Jomini, qui semble venu tout exprès pour concevoir et pour exposer la science stratégique à son moment le plus mûr et le plus avancé, est un des plus frappants exemples des vocations premières et des qualités spéciales que la nature dépose en germe dans un cerveau, toutes prêtes à éclore et à se développer au premier souffle des circonstances. […] Jomini eut de bonne heure cela de particulier d’être organisé pour concevoir et deviner les plans militaires de Napoléon ; on aurait dit que, par une sorte d’harmonie préétablie, sa montre avait été réglée sur celle du grand capitaine, dont il devait être le meilleur commentateur, le critique le plus perspicace et dont il semble, en vérité, qu’il aurait pu être le chef d’état-major accompli ; mais, pour un tel office, j’oublie qu’il joignait à ses qualités un défaut incompatible et incurable : c’était d’avoir en toute occurrence son avis, à lui, et de raisonner. […] Si ignorant du métier que l’on soit, à le lire avec soin, il semble en vérité qu’il ait presque toujours raison, même contre les généraux les plus célèbres.
Celui qui n’aperçoit dans les mines où les métaux se préparent, que le feu dévorant qui semble tout consumer, ne connaît point la marche de la nature, et ne sait se peindre l’avenir qu’en multipliant le présent. […] Cette passion ne connaît que l’avenir, ne possède que l’espérance ; et si on l’a souvent présentée comme l’une des plus fortes preuves de l’immortalité de l’âme, c’est parce qu’elle semble vouloir régner sur l’infini de l’espace, et l’éternité des temps. […] En m’attachant avec une sorte d’austérité, à l’examen de tout ce qui doit détourner de l’amour de la gloire, j’ai eu besoin d’un grand effort de réflexion, l’enthousiasme me distrayait, tant de noms célèbres s’offraient à ma pensée ; tant d’ombres glorieuses, qui semblaient s’offenser de voir braver leur éclat, pour pénétrer jusques à la source de leur bonheur.
Nous la retirerons de cette place invariable où elle semblait confinée par un syllogisme, nous la porterons tantôt au milieu, tantôt au commencement, et nous la ferons voyager par toute la fable. […] Quand nous voyons un noble chêne, dont les racines s’enfoncent dans le sol comme des pieds d’athlète, étendre ses branches noires chargées de feuilles sonores, et dresser son tronc serré par l’écorce comme par des muscles tendus, nous l’imaginons plus grand et plus fort encore ; nous élargissons sa voûte, nous tordons son écorce, nous raidissons ses bras, nous couvrons sa masse sombre d’une plus riche lumière, et il nous semble alors que la nature n’a pu accomplir son dessein, que ses lois ont entravé son action, que son oeuvre n’est pas égale à son génie. […] Envers lui, celui est avis, Tous lui semblent sales et vis (vilains).
Il semble qu’il ait passé sa vie à souffler des idées creuses. […] Le cartésianisme menace assurément le christianisme : par le développement nécessaire de son principe, il produira la philosophie du xviiie siècle, quoiqu’elle semble l’avoir rejeté ; mais elle a gardé en effet la foi exaltée en la raison, au progrès, la passion de la recherche scientifique, la rigueur de la méthode analytique. […] Ainsi sa philosophie semblait se faire l’auxiliaire de la foi, et donner un fondement rationnel au dogme traditionnel et révélé.
Le frêle et délicat Henri Degron y susurrait des airs mièvres avec indolence et semblait un jeune prince annamite, privé de soleil, s’étiolant sous la rigueur de nos climats. […] Raymond de la Tailhède, tout en hochant la tête, par intervalles, en signe de courtoisie pour les orateurs dont il semblait suivre les disputes, s’absorbait en réalité dans une sorte de contemplation muette et ne se départait pas d’ourdir, au milieu du bruit, la trame de son éternel songe éveillé. […] Les saillies brusques et les boutades du caustique Ernest La Jeunesse qui les défendait mal, semblaient n’intervenir qu’à la façon de l’huile sur le feu.
Il me semblait qu’en touchant cette terre sacrée, berceau de notre croyance, je commençais une nouvelle vie. — Oh ! […] Il serait prématuré et peu convenable de détacher ici ces jugements, qui seraient nécessairement tronqués, et qui sembleraient intéressés sous notre plume. Vivant ou mort, il ne faut pas que, de la part du maréchal, une approbation, une louange exprimée dans l’intimité semble venir solliciter une faveur et une grâce ; ce serait aller contre sa pensée.
Tandis que le savant qui étudie la nature physique a le sentiment très vif des résistances qu’elle lui oppose et dont il a tant de peine à triompher, il semble en vérité que le sociologue se meuve au milieu de choses immédiatement transparentes pour l’esprit, tant est grande l’aisance avec laquelle on le voit résoudre les questions les plus obscures. […] Mais parce que la Société n’est composée que d’individus4, il semble au sens commun que la vie sociale ne puisse avoir d’autre substrat que la conscience individuelle ; autrement, elle paraît rester en l’air et planer dans le vide. […] Il déplaît à l’homme de renoncer au pouvoir illimité qu’il s’est si longtemps attribué sur l’ordre social, et, d’autre part, il lui semble que, s’il existe vraiment des forces collectives, il est nécessairement condamné à les subir sans pouvoir les modifier.