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408. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Rathery le Journal de d’Argenson, je sortais de la lecture de Pellisson, de ses éloquents plaidoyers pour Fouquet, des nobles conversations qu’il rapporte de Louis XIV ; quelle chute ! […] Il a des barbarismes tout gratuits ; parlant d’une femme (la duchesse de Gontaut) : « Elle intrigue, elle prétend déplacer les ministres, et avec cela elle s’est hypocrisée en quittant le rouge… » Mais ce même homme, au style hérissé et sauvage, a de soudaines expressions qui lui sortent du cœur, et qui d’un trait peignent un homme ou expriment des vérités politiques profondes. […] Les vieux commissaires des guerres disaient que c’était parce que je sortais du collège, et que j’avais lu que les Romains donnaient ainsi le blé à leurs légions. […] » — Telle était déjà la France, au sortir des mains de Louis XIV ; l’entreprenant Écossais nous louait là d’une qualité qui est bien souvent notre défaut, de la condition de célérité et de vigueur qui est aussi notre péril, mais qui tant de fois aussi a fait de l’action française un prodige. […] et l’observation est de d’Argenson répliquant au ministre : ces petits hommes chétifs d’apparence, et qu’on croirait énervés par le luxe, vérifient à l’instant par leur exemple ce que Voltaire disait des courtisans français dans La Henriade : La paix n’amollit point leur valeur ordinaire ; De l’ombre du repos ils volent aux hasards… Ils sortent du sein de la mollesse pour aller aux combats comme des lions.

409. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Son excès d’ardeur, comme une fièvre qui veut sortir, a besoin de se porter à la frontière : c’est là que son exaltation est à sa place, qu’elle trouve son aliment. et son emploi, qu’elle est honorable et civique, non sauvage et désastreuse. […] Enfanté tout d’un jet par un mouvement irrésistible, par l’immense tremblement de terre d’où sortit la génération des modernes Titans, il n’était pas l’homme de plusieurs idées ni de plusieurs régimes. […] La porte donnait sur un péristyle élevé de douze marches au-dessus du sol de la cour, et au-dessus s’élançait un élégant clocher renfermant l’horloge et le carillon, qui, tous les quarts d’heure, se mettait en mouvement et sonnait des hymnes. » « Telle était, pour le dehors, cette somptueuse maison… » Cela, convenons-en, est d’une parfaite et sensible vérité, d’une sobre et magnifique description ; quoique sorti d’une plume conventionnelle. […] Il faudrait lire tout son discours : c’est bien l’image d’un cloître, quand la foi, l’amour et l’espérance se sont retirés : « Vous avez fait de bonnes études, ajoutait-il ; et après une année de noviciat vous pourriez entrer dans les ordres ; raison de plus pour vous désespérer quand vous vous verrez renfermé pour jamais dans ces murailles, sans livres, sans conversation, sans ami, au milieu d’envieux imbéciles et méchants, qui ne chercheront qu’à vous empêcher de sortir du cloître. […] Pour moi, j’allais des uns aux autres ; sachant que j’avais la permission de leur parler, les uns me questionnaient sur ce qui se passait hors du cloître, les autres sur la théologie ; les vieux m’exhortaient à partager leur sort, tandis que les jeunes, croyant que je devais entrer au noviciat, me regardaient ou avec pitié ou avec des yeux surpris et hébétés. » Il est inutile de dire la fin de l’aventure ; on la devine de reste, et tout se rejoint aisément.

410. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Il y a quelquefois des étrangers qui passent et qui sortent du commun, mais c’est encore bien rare, et je puis vous assurer que les soirées que je passe seule avec le poète me paraissent bien plus courtes. […] Fabre cependant paraissait plus que Bonstetten ne le dit là, et il se montrait tout à fait à son avantage, sans jamais pourtant sortir de son rôle de déférence et de discrétion, sinon de respect. […] En toute saison, quand le temps le permettait, elle sortait le matin, et en été avant sept heures. […] Dans les derniers temps, elle ne sortait plus, et son salon était ouvert tous les soirs. […] Son récit, comme presque tout ce qui est sorti de sa plume, a plus de lourdeur encore que de naïveté et d’exactitude.

411. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

— Consentiriez-vous à quitter votre patrie, si nous obtenions du duc qu’il vous laissât disposer de vos biens et sortir de ses États avec vos familles ?  […] Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants. […] Enfin le masque tomba, l’épée sortit du fourreau ; les hostilités s’ouvrirent le 4 juin 1690. […] Mais chacun a son génie à soi et sa façon de faire, et il n’y a pas de sûreté à en sortir ni à en vouloir changer. […] La haute bourgeoisie était fière du général sorti de son sein.

412. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Au sortir du couvent, revenue chez son père au quai des Lunettes, elle entretint une Correspondance active et suivie avec Sophie, retournée elle-même à Amiens. […] C’est l’intérêt des vies domestiques que d’y deviner, d’y suivre le caractère et le génie qui vont tout à l’heure éclater, qui auraient pu aussi bien n’en jamais sortir. […] Si un dimanche, au sortir d’une messe de couvent, elle allait, vers la première semaine de mai, se promener avec sa mère au Luxembourg, elle entrait en rêverie ; le silence et le calme, ordinaires à ce jardin alors champêtre et solitaire, n’étaient interrompus pour elle que par le doux frisselis des feuilles légèrement agitées. […] En vain se répète-t-elle le plus qu’elle peut et avec une grâce parfaite : « Je veux de l’ombre ; le demi-jour suffit à mon bonheur, et, comme dit Montaigne, on n’est bien que dans l’arrière-boutique ; » sa forte nature, ses facultés supérieures se sentent souvent à l’étroit derrière le paravent et dans l’entresol où le sort la confine. […] Son père se dérange et se ruine ; elle s’en aperçoit, elle veut tout savoir, et il lui faut sourire au monde, à son père, et dissimuler : « J’aimerais mieux le sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée, s’écrie-t-elle par moments, que le bruit sourd des traits qui me déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort. » Elle venait de lire Plutarque ou Sénèque, quand elle proférait ce mot stoïque ; mais elle avait lu aussi Homère, et elle se disait, dans une image moins tendue et avec sourire : « La gaieté perce quelquefois au milieu de mes chagrins, comme un rayon de soleil à travers les nuages.

413. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

En 1789, les bandes sont prêtes ; car, sous le peuple qui pâtit, il est un autre peuple qui pâtit encore davantage, dont l’insurrection est permanente, et qui, réprimé, poursuivi, obscur, n’attend qu’une occasion pour sortir de ses cachettes et se déchaîner au grand jour. […] Les prisons sont ordinairement malsaines ; souvent la plupart des détenus en sortent malades » ; plusieurs, au contact des scélérats, en sortent scélérats. […] Ils en sortent par troupes, et tout d’un coup, dans Paris, quelles figures777 « On ne se souvient pas d’en avoir rencontré de pareilles en plein jour… D’où sortent-ils ?

414. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Comment le ferez-vous sortir de la conception abstraite et de la notion pure ? […] Au premier jet, ils sont sortis du contact des objets ; ils les ont imités par la grimace de la bouche ou du nez qui accompagnait leur son, par l’âpreté, la douceur, la longueur ou la brièveté de ce son, par le râle ou le sifflement du gosier, par le gonflement ou la contraction de la poitrine. […] La Fontaine ajoute en bourgeois et en paysan, et dans le style amusant de la fable :          Je voudrais qu’à cet âge     On sortît de la vie ainsi que d’un banquet,     Remerciant son hôte, et qu’on fît son paquet. […] Ceci est tout français et charmant ; nous quittons vite la poésie, non pas par caprice maladif, comme par exemple Henri Heine, mais par amour de la clarté, par gaieté, pour sortir des grands mots et voir les choses nues. […]     Voyez… quelles rencontres dans la vie Le sort cause !

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