Des visions d’insomnie, des douleurs d’inconscience qui souffre s’évoquent ; des lointains surgissent fabuleux d’or. […] Par les hasards, un cœur s’épeure, un esprit s’inquiète, une vie souffre, et entend, goutte à goutte, tomber son propre arrêt à l’infini hostile des horizons.
Ce ne sont pas là les larmes fières ou virilement désolées que j’aurais voulu voir tomber des yeux d’un poète qui a eu l’honneur de souffrir (c’est toujours un honneur que Dieu vous fait quand il vous frappe !) ce qu’a souffert, et dans son corps et dans son âme, un des plus brillants jeunes gens du siècle, qui s’appelait Roger comme celui qui, dans l’Arioste, monte l’Hippogriffe, — qui le montait aussi, et qui le menait comme il le voulait dans le bleu, et qu’en voilà descendu maintenant, cloué par la douleur à terre, et comme Byron, leur maître à tous, à ces grands jeunes gens finis, le disait de lui-même ; « achevant de vivre à son foyer désert, au milieu des ruines de son cœur et dans l’abandon de ses dieux domestiques… » III Telle est, en effet, la destinée de Roger de Beauvoir.
Un tel abaissement ne peut que déshonorer et l’accusé qui se le permet et le juge qui le souffre. […] La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour.
L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils. […] L’homme, plus éclairé, apprit que le courage était de souffrir, et que l’honneur n’était pas de prévenir la mort, mais de savoir l’attendre.
Valentine ne souffre même pas que son mari badine avec sa belle-mère ! […] C’est pour l’amour de toi, de peur qu’un parâtre ne te fît souffrir, que je les ai remerciés. […] C’est ce que l’ardent Abricotarès ne saurait souffrir. […] C’est plus fort qu’elle, et c’est sans le vouloir qu’elle a fait souffrir et déshonoré son mari, nous admettons tout cela. […] Et si elle était, elle, malheureuse ; si elle souffrait du perpétuel mensonge de sa vie, elle supporterait cela comme une expiation.
Il en souffre, car il aime profondément, lui, et il la veut toute. […] Il en souffrit cruellement. […] Ce livre c’est elle-même, ce qu’elle a vu, ce qu’elle a souffert. […] Il faut savoir le souffrir à propos. […] Les poètes souffrent du mal des chimères.
J’ai souffert horriblement, mais je ne me suis pas laissé abattre et j’ai tenu la tête haute. […] Car pour moi Jésus est le crucifié ; il est mon Dieu parce qu’il a souffert, parce qu’il souffre. […] Le monde autour de lui s’agite, intrigue, se fait des méchancetés et des mamours : lui, il souffre. […] Nous avons souffert sans qu’aucune sympathie vînt nous relever. […] La clarté de l’ensemble, ni la précision des détails n’en souffrent pourtant.