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21. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Selon moi, les variétés ou espèces naissantes, ainsi produites, sont plus tard converties en espèces nouvelles bien distinctes, qui, en vertu du principe d’hérédité, tendent à devenir à leur tour autant d’espèces dominantes. Conséquemment, les groupes aujourd’hui considérables, et qui, en général, comprennent beaucoup d’espèces dominantes, tendent à continuer encore à s’accroître en puissance et en nombre. […] Les groupes les plus nombreux et les plus dominants de chaque classe tendent ainsi à s’accroître de plus en plus en nombre, et, conséquemment, à supplanter beaucoup de groupes plus petits et plus faibles. […] J’ai déjà fait observer, dans le premier chapitre, qu’il est fort probable que toute variation tend à se manifester dans la postérité de parents variables, au même âge où elle s’est produite chez ces derniers. […] Cependant chez les êtres vivants il résulte de la grande loi d’hérédité, qui tend à perpétuer les caractères acquis, un parallélisme presque parfait des deux éléments hostiles de toute classification.

22. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Tout mouvement, même de l’ordre purement physique, est déjà un effort ; toute force, si simple qu’elle soit, tend à une fin en vertu d’une activité spontanée. […] Or toute force qui tend à une fin déterminée, toute cause qui obéit à une raison, à la raison du bien, n’a-t-elle point en elle quelque chose de la cause qui pense et qui veut ? Si l’instinct est une sorte de volonté inconsciente en ce qu’il tend spontanément à une fin, toute espèce de mouvement ne peut-elle pas être dite volontaire au même titre ? […] Toute âme religieuse aspire à l’union avec Dieu et tend à l’absorption de sa personnalité dans la nature divine. […] Combien nos cœurs seront-ils plus grands, plus tendres et plus généreux !

23. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Ils faisoient de cette vie une anticipation de l’autre, une extase sans réveil, une jouissance continuelle de bonheur pour les ames tendres & pieuses. […] Ses aumônes considérables, son éloquence naturelle, les charmes de sa figure, gagnèrent les imaginations tendres & flexibles. […] Mais ces accusations parurent, dans la suite, très-injustes, malgré tout ce qui déposoit contr’eux ; malgré des lettres interceptées, où le langage de l’amour étoit traité de la manière la plus tendre & la plus vive ; malgré l’exposition d’une morale qui présente sans cesse à l’imagination des images indécentes, des idées de lubricité. […] » Que ces paroles devoient faire une impression profonde dans le cœur tendre & vertueux de l’auteur de Télémaque, lui dont l’imagination s’embrasoit par l’idée de la candeur & de la vertu, comme celle des autres s’enflamme par les passions ! […] La lecture en parut édifiante, & propre à une dévotion tendre.

24. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Le tendre et délicat poète s’est éteint, il y a un an, le 13 juillet 1859. […] Vaine étincelle échappée à la cendre, Mon sort qui brille égarerait vos pas. » Il parle ainsi, lui que j’ai cru si tendre ! […] Un ami poète, qui l’avait souvent entourée de ses soins, mais dont l’absence s’était fait remarquer un jour, dans un des deuils trop fréquents qui enveloppèrent ses dernières années, devint l’occasion, l’objet de ce cordial et vibrant appel : La voix d’un ami Si tu n’as pas perdu cette voix grave et tendre Qui promenait ton âme au chemin des éclairs Ou s’écoulait limpide avec les ruisseaux clairs, Éveille un peu ta voix que je voudrais entendre. […] et presque heureuse, Colombe aux plumes d’or, femme aux tendres douleurs ; Elle meurt tout à coup d’elle-même peureuse, Et, douce, elle s’enferme au linceul de ses fleurs. […] La seconde fille de Mme Desbordes-Valmore, poète également si l’on peut appeler de ce nom la sensibilité elle-même, avait plutôt en elle la faculté de souffrir de sa mère, cette faculté isolée, développée encore et aiguisée à un degré effrayant ; pauvre enfant inquiet, irritable, malade sans cause visible, elle se consumait, elle se mourait lentement, et par cela seul qu’elle se croyait moins regardée et favorisée, moins aimée ; devenue l’objet d’une sollicitude continuelle et sans partage (car elle était restée seule au nid maternel), rien ne pouvait la rassurer ni apprivoiser sa crainte, et la plus tendre chanson de sa mère ne faisait que bercer son tourment sans jamais réussir à l’apaiser ni à l’endormir : Inès Je ne dis rien de toi, toi la plus enfermée.

25. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Placé à l’entrée de nos deux principaux siècles littéraires, il leur tourne le dos et regarde le seizième ; il y tend la main aux aïeux gaulois, à Montaigne, à Ronsard, à Rabelais, de même qu’André Chénier, jeté à l’issue de ces deux mêmes siècles classiques, tend déjà les bras au nôtre, et semble le frère aîné des poètes nouveaux. […] Sa sensibilité est vive et tendre ; mais, tout en s’attristant à l’aspect de la mort, il ne s’élève pas au-dessus des croyances de Tibulle et d’Horace : Aujourd’hui qu’au tombeau je suis prêt à descendre, Mes amis, dans vos mains je dépose ma cendre. […] Dans l’éternel concert je me place avec eux ; En moi leurs doubles lois agissent et respirent ; Je sens tendre vers eux mon globe qu’ils attirent : Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour. […] Comme son ïambe vengeur nous montrera d’un vers à l’autre les enfants, les vierges aux belles couleurs qui venaient de parer et de baiser l’agneau, le mangeant s’il est tendre, et passera des fleurs et des rubans de la fête aux crocs sanglants du charnier populaire ! […] Or il arrive que chacun d’eux possède précisément une des principales qualités qu’on regrette chez l’autre : celui-ci, la tournure d’esprit rêveuse et les extases choisies ; celui-là, le sentiment profond et l’expression vivante de la réalité : comparés avec intelligence, rapprochés avec art, ils tendent ainsi à se compléter réciproquement.

26. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Il est inutile d’exposer que la naissance d’attractions littéraires ou le dévouement à des causes communes, coïncide avec le relâchement des liens de clan, de cité, de nation, de famille ; que les arts aussi bien que l’humanitarisme tendent à favoriser le cosmopolitisme, et qu’ainsi les liens d’une admiration ou d’une entreprise générale remplacent en un sens ceux du sang. Mais il sera intéressant de remarquer que même l’adhésion à un héros (l’admiration active) et l’adhésion à un livre (l’admiration passive)eo coexistent rarement et tendent à se remplacer, à s’exclure, en vertu du fait que toutes deux mettent en mouvement le même mécanisme psychologique avec des résultats différents. […] D’autre part, l’excitation factice habituelle d’un certain groupe de sentiments tels que la pitié, le dédain, l’enthousiasme, la rêverie, doit comme tout exercice de toute faculté, tendre à augmenter la force de ce groupe de sentiments, à détruire l’équilibre mental précédent et à altérer la conduite dans le sens de l’une de ces inclinations. Or, comme l’art préfère en général jouer des passions les plus fortes de l’âme humaine, qui sont les instinctives, les primitives, il tend à maintenir l’homme dans la pratique de ces inclinations ataviques, et s’oppose ainsi dans une mesure assez forte, croyons-nous, au progrès moral, au développement de tendances nouvelles mieux en relation avec l’état social actuel. […] Ceux-ci distingueront entre les ouvrages qui tendent à suggérer des sentiments qui doivent décroître, s’il faut que la race ou l’Etat vive, et ceux qui contribuent au contraire à rendre l’homme plus sain, plus joyeux, plus moral, plus noble.

27. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Alors, s’il vient à être subitement soustrait à la cause excitante, il tend à regagner son état normal par une marche analogue à celle d’un ressort qui, écarté de sa l’orme d’équilibre, revient à cette forme par des oscillations décroissantes, en vertu desquelles il la dépasse alternativement en deux sens opposés… De là des phases dont les unes sont de la même nature que la sensation primitive et peuvent être appelées les phases positives, tandis que les unes sont de nature contraire et peuvent être appelées négatives. » Or, suivant M.  […] De même que dans les expériences de Plateau les états successifs d’un organe sensitif tendent au repos par une suite de phases alternatives, de même nous voyons l’esprit tendre à l’équilibre perdu par des mouvements oscillants entre le passé et le présent. […] Rien ne ressemble là à un ressort tendu qui, pour revenir à l’état d’équilibre, parcourt un va-et-vient de mouvements contraires.

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