Puis le savant, en qui s’est développé par l’étude attentive le goût des enchaînements logiques et des synthèses d’idées, mais dont le mode de connaissance ne s’élève pas au-dessus d’un certain ordre de rapports constants. Le savant ne peut s’évader du relatif. […] À mille lieues de l’ignorant et dans une toute autre planète que le savant, vivent le métaphysicien et l’artiste, — je ne parle ici que de ceux qui méritent vraiment l’une ou l’autre de ces appellations. […] La distance qui sépare l’artiste ou le métaphysicien du savant fut mesurée par Kant, par Fichte et par les premiers romantiques allemands si profondément symbolistes, tel Novalis. […] Pareillement le savant.
Mais alors les voies littéraires n’étaient pas préparées au génie ; les langues, celles du nord en particulier, n’étaient pas faites, ou n’étaient pas polies : il n’y avait qu’une seule langue commune à tout le monde savant, et vraiment digne de lui ; l’enfant qu’on destinait aux lettres l’apprenait en naissant, et le latin pour lui était presque la langue de sa nourrice. […] Qui le lirait, hors les savants, si le choix du sujet ne faisait passer sur le choix du langage ?
L’histoire paraît avoir mis le premier de ces deux rois sur la même ligne que son rival de gloire Charles-Quint, qui avec beaucoup plus de talents que lui, n’intéressa pas tant de plumes à le célébrer, et qui négligea la vanité futile d’être l’idole de quelques savants, pour l’honneur moins réel encore et plus funeste d’être la terreur de l’Europe. […] Pour éviter un pareil reproche, tirons le rideau sur ces tristes fruits de l’accueil qu’on fait dans le monde aux savants. Quand je dis les savants, je n’entends pas par là ceux qu’on appelle érudits ; c’est une nation jusqu’ici assez peu connue, peu nombreuse, peu commerçante, et qui certainement n’en est pas plus blâmable. […] « Les savants et les écrivains célèbres qui vous approchent en si grand nombre, applaudiront à l’hommage que je vous rends. […] « L’accueil favorable, dit-il, que les savants ont déjà fait à ce fruit de mes travaux, m’a inspiré le désir et la confiance de vous l’offrir.
Ses poésies sont un fruit de l’esprit français réduit à ses seules ressources, policé par le contact plutôt que fécondé par la pratique savante de l’antiquité, et ayant une sorte de maturité précoce, après laquelle la décrépitude commence. […] Il se défendit d’abord avec tout le crédit que lui donnait l’ancienneté de la faveur, dans une cour d’ailleurs fort peu savante Ronsard, qui se plaint d’en être méprisé devant les rois, avoue la peur qu’il avait de la tenaille de Mellin. […] Les dames se les faisaient traduire par leur savant familier. […] Il adressa le second livre à une personne d’un rang plus modeste et d’un nom moins savant, à Marie. […] De là ce langage si singulier, amalgame de langues savantes et de patois provinciaux, bariolé d’italien, de grec et de latin, de mots savants et de mots de boutique ; vrai pêle-mêle d’audace et d’impuissance, de stérilité et de facilité formidable, d’inexpérience et de raffinement, de paresse et de labeur, qui a donné à Ronsard une sorte d’immortalité ridicule.
Mais le devoir est : De savoir et de penser, selon en premier lieu le savoir et la pensée du savant qui expérimenta. […] Tant que de même la Poésie, présentement après le savoir du savant, et, en l’expression émotive et dramatique, après la musique, rendue à ses puissances désormais ! dominera : et telle elle sera, savante et suggestive en partant des données des Sciences à leurs points d’identité, en une langue savamment multisonnante, — ou elle n’a plus droit d’exister. […] Brutale s’il est nécessaire, mais savante continuement : trouvant entre les timbres-vocaux la nuance transitoire, et, pour les consonnes, les remplaçant entre elles, opérant les permutations phoniques de leurs degrés, — l’Allitération, ainsi, devient en elle-même telle qu’une adventice série instrumentale… Pour terminer, sans rappeler sa particularité de couleur et de timbre, il sied dire de « l’e muet » quel précieux élément instrumental il est, — qui peut toutes nuances selon sa place, depuis donner une valeur pleine, ou éteindre et lui-même et presque les sonorités qui l’entourent. […] Et, que s’en souvienne la voix savante, savante instrumentalement du Lecteur, — qui, lui qui sait vraiment lire, tout haut et en toutes les valeurs sonores et idéales que nous aurons voulues, interprétera l’Œuvre.
Solon fut un sage, mais de sagesse vulgaire et non de sagesse savante (riposta). […] Il y a autant d’opinions sur ce sujet difficile, qu’on peut compter de savants qui en ont traité. […] Ce fut sans doute cette langue atlantique qui, selon les savants, exprimait les idées par la nature même des choses, c’est-à-dire, par leurs propriétés naturelles. […] C’est peut-être pour cette cause que plus tard le mot lettré a fini par avoir à peu près le même sens que celui de savant. — Il est encore résulté de cette ignorance de l’écriture, que dans les anciennes maisons il n’y a guères de mur où l’on n’ait gravé quelque figure, quelqu’emblème. […] Si les savants s’appliquent à trouver les origines de la langue allemande en suivant nos principes, ils y feront d’étonnantes découvertes.
Cette distribution toutefois ne serait point complète, car elle ne serait point savante, car elle ne serait point scientifique, cette édition ne serait point savante si nous n’y mettions pas des notes. Avez-vous jamais vu une édition savante, où il n’y avait pas des notes. […] Mais pour qu’elles soient plus savantes, pour même qu’elles soient savantes, nous les disposerons en paragraphes. […] — Si une note est savante, une note sur une note est savante au carré. […] Ajoutons qu’ils prétendent, sous le nom de scientifique, à une rigueur que les savants eux-mêmes, que les vrais savants ne connaissent point, qu’ils ne recherchent point, à laquelle ils ne prétendent point.