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1434. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il retourne en Angleterre avec la volonté de jouer un rôle et le désir de marquer sur le monde une empreinte durable, en souvenir de son passage. […] Leur souvenir obsède sa pensée, et pourtant il sent que ces souvenirs ne suffisent pas à combler son vide intérieur. […] Or, souvenons-nous que cette rêverie d’un idéaliste intransigeant parut en plein triomphe du naturalisme. […] Je me souviens qu’étant au lycée, à l’âge où l’on ne connaît guère en littérature que les classiques, et à peine les romantiques (car notre première éducation est telle, et cette particularité explique bien des choses), je lus un jour par hasard un volume de Verlaine.

1435. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

La maladie et la mort de son oncle, le père Hercule, l’appelèrent à Paris en cette même année ; il se proposa d’y rester, et n’ayant pu le faire avec la permission de ses supérieurs, il sortit de la congrégation, mais en se déliant avec douceur comme ce sera toujours sa façon et méthodeae, en emportant et en laissant les meilleurs souvenirs. […] Il avait contre lui les souvenirs de la Fronde, et d’avoir guerroyé contre le roi. […] Il n’eut été que bon, au reste, de m’en envoyer plus d’une copie89 pour faire souvenir de vous où vous savez, et tenir toujours votre nom et vos talents en considération sur des fondements aussi solides que ceux-là.

1436. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Je ne puis, après tant de collaborateurs autorisés et curieux qui ont tout dit, qui ont dit plus et même autrement que je n’aurais su trouver pour mon compte sur chaque sujet en particulier, je ne puis faire ici qu’une chose : présenter une vue générale et, en me tenant au point de vue du goût, qui doit se combiner avec le point de vue historique et non s’y confondre, indiquer les belles saisons, les bons siècles, les vraiment heureux moments de cette poésie française qui a si souvent brisé avec son passé, qui s’est si peu souvenue d’elle-même, et à qui il était bon d’offrir une fois ses titres au complet, pour lui rendre tout son orgueil et son courage. […] tandis que les grands poèmes chevaleresques et les nobles sujets qu’ils traitaient se sont perdus avec le temps, ont été oubliés et n’ont laissé de souvenir que ce qu’il en fallait pour être parodiés, tandis que la grande et hautaine branche des Chansons de geste s’est desséchée et a péri, la branche plus humble des Fabliaux, et plus voisine de terre, n’a cessé de verdoyer, de bourgeonner et de fleurir ; ces vieux récits n’ont cessé de vivre, de se réciter, de se transmettre, et les auteurs connus, qui ont eu l’honneur de nous les conserver en les variant à leur guise, n’ont fait le plus souvent qu’hériter des inconnus qui leur en ont fourni la matière et soufflé l’esprit. […] Pellisson, qui s’était mis un jour à relire, disait qu’il ne s’en était point repenti, et « y ayant trouvé, ajoutait-il, une infinité de choses qui valent bien mieux, à mon avis, que la politesse stérile et rampante de ceux qui sont venus depuis. » Ronsard et ses amis ont droit en particulier à notre reconnaissance, à nous qui avons tenté une œuvre qui n’était pas sans quelque rapport avec la leur, et on ne dépassera pas d’un mot la stricte vérité lorsqu’on dira : « En échouant manifestement sur bien des points, ils avaient réussi sur d’autres, beaucoup plus qu’on n’a daigné s’en souvenir et le reconnaître depuis.

1437. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

C’est plus tard que l’association entre le nom et l’image ou perception de l’objet s’est précisée, que l’image ou perception du père a appelé sur ses lèvres le son papa, que ce son prononcé par un autre a définitivement et régulièrement évoqué en elle le souvenir, l’image, l’attente, la recherche de son père. […] » Animal ou arbre, elle le traite tout de suite comme une personne elle veut savoir sa pensée, sa parole ; c’est là pour elle l’essentiel ; par une induction spontanée, elle l’imagine d’après elle et d’après nous ; elle l’humanise. — On retrouve cette disposition chez les peuples primitifs ; et d’autant plus forte qu’ils sont plus primitifs ; dans l’Edda, surtout dans le Mabinogion, les animaux ont aussi la parole ; un aigle, un cerf, un saumon sont de sages vieillards expérimentés qui se souviennent des événements anciens et instruisent l’homme179. […] C’est qu’une idée générale n’est qu’un signe doué de sens, je veux dire capable d’être évoqué par une seule classe de perceptions, et capable d’évoquer une seule classe de souvenirs.

1438. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Il s’était retiré, avec sa pieuse fille, dans un petit et obscur appartement de la rue des morts à Paris, la rue Mazarine ; il y vivait de misère et de souvenirs dans cette résignation courageuse et gaie que la religion donne à ceux qui, comme lui, n’ont rien qui les rattache à la terre, excepté l’ordre de Dieu, qui ne les relève pas encore de leur consigne d’honnêtes gens. […] Je me souvins trop de ses influences féminines sur son mari, au moment où il ne fallait se souvenir que de ses larmes et de son sang.

1439. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Sans savoir si l’édifice était vide ou encore habité par quelques vieillards laissés par charité dans la maison pour y sonner, par souvenir, l’heure des anciens offices, je tirai moi-même, timidement, la petite chaînette de fer qui pendait contre le mur de la porte : la cloche intérieure tinta avec mille échos dans les corridors. […] je me souviendrai toujours, en soupirant, de quels baisers humides de ses larmes, et de quelles ardentes prières emportées, hélas ! […] Il me souvient en effet d’avoir dit autrefois qu’il n’était pas un peintre aussi fécond, aussi varié, aussi animé que l’Arioste, et c’était à propos de Joconde ; j’avoue mon hérésie au plus aimable prêtre de notre Église.

1440. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Et, si l’on peut combattre ce que j’en vais dire, remarquez que ce sera encore sur des souvenirs formés de la même façon et pareillement distants. […] Il garde le souvenir et le nom de Karatief comme un talisman ; depuis lors il lui suffit de penser à l’humble moujick pour se sentir apaisé, heureux, disposé à tout comprendre et à tout aimer dans la création. […] Souvenir si mélancolique, qu’il cesse d’être impur ; jugement si gros, dans sa bassesse voulue, de considérants inexprimés, qu’on n’en sent plus le cynisme, mais seulement l’affreuse tristesse… L’inquiétude du mystère, enfin, cela paraît immense, et cela est peu de chose, ou plutôt cela est toujours la même chose.

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