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29. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Comme nous n’avons point dans notre langue un mot generique qui rende celui de canere, le lecteur voudra bien me pardonner les frequentes periphrases dont je me suis déja servi pour le traduire, et celles dont je serai encore obligé de me servir, afin d’éviter les équivoques où je tomberois, si j’allois emploïer le mot de chanter absolument, tantôt pour dire executer un chant musical, et tantôt pour dire en general executer une déclamation notée. […] Cependant les auteurs anciens se servent du mot de chanter lorsqu’ils parlent de la recitation des comedies, ainsi qu’ils s’en servent en parlant de la recitation des tragedies.

30. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

C’est un grondeur et un mécontent par humeur que d’Aubigné ; il était inapplicable en grand et n’aurait su devenir tout à fait homme d’État ni principal capitaine ; il était né ce que nous appelons de nos jours un homme d’opposition : pourtant, dès qu’on le presse et qu’on lui met la main au cœur, comme il est fier de son Henri IV, du « grand roi que Dieu lui avait donné pour maître », dont les pieds lui ont servi si souvent de chevet ! […] Parlant d’un brave tué à l’une des premières affaires, en 1589 : « Le roi de Navarre, dit-il, perdit à ce siège le mestre de camp Cherbonnières, esprit et cœur ferré, homme digne des guerres civiles… » D’Aubigné dit cela comme on dirait en d’autres temps : « homme digne de servir contre les ennemis de la France ». […] Vous soupirez à Dieu pour l’absence de vos amis et fidèles serviteurs, et en même temps ils sont ensemble soupirant pour la vôtre et travaillant à votre liberté ; mais vous n’avez que des larmes aux yeux, et eux les armes aux mains ; ils combattent vos ennemis et vous les servez ; ils les remplissent de craintes véritables, et vous les courtisez pour des espérances fausses ; ils ne craignent que Dieu, vous une femme, devant laquelle vous joignez les mains quand vos amis ont le poing fermé ; ils sont à cheval, et vous à genoux ; ils se font demander la paix à coudes et à mains jointes ; n’ayant point de part en leur guerre, vous n’en avez point en leur paix. […] On en voit le thème : il s’indigne pour les siens, pour les hommes de sa cause, à cette seule idée de se faufiler dans l’armée royale ; ce serait abjurer le passé : Ce serait, dit-il en commençant, fouler aux pieds les cendres de nos martyrs et le sang de nos vaillants hommes, ce serait planter des potences sur les tombeaux de nos princes et grands capitaines morts, et condamner à pareille ignominie ceux qui, encore debout, ont voué leurs vies à Dieu, que de mettre ici en doute et sur le bureau avec quelle justice ils ont exercé leurs magnanimités ; ce serait craindre que Dieu même ne fût coupable ayant béni leurs armes, par lesquelles ils ont traité avec les rois selon le droit des gens, arrêté les injustes brûlements qui s’exerçaient de tous côtés, et acquis la paix à l’Église et à la France… Je dis donc que nous ne devons point être seuls désarmés quand toute la France est en armes, ni permettre à nos soldats de prêter serment aux capitaines qui l’ont prêté de nous exterminer, leur faire avoir en révérence les visages sur lesquels ils doivent faire trancher leurs coutelas, et de plus les faire marcher sous les drapeaux de la Croix blanche qui leur ont servi et doivent servir encore de quintaine (point de mire) et de blanc. […] Il continuait sur ce ton élevé : Oui, il faut montrer notre humilité ; faisons donc que ce soit sans lâcheté ; demeurons capables de servir le roi à son besoin et de nous servir au nôtre, et puis ployer devant lui, quand il sera temps, nos genoux tout armés, lui prêter le serment en tirant la main du gantelet, porter à ses pieds nos victoires et non pas nos étonnements.

31. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Ce lirlie peut servir de type des mots étrangers qui entrent dans une langue à la fois par la parole et par l’écriture. […] Je formulerais donc volontiers ainsi les mots suivants, bien connus sous leur aspect barbare ; je mets à côté un des mots qui peuvent servir d’étalon analogique : Higuelife — High LifeCalife Fivocloque — Five o’clockColloque Vaterprouffe — Water-proofEsbrouffe Starteur — Starter84 Stimeur — SteamerRameur Autoresse 85 — authoressMaîtresse Blocausse — Block-hauss86 Chausse Groume — Groom87 Doume88 Spline — Spleen89 Discipline Smoquine — SmokingMolesquine Yaute — Yacht90 Faute Docart — Dogcart ou Doquart Trocart, Trois-quarts91 Snobe — SnobRobe Bismute — Bismuth92 Jute Zingue — Zinc93 (Voyez Chirtingue) Malte — Malt94 Malte Boucmacaire — Book-maker95 Valcovère — Walk-over Sévère Macaire Chirtingue — Shirting Métingue — Meeting Cotingue — Coating Poudingue 96 — Pudding Clube — Club Tube Quirche — Kirsch97 Spiche — Speech Niche Colbaque — Kolbak98 Codaque — Kodak99 Chabraque Railoué — Railway Tramoué — Tramway Avoué Ponche — Punch100 Bronche Grogue — GrogDogue Copèque — Kopeck101 Quipesèque — Keepsake Bifetèque, Romestèque 102 Chèque Sloupe — SloopChaloupe Spencère — SpencerSincère Stoque — StockToque Stope — Stop103 Chope Lunche — Lunch104 Embrunche Chacot — ShakoTricot Coltare — CoaltarTare Stoute — StoutToute Strasse — StrassStrasse105 Carrique — CarrickBarrique On sait que le français du Canada a subi l’influence de l’anglais. […] Voici quelques déformations moins hardies et qui pourront, mieux encore que le précédent tableau, nous servir de guide en des circonstances analogues. […] On se sert plus communément du mot français lisse.

32. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

C’est d’ailleurs un événement à peu près unique dans la vie, et qui sert plus qu’aucun autre à la connaissance parfaite de cette classe d’hommes qu’on appelle courtisans. […] La bassesse de M. d’A…285 la servit parfaitement dans cette circonstance. […] d’Aiguillon, qui, s’en étant servi quatre ans plus tôt pour se tirer des horreurs d’un procès criminel, l’avait employée depuis pour l’aider à se venger de tous ses ennemis, c’est-à-dire de tous les gens honnêtes, et pour se servir de tout le crédit qu’elle avait sur la faiblesse apathique du roi. […] L’un était son médecin, l’autre l’était de M. d’Aiguillon ; et celui-ci avait engagé la maîtresse à déterminer le roi à ce choix, espérant se servir d’eux, suivant ses besoins, dans le cours de la maladie. […] Cette histoire ridicule peut servir à faire connaître l’empressement peu réfléchi, l’exactitude machinale des subalternes, que la plus profonde vénération n’abandonne jamais.

33. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

La tragedie met donc sous les yeux les objets mêmes dont elle prétend se servir pour exciter la terreur et la compassion, sentimens si propres à purger les passions. […] Aristote ne veut donc signifier autre chose en disant que la diction doit être coupée par mesures, si ce n’est que la mesure du vers qui étoit l’ouvrage de l’art poëtique, devoit servir de mesure dans la déclamation. […] Cet auteur se demande encore à lui-même dans un autre ouvrage, pourquoi le choeur ne chante pas dans les tragedies sur le mode hypodorien ni sur le mode hypophrygien, au lieu qu’on se sert souvent de ces deux modes dans les rolles des personnages, principalement sur la fin des scenes, et lorsque ces personnages doivent être dans une plus grande passion. […] Or comme Quintilien s’explique dogmatiquement dans l’endroit qui vient d’être cité, il se seroit bien donné de garde de se servir du terme carmen pour dire un chant musical, et d’emploïer ce mot dans un sens aussi opposé à la signification abusive que l’usage lui donnoit. […] De-là principalement est venuë l’erreur qui leur a fait croire que le chant des pieces dramatiques des anciens étoit un chant proprement dit, parce que les auteurs anciens se servent ordinairement des termes de chant et de chanter, lorsqu’il parlent de l’execution de ces pieces.

34. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Ce ministre, si maître dans l’art de la société, « et qui en a su si bien user, tantôt pour imposer à ceux qu’on voulait détruire, et pour les déconcerter, tantôt pour attirer à lui ceux dont on voulait se servir », le reçut assez froidement. […] Sur ces entrefaites, une révolution de Cabinet ayant eu lieu à Dresde dans le sens français, et le ministre des Affaires étrangères, premier patron et protecteur de M. de Senfft, le comte de Loss, ayant été forcé de donner sa démission, son premier mouvement, à lui, fut de donner aussi la sienne et de se retirer d’un poste où il aurait, dorénavant, à servir un système opposé à celui qu’il avait, jusque-là, professé par conviction. […] Ne manquant ni d’idées ni d’une certaine hardiesse qui fait souvent réussir dans une position subalterne, il avait acquis du crédit auprès de M. de Talleyrand qui se servait de lui pour ses affaires d’argent avec les princes d’Allemagne. […] M. de Pradt servait le tyran pour s’élever, mais il l’abhorrait ainsi que la tyrannie à laquelle il aurait peut-être su résister, s’il était jamais parvenu dans le ministère à la place éminente à laquelle il aspirait. […] Fouché, on le sait, quand le mal ne servait à rien, ne le faisait pas ; il était « bon diable », comme le disait de lui l’Empereur ; il aimait à rendre service par facilité de caractère, et aussi parce qu’on né sait jamais ce qui peut arriver.

35. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Voyons, vous avez écrit de longs articles, il a bien fallu pour cela que vous vous serviez de mots. […] La science prévoit, et c’est parce qu’elle prévoit qu’elle peut être utile et servir de règle d’action. […] Si la science ne réussissait pas, elle ne pourrait servir de règle d’action ; d’où tirerait-elle sa valeur ? […] Pour mesurer un courant, je puis me servir d’un très grand nombre de types de galvanomètres ou encore d’un électrodynamomètre. […] Il est clair que si les lois se réduisaient à cela, elles ne pourraient servir à prédire ; elles ne pourraient donc servir à rien, ni comme moyen de connaissance, ni comme principe d’action.

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