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214. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les systèmes métaphysiques et politiques de Platon ont bien moins contribué à sa gloire, que la beauté de son langage et la noblesse de son style. […] Les Grecs se sont livrés avec folie à la recherche des différents systèmes du monde. […] Aristote cependant, qui vécut dans le troisième siècle grec, par conséquent dans le siècle supérieur pour la pensée aux deux précédents, Aristote a mis l’esprit d’observation à la place de l’esprit de système ; et cette différence suffit pour assurer sa gloire.

215. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

La première de ces vérités, c’est qu’il n’y a point de canon unique de la beauté, de la perfection littéraire, et qu’il faut presque autant de mesures et de balances qu’il y a d’œuvres à mesurer et à peser, bien loin qu’une seule littérature puisse imposer son système à toutes les autres. […] Mais l’artiste crée tout, sa méthode, sa matière et son œuvre, et l’auteur d’un système philosophique est comme l’artiste. […] L’école historique ayant fait de la critique une science, tout le monde peut sans art et sans génie, faire avec du travail un bon livre, intéressant et utile, dans le système de cette école.

216. (1890) L’avenir de la science « I »

Un système de philosophie vaut un poème, un poème vaut une découverte scientifique, une vie de science vaut une vie de vertu. […] Que ce soit là une nécessité de l’état actuel de l’esprit humain, nul ne peut songer à le nier ; il faut toutefois reconnaître qu’un tel système de vie, bien qu’excusé par sa nécessité, est contraire à la dignité humaine et à la perfection de l’individu. […] Le fait est que les gens du monde n’ont jamais, ce me semble, un système de vie bien arrêté, et ne peuvent dire précisément ce qui est principal, ce qui est accessoire, ce qui est fin, ce qui est moyen.

217. (1890) L’avenir de la science « IX »

Si nous concevons que l’esprit humain, dans sa légitime impatience et sa naïve présomption, ait cru pouvoir, dès ses premiers essais et en quelques pages, tracer le système de l’univers, les patientes investigations de la science moderne, les innombrables ramifications des problèmes, les bornes des recherches reculant avec celles des découvertes, l’infinité des choses en un mot, nous font croire volontiers que le tableau du monde devrait être infini comme le monde lui-même. […] Si le but de la philosophie est la vérité sur le système général des choses, comment serait-elle indifférente à la science de l’univers ? […] Cela doit même être admis dans les idées du théisme ancien, puisque, suivant cette manière de concevoir le système des choses, Dieu est regardé comme ne créant plus dans le temps, mais ayant tout créé à l’origine.

218. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

… Le livre d’aujourd’hui est divisé en deux parties : la première est l’histoire discursive et critique des philosophes antérieurs et contemporains et de leurs systèmes, Descartes, Mallebranche, Spinosa, Newton, Leibnitz, Kant, Fichte, Schelling et Hegel, et dans un temps où la philosophie n’est plus que l’histoire de la philosophie, cette partie du livre, dans laquelle il y a l’habitude des matières traitées qui singe assez bien le talent, se recommande par l’intérêt d’une discussion menée grand train et avec aisance ; mais d’importance de sujet, elle est bien inférieure à cette seconde partie où l’esprit s’attend à trouver contre toutes les erreurs et les extravagances signalées par l’auteur dans toutes les philosophies, un boulevard doctrinal solide, et s’achoppe assez tristement contre ces infiniment petits philosophiques : — le déisme de la psychologie et ses conséquences inductives et probables, ce déisme dont Bossuet disait, avec la péremptoire autorité de sa parole, « qu’il n’est qu’un athéisme déguisé !  […] Saisset, qui n’a jamais été une de ces supériorités qui ont, de génie, le droit de haute et basse justice sur les systèmes couverts du porte-respect des grands noms, M.  […] Il est inférieur aussi, après avoir conclu au particulier dans chacune de ces biographies intellectuelles, de n’avoir pas su conclure au général, et après avoir fait passer philosophes et systèmes par le creuset de l’analyse, de n’avoir pas jaugé d’un dernier regard la puissance en soi de la philosophie !

219. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Ils ne tuèrent sous eux aucun système, et ils passèrent leur temps et leur jeunesse à faire sur la pensée et les systèmes des autres le petit travail critique que fait sur lui-même le pauvre enfant de Murillo dont je veux leur épargner le nom ! […] L’ennui n’est pas une garantie, et n’avoir pas de talent du tout en voulant qu’il n’y ait plus du tout de religion, est un moyen d’agir sur la reconnaissance des hommes, et c’est la seule chose d’esprit peut-être dont on puisse, dans son système, louer M. 

220. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

qu’est-ce que Hobbes, l’enfant robuste de son système ? […] L’erreur, l’adroite erreur de l’auteur des Progrès de la philosophie politique, est d’avoir confondu avec les philosophes les hommes qui ont développé et appliqué à leur façon les idées et les enseignements de l’Église, mais ces hommes, nous les réclamons ; ils n’appartiennent pas à son système. […] De pareils hommes ne peuvent s’atteler, ni de gré ni de force, au joug d’un système qui regarde comme un progrès l’esprit politique du dix-huitième siècle, et qui le glorifie dans ce Quinze-Vingt de sa propre pensée, laissé par le dédain de Bonaparte, accroupi dans les ténèbres de sa constitution impossible, — l’abbé Sieyès.

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