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1391. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Et pour tous ceux qui savent s’élever au-dessus des rubriques des partis et de leurs hypocrites langages, la vraie et la seule grandeur n’est-elle pas ici du côté de la vérité de l’histoire ? […] Assurément un souffle qui n’est pas celui de la bouche d’un homme a passé dans le livre des Prisons, sur cette giroflée jaune du mur d’un captif que toute l’Europe a respirée, les yeux en larmes ; mais ce souffle ne s’est purifié, il n’est devenu complètement pur que dans cette correspondance très infime de tout, de vue, de pensée, de passion, d’éloquence et même d’événements, et que cependant il faut lire pour savoir quelle saine et adorable chose le christianisme peut faire… avec rien ! II Nous le savions, nous, et cependant nous l’avons appris là encore. […] « Il me semble voir par la plus récente des lettres de M. de Haller, — écrit Silvio à la comtesse Masino di Mombello, — qu’en voulant un peu me justifier, vous avez, sans le savoir, dépassé les termes exacts de la vérité. […] L’Ange prisonnier de la poésie, la sainte Hostie du Spielberg, toutes ces vignettes idolâtres, tous ces romanesques culs-de-lampe qui font rêver les cœurs candides, n’existeront plus, et qui sait ?

1392. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Et, en effet, si l’on veut y réfléchirai ne fallait pas une pénétration bien grande ou des connaissances bien étendues pour savoir que la question posée par l’Académie était, par cela même qu’elle était posée, résolue dans la conscience de l’Académie. […] On ne saurait trop en prévenir les esprits qu’attire une certaine impartialité de langage : il faut se défier infiniment de E.  […] Chastel passe de cette merveilleuse histoire, qui met toutes les notions du progrès en arrière de nous et non pas en avant, aux applications contemporaines, et c’est alors que le rationaliste moderne, ce double-fond du protestant, commence de montrer cette longue oreille que la dépouille lumineuse de ces lions de sainteté et de doctrine, les Chrysostôme, les Basile, les Pacôme, ne saurait entièrement cacher. […] Chastel porte la marque, l’ineffaçable marque de cette chattemite de philosophie qui fait la sobre, la modérée, l’honnête, quand elle frappe à la porte tranquille des Académies, et qui n’en est pas moins cette philosophie dangereuse qui prendra le monde qu’il a fait au catholicisme, si le catholicisme ne sait pas le garder ! […] couronner l’auteur d’un livre pareil, en toute circonstance c’est montrer à quel point les respectables auteurs du dictionnaire de la langue française peuvent être dupes des mots et des formes limpides que la pensée sait parfois revêtir.

1393. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Mais l’Académie, qui a retiré de ses programmes futurs la question posée par elle dans ce brumeux français qui la distingue, l’a comblé de compliments par l’organe de son rapporteur, Baudrillart, très compétent, comme on sait, en matière d’analyses morales, pour les avoir étudiées dans le Faste funéraire et les Fêtes publiques sous l’ancienne monarchie. […] Les académies touchent parfois de leurs mains aveugles et tâtonnantes à des questions qui leur feraient peur si elles en voyaient la portée, comme des enfants qui touchent à des armes chargées et qui ne savent pas que ce qu’ils touchent là, c’est peut-être la mort ! […] Iis ne savent que dire du passé et ils présument tout de l’avenir : voilà leur science et leur sagesse ! […] Et, au fond, c’est toujours la même bête qu’on ne peut pas monter, un cheval incertain qu’on ne saurait affirmer quand on est un peu de ces hardis esprits qui mettent leur honneur à n’oser pas affirmer le cheval pâle de l’Apocalypse ! […] C’est un homme qui mériterait d’être resté ce qu’il était dans l’origine, une santé spirituelle, un beau tempérament bien venu, mais qui, au contact de son siècle, a contracté les maladies intellectuelles d’une époque hégélienne hier, — nihiliste aujourd’hui, — et qui, si elle n’est tout à fait morte, deviendra on ne sait quoi demain !

1394. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

N’ayant rien, n’obtiens-tu rien, sans savoir pourquoi ? […] Je ne sais trop s’il y voit trouble Ou si l’architecte y voit bien : Les plus riches paieront le double, Les pauvres, dit-il, presque rien ! […] Mais, s’il est sentimental par l’inspiration, — et un sentimental exquis, même quand il est gai, écoutez plutôt : Vous voulez savoir la cause, La cause de ma douleur J’ai frappé chez le bonheur, Et j’ai trouvé porte close. […] Nous, qui avons toujours accueilli avec joie et même avec tressaillement toute personnalité de poète qui a cherché à se dégager de la prose du temps, nous savons trop combien cette prose, qui monte toujours, a été puissante contre l’énergie des plus fiers instincts, révoltés pour lui échapper. […] Nous aimons à louer avec ferveur et sympathie, un talent très-réel, très-ému, très-naturel et aussi très-cultivé, mais il faut bien reconnaître que M. de Châtillon, triple artiste, peintre, sculpteur et poète, qui n’est pas un jeune homme sans expérience, et dont le début pour le public n’est pas un début pour la Muse, n’a pas su préserver un talent d’une inexprimable délicatesse des épaisseurs et des grossièretés de l’art de son temps.

1395. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Jules Levallois va payer sa finesse… Quand il s’agit de Corneille et qu’on a dit à l’imagination qui l’admire : « Tu ne sais pas tout, ma petite, et je vais te montrer tout à l’heure un Corneille dont tu ne te doutes pas !  […] Le critique rompu à la Critique l’a emporté ici sur le poète, dans un écrivain qui est, je le sais, poète à ses heures. […] Mais qui sait ? […] Je ne sache rien de plus touchant… On croit que l’armure impénétrable d’Achille, c’est la gloire, et pas du tout. […] Que le Corneille des jeunes années eût aimé Marie Courant, comme Byron aima Marie Chaworth, et ne fût pas plus heureux que Byron, car Marie Courant épousa un je ne sais qui, comme Marie Chaworth, c’est un malheur que la jeunesse — cette belle Hercule de la jeunesse, qui porterait le ciel sur ses épaules, s’il y tombait ! 

1396. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

En littérature, l’Italie ne dispense pas d’avoir du génie quand on parle d’elle, et quand il n’y a qu’elle dans un livre, elle ne saurait donner à ce livre l’intérêt que le talent créé, car le talent seul fa dà se ! […] Qui sait ? […] Tout cela est la défroque pittoresque et littéraire de l’Italie, haillons en poudre qu’une main distinguée ne touche plus et dédaignerait de remuer, mais sous lesquels l’œil fin aperçoit des réalités sociales et individuelles de l’intérêt le plus attachant et le plus vif, — comme celles-là, par exemple, que, dans sa Chartreuse, Beyle a su peindre avec génie, mais qu’il n’a pas épuisées. […] Les Amours d’Italie, ce titre qui faisait rêver, ne fera plus rêver personne quand on saura qu’ils ont été écrits par M.  […] les hommes ne sauront jamais ce qu’elle leur rend quand ils se donnent à elle !

1397. (1929) Amiel ou la part du rêve

On ne le saura qu’après sa mort. […] Mais Socrate savait l’amour. […] On ne saurait non plus refuser — bien au contraire ! […] » Elle sait qu’elle n’est pas la seule. […] Teste ne saurait le dire sans être marionnette.

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