Pourtant, par son jugement plein et sa ferme démarche d’esprit, par son style sain, grave et scrupuleux, et qui eut même son éclat d’emprunt, il mérite estime et souvenir comme tout ancien précepteur qui a été utile en son temps ; l’histoire littéraire lui doit de le placer toujours à la suite de Montaigne, comme à la suite de Pascal on met Nicole, — comme autrefois on mettait à côté de La Rochefoucauld M. […] À propos de certaines locutions de la langue française, à l’article faire croire ou faire accroire, Scipion Du Pleix, dans sa polémique contre les novateurs, disait : « Il me souvient que René Charron, Parisien (que j’ai connu familièrement en ma jeunesse, lui étant théologal à Condom), homme plus signalé par la pureté de son style que par celle de sa croyance, rejetait et condamnait ce verbe accroire et disait toujours faire croire. […] Tâchons comme lui de glisser doucement sur le fleuve du temps ; arrêtons-nous près des rives fleuries, et souvenons-nous pendant la tempête que le terme de notre course est aux îles Fortunées où meminisse juvabit.
Berger de Xivrey, et qui sont arrivées déjà jusqu’au tome VI, — si, dis-je, on entamait cette lecture dans une pensée d’agrément littéraire ; c’est avant tout un livre d’étude et une vaste source de renseignements pour l’histoire ; la grâce, la galanterie, la gentillesse d’esprit, qui se rattachent à bon droit au souvenir de Henri IV, n’y sont qu’incidentes et clairsemées. […] Bonnières est allé à Poitiers pour acheter des cordes de luth pour vous ; il sera à ce soir de retour… Mon cœur, souvenez-vous toujours de Petiot. […] Elle eut du moins ses heures brillantes, son lendemain de Coutras, et ce qui est mieux, puisqu’il ne s’y mêle point le souvenir d’une faute, elle inspira un jour à celui qui l’aimait la joie d’écrire cette page éclairée et durable sur Marans.
Je n’oublie pas que cet ouvrage a été l’objet d’un débat tout autre qu’un débat littéraire, mais je me souviens surtout des conclusions et de la sagesse des juges. […] Les adieux contraints, les chagrins étouffés, les nuances inégales de ce qui leur fait l’effet tout bas d’être un désespoir, le regret qui s’augmente chez elle par le souvenir et qui s’exalte après coup à l’aide de l’imagination, ce sont là des analyses parfaitement suivies et nettement creusées. […] Au moment même où le père Rouault, arrivé tout exprès, vient d’enterrer sa fille, au milieu de sa douleur désespérée il a un mot de paysan, grotesque et sublime de naturel : chaque année il envoyait à Charles Bovary une dinde en souvenir de sa jambe remise ; en le quittant les larmes aux yeux, il lui dit pour dernier mot de sentiment : « N’ayez peur, vous recevrez toujours votre dinde. » Tout en me rendant bien compte du parti pris qui est la méthode même et qui constitue l’art poétique de l’auteur, un reproche que je fais à son livre, c’est que le bien est trop absent ; pas un personnage ne le représente.
cette dernière relation (Souvenirs de quarante ans, récits d’une dame de Mme la dauphine) est bien touchante, bien sentie, très modérée de ton, très habile ; seulement, il y a sous-main, cela est trop sensible, un arrangeur, un rédacteur autre que Mme de Béarn elle-même ; et dès lors je suis inquiet, je conçois des doutes, je pense à M. […] À peine sorti de prison, il m’envoya une livre de thé vert, le meilleur que j’aie jamais pris, et une petite provision de sucre. » Mais le souvenir du 21 janvier s’interposait toujours, et elle ne put s’empêcher d’être ingrate. — Le régime de la prison en vue d’une mort commune et prochaine est la plus grande leçon d’égalité. […] Ce fut d’après le désir du roi son père qu’elle mit par écrit ses souvenirs.
Le genre le permet et le veut ainsi ; nous sommes dans la littérature scolastique, je le dis sans défaveur aucune ; je me souviens de ce rhéteur Isée, dont Pline le Jeune nous a fait tant d’éloges, presque autant que les amis de Rigault en ont pu faire de lui. […] Si les petites ou les moyennes choses peuvent se comparer aux grandes, je ne saurais mieux comparer ce succès de Rigault en Sorbonne qu’à celui de M. de Montalembert à la Chambre des Pairs pour son fameux discours du Sonderbund : le discours fini, le bureau et le Chancelier et la Chambre, si l’on s’en souvient, entouraient l’orateur et ne se contenaient plus. […] Le souvenir de Rigault mérite de vivre, et par ses écrits, et parce qu’il est le représentant d’une forme d’esprits, le dernier rejeton brillant d’une race qui, je l’espère, n’est pas près de finir, qui est un peu compromise pourtant dans son intégrité et sa rectitude, celle du parfait normalien, de l’universitaire pur.
Souviens-toi seulement des accents passionnés que je te fis entendre, et quand tu aimeras un jour un beau jeune homme, demande-toi s’il te parle comme je te parlais et si sa puissance d’aimer approcha jamais de la mienne. […] Il en est un dont le recueil a paru, il y a quelques années déjà, et qui mérite un souvenir. […] Si j’en compose encore aujourd’hui, ce n’est plus Que le cri du moment, qu’une note où je laisse S’échapper quelquefois ma joie et ma tristesse, Un morceau qui me plaît d’un auteur que je lis, Et que d’une autre langue en passant je traduis, Doux reflet dont mon âme un instant se colore… Nous devions cependant à cette nature élevée et modeste, qui n’a fait que passer dans le champ de la muse et qui s’en retire, un souvenir et un hommage.
À la fin de la préface d’un de ses recueils à propos d’un travail sur la Poésie des races celtiques, qu’il y a inséré, il se plaît à revenir en arrière, à repasser sur les souvenirs, les piétés et même les mystiques superstitions de ses pères ; il se met tout à coup à regretter que les humbles marins, ses aïeux, n’aient pas tourné leur gouvernail, n’aient pas laissé dériver leur barque vers d’autres rivages ; il se suppose un moment enfant attardé, fidèle, de la pauvre et poétique Irlande ; écoutez ! […] Les vieux souvenirs de cette race sont pour moi plus qu’un curieux sujet d’étude ; c’est la région où mon imagination s’est toujours plu à errer, et où j’aime à me réfugier comme dans une idéale patrie… Ô pères de la tribu obscure au foyer de laquelle je puisai la foi à l’invisible, humble clan de laboureurs et de marins à qui je dois d’avoir conservé la vigueur de mon âme en un pays éteint, en un siècle sans espérance, vous errâtes sans doute sur ces mers enchantées où notre père Brandan chercha la terre de promission ; vous contemplâtes les vertes îles dont les herbes se baignaient dans les flots ; vous parcourûtes avec saint Patrice les cercles de ce monde que nos yeux ne savent plus voir. […] J’aurais aimé, du moins, au sujet des Essais, là où je me sens un peu plus sur mon terrain, à indiquer ceux qui me paraissent dans leur genre des morceaux accomplis ou charmants (le Lamennais, les Souvenirs d’un vieux professeur allemand, sur l’Art italien catholique, sur l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, etc.) ; mais je me hâte et ne crains pas d’aborder un seul et dernier point, celui qui intéresse le plus vivement, à l’heure qu’il est, le public et la jeunesse.