II C’est, en effet, une bonne fortune, — et même la meilleure de toutes les fortunes, — pour qui se sent en soi le moindre génie historique, que de rencontrer sous sa main de ces figures très rares, à caractère ambigu ou à double caractère, qui exercent la sagacité et donnent un prix plus grand encore au mérite de la justice. […] Eh bien, c’est dans ce ton qu’il va, qu’il va droit devant lui, comme s’il revenait de… Stockholm ou de Pontoise, ne faisant jaillir sur sa route ni aperçu nouveau, ni opinion nette dont l’esprit du lecteur puisse être reconnaissant au sien, sur ce règne brillant et délabré qui commença si bien et finit si mal, plus semblable à un carrousel ou à une représentation théâtrale qu’au règne d’un roi sérieux qui sent sa fonction jusque dans le plus profond de sa conscience !
» sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense, et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !
C’est que cette philosophie qui, au xixe siècle, se réclame avec tant d’orgueil de Descartes et de son cogito, ergo sum, se sent des parentés certaines avec l’homme qui, clerc de l’Église de Dieu, introduisit le scepticisme là où l’Église avait mis ses sécurités sublimes, et déposé dans les esprits de son temps, comme dit Cousin : « le doute salutaire et provisoire qui préparait l’esprit à des solutions meilleures » que celles de la Foi. […] Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le xiie siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint, — (quel préjugé !)
Son esprit, qui n’était pas du génie pour en avoir les tristesses, était gai comme les esprits qui sentent leur vigueur. […] Quoique ardente d’amitié, elle sent jusque sur le cœur de ses amis cette misère… Elle pèse sur eux ; ils pèsent sur elle… Et sa gaieté mêlée à cette tristesse devient plus triste que la tristesse la plus désolée.
» sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !
», avec des reniflements d’ogre à jeun qui sentent la chair fraîche. […] Bonhomme ne s’est pas senti médiocrement embarrassé quand il a fallu classer l’irrespectueux contempteur de Rousseau et de Voltaire, assez intéressant pourtant à ses yeux pour qu’il ait songé à éditer ses œuvres posthumes.
On sent les os sous la peau, aux pommettes. […] C’est par là que sortait ce souffle dont le marquis de Louvois, blessé certainement par quelque épigramme de Sophie, disait, avec la haine qui trouve le mot comme le génie : « Savez-vous pourquoi elle sent si mauvais, Sophie Arnould ?