Mais au bout d’un instant l’artiste reprend la parole : il vous conduit au clocher, et dans le cliquetis des mots qu’il entasse, il donne à vos nerfs la sensation de la tourmente aérienne. […] Ses sensations sont perverties ; il n’ose s’en défier, il n’ose plus y croire, et dans ce cauchemar, où la raison engloutie ne laisse surnager qu’un chaos de formes hideuses, il ne trouve plus rien de réel que l’oppression incessante de son désespoir convulsif.
Dans l’engourdissement de la sieste, le ratissage des allées, me donne la sensation d’être peigné avec un peigne aux dents édentées. […] Là-dessus, son père lui dit que, dans le langage non articulé, qui est la musique, Wagner lui a donné des sensations, comme aucun musicien, mais que dans le langage articulé, qui est la littérature, il connaît des gens qui sont infiniment au-dessus de lui, notamment, le nommé Shakespeare.
Mallarmé avait déjà écrit des poèmes sans ponctuation, mais brefs et qui ne voulaient donner que des images ou des sensations uniques. […] Je faisais cette remarque à l’un des décors de Faust, extrêmement agréable, d’une valeur de tableau, mais, comme un tableau, donnant la sensation d’être en dehors du mouvement.
∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙ A l’idée de la voir s’approcher de moi, animée d’une vie véritable, je me sentais comme oppressé par une sensation pénible, et incapable de conserver auprès d’elle ma sérénité et ma liberté d’esprit. ∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙ Quelque beaux que pussent être son bras ou sa main, jamais je n’aurais pu supporter ses caresses sans une certaine répugnance, un certain frémissement intérieur qui m’ôte ordinairement l’appétit. — Je ne parle ici qu’en ma qualité de chien ! » J’ai éprouvé la même sensation que le spirituel Berganza devant presque tous les portraits de femmes, anciens ou présents, de MM. […] La véritable mémoire, considérée sous un point de vue philosophique, ne consiste, je pense, que dans une imagination très-vive, facile à émouvoir, et par conséquent susceptible d’évoquer à l’appui de chaque sensation les scènes du passé, en les douant, comme par enchantement, de la vie et du caractère propres à chacune d’elles ; du moins j’ai entendu soutenir cette thèse par l’un de mes anciens maîtres, qui avait une mémoire prodigieuse, quoiqu’il ne pût retenir une date, ni un nom propre. — Le maître avait raison, et il en est sans doute autrement des paroles et des discours qui ont pénétré profondément dans l’âme et dont on a pu saisir le sens intime et mystérieux, que de mots appris par cœur. — Hoffmann.
Le Traité des sensations n’est également qu’une « adaptation » des Essais sur l’entendement humain. […] Car, nos sentiments c’est nous-mêmes, ou plutôt, chacun de nous n’est soi qu’autant que ses sentiments s’expriment en toute liberté, et c’est cette liberté même qui est la nature : « Nous naissons tous sensibles… Sitôt que nous avons, pour ainsi dire, conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent. […] — Elle l’aurait en tout cas plus mal encore inspiré quand elle lui a dicté ses Bijoux indiscrets, 1748 ; — un mauvais roman dans le goût de ceux de Duclos et de Crébillon ; — infiniment plus grossier ; — et un livre dont il dira plus tard « qu’il se couperait volontiers un bras pour ne pas l’avoir écrit ». — Sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, 1749 ; — et de l’intérêt qu’en offre la comparaison avec le Traité des sensations, de Condillac. — Elle vaut d’ailleurs à Diderot d’être mis à Vincennes ; — non point pour aucune hardiesse qu’elle contienne ; — mais pour une phrase qui déplaît à Mme Dupré de Saint-Maur, — l’amie de Réaumur, de l’Académie des sciences. — De la différence de situation entre Diderot et d’Alembert ; — et qu’il n’est pas impossible qu’elle soit pour quelque chose dans les tiraillements qui se produiront entre eux. — Le vrai portrait de Diderot tracé quelque part par Bacon : « Sunt qui cogitationum vertigine delectantur, ac pro servitute habent fide fixa aut axiomatis constantibus constringi. » IV. — Les premières difficultés de l’Encyclopédie Si les Jésuites qui rédigeaient le Journal de Trévoux ont été jaloux du succès de l’Encyclopédie ? […] Les fragments de l’Hermès ; — et qu’il n’est pas malaisé d’y reconnaître les mêmes caractères, — et d’en signaler d’autres qui sont également du xviiie siècle. — Tout imprégné des idées de Buffon, André Chénier s’y fût montré l’interprète enthousiaste de la philosophie de son temps ; — et déjà le poète de la « concurrence vitale ». — Il y eût expliqué, comme Voltaire et comme Condorcet, l’origine des religions ; — en les accusant de la plupart des maux qui ont désolé l’humanité ; — et en reprochant aux « prêtres » de les avoir exploitées. — Enfin, dans son troisième chant, disciple de Condillac, — il eût développé la doctrine de la « sensation transformée » ; — proclamé d’ailleurs la tendance invincible de l’homme « à la vertu et à la vérité » ; — et terminé par un hymne à la « science » [Cf.
Muni de ce passeport, le jeune homme va un soir à l’Opéra ; il fait sensation dans le monde féminin ; on se questionne, on apprend son nom, dignus est intrare, et toutes les dames, jeunes ou vieilles, l’attirent, et lui prouvent avec frénésie qu’elles le considèrent comme un gentilhomme. […] Tout ce qui se sent, se voit et s’entend, éveillait au fond de son être des sensations joyeuses ; oui, je l’ai dit, même la souffrance, surtout la souffrance ; parce que tout lui parlait de Celui qui est la souveraine joie. […] « Ainsi se développe ce poème changeant, si harmonieux, aux phases nuancées, si étroitement suivies et unies que l’on a la sensation, par ces quinze toiles, d’une seule œuvre aux parties inséparables. […] « Sans doute, à plusieurs reprises, dans les bals et dans les dîners, où sa beauté robuste faisait sensation, des cavaliers s’étaient rencontrés fort disposés à mordre au plein de cette carnation tentatrice. […] Et merci. » Que de charme mélancolique dans cette philosophie qui ne cherche point à en être et n’est faite que de sensations, dans cet examen de conscience d’une femme « accoudée devant sa glace » cherchant à voir son âme passer dans ses yeux.
Je comprends que ce brave Veyne ait ressenti une douce sensation en se trouvant si naturellement et si justement mêlé à cette biographie voilée.