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287. (1894) Critique de combat

La fantaisie du poète suffit à fausser l’expérience. […] L’argot de Paris à la rescousse, si le français courant n’y suffit pas ! […] Il suffit de faire ressemblant pour qu’on aime l’homme et l’écrivain. […] Cela ne suffit pas encore. […] L’origine seule de ce jugement suffirait à le rendre suspect.

288. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Pour suivre les indications de l’instinct, point n’est besoin de percevoir des objets, il suffit de distinguer des propriétés. […] Il ne suffit plus, en effet, de déterminer, par une analyse conduite avec prudence, les catégories de la pensée, il s’agit de les engendrer. […] Maintenant, il suffit que je relâche mon attention, que je détende ce qu’il y avait en moi de tendu, pour que les sons, jusque-là noyés dans le sens, m’apparaissent distinctement, un à un, dans leur matérialité. Je n’ai rien à ajouter pour cela ; il suffit que je retranche quelque chose. […] Il ne suffisait pas d’établir que ce rapport entre les deux termes nous est suggéré, tout à la fois, par la conscience et par l’expérience sensible.

289. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Il suffit de quelques morceaux du genre de ceux que je viens de discuter, pour affirmer sans la moindre hésitation qu’ils appartiennent bien réellement à celui dont ils portent le nom. […] Ils suffisent pour montrer quelles étaient dans l’antiquité la pénétration et l’élégante délicatesse de la critique3 ». […] Il suffit aussi de la lire pour la comprendre parfaitement ; et si elle est supérieure sous les autres rapports, l’accessoire de la représentation ne lui est pas absolument indispensable. […] Bientôt la physiologie ne suffira pas plus que n’a suffi la psychologie ; et, en dédaignant d’étudier l’âme seule de l’homme, on sera bien près d’étudier l’âme du monde, et de tomber dans les abîmes où s’est égaré Timée, que l’on a critiqué avec tant de raison et de sévérité. […] Ces faits, précisément parce qu’ils appartiennent à l’âme, ne peuvent se suffire à eux-mêmes ; ce ne sont que les matériaux d’un plus noble édifice.

290. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Cela suffit pour que nous nous tenions pour avertis de la possibilité de semblables héritages. […] Un seul exemple suffira pour expliquer ce que j’entends par là. […] Un pareil fait suffit à prouver qu’un caractère quelconque, généralement considéré comme de valeur générique, peut diminuer de valeur et devenir seulement spécifique, ou même individuellement variable, sans que pour cela son importance physiologique ait changé. […] — Ce qu’on observe chez nos races domestiques suffit à prouver ces propositions. […] Après douze générations, la proportion du sang mêlé entre les deux lignes d’ancêtres est seulement de 1 à 2, 048 ; et cependant l’on admet généralement et l’on a constaté qu’il suffit de cette petite part de sang étranger pour qu’il se manifeste encore des tendances de réversion.

291. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Segrais, qui, avec Mme de Sévigné, suffit à faire connaître Mme de La Fayette, nous dit : « Trois mois après que Mme de La Fayette eut commencé d’apprendre le latin, elle en savoit déjà plus que M. […] Quant à Mlle de Scudéry, il suffit de lire Segrais, Huet et autres, pour voir quel cas on faisait de cette incomparable fille et de l’illustre Bassa, et du grand Cyrus, et de ses vers si naturels, si tendres, que dénigrait Despréaux, mais où il ne saurait mordre ; et ce que Segrais et Huet admiraient en de pareils termes devait n’être pas jugé plus sévèrement dans un monde dont ils étaient comme les derniers oracles. […] Il suffit de lire la jolie lettre : « Hé bien ! […] Bussy, qui, dans ses lettres à Mme de Sévigné, parle assez longuement de la Princesse de Clèves, ajoute avec cette incroyable fatuité qui gâtait tout : « Notre critique est de gens de qualité qui ont de l’esprit : celle qui est imprimée est plus exacte et plaisante en beaucoup d’endroits. » Pour venger Mme de La Fayette de quelques malignités de cet avantageux personnage, il suffit de citer de lui ce trait-là119. […] Même cette amitié si tendre avec Mme de Sévigné ne suffisait pas, elle le sentait bien : il y avait trop de partage.

292. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Du moment que, pour être un docteur renommé, il suffisait de raisonner sans faute sur des propositions acceptées sans contrôle, on pouvait se borner à entasser sans choix dans sa tête des textes problématiques, des faits douteux, des phrases vides. […] Si l’on désire voir la littérature réagissant à son tour sur l’éducation, il suffit de regarder ce qui se passa quand ce même moyen âge fut à l’agonie. […] Mais il ne suffit pas de considérer ce qui a été voulu par ceux qui enseignent et par le pouvoir auquel ils obéissent. […] Un seul grand écrivain du xviiie  siècle échappera à cette ignorance, et cela seul suffirait à colorer son talent d’une teinte particulière. […] Il suffit de considérer, pour s’en convaincre, les éditions successives du dictionnaire et surtout les dernières.

293. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Du milieu de cette foule de bonnes plaisanteries qui lui échappaient sans cesse, jaillissaient encore des réflexions fortes et profondes, que son bon goût avait soin de revêtir toujours d’une sorte de couleur féminine… » Sans trop m’arrêter sur cet ancien portrait de famille placé aux origines de notre sujet, et qui le domine du fond, sans prétendre non plus pénétrer dans le mystère de la transmission des esprits, ne semble-t-il donc pas, presque à la première vue, que de si amples et si vives qualités maternelles aient suffi à se partager dans sa descendance, et à y fructifier en divers sens, comme un riche héritage ? […] Dans l’histoire (à peu près impossible malheureusement) de la conversation en France, un trait suffirait à qualifier Mme de Rémusat, à lui faire sa part, et on peut se rapporter à ce qu’il signifie pour le mélange du sérieux et de la grâce : elle est peut-être la femme avec laquelle ont le mieux aimé causer Napoléon et M. de Talleyrand. […] La jeune servante, Marie, qui sert de messagère auprès du jeune homme, répond à quelques questions qu’il lui adresse, et ce peu suffit pour fixer l’imagination de l’amant, tout en l’excitant davantage. […] Il suffit de savoir résister à l’entraînement qui l’accompagne, car il y a bien aussi quelque sorte d’ivresse dans les plaisirs de l’esprit. » — La machination tramée par le ministre, et qui manque de briser l’existence des personnages qui lui restent le plus chers, ne fait que retarder de peu sa chute. […] La disposition générale à les supporter nous suffit.

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