de France, chansons tendres, choisies par Catulle Mendès, notées par Chabrier et Gouzien (1888). — Pour lire au bain, contes (1888). — Le Souper des pleureuses, contes (1888). — Les Belles du monde : Gitanas, Javanaises, Égyptiennes, Sénégalaises, avec R. […] Et la plus tendre et consolante justice ne lui est pas refusée, car, chassé de la vie et forcé de se réfugier hors de la vie, il goûte la mort la plus délicieuse dans les bras de la vierge qu’il aime, et qui, non attendue, vient le surprendre et s’enfermer avec lui dans l’air de sa chambre close, qu’un subtil poison a rendu enivrant et meurtrier. […] Le style est d’une facture très savante, mais il est laborieux et tendu. […] Qu’ils sont tendres, ces vers bouffons ! […] L’originalité de Catulle Mendès, c’est d’être un poète à la fois doux et brutal, tendre et cruel, naïf et pervers ; toute son œuvre, romans, vers, drames et comédies, atteste ce contraste : il aime les fleurs et les oiseaux, l’air pur, le ciel bleu, la nature claire des contes de fées, mais il se complaît aussi à la vue des Parisiennes en pantalon de dentelles et dont les jupons frissonnent de blancheur.
Au milieu même de ses plaintes les plus tendres et de ses mélancoliques élégies, la sobriété mettra le cachet ; pas une parole n’excédera le sentiment, et le stoïcien invincible se retrouvera au fond, jusque dans les amertumes les plus épanchées. […] Que si, de plus, elle est tendre, elle a pourtant besoin de chercher autour d’elle des équivalents. […] Lorsque nouvellement au sein d’un cœur profond Naît un germe d’amour, du même instant, au fond, Chargé d’une fatigue insinuante et tendre Un désir de mourir tout bas se fait entendre. […] Il traînait à Naples ses dernières années, séquestré du monde et de toute communication active avec le dehors, gêné par la censure locale dans les éditions définitives qu’il voulait publier de ses écrits, mais jouissant du moins et profitant quelque peu des faciles douceurs de Capodimonte et de Portici, mais entouré des tendres soins de son fidèle Ranieri, et consolé aussi par quelques visites passagères, telles que celles du noble poëte allemand Platen, qui s’en allait mourir en Sicile vers ce même temps. […] Voici le portrait, un peu plus doux et presque tendre, qu’a tracé de lui Ranieri dans la notice de l’édition de Florence (1845) : « Il était d’une taille moyenne, courbée et frêle ; il avait le teint blanc tournant au pâle, la tête grosse, le front large et carré, les yeux d’un beau bleu et pleins de langueur, le nez fin, les traits extrêmements délicats, la prononciation modeste et un peu voilée, le sourire ineffable et comme céleste. » 142.
« Il invoqua une muse plaintive, inspiratrice de la tendre pitié. […] « Ce fut ainsi qu’autrefois, avant qu’on eût inventé le soufflet aux puissants poumons, lorsque l’orgue était encore muet, Timothée sut, à l’aide de la flûte et de la lyre sonore, éveiller tour à tour la colère et le tendre désir dans l’âme des hommes. […] C’était le caractère de cette piété tendre du père, de la mère et des enfants, dans la maison de Mozart, à Salzbourg. […] Mais à la fin de ces lettres, datées des différentes villes d’Italie qu’il parcourt, il y a toujours la note tendre : c’est le moment où il pense à sa mère absente et au foyer attristé de Salzbourg. […] Si tu veux prendre la peine de penser mûrement à ce que j’ai entrepris avec vous, mes deux enfants, dans vos années les plus tendres, tu ne m’accuseras pas de pusillanimité, et tu me rendras justice, avec tout le monde, qu’en tout temps j’ai été un homme ayant le courage de tout entreprendre.
Il la serra bien fort dans ses bras, et je vis aussi des larmes dans ses yeux ; il me tendit la main et devint plus pâle qu’à l’ordinaire. […] « Le jeune homme se mit à soupirer en frappant du pied et en baisant une jolie main et un bras nu qu’elle lui tendait. […] « Comme ça commençait à devenir par trop tendre, cela m’ennuya, et je me mis à froncer le sourcil ; je lui avais parlé d’un air gai pour ne pas m’affaiblir ; mais je n’y tenais plus : — Enfin, suffit, lui dis-je, entre braves gens on s’entend de reste. […] « J’approchai mon cheval de la charrette, et je lui tendis la main ; elle me donna la sienne machinalement, et en souriant avec beaucoup de douceur. […] Je vous tends la main d’ici-bas, tendez-moi la vôtre de là-haut.
Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit. […] » Revenons à Cowper, sans nous dissimuler toutefois qu’il n’eût point peut-être réussi à exprimer si au vif la poésie des situations tranquilles que l’habitude rend insensibles à la plupart, s’il n’avait eu, lui aussi, ses orages intérieurs étranges et ses bouleversements profonds. Le livre sixième de La Tâche débute par un morceau célèbre, et en effet délicieux : Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. […] Tout le monde connaît en Angleterre sa pièce à Mme Unwin, malade et infirme, intitulée À Marie, et quoique je vienne de dire que je ne citerai plus rien de Cowper, je ne puis m’empêcher de donner quelques strophes ou plutôt quelques versets de cette tendre et incomparable plainte, écrite avec des larmes. […] On n’a jamais lutté avec plus de constance et de suite qu’il ne l’a fait contre une folie aussi présente et persistante, « une des plus furieuses tempêtes, disait-il, qui ait été déchaînée sur une âme humaine, et qui ait jamais bouleversé la navigation d’un matelot chrétien. » Une de ses dernières pièces de vers, intitulée Le Rejeté, est la peinture d’un matelot tombé en pleine mer pendant le voyage de l’amiral Anson, et s’efforçant de suivre à la nage le vaisseau d’où ses compagnons lui tendent en vain des câbles, et qu’emporte la tempête : il y voyait une image lugubre de sa destinée.