La tête de ce corps est l’Empereur, et dans ce qui concerne les intérêts communs de l’Empire il se gouverne aristocratiquement.
Voici, dans les pages qui vont suivre, les observations qu’il pourrait leur opposer ; voici sa fronde et sa pierre ; mais d’autres, s’ils veulent, les jetteront à la tête des Goliaths classiques. […] Certes, celui qui a dit : les français n’ont pas la tête épique, a dit une chose juste et fine ; si même il eût dit les modernes, le mot spirituel eût été un mot profond. […] Ainsi, les précédents ouvrages d’un homme de génie toujours préférés aux nouveaux, afin de prouver qu’il descend au lieu de monter, Mélite et la Galerie du Palais mis au-dessus du Cid ; puis les noms de ceux qui sont morts toujours jetés à la tête de ceux qui vivent : Corneille lapidé avec Tasso et Guarini (Guarini !) […] Que si nous avions le droit de dire quel pourrait être, à notre gré, le style du drame, nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche ; passant d’une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque ; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large et vrai ; sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d’alexandrin ; plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille ; fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d’élégance et de facture ; prenant, comme Protée, mille formes sans changer de type et de caractère, fuyant la tirade ; se jouant dans le dialogue ; se cachant toujours derrière le personnage ; s’occupant avant tout d’être à sa place, et lorsqu’il lui adviendrait d’être beau, n’étant beau en quelque sorte que par hasard, malgré lui et sans le savoir ; lyrique, épique, dramatique, selon le besoin ; pouvant parcourir toute la gamme poétique, aller de haut en bas, des idées les plus élevées aux plus vulgaires, des plus bouffonnes aux plus graves, des plus extérieures aux plus abstraites, sans jamais sortir des limites d’une scène parlée ; en un mot, tel que le ferait l’homme qu’une fée aurait doué de l’âme de Corneille et de la tête de Molière. […] Certes, si l’on veut autre chose que ces tragédies dans lesquelles un ou deux personnages, types abstraits d’une idée purement métaphysique, se promènent solennellement sur un fond sans profondeur, à peine occupé par quelques têtes de confidents, pâles contre-calques des héros, chargés de remplir les vides d’une action simple, uniforme et monocorde ; si l’on s’ennuie de cela, ce n’est pas trop d’une soirée entière pour dérouler un peu largement tout un homme d’élite, toute une époque de crise ; l’un avec son caractère, son génie qui s’accouple à son caractère, ses croyances qui les dominent tous deux, ses passions qui viennent déranger ses croyances, son caractère et son génie, ses goûts qui déteignent sur ses passions, ses habitudes qui disciplinent ses goûts, musclent ses passions, et ce cortège innombrable d’hommes de tout échantillon que ces divers agents font tourbillonner autour de lui ; l’autre, avec ses mœurs, ses lois, ses modes, son esprit, ses lumières, ses superstitions, ses événements, et son peuple que toutes ces causes premières pétrissent tour à tour comme une cire molle.
Or, nous ne savons pas qu’on pût mettre à la tête de cette histoire un nom d’historien plus populaire et plus à la hauteur que le nom d’Eugène Sue le romancier. » Oh ! […] Une fois passé à l’état de mystère, le père de la Chouette, de Tortillard et de la Goualeuse, et de tant d’autres charmantes créations, se serait vu entouré d’une prestigieuse auréole, dont les plus entêtés critiques n’auraient osé nier l’éclat… Malheureusement, les hommes entourés de la faveur publique ne consentent jamais à se tirer un coup de pistolet, même par-dessus la tête. […] Engagée à la poursuite de son idéal qui fuit toujours devant elle, comme Ithaque devant Ulysse, elle donne tête baissée sur les écueils de la réalité, et tantôt se relève comme Ajax, superbe et blasphémant, pour reprendre sa course, et tantôt pleure et gémit comme une femme, et se roule si elle ne peut plus marcher. […] Buloz a été non pas élu, mais choisi entre tous pour accomplir l’œuvre qu’il accomplit ; c’est une de ces anomalies comme notre époque seule en présente, et un jour ou se dira comme une des choses les plus curieuses qu’ait enfantées le chaos dans lequel nous vivons, qu’il y a eu un petit-fils de Louis XIV et un successeur de Colbert qui ont mis à la tête de l’art dramatique en France, un homme qui ne savait pas que Cinna fût de Corneille. […] Hugo apparaît à l’Académie après quinze ans de la plus curieuse lutte intellectuelle qui se puisse voir, et à la tête d’une œuvre littéraire qui se déroule sous trois faces : la poésie, le roman et le drame, toutes trois faces pareillement développées, pareillement fécondes.
Cette idée, de derrière la tête pourrait-on dire, est celle-ci (bien que lui-même puisse intellectuellement le contester) : « Il y a une esthétique, de même qu’il y a une science. […] Seulement, pour les lui découvrir et pour les exalter, il faudra plus de prestige et plus d’autorité que nous n’en avons, Car la production poétique de nos jours est tout au plus bonne à faciliter les rapports matrimoniaux, à faire tourner la tête aux vieilles filles ou à chauffer l’imagination des collégiens sentimentaux et pubescents. […] Mais il est certain que l’œuvre ne sort pas d’un seul coup, miraculeusement, du cerveau du poète, comme Pallas Athéné, casquée et armée de la tête de Zeus. […] Adolphe Lacuzon, dont je citais les belles paroles en tête de cet article, la mission principale de la poésie devrait être de rappeler aux hommes ces problèmes essentiels. […] La cité en flammes s’effondre sur nos têtes.
Cette tête ne renonça point à son génie facilement ; elle ne s’avoua vaincue, en somme, qu’après avoir tout essayé. […] Elle tourna la tête d’un vieux marquis en porcelaine de Saxe, dont elle apprécia la distinction parfaite. […] Elle était férue de cette littérature troublante : cette littérature lui a tourné la tête. […] Les autres ne savaient pas qu’il eût en réserve, dans sa tête, une belle idée qui, plus tard, fleurirait et serait féconde. […] De retour à Caen, il vérifia les résultats à tête reposée, « pour l’acquit de sa conscience ».
Ce n’est pas non plus cette sensibilité factice, toute de tête et non de cœur, dont le langage est plein d’une afféterie doucereuse, qui n’inspire que de fades madrigaux, et qui toujours s’extasie à froid dans les jours de fête et pour de frivoles galanteries. […] Lavaquerie, premier président, suivi de plusieurs conseillers, revêtu comme eux de la robe magistrale, s’avance à leur tête, et veut porter leur remontrance au roi. « Que voulez-vous de moi ? […] Le peuple se révolte, et sauve le prince qu’il aime : Venceslas, blessé dans son autorité par la rébellion, et charmé de lui devoir la vie de son fils, dépose la couronne sur sa tête, en lui disant : Soyez roi, Ladislas, et moi, je serai père. […] Il compare la tête humaine à une citadelle ; le cou à un isthme ; les vertèbres à des gonds ; les pores de la peau à des rues étroites ; la rate est, dit-il, la cuisine des intestins, et ainsi de suite. […] Ce manque de proportion est l’indice qu’il n’eut pas de plan fixe, et qu’une juste ordonnance des matières n’était pas antérieurement dans sa tête.
Gabriel Naudé est qualifié Parisien, en tête de ses livres, selon la vieille mode, Parisien comme Charron, comme Villon. […] Dans une lettre de Rome, Janus Erythreus, c’est-à-dire Rossi, parlant d’un dernier voyage qu’y fit Naudé en 1643, pendant lequel le bibliothécaire infatigable achetait des livres à la toise pour le cardinal Mazarin et vidait tous les magasins de bouquinistes, nous le représente, au sortir de ces coups de main, tout poudreux lui-même de la tête aux pieds, tout rempli de toiles d’araignées à sa barbe, à ses cheveux, à ses habits, tellement que ni brosses ni époussettes semblaient n’y pouvoir suffire. […] Feuilletez ceux que je vous nomme, et vous me direz si vous ne découvrez pas visiblement, dans leurs mots et dans leurs pensées, des esprits verts quoique ridés, des voix sonores et cassées, l’autorité des cheveux blancs, enfin des têtes de vieillards. […] C’est peut-être parce que Richelieu a fait tomber la tête du duc de Montmorency, qu’il a été plus loisible à tel bon bourgeois de vivre honnête homme en sa rue Saint-Denis. […] Mais Naudé, en pressant, en poussant, en harcelant, enveloppait si bien son homme, qu’il obtenait de lui un prix dont ensuite l’honnête marchand, à tête reposée, ne manquait pas de se repentir ; car il y aurait eu souvent plus de profit pour lui à vendre ses volumes au poids à l’épicier ou à la marchande de beurre.