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690. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

L’action paraît se passer vers le commencement du siècle. […] Quant à Charles, il ne s’aperçoit pas d’abord de Léonide : son père, qui est un Grec et un vrai Grec du siècle de Miltiade, a fait de lui un Romain, comme dit Morzande ; notre Romain est fou de gloire, de liberté, de littérature même, et la pauvre Léonide a besoin de lui découvrir son amour avant qu’il songe à l’aimer.

691. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Nous aurons occasion de revenir sur cette maxime, quand nous serons au temps de Molière, de Racine et des grands hommes qui ont illustré le siècle de Louis XIV. Ici il suffit d’observer qu’il y eut à la cour d’Anne d’Autriche plus de galanterie que de bel esprit, et plus d’intrigues d’amour que d’intrigues littéraires ; et enfin qu’à l’époque dont nous parions, la galanterie des Amadis, qu’on appela très improprement chevaleresque, était fort en désarroi depuis le Don Quichotte qui avait paru au commencement du siècle.

692. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

… Mais que dirait-on si on montrait que dans ce livre, intitulé les Illuminés, il n’y a pas plus d’illuminés que d’illuminisme, et qu’excepté le récit d’une véritable parade chez Cagliostro et quelques mots sans aperçu et sans critique sur des hommes qu’il aurait fallu étudier il n’y a dans le titre du livre de Gérard de Nerval, rien de plus qu’une spéculation sur la curiosité publique, en ce moment fort excitée par tout ce qui pourrait amener un changement dans la philosophie d’un siècle dépassé en métaphysique par ceux même qui auraient dû le diriger ? […] Mais toujours est-il que, s’il est sceptique comme le siècle dont il est le fils, il n’a pas le style qui doit embaumer cette misérable larve d’un esprit qui n’ose pas vivre, puisqu’il n’ose affirmer, et qu’il faut pourtant avoir si on est sceptique, sous peine… de n’être même pas.

693. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Il donna ses obélisques à Rome, ses lois à la Grèce, ses institutions religieuses à une partie de l’Orient, ses colonies et ses usages à plusieurs pays de l’Asie et de l’Europe ; il n’eut presque sur tout que des idées vastes ; ses ruines même nous étonnent, et ses pyramides, qui subsistent depuis quatre mille ans, semblent faire toucher le voyageur aux premiers siècles du monde. […] Les législateurs de l’Égypte eurent les premiers l’idée d’attacher l’homme fortement à quelque chose qui lui survive, et de l’intéresser encore quand il ne serait plus ; ils virent que l’opinion reste sur la terre, quand l’homme en disparaît, et qu’elle porte à travers les siècles, la renommée et le mépris ; ils soumirent donc l’opinion à la loi : alors la loi atteignit l’homme au fond de la tombe, et l’on redouta quelque chose sur la terre, même au-delà de la vie.

694. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Le plan de ce cours familier, et pour ainsi dire dialogué de littérature, ne nous astreint pas tellement à l’ordre chronologique du génie, qu’il nous soit interdit de faire de temps en temps des retours sur notre propre siècle, de parler des œuvres remarquables qui s’y produisent, des écrivains d’élite dont les talents le décorent, ni surtout d’y déplorer la perte de ceux que nous y avons le plus aimés. […] Madame Gay, liée d’antécédents et d’opinion avec les royalistes, conduisit sa fille dans les salons de cour de madame la duchesse de Duras et de quelques autres femmes supérieures du temps ; les salons, longtemps fermés ou muets sous l’Empire, se vengeaient de leur silence par un culte passionné pour les talents qui promettaient un nouveau siècle de Louis XIV aux Bourbons. […] Mais en même temps qu’il est une puissance, un journal est un tourbillon autour duquel se groupent et s’entrechoquent les ambitions, les passions, les haines et les envies de tout un siècle. […] Auprès du lit d’un mourant il n’y a plus de siècle, il n’y a plus que l’éternité. […] Les salons mornes, où tout le siècle avait passé sous le charme de son entretien et surtout de sa bonté, les cours, le jardin, l’avenue même des Champs-Élysées, n’étaient pas assez vastes pour contenir l’immense concours d’hommes de cœur et d’hommes de nom qui se rencontraient, sans s’être concertés, au pied de ce cercueil.

695. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

La poésie nouvelle, que le siècle attend, dont il a soif, sera donc une poésie de sédition et de révolte morale. […] L’un fit l’exposé de ce qu’il appelait sa théorie du beau bizarre ; l’autre suivit, siècle à siècle, les traditions de l’élégance dans la société française, à partir de la Renaissance jusqu’à lui, — exclusivement. […] Nous vivons dans un siècle d’angoisse et d’incertitude, de trouble et de fièvre, de lutte et d’effort. […] Au siècle dernier, on disait les gens de lettres ; mais quel écrivain, pris individuellement, s’avisait de s’intituler homme de lettres ? […] — Deux fois en ce siècle, elle a failli s’accomplir, et finalement elle a toujours été ajournée.

696. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Dumas, c’était le mal du siècle à la date de nos jours. […] Réfléchissez en effet que, pendant des siècles et des siècles, nos aïeux, ces hommes dont les énergies s’additionnent dans notre énergie présente, se sont agenouillés matin et soir pour adorer la cause inconnue. […] Mais c’est le mal du siècle tombé dans une nature intellectuelle, et c’est une poésie dont le tissu premier est une trame d’idées. […] Il semble que, pour ces artistes, les siècles les plus morts aient été les plus vivants. […] Cet affaiblissement de la volonté, habituel objet de l’étude des frères de Goncourt, c’est vraiment la maladie du siècle.

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