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248. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Son esprit ferme et sagace lui révéla tout d’abord qu’en fait de sciences historiques, c’était là qu’il y avait le plus de travail utile à dépenser, le plus de vrai à découvrir. […] Il voyait l’immense avenir d’une science qui nous fournira un jour sur la haute antiquité des lumières inattendues. […] Quand elle commença à lui sourire, le stoïcien eut des scrupules ; il crut qu’il allait perdre de sa noblesse en acceptant le prix qu’il avait si bien mérité ; il sembla se dérober, se soustraire… On ne se console de ces dures leçons infligées à notre orgueil qu’en songeant que la science est éternelle, qu’elle n’est point assujettie aux lois fatales de notre fragilité. Guyard a largement travaillé pour sa part au grand édifice de la science moderne, dont les profondeurs cachent tant d’efforts anonymes.

249. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Ainsi que le sang parcourt le corps qu’il anime, de même ces idées générales, répandues dans la science nouvelle, l’animeront de leur esprit dans toutes ses déductions sur la nature commune des nations. […] Si les philosophes et les philologues eussent évité ce double écueil, ils eussent été plus utiles à la société, et ils nous auraient prévenus dans la recherche de cette nouvelle science. […] C’est le premier des trois principes de la science nouvelle. […] Les gouvernements doivent être conformes à la nature de ceux qui sont gouvernés. — D’où il résulte que l’école des princes, c’est la science des mœurs des peuples. […] Les sciences doivent prendre pour point de départ l’époque où commence le sujet dont elles traitent34.

250. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Il procéda à l’élimination des éléments trop décidément irréligieux que la Renaissance avait introduits dans l’Église ; il reconnut aussi sa corruption, et s’efforça d’y remédier par une énergique restauration de la foi, de la science et des mœurs. […] L’érudition, pareillement, et toutes les sciences se constituent hors de la littérature, avec leur caractère technique, et cette impersonnalité qui n’a rien de commun avec l’objectivité artistique. […] Un certain goût, une certaine humeur, enfin une nature d’homme apparaît sans cesse, qui court à son plaisir, suit une curiosité personnelle dans la prise de telle matière, dans ce libre vagabondage à travers tout l’inexploré des sciences historiques et philologiques. […] C’est parce qu’ils fournissent la naïve expression d’un tempérament personnel, et, en lui, de l’universelle humanité, que Paré209 et Palissy210 peuvent encore avoir d’autres lecteurs que les historiens de la chirurgie ou des sciences physiques et naturelles. […] D’autant que la science de Palissy n’est point abstraite : ce curieux obstiné, qui vécut tant d’années pour son idée, ce sévère huguenot, qui n’échappa à la Saint-Barthélemy que pour mourir à la Bastille, s’est mis tout entier dans tous ses ouvrages ; il ne peut parler agriculture et chimie sans répandre au dehors toute son originale et forte nature, sa large intelligence, sa liante moralité, son ample expérience de l’homme et de la vie.

251. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

J’ai suivi jusqu’ici l’ordre et la discipline de nos collèges, parce que j’en ai connu par mon expérience l’utilité pour les bonnes mœurs et pour les progrès dans la science. […] Est-ce que la science s’acquiert sur un oreiller ? […] La fonction de ce chapelain, les jours de fêtes et les dimanches, après la célébration de l’office divin, serait d’encourager les étudiants à la science et aux vertus. […] C’est lui qui prononcerait la peine, c’est lui qui distribuerait les prix de science et de vertus. […] la science approfondie de la matière qu’il doit enseigner, une âme honnête et sensible.

252. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Et de ce que la conscience ne mesure pas la quantité intensive, il ne suit pas que la science n’y puisse indirectement parvenir, si c’est une grandeur. […] D’ailleurs ce changement n’implique pas succession, à moins qu’on ne prenne le mot dans une acception nouvelle ; sur ce point, nous avons constaté l’accord de la science et du sens commun. […] Ces deux éléments, étendue et durée, la science les dissocie quand elle entreprend l’étude approfondie des choses extérieures. […] La science a pour principal objet de prévoir et de mesurer : or on ne prévoit les phénomènes physiques qu’à la condition de supposer qu’ils ne durent pas comme nous, et on ne mesure que de l’espace. […] Mais si le temps, tel que la conscience immédiate l’aperçoit, était comme l’espace un milieu homogène, la science aurait prise sur lui comme sur l’espace.

253. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

La science politique s’est « constituée en science » sous le nom de Sociologie ; et c’est à quoi je ne m’oppose point ; mais, soucieuse d’être rigoureusement « scientifique », elle se réduit le plus souvent à des travaux de statistique, qui, certes, sont héroïques, mais où elle s’enterre et d’où elle n’a aucune action ni aucune prise sur l’opinion publique. […] Proudhon, bien qu’ouvert à toute idée, grâce à l’extrême souplesse de son esprit, et capable de comprendre tour à tour les aspects les plus divers des choses, ne me semble pas avoir conçu la science d’une manière assez large… Sa science est trop exclusivement abstraite et logique. […] Autrement dit, la politique est une science. […] Il faut donc l’accepter, en attendant le règne de la science accomplie et absolue. […] Travail et art ; science, non pas, ou pas encore, et sans doute jamais.

254. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Conclusion de ce livre » p. 247

Voilà pourquoi elle a été tant regrettée ; cependant, dans la réalité, elle ne fit que les ébaucher, tels que nous les avons trouvés dans les fables ; ces germes féconds nous ont laissé voir dans l’imperfection de sa forme primitive la science de réflexion, la science de recherches, ouvrage tardif de la philosophie. On peut dire en effet que dans les fables, l’instinct de l’humanité avait marqué d’avance les principes de la science moderne, que les méditations des savants ont depuis éclairée par des raisonnements, et résumée dans des maximes.

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