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17. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Mon Dieu, recevez ce que j’en souffre et toutes les douleurs de cette affection. Voilà que cette âme m’attriste, que son salut m’inquiète, que je souffrirais le martyre pour lui mériter le ciel. […] Mais la vie, c’est une épreuve, et la mienne est-elle assez longue ; ai-je assez souffert ? […] Dieu sait là-dessus ce que je pense, ce que je souffre. […] non, je ne souffre pas dans mon corps.

18. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Brucker — le Charles-Quint de son propre esprit qu’il abdiqua — la subit, et n’en souffrit pas. […] Hello, qui souffre à son tour de l’indifférence, maudite un jour par Lamennais, d’une époque qui n’aurait pas écouté Balzac lui-même, le Balzac qu’elle adore ! […] … Et, s’il doit souffrir de ce manque de gloire comme il en a déjà souffert, eh bien ! il en souffrira ; mais qu’y faire ?

19. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

L’être qui souffre veut immédiatement ne pas souffrir, et immédiatement il réagit ; cette. réaction, immédiatement, produit un mouvement répulsif. […] Plus tard, parmi les mouvements nombreux ainsi produits en tous sens, les mouvements efficaces et utiles pour le soulagement de la peine ou l’augmentation du plaisir se feront trier par l’attention, et finalement par l’intention ; mais l’intention générale de ne pas souffrir et de jouir existait dès le début. […] Quand l’animal souffre, il accomplit des mouvements irréguliers, souvent même en conflit l’un avec l’autre. […] Aucune formule de mécanique ou de physiologie ne fera comprendre pourquoi je jouis, souffre, désire ; tout, dans ma jouissance et ma souffrance, ou dans mon appétition, n’est donc pas déterminé par des facteurs purement mécaniques. […] On nous dit bien que, si nous ne souffrions pas, si nous ne jouissions pas, nous accomplirions les mêmes mouvements, que nous retirerions les doigts de la flamme, même si nous n’éprouvions pas la douleur de la brûlure, — pourquoi pas si nous éprouvions du plaisir à être brûlé ?

20. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Les premières couches de la petite femme ont été laborieuses ; elle n’a pas eu de lait, et il a fallu une nourrice… Toinette souffre de mille petites privations, sans compter la blessure de son amour-propre. […] André, lui, souffre de sa vie inutile et morne de gratte-papier ; il souffre de voir que sa mère et sa femme ne s’aiment point ; il souffre de sa pauvreté croissante et de sa continuelle inquiétude du lendemain… Vous ne sauriez croire avec quelle poignante vérité de détails sont notés le progrès et l’entrelacement de toutes ces humbles douleurs.

21. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Se sentir vivre, c’est avoir la perception obscure de tous ces mouvements vitaux ; jouir ou souffrir, c’est se sentir vivre plus ou vivre moins. […] Je puis me faire illusion sur les causes de mes joies ou de mes peines, mais je ne puis pas me tromper sur ce fait même que je jouis ou que je souffre. […] Le plaisir est alors senti directement comme tel, non indirectement par une douleur qu’il remplacerait : la vue jouit sans avoir souffert. […] Enfin, il s’enferme avec Kant dans ce cercle vicieux : — Il faut souffrir pour pouvoir jouir et jouir pour pouvoir souffrir ; comment alors arrivera-t-on soit au plaisir, soit à la souffrance ? […] Ce principe est une activité capable de jouir et de souffrir, une activité psychique.

22. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Duchosal, Louis (1862-1901) »

Charles Fuster Ce livre a été écrit sous les toits, devant un ciel triste, par un poète qui souffre, qui souffre véritablement et dont un mal cruel rend la voix plus étrangement suave… []

23. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

On peut conjecturer ce qu’elle devait moralement souffrir pour que la honte l’obligeât à une telle contrainte. […] Elle disait souvent à Mme de Maintenon, dans cet intervalle où elle se disposait et s’aguerrissait à sa dernière retraite : « Quand j’aurai de la peine aux Carmélites, je me souviendrai de ce que ces gens-là (le roi et Mme de Montespan) m’ont fait souffrir. » Elle souffrait, de la part d’une rivale, ce qu’elle-même, si douce et si indulgente, avait pourtant fait souffrir à une autre. […] Cependant, elle a tout souffert en patience. […] que, par des devoirs indispensables, je reste encore dans le monde, pour y souffrir sur ce même échafaud où je vous ai tant offensé, si vous voulez tirer de mon péché ma punition même, en faisant devenir les bourreaux de mon cœur ceux que j’en avais faits les idoles : « Paratum cor meum, Deus (mon cœur est tout prêt, ô Seigneur !).  […] Aimer pour aimer, sans orgueil, sans coquetterie, sans insulte, sans arrière-pensée d’ambition, ni d’intérêt, ni de raison étroite, sans ombre de vanité, puis souffrir, se diminuer, sacrifier même de sa dignité tant qu’on espère, se laisser humilier ensuite pour expier ; quand l’heure est venue, s’immoler courageusement dans une espérance plus haute, trouver dans la prière et du côté de Dieu des trésors d’énergie, de tendresse encore et de renouvellement ; persévérer, mûrir et s’affermir à chaque pas, arriver à la plénitude de son esprit par le cœur, telle fut sa vie, dont la dernière partie développa des ressources de vigueur et d’héroïsme chrétien qu’on n’aurait jamais attendues de sa délicatesse première.

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