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658. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

à tout propos, les vers sublimes du poète : « Un soupir pour ceux qui m’aiment, un sourire pour ceux qui me haïssent, et, quel que soit le ciel au-dessus de ma tête, un cœur prêt pour tous les destins !  […] le byronien s’est brisé tout à coup, et le biblique, le Juif à la tête dure qu’il y a toujours plus ou moins au fond de tout Anglais, a disparu entièrement pour faire place au chrétien qui se trouve si peu dans l’imagination anglaise ; car, après tout, le génie du chrétien, c’est l’humilité ! […] L’homme qu’il a offensé (le frère de sa bien-aimée) le soufflette avec son gant, et, quoiqu’il soit à l’heure de mourir, le Samson anglais n’a pas la tête tondue par Dalila, ni les yeux crevés par les Philistins.

659. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il lui surgira un Heine, un Yorick, un bouffon quelconque, qui lui jettera sa pelletée de plaisanteries sur la tête, et c’en sera pour jamais ! […] Perdu dans l’abstraction où ils se perdent tous, il a dédaigné de regarder cette tête de l’homme, qui s’est déformé en tombant et dont les facultés, devenues inaptes à saisir la vérité d’une prise souveraine, ne font plus pour la prendre que de gauches mouvements. […] Tout de même qu’on est parfois métaphysicien malgré soi, en raison d’une conformation spéciale de la tête, et tout en sachant très bien que la métaphysique est l’agitation instinctive et réfléchie de problèmes qui n’ont pas toutes leurs solutions dans ce monde, tout de même il y a des esprits qui, de conformation naturelle, réfléchissent les métaphysiques qu’ils n’ont pas créées, et, pour nous servir d’une expression hégélienne, qui repensent la pensée des autres.

660. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury s’est cru tenu d’exagérer et de pousser au noir, comme disent les peintres, la tête rayonnante de notre Dieu, ne se contentant pas d’en faire platement un homme, comme M.  […] Je ne crois pas que la débilité d’une tête pensante puisse descendre plus bas que dans ces ineptes aveux… M.  […] Ce qu’on entend maintenant, ce qu’il est impossible de ne pas entendre, c’est la grande voix de la Société moderne tout entière, qui passe de bien haut par-dessus cette tête de Soury, et qui, si elle ne dit pas les mêmes choses, identiquement les mêmes choses, — car chacun a sa spécialité d’injures quand il s’agit d’insulter le Christianisme, — dit des extravagances et des impiétés équivalentes, et, dans tous les cas, est disposée à tout entendre, à tout applaudir et à tout accepter.

661. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Mais en ce beau pays de France, qui est très lâche en littérature, on prit peur de ce mot « d’arabesques » qui pouvait déconcerter les petites têtes françaises et tromper leur besoin de petite clarté… et on le ratura pour le remplacer par le mot « d’extraordinaires », bête comme une affiche de théâtre, un jour de solennelle représentation ! […] Seulement, cette inégalité, qui est le pied d’argile de la tête d’or, et qui existe entre ces Contes, différents de sujet, n’existe plus dans ceux-là qui l’emportent nettement sur les autres… Ici, le talent de l’auteur ne défaille pas une seule fois, et il y plane au niveau de lui-même, toujours ! […] Le dénouement de cette sacrilège passion de l’idolâtre, qui meurt étranglé par un chien (le chien qu’il veut vendre pour quelques sous de plus), en criant, sous les morsures de la gueule implacable, ce nom de Dieu qu’il avait oublié, dont les quatre lettres servaient à ouvrir le mécanisme de son coffre-fort, et qu’il se rappelle tout à coup, en mourant au pied de ce coffre-fort, qui ne s’ouvrira plus, est une invention digne de la tête à combinaison d’Edgar Poe.

662. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Jeune, vingt-trois ans à peine, l’âge à peu près de lord Byron quand il publia ses Heures de loisir, l’auteur du livre que voici nous le jette à la tête comme un défi, avec des airs qu’assurément lord Byron n’avait pas quand il débuta. […] C’est ainsi que pourrait l’être, et que l’a été à plusieurs places de son poème, l’auteur du Poème humain,  qui nous invente une mythologie de l’avenir tout aussi fausse que les mythologies du passé, mais moins facile à trouver, car, ainsi que l’auteur des Métamorphoses, il ne l’avait pas sous la main et il l’a cherchée dans sa tête. […] marchant englouti jusque par-dessus la tête dans les moissons levées d’idées fausses qui couvrent — épis de révolte !

663. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

… Paul de Musset, qui n’a pas trois têtes dans son bonnet, n’aurait pas été plus frère dans trois vies que dans une, et c’est seulement son titre de frère que voulaient, pour la satisfaction de leur curiosité et leur boutique, le public et les éditeurs. […] Dernièrement, madame de Surville, la sœur de Balzac, a dit son petit mot de sœur, escompté par les éditeurs de son frère, à la tête de la vraie vie de Balzac, racontée par lui-même (et qui suffisait), dans sa sublime Correspondance. […] Il fallait nous peindre, avec le noir de ses meurtrissures, la tête radieuse si prématurément meurtrie, au lieu de ce gracieux profil fuyant, qui fuit trop… Ce n’est là ni l’Alfred de Musset de nos curiosités, ni celui de nos rêves, ni même celui de nos souvenirs.

664. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

José-Maria de Heredia a placé à la tête de sa traduction deux tableaux historiques qui lui appartiennent en propre : le tableau de l’Espagne de 1513 à 1514, et celui de la jeunesse de Cortez ; et ces deux tableaux introduisent et classent très haut leur auteur dans la littérature historique de ce temps. […] S’ils sont vraiment grands, ils sont solitaires et ne relèvent que d’eux… Malheureusement, Heredia relevait un peu trop, comme tous les Parnassiens, du reste, de ce lapidaire d’Emaux et Camées qui, pour nous avoir jeté, si l’on veut, des diamants à la tête, ne nous en pas moins lapidés ! […] Il a fleuri pour moi, dans ma tête, comme un cactus qui déchire avec éruption son enveloppe.

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