Taine l’aurait inventée qu’il n’y aurait pas de quoi en être bien fier ; car cette méthode est bornée comme le matérialisme, dont elle est le produit, par conséquent insuffisante… Elle consiste, en effet, à étudier une société comme un naturaliste étudie un animal. […] Si elle avait été appliquée rigoureusement à tout le livre, la société de l’Ancien Régime, décrite par M. Taine en citations prises à des Mémoires contemporains, mais choisies et isolées de la page à laquelle elles appartiennent, cette société ne devrait être que décrite, et à tout instant elle est jugée et sévèrement jugée. […] Mais, enfin, cette société, certainement coupable, était-elle tombée au niveau où M. […] N’était-elle vraiment plus, quand la Révolution la prit, pour trouver à sa place Coblentz et la Vendée, qu’une société de maîtres à danser ?
Je ne sache pas de livre plus terrible contre la société actuelle et Paris, Paris surtout, qui a la prétention de mouler le reste du monde à son image. […] L’âme humaine, en effet, c’est l’infini, et toute société est finie. […] Le Turcaret de Le Sage n’est qu’un gringalet en comparaison de celui-ci, qui, de par l’argent, prétend à tout, et qui en a le droit dans notre charmante société. […] L’atelier, l’Exposition, l’élection, les sociétés d’actionnaires, l’intérieur des bureaux des sociétés industrielles ou des ministères, les premières représentations, les enterrements officiels, tout cet inventaire de la vie extérieure moderne est trop facile, après tant de livres qui l’ont fait, — et surtout après ceux de Balzac, ce confiscateur de génie, qui, comme Napoléon lui-même, ne pourrait pas se recommencer. […] Alphonse Daudet, cette âme dans le talent, a mieux à faire maintenant qu’à regarder, du bout des yeux, une société qui passe et qui a été décrite jusqu’à épuisement.
Cela va si loin qu’à l’origine364 les lettres familières, les romans, les plaisanteries de société, les pièces de galanterie et de badinage sont des morceaux d’éloquence méthodique. […] Sur les organes les plus vitaux de la société, sur les règles et les pratiques qui vont provoquer une révolution, sur les droits féodaux et la justice seigneuriale, sur le recrutement et l’intérieur des monastères, sur les douanes de province, les corporations et les maîtrises, sur la dîme et la corvée378, la littérature ne m’apprend presque rien. […] Destutt de Tracy, voulant commenter Montesquieu, découvre que le grand historien s’est tenu trop servilement attaché à l’histoire, et il refait l’ouvrage en construisant la société qui doit être au lieu de regarder la société qui est. — Jamais, avec un aussi mince extrait de la nature humaine, on n’a bâti des édifices si réguliers et si spécieux. […] Au moyen d’un contrat, Rousseau fonde l’association politique, et, de cette seule donnée, il déduit la constitution, le gouvernement et les lois de toute société équitable. […] Les Français ont été, depuis plus de cent cinquante ans, le peuple qui a le plus connu la société et qui en a le premier écarté toute gêne… C’est une monnaie plus courante que les autres, quand même elle manquerait de poids. » 349.
J’ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société ; que toute autre marche était un écart de la route du bonheur, et que ce n’étaient que les qualités réunies d’homme de lettres et d’homme aimable de société, qui pouvaient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. […] Pour mon compte, c’est des livres que j’aime à tirer mes connaissances, et je ne demande à la société que des égards polis et des manières faciles5. Il se plaît d’ailleurs à montrer à son ami que ce coin de la Suisse n’est pas si déshérité de belle société et de conversation qu’on le croirait de loin : Il y a peu de semaines, écrivait Gibbon (22 octobre 1784), que j’étais à me promener sur notre terrasse avec M. […] » Il reconnaissait trop tard cette vérité, « qu’à mesure que nous descendons la vallée de la vie, nos infirmités demandent quelques-uns des soins et la société intérieure d’une femme ». […] Son ami lord Sheffield lui a élevé le monument le plus digne et le plus durable en publiant ses Mémoires et ses lettres ; on y devine que la conversation de Gibbon était, en effet, supérieure en intérêt et en charme à ses écrits, et qu’en lui le lettré profond et accompli ne se séparait pas de l’homme de société le plus agréable.
Aucune espèce de société, beaucoup de cohues… Comme ils passent neuf mois de l’année en famille où avec très peu de personnes, ils veulent, lorsqu’ils sont dans la capitale, se livrer au tourbillon… « Toutes les villes de province valent mieux que Londres ; elles sont moins tristes, moins enfumées ; les maisons en sont meilleures. […] J’ai tout perdu : consolation, soutien, société, tout, tout. […] Amateur et curieux, un peu paresseux comme le sont volontiers les causeurs, il avait plus d’esprit et de finesse que d’ambition, et était plus fait pour la société et le dilettantisme que pour la gloire. […] La quantité de lettres à elle adressées par Mme de Staël, la duchesse de Devonshire, Sismondi, etc., nous ouvre des jours intéressants sur cette société très-variée et en partie composée d’étrangers les plus notables. […] Il serait indiscret et contraire à la pensée sérieuse qui me dicte cette note d’indiquer le nom de ces divers Fabre que la société parisienne a connus, qu’elle a parfaitement acceptés et honorés.
Il faut éviter la société lorsqu’on souffre, parce qu’elle est l’ennemie naturelle des malheureux ; sa maxime est : Infortuné, — coupable ! […] Les positions relatives font dans la société l’estime, la considération, la vertu. […] « Un infortuné parmi les enfants de la prospérité ressemble à un gueux qui se promène en guenilles au milieu d’une société brillante : chacun le regarde et le fuit. […] Là il a trouvé une société paisible, qui comme lui cherche le silence et l’obscurité. […] S’il devient moins propre à la société, sa sensibilité se développe aussi davantage.
Au moment où ces Lettres parurent, ce fut un grand émoi dans la société où vivaient encore, à cette date, quelques anciens amis de Mlle de Lespinasse. […] Son grand art en société, un des secrets de son succès, c’était de sentir l’esprit des autres, de le faire valoir, et de sembler oublier le sien. […] M. de Guibert, alors âgé de vingt-neuf ans, était un jeune colonel pour lequel toute la société s’était mise depuis peu en frais d’enthousiasme. […] Que de moqueries fines en passant sur le bon Condorcet, sur le chevalier de Chastellux, sur Chamfort, sur les personnes de la société ! […] Dans la saison où ces lettres parurent, une brillante société était réunie aux bains d’Aix en Savoie.