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272. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Avait-il, comme l’indique un rhéteur du quatrième siècle, composé des hymnes en l’honneur de la nature, ὕμνους φυσιολογικούς, c’est-à-dire des chants de louange et d’admiration sur les éléments et les principes des choses, tels que la science novice les concevait alors ? […] Né à Samos, voyageur en Orient et législateur de villes grecques en Italie, sa science des nombres, sa théorie morale de la musique, et la part qu’il lui donnait dans l’ordre même du monde céleste, attestent dès l’origine quelle influence l’imagination devait prendre sur la civilisation des Grecs. […] Très grande de son vivant, sa célébrité s’accrut avec le temps dans l’imagination des Grecs ; et, après le grand siècle des arts et de la science, lorsque le monde polythéiste fut troublé et divisé par une lumière nouvelle, le nom d’Empédocle, les légendes sur sa vie, les prodiges attribués à sa science magique, furent un des secours dont s’étayait l’ancienne croyance. […] C’est ainsi que moi-même aujourd’hui je suis transfuge du ciel et voyageur errant. » Cette fiction cependant et bien des vers çà et là conservés par Aristote, sur la puissance des éléments et les passions allégoriques dont Empédocle anime la matière, ne nous permettraient pas de le ranger parmi ceux qu’on a nommés ingénieusement les prophètes de la science. […] Sans doute, dans quelques vers épars d’Empédocle sur les premières ébauches de création fortuite, on pourrait voir ce panthéisme où, depuis tant de siècles, ont abouti souvent la fausse imagination et la fausse science ; mais il semble, au contraire, malgré les éloges de Lucrèce, que le poëte d’Agrigente était spiritualiste au plus haut degré dans sa Cosmogonie comme dans sa morale.

273. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

La théodicée n’a pas de sens, envisagée comme une science particulière. […] La science ne commence qu’avec les détails. […] Les faces de l’unité sont seules objet de science. […] Nous autres, qui avons l’art, la science, la philosophie, nous n’avons plus besoin de l’église. Mais le peuple, le temple est sa littérature, sa science, son art.

274. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

La science et l’industrie, cette conséquence appliquée de la science, allaient devenir une des branches de notre littérature. […] La France doit à ce grand coloriste sa langue littéraire mise au service de la science de la nature. […] Le temps approche de l’union plus complète de la science et de la littérature, temps où l’homme ne chantera plus avec l’imagination seulement, mais avec la science, le poème de la nature. […] Remarquez bien que nous ne parlons ici que des lettres et non des sciences. Dans les sciences, les académies sont utiles à grouper les faits et à populariser les découvertes.

275. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

C’est que la science n’en a que faire dans le cas actuel. […] Elle a simplement extrait du devenir ce qui intéresse la science, et la science ne pourra d’ailleurs utiliser cet extrait que parce que notre esprit rétablira le devenir éliminé ou se sentira capable de le faire. […] Ils se diviseront en deux camps, selon qu’ils tiendront davantage aux données de l’expérience ou au symbolisme de la science. […] L’objet de la science est de calculer, et par conséquent de prévoir : nous négligerons donc votre sentiment d’indétermination, qui n’est peut-être qu’une illusion. […] N’oubliez pas que c’est une hypothèse, et qu’elle traduit simplement certaines propriétés de faits tout particuliers, découpés dans l’immensité du réel, dont s’occupe la science physique.

276. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Tel est le problème qui se pose aux limites idéales de notre science. […] « Il n’y a aucune science, ajoute-t-on, qui ne parle de ce que les choses sont en elles-mêmes, en dehors de toute perception actuelle. La science présuppose donc l’idée d’une vérité absolue. » A cette théorie nous répondrons d’abord que, si la science se place en dehors de toute perception actuelle, elle ne se place pas en dehors de toute perception possible. […] Je construis ainsi l’idée d’une béatitude infinie, d’une puissance infinie, d’une intelligence embrassant tout dans sa science infinie, etc. […] La science produit, par exemple, la puissance et le bonheur.

277. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Ce n’est pas là seulement le scepticisme dans l’histoire, c’est le plus bel aveu d’impuissance que la Science inconséquente, — car elle se pose en le faisant — ait jamais fait ! […] Voilà pourquoi le monde hésite à admettre cette notion de la Critique en dehors du monde, et se soucie médiocrement qu’on le mette à feu sous prétexte de science dans l’intérêt de la plus vaine et de la plus inepte curiosité. […] On dirait, à les voir tous dans cette préface, des aliénés, à force de science, occupés à chercher la petite bête invisible, la mouche narquoise de l’impalpable qui fuit leur main. […] À consulter ce livre, on voit que, dès son début dans la science, M.  […] Hors l’Institut (et encore peut-être), qui prendrait goût à ces casse-tête chinois de la science vaine et de l’analyse impossible ?

278. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

C’est une ruse, qui augmente plutôt leur prestige que leur science. […] Les médecins modernes n’ont presque rien inventé de plus absurde, mais ils ont inventé davantage, et renouvelé à la fois leur science et l’art d’en voiler la faiblesse au vulgaire. […] De l’usage des termes grecs dans les sciences médicales, on donne cette explication qu’il est impossible de tirer tel dérivé nécessaire de tel mot français. […] Sociologiquement Paléoethnologie Mammologique Leptorrhinienne Néolithique Néanderthaloïdes Protohistorique Troglodytes Mégalithiques Métazoaire Protozoaire Hyperzoaire Quelques-uns de ces mots sont d’une laideur neutre et bête ; les autres sont hideux à dégoûter de la science et de toute science. […] Nodier disait déjà, en 1828 : « La langue des sciences est devenue une espèce d’argot moitié grec, moitié latin… Il faut prendre garde de l’introduire dans la littérature pure et simple… « Le mal est fait.

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