Si la peinture est poussée au noir, il reste que tous les traits portent la marque de la sensation directe. […] Mais je n’ai jamais retrouvé la sensation de bien dire comme avec vous et avec Guérin. […] Mais l’art de concréter les sensations avec des mots, qui donc l’a pratiqué plus que Théophile Gautier ? […] Cette sensation arrive à me surprendre comme un bruit soudain qui troublerait un profond silence. […] Cette épreuve amère achevait de créer en lui l’écrivain, l’être de sensation profonde, de personnalité suraiguë.
Phèdre est sous le joug de la fatalité, les sensations inspirent Anacréon, Tibulle mêle une sorte d’esprit madrigalique à ses peintures voluptueuses, quelques vers de Didon, Ceyx et Alcione dans Ovide, malgré la mythologie, qui distrait l’intérêt en l’éloignant des situations naturelles, sont presque les seuls morceaux où le sentiment ait toute sa force, parce qu’il est séparé de toute autre influence.
Dans le premier, il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement.
Les plus vifs, les plus passionnés tirent de cette succession mobile une sorte de plaisir passager, enivrant, qui réduit sur eux l’impression de chaque idée nouvelle au charme d’une sensation ; ils s’éprennent et se détachent tour à tour, ils épousent presque un système nouveau comme Aristippe une courtisane, sachant qu’ils s’en lasseront bientôt : c’est une manière d’épicuréisme sensuel et raffiné de l’intelligence. […] Il y eut pourtant une vive sensation, comme on dit, mais stérile chez la plupart, et le nom de M. de La Mennais est resté pour eux un épouvantail ou une énigme. […] M. de La Mennais ne nie pas la raison de l’individu et la certitude relative des sensations, du sentiment et des connaissances qui s’y rapportent.
Il l’a nommée le mal de la Pensée, de « la Pensée qui précède l’expérience au lieu de s’y assujettir »1, « le mal d’avoir connu l’image de la réalité avant la réalité, l’image des sensations et des sentiments avant les sensations et les sentiments… »2 C’est, dit-il à l’occasion des personnages de Flaubert, à cette image anticipée, « à cette idée d’avant la vie que les circonstances d’abord, puis eux-mêmes font banqueroute » 3. […] Quoi principe hystérique s’élève du fond même de notre nature comme un mode à rebours de notre sensation exaspérée ?
La cause de la sensation supprimée, la sensation disparaît, ne laissant qu’un vague souvenir, une obscure image, qui disparaîtra bientôt refoulée dans les profondeurs de l’être par la masse des impressions ultérieures.
Il y a de tout dans son style : analyse, synthèse, idée, sensation, hallucination, réalisme, romantisme ; c’est un monde grouillant, qui n’a pas toujours la beauté, qui du moins a souvent la vie. […] Avec ce vif sentiment de la réalité que nous avons déjà vu en lui, il voit le tableau, et le fait voir : Avant de déclamer, et tout en déclamant, il nous met sous les yeux la peinture ou il accroche ses réflexions ou ses effusions : en cinq lignes, en une demi-page, il nous en donne la sensation.