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488. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Il montre, dans ces grandes perturbations financières, la souffrance frappant surtout et d’abord les artisans des villes, et il en suit les conséquences dans les diverses classes de la société telle qu’elle était constituée alors : La souffrance gagne toutes les classes de citoyens par une espèce d’ondulation, jusqu’à ce que l’État ait repris un peu de consistance. […] En parlant ainsi, Duclos songeait surtout à la probité et à l’honneur qu’il aurait pu perdre dans les mauvaises compagnies qu’il fréquenta ; il oubliait ou ne comptait pour rien la pudeur, qu’il n’eut jamais. […] Duclos retourne donc à Paris, toujours en qualité d’étudiant en droit, et se met en pension chez un avocat au Conseil ; mais surtout il hante les cafés et voit les gens de lettres. […] Boindin surtout, original qui faisait l’athée, y tenait le dé : Duclos crut s’illustrer en lui rompant en visière et en brisant des lances avec lui. […] Deux grands hommes du siècle, Montesquieu et Buffon, ce dernier surtout, furent aussi très libertins dans leur jeunesse et depuis ; mais l’un et l’autre avaient ce que Duclos ne soupçonnait pas, un idéal : il y avait une partie élevée d’eux-mêmes qui dominait les orages des sens et qui ne s’y laissa jamais submerger.

489. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Ce fut le motif ou le prétexte ; mais surtout il aimait le changement, la nouveauté, et, par conséquent, voyager pour voyager. […] Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] Il n’était pas de l’avis de ceux qui disent : Les voyages sont beaux, surtout quand ils sont faits. […] C’est que c’est d’abord l’homme ennuyé et qui se fuit lui-même, puis c’est l’artiste surtout qui voyage en la personne de Chateaubriand : chez Montaigne, c’est le curieux amusé de la vie, et qui dépense la sienne sans compter. […] L’air de Rome lui allait ; il le trouvait « très plaisant et sain. » Surtout il ne s’y ennuyait pas un seul instant : « Je n’ai rien, disait-il, si ennemi à ma santé que l’ennui et oisiveté : là j’avais toujours quelque occupation, sinon si plaisante que j’eusse pu désirer, au moins suffisante à me désennuyer », Et il les énumère : à défaut d’antiquités, aller voir les Vignes « qui sont des jardins et lieux de plaisir de beauté singulière, où j’ai appris, ajoute-t-il, combien l’art se pouvait servir bien à point d’un lieu bossu, montueux et inégal » à d’autres jours, à défaut de promenades, aller entendre des sermons, des thèses, ou faire la conversation chez les dames : il mêle tout cela.

490. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

On a fait, dans un temps voisin du nôtre, presque un crime à Macpherson et surtout à Chatterton de quelques supercheries littéraires qui ne leur auraient valu que des compliments et des éloges en un autre temps. […] Quelle bonne fortune qu’une telle excursion, pour un jeune homme curieux et avide de merveilles comme on l’est en tout temps, comme on l’était surtout alors ! […] Apulée cependant, ne le surfaisons pas, est surtout un écrivain de style et à qui il n’est pas indifférent de faire montre de son talent. […] Tel est, avec Pétrone, le seul romancier latin que nous possédions. — Le genre du roman a donc son passé, et un assez beau passé sans doute, si surtout on le fait remonter jusqu’à l’Odyssée ; il a encore plus d’avenir. […] Quand un romancier nous a donné une telle histoire que Psyché, on n’est guère en droit de lui faire de querelle ; on lui passe beaucoup et on le remercie, surtout quand il y a joint tout auprès tant d’historiettes familières et piquantes qui n’ont nullement besoin qu’on leur pardonne.

491. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Mais enfin abondance de preuves ne nuit pas, surtout quand elles sont d’un genre, nouveau, imprévu, et qu’elles se produisent en un langage que chacun comprend à l’égal au moins de celui du dessin et des images : je veux parler des preuves écrites et littéraires. […] Ces petits amours sont des oiseaux fort farouches ; les grands mots surtout leur font peur. » En général, Michel se fait peu d’illusion sur les femmes ; il sait la vie, il sait ce que valent la plupart du temps ces grandes défenses : « La parole chez les femmes est toujours un mensonge convenu ; on peut facilement la mal traduire et se tromper de ruse. » Mais ici ce n’est pas le cas. […] l’on ne voudrait pas surtout que le monde prît rien à votre amour ni qu’il lui donnât rien ; que le cher enfant ne vous apportât rien le soir des dégoûts, des ennuis du jour ; qu’il ne fût ni dandy, ni bourgeois, ni goujat, ni vilain, ni gentilhomme, rien de commun ! […] que j’aurais aimé à souffler sur ton front, entre deux baisers, cette puissance de tout voir sans éblouissement ; j’aurais voulu te faire regarder tout en face ; j’aurais surtout aimé à te voir sourire dédaigneusement au nez de tous ces valets de l’intelligence qui vont, la livrée au cerveau, servant chacun quelque chose à tout le monde, — Pierre une philosophie, — Paul un scepticisme, — celui-ci une croyance, celui-là un blason ; un autre ne portant rien, ou seulement portant des gants jaunes… Je t’aurais montré : Ceci est un maçon, ceci est un marquis, mais ceci est un homme…    * « Nous aurions eu ensemble l’esprit de tout prendre et de laisser tout, même l’esprit, quand il serait devenu de trop entre nous. […] Il faut au moins s’entrevoir… « Vous allez voyager, il est tout simple de vous dire que vous penserez quelquefois à moi ; pensez-y surtout quand le soir viendra et que la voiture montera lentement une côte ; imaginez que je suis auprès de vous et que nous ne sommes pas seuls, mais que j’ai pris votre main sous votre mantelet.

492. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

C’était le cas surtout pour les critiques d’art qui écrivaient sous la Restauration. […] Heine lui plaît surtout par sa fantaisie dégagée de tout lieu commun. […] La première partie du roman surtout est en ce genre un chef-d’œuvre ; c’est le classique du romantique. […] Ce sentiment se prononce surtout lorsque Sigognac, honteux d’être à charge à ses tristes compagnons sans leur rendre aucun service, et les voyant en peine et tout désemparés depuis la perte du pauvre Matamore, s’offre à le remplacer lui-même, à mettre de côté sa véritable épée, et, sous le nom grotesque de Capitaine Fracasse, qui sera désormais le sien, à faire son rôle sur les tréteaux, en attendant fortune meilleure : un regard d’Isabelle l’en récompense. […] Je laisse la série des aventures ; elles se multiplient surtout et se compliquent après l’arrivée à Paris.

493. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

On a surtout, au centre du beau monde, entre la Cour et la ville, l’hôtel de Rambouillet qui est comme une académie d’honneur, de vertu et de belle galanterie, et qui institue le règne des femmes dans les Lettres ; on a, grâce à Richelieu, l’Académie française qui, sans rien produire ou presque rien en tant que compagnie, prépare sans cesse à huis clos, agit sur ses propres membres et dirige l’attention des lettrés sur les questions de langue et de bonne élocution. Il n’y avait point, à cette heure, d’arbitre unique et souverain du langage et du goût, comme l’avait été précédemment Malherbe, comme le sera plus tard Boileau : on avait seulement la monnaie de ce dictateur littéraire dans les premiers académiciens, Sérisay, Cérisy, Conrart, d’Ablancourt, Chapelain surtout, « homme d’an très-grand poids !  […] J’y ai retrouvé bien d’agréables et de curieux détails, de piquantes anecdotes de langue, et surtout la fidèle image de cet état de croissance dernière où l’on sentait la perfection venir de jour en jour et s’achever comme à vue d’œil. […] » Tallemant dit que ce fut Mme de Carignan « qui fit mourir ce pauvre M. de Vaugelas, à force de le tourmenter et de l’obliger à se tenir debout et découvert. » — Quand Vaugelas était à Paris, il allait tous les jours à l’hôtel de Rambouillet ; il y débitait des nouvelles « où il n’y avait aucune apparence, et il croyait quasi tout ce qu’il entendait dire. » Il était plein de candeur, surtout attentif aux formes du langage et aux mots bien plus qu’aux choses ; gentilhomme d’ailleurs de belle apparence, de bonne mine, fort dévot, civil et respectueux jusqu’à l’excès, particulièrement envers les dames ; craignant toujours d’offenser quelqu’un, circonspect dans les disputes ; — tout à son procès-verbal élégant et perpétuel. […] Faites comme les autres, surtout quand les autres font bien ; ne vous opiniâtrez pas de gaieté de cœur à quelques fautes qui paraissent comme une tache sur de beaux visages.

494. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Horace lui avait montré dans le bon sens, qui n’est en somme que le sens précis de la réalité, la qualité maîtresse du poète dramatique : mais surtout il lui avait fait concevoir quel art délicat, assortissant toutes les pièces d’une tragédie, donne à l’ouvrage une perfection charmante, dont l’agrément est infini. Chez Aristote, Boileau trouvait formulé ce grand principe de l’imitation de la nature, base commune de tous les arts, qui ne diffèrent que par le choix des objets, des moyens, et par le caractère de leur imitation : il est vrai que, ce principe posé, Aristote exposait surtout comment l’art transforme la nature, en vue de nous procurer le plaisir qui lui est propre. […] Mais le principal objet de Perrault, c’était la littérature ; et les sciences et les arts lui servaient surtout à fonder cette induction assez téméraire : puisqu’il y a progrès dans les arts « dont les secrets se peuvent calculer et mesurer », il faut donc aussi qu’il y en ait dans l’éloquence et dans la poésie, dont les éléments ne se laissent pas mesurer ni même, souvent, atteindre par le raisonnement. […] « Il y a dix fois plus d’invention dans Cyrus que dans l’Iliade. » Horace, les lyriques, la tragédie avec ses absurdes chœurs recevaient leur compte en passant : mais de Pindare surtout, il ne subsistait rien ; il n’y avait rien de plus ridicule que cet inintelligible poète, sinon ses forcenés adorateurs. […] Il s’épuisa à défendre ici une épithète, et là, une hyperbole, et surtout à laver ces deux sublimes poètes du reproche d’avoir employé des termes bas.

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